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03 mai 2020, 13:04
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Les mots s’échappent. Coulée de lave qui se renverse sur mon coeur. Plus je parle, plus j’ai à dire. Alors je continue, je dégueule, je dégouline d’insultes. Jusqu’à ce que l’Autre se lève. Alors, le regard toujours porté sur l’horizon du lac, je me tais et laisse le silence m’envahir. Il va me frapper, j’en suis persuadée. Allez, dépêche-toi ! Frappe-moi, s’il-te-plait. Je suis certaine que ton coup me réveillera, il me sortira de cet état lamentable dans lequel je suis, il me sortira de la mélasse de mes pensées, de la boue dans laquelle mon corps est embourbé. Patiente, j’attends. Mon coeur bat lentement, doucement.
Mais rien ne vient.
L’ombre s’éloigne.

Je tourne la tête, la surprise s’étalant sur mes traits. *Mais…*. Descendu du rocher, l’Autre s’éloigne. Il s’en va. C’est simple, il s’en va. Et à l’intérieur de moi, tout à l’intérieur de moi, je suis vide. Complètement vide. Complètement à la ramasse. *'Me frappe pas ?*. Il devait me frapper. Il devait le faire pour me réveiller. Il devait le faire parce que c’est dans l’ordre logique des choses. Mais non, il ne fait rien. Il parle. Il se détourne. Il s’en va.

Longtemps, je regarde dans sa direction. Ses mots tournent en boucle dans ma tête mais ne veulent rien dire. Je dirais rien, t’sais. Ils tournent, ils tournent. Sur ta magie. Ça veut dire quoi magie ? et rien ? et t’sais ? et dire ? Je n’en sais rien, je ne veux pas savoir, je ne peux pas savoir. Il y a mon corps qui tremble, mon corps qui a chaud, mon corps qui est vide.

*T’allais le laisser te frapper*.
La pensée apparaît si clairement dans mon esprit et cette vérité m’est si douloureuse à entendre que les larmes apparaissent enfin dans mes yeux. Ouais, j’allais le laisser me frapper. Pourquoi ? Parce que je ne vaux pas grand chose, depuis le bal. Parce que je ne suis pas grand chose, depuis le bal. Parce que c’est tout ce que je suis capable de faire, désormais : me laisser frapper par la vie, par le monde, par les Autres. Attendre que l’orage passe sans me défendre et sans me battre. *J’veux pas être comme ça* gémis-je intérieurement. Non, je ne veux pas. Mais je n’ai pas le choix, c’est ce que je suis désormais.

Je ramène mes jambes contre moi, tremblante. Je plonge la tête dans mes genoux pour me cacher du monde. Mes larmes s’écoulent hors de mes yeux et des sanglots me secouent les épaules. Je me sens misérable, je me sens dépassée, je me sens vide. Comment puis-je être vide ? Il y a tant de choses qui ne tournent pas rond, chez moi. Vide, alors que mon coeur se gonfle d’émotions ; vide, alors que ma tête brûle de pensées ; vide, alors que mon corps est secoué de tremblements.

Je ne suis pas bien normale, moi.
C’est la première fois que ça me fait aussi mal de le comprendre.

- Fin -


Je ne pensais pas que tout ça se passerait, vraiment pas. Je suis très agréablement surprise, même si ma Protégée pleure et que ça, ce n'est pas agréable. Merci à toutes les deux pour vos Mots. J'ai pris un plaisir énorme à écrire avec vous et je le referais avec plaisir. Même si nos Protégées ne se supportent pas, qu'importe ?