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05 sept. 2020, 11:37
 28.01.2045  Les Merveilles de Poudlard
Je rends son sourire à Aelle, à la fois amusée et étonnée que le lien ténu qui m’unissait autrefois au petit Messager des rêves ait vraisemblablement subsisté sous une forme que je n’arrive pas vraiment à m’expliquer. Le fait est que je n’ai pas appelé Zikomo à l’aide, mais que le petit animal a bel et bien perçu ma détresse.

« Zikomo, dis-je, comme s’il se tenait là, quelque part dans la serre, et qu’il pouvait surprendre mon appel. »

Je n’ai pas la moindre idée de la façon dont ce lien s’active, contrairement à ce que s’imagine Aelle. Devenu un être de chair et de sang, l’existence de Zikomo n’est plus régie par les mêmes règles que celles qui délimitaient autrefois son rôle de Messager d’Uagadou. Je reste songeuse tandis que mes yeux se tournent vers Rhys au moment où il reprend place sur son propre tabouret. Le cercle des comploteurs se reforme à nouveau.

Je réfléchis aux questions de Rhys, mais je me rends compte un peu tardivement qu’Aelle en a certainement trop dit. La rapidité d’esprit de son professeur fait le reste… Rhys fait le lien entre l’adolescente et mon séjour au Japon. Je ne sais pas vraiment pourquoi j’ai cette réaction mais je me fais toute petite sur mon tabouret, comme si j’avais soudain gagné la capacité de me rendre invisible. J’évite même de croiser le regard d’Aelle de peur qu’elle ne perde toute sa contenance devant Rhys. Si cette horrible Dai Hong Dao n’avait pas eu la bêtise de passer un marché avec Aelle, je ne serais certes pas ici mais Aelle n’aurait jamais été au devant d’un danger mortel comme celui qui me guettait au Japon. Et si les choses avaient réellement mal tournées ? Et si Aelle avait été blessée ou pire encore… ? Je chasse ces questions de ma tête en sachant pertinemment que j’aurais été incapable de me le pardonner. J’aurais perdu la raison.

Un raclement me ramène dans l’instant présent. Il provient de la porte qui connecte cette serre à sa voisine. Deux ou trois secondes passent avant qu’un autre raclement se fasse entendre, plus long celui-là. Comme si des griffes s’amusaient à attaquer le bas de la porte. Je me lève et ouvre la porte avec précaution de peur de découvrir un élève perdu ou pire, le professeur de Botanique. Mais ma crainte est de courte durée. Personne. Personne sauf cette boule de poils bleue, ce renard d’encre de Zikomo, qui se faufile entre mes jambes et s’empresse de bondir sur les genoux d’Aelle. Je referme la porte et reste debout contre elle, les bras croisés sur ma poitrine.

« Tu as fière allure, dis-je, toujours aussi surprise par sa transformation. Tu sembles t’être vite adapté à ton nouveau… toi ? »

Le renard d’encre se lèche les babines.

« Aucun rongeur ne me résiste. Je suis bien trop rusé. »

Pour être rusé, tu l’es. Aucun doute là-dessus.

« Tu as élevé la ruse au rang d’art… mais tu étais déjà rusé quand tu étais encore un Messager des rêves. Ce qui m’amène à cette question… t’est-il arrivé de surprendre des conversations entre mon grand-père et d’autres personnes dans son bureau avant d'atterrir ici ? »

Une lueur traverse le regard du petit animal qui se roule en boule sur les genoux de sa maîtresse, l’air de rien.

« Pas à ma connaissance. »

« Zikomo… mon brave Zikomo. Je ne te savais pas rusé et menteur. Un bon menteur n’est pas rusé, il est juste un insupportable menteur. Mon beau Zikomo, ne me dit pas que tu es un insupportable menteur… mon petit coeur ne le supporterait p… »

« C’est bon ! s’exclame le petit animal en relevant la tête. Il lève un regard désolé vers Aelle et repose son museau sur la pointe de ses genoux. Je ne suis pas un menteur, mais tu as tort de me prendre par les sentiments alors que je t’ai vu naître, grandir, et devenir la femme que tu es aujourd’hui. Ce ne sont pas des choses qui se font entre amis. »

J’esquisse un sourire en m’approchant de lui pour le caresser entre les oreilles.

« Oui tu es mon plus vieil ami sur cette terre. C’est pour ça que je te demande de me dire qu’est-ce que tu as entendu pour que mon grand-père accepte ton exile à l’autre bout du monde. »

Le renard d’encre se recroqueville un peu plus comme si quelque chose venait de lui faire mal. Je regarde Aelle puis Rhys, le coeur battant d’excitation à l’idée d’avoir réussi à mettre le doigt sur l’une des nombreuses clés de cette histoire.

« J’ai… articule Zikomo, hésitant. Je me baladais entre les murs de l’école un soir quand j’ai surpris le coup de sang du Maître… oui… je n’aime pas beaucoup ce souvenir… mais il était furieux… il y avait là tous vos oncles et vos tantes… et mêmes certaines de ses épouses… toute sa progéniture rassemblée dans son bureau, certains venus de très loin pour l’écouter s’emporter contre eux… il… il leur reprochait d’avoir perdu la trace de l’aîné… le premier fils du Maître… »

Toute sa progéniture hein… j’éprouve un pincement au coeur en me disant que ma mère aurait dû être des leurs, elle aussi… dans une autre vie peut-être.

« Qui est-il ? »

Le regard de Zikomo se fait plus lointain. Il se met à trembloter comme s’il avait froid tout d’un coup.

« Cygnus… une rumeur chez les Messagers dit qu’il y a très longtemps, lorsque le Maître d’Uagadou a pris possession de l’Elixir de Longue-Vie, Cygnus a trompé sa vigilance et a avalé tout le flacon… votre grand-père n’a jamais eu l’intention d’en boire… il s’en est emparé pour le cacher à tout jamais. Mais rien ne s’est passé comme il l’avait imaginé… et il a dû se résoudre à en boire pour… pour tenir tête à son propre fils… »

Je n’en crois pas mes oreilles. Tout le tonus dans mes jambes s’envole. Je me sens si faible que je m’accroche à l’épaule de Rhys pour ne pas tomber.

LES CONTES DE L'ŒIL
(En vadrouille jusqu'au 3 janvier inclus)
20 sept. 2020, 18:46
 28.01.2045  Les Merveilles de Poudlard
J'ai bien trop tardé, excusez-moi.

Je me décompose totalement à l’éclat du professeur Saunders. Mon coeur se met furieusement à battre, et même si ce n’est pas la chose à faire je tourne mon regard écarquillé en direction de Nyakane. *Merde !* me soufflent mes pensées, pourquoi ai-je dit une chose pareille ? C’est à cause de cet homme. À le voir parler ici avec nous, j’en ai oublié qu’il ne faisait pas partie de notre petit groupe et qu’il y avait certaines choses qu’il n’avait pas à savoir. J’aimerai croiser le regard de Nyakane pour lui partager mon inquiétude, pour qu’elle me réconforte — à force d’enchaîner les erreurs, l’africaine finira-t-elle par en avoir assez de moi ? M’abandonnera-t-elle sans remord ? —, mais rien à y faire, elle persiste à garder ses beaux yeux loin de moi. Je finis par baisser la tête, feignant observer avec beaucoup d’attention mes bottines noires espérant ainsi détourner l’attention de Saunders.

L’arrivée de Zikomo me fait totalement oublier cette histoire. Après quelques grattements du côté de la porte intérieure (qu’est-ce qu’il foutait là, bordel ?), un éclair bleu pénètre à toute allure dans l’habitacle, libéré par Nyakane, et saute sur mes genoux. Je n’en crois pas mes yeux que l’africaine ait réussi à l’appeler aussi simplement ! Il me faudra essayer. Naturellement, je baisse les yeux sur mon ami et lui sourit, rendur heureuse par sa simple présence. Je suis l’échange entre la femme et le Mngwi avec curiosité, bien que légèrement mal à l’aise. Il existe une telle connexion entre eux ! Je me demande si les autres ont cette impression aussi lorsqu’ils me voient discuter, rire, m’amuser avec Zik. Est-ce que nous aussi nous avons l’air aussi proches, comme si nous partagions mille secrets, comme si nous nous connaissions sur le bout des doigts ? Je suis un peu jalouse, mais une partie de moi est simplement heureuse de la relation que ces deux-là ont. Je les aime tellement tous les deux, même si jamais je ne l’avouerais, alors c’est assez réjouissant de les voir si bien s’entendre, n’est-ce pas ?

La suite de la conversation m’arrache à mes pensées. Lorsque Zikomo se met à trembler, je dépose ma main près de lui comme pour dire « je suis là, avec toi ». Mon coeur se serre de le voir ainsi. Le souvenir qu’il nous conte lui a l’air si douloureux. Et puis, qu’est-ce que tout cela signifie ? Un frisson me gagne, bientôt transformé en chair de poule. Ce Cygnus n’a pas l’air d’être un marrant. Mais le fils de Sidiki… L’oncle d’Erza ? Tout cela me semble complètement fou ! Et puis, je ne comprends pas comment on en vient à vouloir tenir tête à son propre fils. Ne sommes-nous pas censé soutenir nos enfants quoi qu’il arrive ? J’aimerais croire que toute cette histoire est de la folie, que c’est une grosse blague étrange, que ce n’est pas aussi effrayant que ça a l’air de l’être, mais la réaction de Nyakane me prouve que cette histoire est bel et bien réelle et qu’il y a effectivement de quoi s’inquiéter. Je me demande pourquoi mon coeur bat à tout rompre. Je n’ai jamais été particulièrement touchée par les histoires du monde, les événements qui ne me concernent pas directement. Ils semblent si lointains, n’ont rien à voir avec moi, gamine en quatrième année à Poudlard. Mais là… Là, ça concerne directement Nyakane et Zikomo. On ne pourrait pas faire plus direct ! Le propre grand-père de la femme ! Son propre oncle ! C’est pour cela que la panique s'insuffle dans mes veines. L’amour est complètement idiot, me dis-je soudainement, il me fait faire des choses tout à fait déraisonnables, comme m’inquiéter pour cette femme que je ne quitte pas du regard alors que pour le moment nous nous contentons de parler.

Je déglutis péniblement et ressers mes mains autour de Zikomo, à la recherche d’un peu de réconfort, un peu de chaleur. Je jette un regard à Saunders (que pense-t-il de tout cela, lui ? Sans doute comprend-il mieux que moi ce que ça signifie), puis à Erza pour finalement baisser les yeux sur le Mngwi.

« Mais pourquoi Sidiki veut tenir tête à son propre fils ? Et charger sa propre famille de le surveiller ? C’est… C’est bizarre. »

Je ne peux m’empêcher de penser à ma propre famille, impossible de ne pas faire le lien. Je me mets à la place de cet homme, Cygnus, m’imagine être traquée par les miens, tous les miens.

« Et c’est pour ça qu’il a accepté ton exil, Zik ? Parce que t’avais entendu cette conversation ? T’es en danger ? Et vous ? »

Je lève les yeux en direction de Nyakane, suffisamment inquiète pour ne pas être jalouse de la voir si proche du professeur Saunders.

« Et pourquoi vous connaissiez pas son existence ? C’est votre oncle, non ? » Elle a l'air tellement faible, tellement choquée par les paroles de Zikomo... Je me mordille les lèvres, incapable de ravaler mon inquiétude : « Vous allez bien, Nya... Erz… Euh. Ça va ? »

Je grimace légèrement. Je l’admire trop pour l’appeler simplement par son nom de famille et ne me sens pas suffisamment légitime pour l’appeler par son prénom.
27 sept. 2020, 20:14
 28.01.2045  Les Merveilles de Poudlard
L'adolescente ne répondit pas à son professeur et cela avait le don de profondément l'agacer. Il détestait qu'on le prenne pour un imbécile ou du moins que l'on puisse penser que ce qu'il avait dit n'avait aucune valeur, qu'elle n'avait pas à se soucier de son statut et de son autorité.

Rhys fusilla du regard la Poufsouffle et s'adressa à elle d'une voix tranchante.

- Ne croyez pas que vous allez vous en sortir de la sorte. Nous en rediscuterons plus tard.

Il venait de finir sa phrase lorsqu'il entendit d'étranges bruits. Rhys accompagna du regard les déplacements de la sorcière à la peau ébène, sans qu'il ne dise un mot. Il était intrigué par ces sons et espérait que sa collègue de botanique n'allait pas mettre fin à leur "réunion secrète". Fort heureusement, ce n'était pas elle mais une boule de poils bleus qui fit son entrée pour se lover sur la Bristyle. Le trentenaire observa avec fascination la créature, ou du moins la magie, peu importe comment on pouvait qualifier Zikomo. Il n'avait jamais rien vu de tel d'aussi près. Toujours silencieux, Rhys écouta attentivement ce qu'il se dit. "Une réunion de famille mouvementée."C'était cela la clé? "Certains venaient de très loin". Pourquoi les parents d'Erza ne lui avaient rien dit? Ils n'étaient pas conviés? Toute la famille au complet surveillait ce Cygnus … Mais si Sidiki leur avait demandé de garder également un œil sur Erza? Cela pouvait expliquer ce que celle-ci leur avait confié un peu plus tôt. Peut-être même que Cygnus avait compris les plans de son père et avait prévenu le parti ou toute autre organisation pour nuire à Erza?

Rhys se tourna vers elle.

- Tu ne te souviens pas d'autre chose? Dans ton enfance ou même durant ta mission que tu pensais anodin mais qui avait peut-être un lien finalement? Il marqua une légère pause puis reprit. Ton oncle doit être un homme dangereux. Je n'aime pas ça. J'ai le sentiment que tu ne seras jamais en sécurité. Est ce que cette impression que l'on te surveille ne viendrait pas de là? N'y a t-il pas quelqu'un que tu as rencontré sans que tu t'y attendes?


L'homme répondit à une interrogation d'Aelle.

- Malheureusement tout le monde ne tourne pas bien. Il est difficile pour un parent de voir son enfant qui ne prend pas le droit chemin, si je comprends ce que dit -Zikomo, c'est ça? Rhys Saunders. Il se posera forcément des questions sur ce qu'il a loupé dans son éducation pour que son fils arrive à ces extrêmes.

A peine eut-il le temps de parler que Rhys rattrapa Erza, puis posa sa main sur la sienne. Alors qu'il la sentait flancher, il demanda à l'adolescente d'approcher le tabouret pour que la sorcière africaine puisse s'y asseoir. Il l'aurait bien fait lui-même mais il ne pouvait pas prendre ni le tabouret ni sa baguette puisque ses mains étaient occupées à maintenir Erza et s'assurer qu'elle ne vacille pas de nouveau.

En glissant je viens, en rusant je vaincs, le sommet j’atteins.

"Si le mal brille dans toute sa splendeur, c'est devant le pire que le bien prend toute sa valeur." Oxmo Puccino
04 oct. 2020, 20:03
 28.01.2045  Les Merveilles de Poudlard
Sortir prématurément de l’infirmerie n’est sans doute pas la meilleure idée que j’ai eu. Mon état de faiblesse est réel, malgré tous les efforts pour me persuader du contraire. L’épaule de Rhys est solide, mais je m’en veux de m’y accrocher. Je m’en veux de montrer encore une fois mes limites. Je regarde Zikomo qui s’est fait encore plus petit et silencieux. Pauvre créature... au fond, nous ne sommes pas si différents l’un de l’autre. Nous sommes tous les deux attachés à une personne que nous pensions connaître mais dont les secrets nous éclatent en pleine figure, en nous laissant déboussolés, isolés, sur le bas-côté d’une route qui ne semble mener nulle part.

Toutes les familles ont leurs histoires, mais la mienne me semble plus mystérieuse qu’elle ne l’a jamais été. Je doute... et me demande même si ce Cygnus a un lien avec la disparition de ma mère. Encore une question sans réponse, une route sans issue. Une question folle qui laisse mon coeur écorché, comme brûlé à vif. Je me rends compte que je ne connais pas ma propre famille, que je ne sais rien d’elle et de ses intrigues. Grand-père, ce grand homme, a eu une vie extrêmement longue ; une vie comme je n’en connaitrais jamais. Quelle idiote je fais ! Comment ai-je pu imaginer une seule seconde que je le connaissais ? Je suis venu au monde quand il avait déjà largement fêté son centenaire...

La question d’Aelle déchire le voile de silence qui s’est abattu sur mes oreilles. Il est mon oncle, oui... mais j’ignore tout de lui, comme j’ignore certainement beaucoup d’autres branches que grand-père a fondées. J’accepte volontiers le tabouret qu’Aelle met gentiment à ma disposition et m’y assoit en lâchant l’épaule de Rhys. Mes muscles retrouvent un peu de tonus, ma poitrine se relâche et mon souffle se détend. Je garde néanmoins les yeux baissés sur le sol car je ne souhaite pas croiser le regard de mes compagnons d’infortune. Leur inquiétude me brûle déjà bien assez la peau. Je rassemble néanmoins mes esprits avant de prendre la parole :

« Merci, je vais bien. Ce n’est qu’un petit vertige. C’est ce qui arrive quand on s’enfuit d’une infirmerie de bon matin. »

Je me force à sourire pour rassurer Aelle et Rhys sur mon état de santé puis je poursuis sur ma lancée.

« Grand-père est un homme de cent-cinquante cinq ans. L’Elixir a étiré son existence au-delà des limites de la vie humaine. C’est un homme reconnu et respecté sur notre continent. Un homme qui a connu un grand nombre de femmes dans sa vie. Il y a tant de choses que nous ne savons pas... tant de mes oncles et de mes tantes, tant de mes cousins, que je ne rencontrerais très probablement jamais. Nous n’avons jamais parlé des autres familles lui et moi... celles qu’il a formées avant de rencontrer grand-mère. Je me rends compte à présent à quel point c’est une lacune, à quel point je ne sais finalement pas grand chose de son histoire. »

Je tourne mes yeux vers Zikomo dont les oreilles se couchent instantanément.

« Est-ce que tu sais quelque chose d’autre sur ce Cygnus ? »

Zikomo secoue la tête et je comprends à ce mouvement qu’il ne tient plus à parler et à être la cible de toute l’attention. Je décide de ne pas insister, prise de pitié pour mon vieil ami. Lui aussi a connu une existence incroyablement longue. Je comprends qu’il y a des choses qu’il ne vaut mieux pas remuer et des sujets sur lesquels il ne vaut mieux pas insister.

Je me prends la tête entre les mains, comme si ça pouvait sérieusement me débarrasser des noeuds qui s’y sont formés en l’espace de quelques minutes.

« Je me sens comme abandonnée au milieu d’une mer déchaînée et dieu seul sait sur quels rivages elle m’enverra m’échouer... si elle ne décide pas purement et simplement de m’engloutir, dis-je, poussée par le besoin de confier mes pensées à des oreilles attentives — jusque-là tout du moins. Tous ces secrets m’empoisonnent. J’aurais souhaité vivre sans avoir conscience de leur existence, mais il est trop tard à présent. Je sais qu’ils sont là, tapis dans ces maudits détails... dans ces erreurs commises par grand-père, lui que j’ai toujours idéalisé et que je croyais si vertueux... mais voilà qu’ils me poussent à m’interroger. Cette course à travers le monde, servait-elle un autre de ses secrets ? Et si j’avais rencontré la mort au cours de mon périple, aurait-il envoyé un de mes cousins ou un autre membre de ma famille pour terminer la tâche qu’il m’avait confiée ? Ne suis-je qu’un pion parmi d’autres pour lui ? »

Je capte un léger mouvement du coin de l’oeil sans chercher à savoir qui en est l’initiateur. C’est la voix de Zikomo qui me parvient.

« Tu es sa plus grande fierté. Je l’ai souvent entendu le dire. »

Remontant de je-ne-sais-où, les larmes envahissent mon champ de vision mais je refuse d’en verser une seule. Pas maintenant. Pas ici. Je serre les dents et je bloque ma respiration. La fierté, toujours elle.

« Vous êtes tous les deux ce qui se rapprochent le plus d’amis malgré le peu de temps que nous avons passé ensemble, dis-je après avoir ravalé mes larmes. Que feriez-vous si vous étiez à ma place ? »

Je m’abandonne à un rire nerveux en relevant ma tête. Mon regard se pose sur Aelle, sur cette toute jeune adolescente. Je me rends compte tout d’un coup du ridicule de ma question.

« Pardon. Je suis idiote. »

LES CONTES DE L'ŒIL
(En vadrouille jusqu'au 3 janvier inclus)
05 oct. 2020, 17:01
 28.01.2045  Les Merveilles de Poudlard
Je ne sais définitivement pas quoi penser du professeur Saunders. Une minute plus tôt, sa menace (« Nous en rediscuterons plus tard. ») m’a fait grincer des dents et désormais, alors qu’il empêche Nyakane de s’écrouler et qu’il pose sa main sur la sienne, ma jalousie et ma colère sont si puissantes dans mon coeur que je dois me mordre l’intérieur de la joue pour ne pas gueuler à l’homme : « Éloignez-vous, elle est fiancée ! ». Et de toute manière, qu’est-ce que ça peut me faire qu’elle soit fiancée ? et que cet homme agisse avec elle comme s’il était son chevalier servant ? Je n’en ai rien à faire !
Mais quand même, je n’aime pas qu’il soit proche d’elle.

Le regard noir, j'apporte son tabouret à l'homme après m’être excusée silencieusement auprès de Zikomo que j’ai délogé de mes genoux. Je reste près des deux adultes. J’aurais été bien en peine de m’éloigner : dès l’instant où l’africaine commence à parler son angoisse me frappe en plein coeur et sa détresse me noue la gorge. Oh ! elle a l’air si bousillé. Malgré ses sourires, malgré la douceur de son regard, Nyakane m’a l’air plus faible que jamais. Pas seulement physiquement, mais à l’intérieur aussi. Comme si c’était trop pour elle. Trop douloureux, trop difficile à accepter que sa famille ne soit pas ce qu'elle pensait qu’elle était. Et cela me touche bien plus que ça ne le devrait — après tout, cela ne me concerne pas ! *Mais ça concerne Nyakane*, alors finalement, peut-être me sens-je un peu concernée, moi aussi.

« Vous êtes tous les deux ce qui se rapprochent le plus d’amis malgré le peu de temps que nous avons passé ensemble. Que feriez-vous si vous étiez à ma place ? »

Quand elle énonce ces mots, je suis persuadée d’une chose : tous les deux ne peut parler que de moi et de Zikomo, et je me sens très privilégiée d’être ainsi mise en avant devant Saunders. Il peut peut-être lui offrir son épaule, mais il n’aura jamais rien d’autre venant de Nyakane, contrairement à moi qui suis *son amie*.

Je ne comprends pas ce qu’il se passe dans mon corps. Une puissante vague d’émotions bouleverse tout sur son passage et me rend fébrile. Je ne sais pas si elle vient de la détresse que je ressens chez Nyakane ou du compliment qu’elle vient de me faire sans le savoir ; à moins que ce ne soit la confiance qu’elle m’accorde qui me bouleverse autant ? La seule chose dont je suis persuadée, c’est que je déteste la voir comme cela. Elle, cette grande et puissante femme qui m’est toujours apparue comme étant aussi forte que le golem qu’elle m’a forcé à affronter lors de notre première rencontre. Entendre cette voix de détresse et d’angoisse, écouter ses questionnements, ses craintes, la voir aussi faible, aussi mal… Aussi malheureuse. Je crois que cela me rassure. Elle est un peu comme moi, finalement. Parfois elle pleure, parfois elle va mal mais cela ne l’empêchera jamais d’être grande et puissante, j’en suis persuadée.

Je me tourne vers Zikomo qui reste silencieux. Comme bien souvent, j’aimerais qu’il prenne les rênes, qu’il parle et décide à ma place. Lui qui est si vieux, si sage, qui sait tant de choses. Mais à son regard et à sa posture, je comprends qu’il n’en fera rien. Après tout, c’est à moi que Nyakane demande conseil. *Même pas à Saunders* me souffle une voix pleine de fierté. A moi toute seule et jamais Zikomo ne fera de choix à ma place, je le sais.

Je déglutis péniblement.
J’ai mal au coeur pour Erza Nyakane. Je déteste Sidiki de lui faire tant de mal. Tout est de sa faute, finalement. Lui qui paraissait si sage… Finalement, ce n’est qu’un homme. Qu’un Autre comme je les déteste.

D’elle-même, ma main s’avance vers l’épaule de Nyakane. Et pour faire quoi ? La réconforter ? Merlin, je ne saurais même pas comment faire. Gênée, je la récupère avant qu’elle n’ait pu toucher quoi que ce soit. Je me redresse et comme souvent lorsque je veux dire quelque chose mais que je ne sais comment faire, je prends une voix froide et distante — comme Maman fait toujours :

« Si y’a bien une chose que vous êtes pas, c’est idiote. » Je jette un regard en coin à Saunders, le défiant de dire le contraire. « C’est à vous de savoir ce que vous devriez faire, mais… » Je repense à ce jour où j’ai traversé tout le château pour confronter Thalia, parce que c’était nécessaire. « Vous devez aller parler à votre grand-père. Vous savez, ça sert à rien de rester coincée dans sa tête avec ses questions. Vous allez le voir et vous lui dites tout ce que vous pensez. C’est la seule chose à faire : exiger des réponses. C’est pas en restant assise là que vous allez comprendre ce qu’il se passe ! m’exclamé-je, ressassant la colère qui m’a opposé à Thalia le jour où je l’ai confronté. Vous avez le droit de savoir. Vous le méritez après tout ce que vous avez vécu, vous savez. »

Rien que de me rappeler qu’elle a risqué sa vie ces derniers mois et qu’elle la risque peut-être encore me retourne l’estomac.

« Quand on a un problème, faut y faire face, pas attendre que ça passe. »

Et étrangement, en prononçant ces paroles, je me sens un peu mal. Peut-être ai-je conscience de donner un conseil que je suis la première à ne pas suivre ?
17 oct. 2020, 15:38
 28.01.2045  Les Merveilles de Poudlard
Erza voulait les rassurer sur son état de santé mais Rhys n'était pas dupe. Elle souhaitait faire bonne figure et se montrer forte devant eux. Cependant, cela était beaucoup d'informations à ingérer et d'émotions à contrôler. Qui plus est pour quelqu'un, comme elle le rappelait, qui avait été blessé quelques temps auparavant.

Tandis que la femme se confiait à eux, Rhys laissa son esprit vagabonder vers sa propre famille. Bien entendu, rien était comparable dans leurs deux histoires, celle de la sorcière était beaucoup plus complexe et impactante tandis que celle de Rhys était beaucoup plus banale et sans intérêt pour la société. Toutefois, les secrets de famille pouvaient être lourds à porter. Le genre de fardeau de toute une vie qui croît de jour en jour. Les hypothèses sur l'avenir incertain, Rhys les avait lui-aussi. Et si Declan était, comme son père, enfermé quelque part sans que personne ne le cherche? Et s'il avait de mauvaises fréquentations? Et s'il était mort? Le trentenaire ne pouvait se résoudre à croire tout cela. Mais ces interrogations n'avaient rien à voir avec l'ampleur et la mesure que pouvaient avoir celles d'Erza. Elle en arrivait même au point de douter d'elle. Rhys ne lui répondit rien. Il ne pouvait pas la rassurer car il s'était lui-même posé ces questions un peu plus tôt. Même l'intervention de Zikomo ne le convint guère. La fierté n'était pas un sentiment rassurant dans cette situation. On pouvait envoyer quelqu'un à l'abattoir tout en étant fier de lui.

Par contre, le professeur allait s'offusquer quand la femme déboussolée s'insulta d'idiote. Heureusement, Aelle intervint avant. Aussi, il resta silencieux tout au long de l'échange. Il fit juste un signe de tête à la réflexion de la Poufsouffle pensant que son regard cherchait l'approbation de l'enseignant. L'adolescente faisait preuve d'une grande sagesse dans ses paroles mais aussi d'une hardiesse que Rhys ne lui soupçonnait pas. Il allait de surprise en surprise ce matin.

L'homme réfléchissait mais n'avait pas repris sa marche pour autant car même si quelque chose le tracassait, il n'avait pas le cœur à s'éloigner d'Erza au cas où celle-ci montrerait de nouveau des signes de faiblesse.

- Il t'a choisie. Il a décelé en toi , dès ton enfance, une puissance. Tu n'es pas venue ici au hasard la première fois. Je suis sûr qu'il savait, sûrement par expérience, que tu deviendrais cette femme formidable et inspirante.


Rhys se tut après son compliment, conscient que cela pouvait , encore une fois, paraitre déplacé puisqu'il ne la connaissait que très peu.

Il lui confia d'une voix plus basse:
- Tu as le droit de craquer tu sais. Personne ici ne te dira quoique ce soit. Tu as beaucoup de choses à encaisser et il faut que tu évacues toute cette tension nerveuse...

Désolé pour le délai de réponse...

En glissant je viens, en rusant je vaincs, le sommet j’atteins.

"Si le mal brille dans toute sa splendeur, c'est devant le pire que le bien prend toute sa valeur." Oxmo Puccino
30 oct. 2020, 23:44
 28.01.2045  Les Merveilles de Poudlard
Je les écoute, à tour de rôle.

Aelle est la première à s’exprimer. Ses paroles sont comme un coup de fouet. Je la regarde, et plus je la regarde, plus je retrouve le sourire, ma poitrine gonflée par un sentiment de fierté que je ne suis même pas en mesure de m’expliquer. Je n’y suis pour rien dans son évolution. Mais qu’importe, je suis fière de ce qu’est devenue cette enfant. Je suis fière de la jeune femme qu’elle est et fière de ce que son évolution laisse entrevoir pour l’avenir. Tant que le monde reste foulé par des adolescents de ce genre, tout n’est pas perdu. L’espoir d’un monde meilleur perdure. Au terme de son intervention, je remercie Aelle d’un hochement de tête appuyé, le sourire aux lèvres. Être recadrée de la sorte par une personne si jeune n’est pas commun, mais tout ce qu’elle vient de me dire est vrai. Je me fais la promesse de ne pas la décevoir.

Rhys parle en second. Derrière sa voix grave, ses propos mesurés, je perçois l’instinct protecteur de l’homme. Le temps d’un instant, je me demande quand est-ce qu’il a troqué sa cape d’homme inaccessible pour celle du protecteur ? Est-ce à cause de moi, des circonstances ou bien existe-t-il deux Rhys : le professeur froid d’un côté et l’ami fidèle de l’autre ? Je l’observe plus attentivement et sens mon cœur s’emballer. Quel que soit le parcours qu’il ait amené à ce qu’il est aujourd’hui, je perçois toujours l’enfant qu’il a été autrefois. J’éprouve une tendresse irrésistible pour ce duo qui ne fait qu’un au point d’en regretter de n’être pas née quelque part sur les îles britanniques. Les choses auraient été si différentes pour moi. Une fois le silence revenu, j’adresse le même hochement de tête appuyé à Rhys. Je n’ai pas eu tort de penser qu’il est l’épaule parfaitement solide sur laquelle s’appuyer. Il me l’a bien rendu jusque là. Je me fais la promesse d’être aussi forte que lui.

« Merci, dis-je en promenant mon regard de l’un à l’autre. Du fond du cœur. Je me sens plus forte grâce à vous. »

Je croise le regard de Zikomo.

« Ca vaut pour toi aussi. »

Le renard d’encre est pris d’un frisson mais il se garde bien de me répondre quoi que ce soit. Je lui souris puis je lève les yeux vers le toit en verre. Depuis combien de temps sommes-nous là ? Suffisamment longtemps pour alerter l’infirmier de l’école de ma disparition… à l’heure qu’il est, il a certainement mis en alerte tout le château pour remettre la main sur moi. Cette idée m’amuse. Je me sens comme l’adolescente insouciante d’autrefois. Par égard pour mes hôtes – et pour les nerfs de l’infirmier – je décide que cette expédition touche à sa fin.

« Je crois qu’il est temps que je retrouve mon lit à l’infirmerie avant de nous attirer de sérieux ennuis. Exfiltrer une fugitive ! Vous n’avez donc pas honte ? dis-je, amusée. »

Je prends une profonde inspiration et je me lève du tabouret avant d’expirer pour vider mes poumons.

« Il y a beaucoup de zones d’ombre dans ma vie que je dois encore éclaircir... mais grâce à vos précieux conseils et à votre confiance je me sens plus forte pour m’y attaquer. Je vous suis à jamais redevable. »

Je le pense sincèrement.

« J’espère de tout cœur pouvoir vous accueillir avec la même attention, un jour, à Uagadou. »

Dernier post de mon côté. Quel plaisir d'avoir porté ce sujet beaucoup plus loin que je ne l'imaginais en le commençant grâce à vous deux ! Merci !

LES CONTES DE L'ŒIL
(En vadrouille jusqu'au 3 janvier inclus)
04 nov. 2020, 20:59
 28.01.2045  Les Merveilles de Poudlard
Rhys leva lui aussi les yeux vers le toit que regardait Erza. Cette matinée que l'on pouvait autant classer d'étrange que déconcertante, était passée à la vitesse d'un Eclair de feu. L'homme ne devait pas encore réaliser la portée qu'aurait les échanges du jour. Les informations acquises au cours des multiples conversations avec des personnalités hétéroclites n'étaient pas banales et elles pouvaient changer la vision de beaucoup de sorciers sur ce qu'il se passait dans les communautés sorcières du monde entier. Cela, Rhys en était sûr.

Tandis que la sorcière africaine osait un brin d'humour, Rhys esquissa un dernier sourire.

- Pas le moins du monde. Je te raccompagne si tu le veux bien. Il fallait que j'aille voir l'infirmier ce matin avant tout ceci. J'essaierai de le distraire pour ne pas qu'il te voit te faufiler et encore moins, qu'il te voit dans cette tenue en dehors du château!

La femme allait subir les foudres du soignant et peut-être même lui avec, s'il se rendait compte que le professeur était complice de l'escapade. Bon tout bien considéré, il l'était, mais malgré lui. Le trentenaire eut l'impression de revenir quelques années en arrière a échafaudé des plans quand il avait fait quelques bêtises, durant sa scolarité. Les murs du château pouvaient en dire des choses!

- Tu ne nous dois rien du tout, c'est ce que font les amis.

Rhys ne trouvait pas d'autre nom pour qualifier le lien qu'ils venaient de se créer.

- Mais l'invitation pour Uagadou n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Je suis certain que pour Miss Bristyle, baroudeuse comme j'ai pu le comprendre, non plus.

Il se tourna vers l'adolescente en appuyant ses paroles de son regard vif. Puis il se leva, remit en place les tabourets grâce à sa baguette, essaya de faire disparaitre tout signe de leur passage. Il ne fallait pas qu'il y ait du désordre dans lieu de travail de sa collègue.

Dans un dernier mouvement, Rhys s'adressa à Aelle.

- Vous passerez le bonjour à votre frère de ma part.

Signe de cessez-le-feu.

Je crois qu'on ne se le dira jamais assez: merci pour ce RP qui nous a bousculé. Merci MJ pour cette proposition et merci Aelle pour nos discussions et notre émerveillement à chaque post. Jamais un RP ne m'aura autant marqué (et mis la pression). Merci donc pour ces 6 mois de "oooh", "aaah" et "olalala" en tout genre. Ce n'est que le début :)

En glissant je viens, en rusant je vaincs, le sommet j’atteins.

"Si le mal brille dans toute sa splendeur, c'est devant le pire que le bien prend toute sa valeur." Oxmo Puccino
01 déc. 2020, 15:45
 28.01.2045  Les Merveilles de Poudlard
Merci.
Ce n’est qu’un simple mot. D’ailleurs, la plupart du temps ce mot n’a pas grande importance pour moi, il n’a pas beaucoup de poids. Pourtant aujourd’hui, c’est différent. Il résonne dans mon coeur et me fait sourire. Je croise le regard de Zikomo ; lui sait, j’en suis certaine, il sait combien je suis heureuse actuellement. Malgré la détresse de Nyakane et la conversation que nous venons d’avoir, malgré la présence de Saunders, je suis tellement heureuse que je serais capable de n’importe quoi. C’est Erza Nyakane qui me rend comme cela, j’en ai conscience. Ses mots, ses regards sont des trésors qui me font me sentir plus grande. Je suis heureuse qu’elle m’ait écouté, ce sentiment est même plus fort que la jalousie de savoir qu’elle considère Saunders comme un ami alors qu’elle le connaît à peine.

Je suis déçue que la conversation prenne fin. La bulle dans laquelle nous étions éclate au moment où Nyakane se lève et c’est comme si je me rappelais soudainement que nous étions encore au château, à l’école, et qu’en-dehors de cette serre j’avais une vie bien à moi qui m’attendait, même si j’ai envie de la mettre en suspend tant que Nyakane sera au château. Cela ne m’empêche néanmoins pas de me lever, cachant aisément ma déception. J’ai à coeur que Nyakane retrouve son lit et son repos. Elle n’a pas l’air assez en forme pour parcourir les couloirs avec moi — pas encore.

J’emboite le pas du duo quand me frappent les paroles du professeur. En levant la tête, mon coeur se soulève : son regard me perfore de part en part. Je devine instantanément qu’il n’a rien oublié de ce que j’ai dit à propos du Japon et qu’à la moindre occasion il viendra m’ennuyer avec ça. Cela m’agace — qu’est-ce qu’un simple professeur peut en avoir à faire de ce que je fais sur mon temps libre ? Je ne lui dois rien, après tout, absolument rien ! Je me contente de rester stoïque en réponse, puisque je n’ai rien à me reprocher, mais prends garde à baisser les yeux ; en plus de savoir que les adultes n’aiment pas qu’on les regarde avec trop de franchise, je n’ai pas très envie de me prendre un regard noir dans la figure. Je préfère regarder Erza dont la vue est bien plus réconfortante que celle du professeur Saunders.

« Je viendrai dès que possible à Uagadou, annonçé-je à la femme. Zikomo a bien envie de revoir l’école et moi de la découvrir. »

S’ils pensaient rejoindre l’infirmerie sans moi, ils avaient tort ; je compte bien les accompagner. L’idée de les laisser seuls tous les deux est presque aussi désagréable que celle de m’éloigner de l’africaine. L’air de rien, je les suis donc. Zikomo me rejoint en quelques bonds et s’impose, comme souvent, sur mon épaule ; je souris.

En passant près de Saunders, j’acquiesce : oui, je saluerais Narym de sa part, et oui, je lui poserais toutes les questions pour savoir qui il est et qui il était. L’occasion d’en savoir davantage sur mon professeur est trop belle pour que j’y passe à côté.

En rejoignant Nyakane, mon admiration pour elle me donne un instant l’impression que je ne suis qu’une enfant, une enfant idiote qui suit sans réfléchir une personne plus belle, plus grande, plus puissante qu’elle. Mais ce n’est pas que cela, n’est-ce pas ? Je suis aussi son amie et je n’admire pas bêtement l’africaine ; ma pensée est réfléchie et motivée et je ne suis pas aveuglée par mon admiration : elle m’aide au contraire à être une meilleure personne, je le sais. Après avoir passé tant de temps loin d’elle, je n’aurais pu croire qu’elle deviendrait aussi importante, aussi vite. C’est un peu effrayant de sentir mon coeur s’emballer quand je la regarde ou qu’elle soit capable de me faire sourire aussi facilement. Je me dis que le jour où elle ne sera plus là, j’en mourrais. Et du haut de mes quinze ans, je ne doute pas un seul instant de la véracité de mes pensées.

- Fin -


Toutes mes excuses, j'ai tardé à écrire ce texte mais j'ai pris grand plaisir à le faire.
Encore une fois, je vous remercie tous les deux pour cette aventure. Elle était géniale à écrire, à chaque instant.