Peinant à retrouver son souffle, Lilo tituba un instant. Les mains crispées sur le tissu de son pull, elle essayait de maintenir sa respiration à un rythme régulier. Pourtant, plus elle s’y efforçait et plus ses inspirations se transformaient en halètements. Les sens complétement en alerte, elle senti son poul battre furieusement à ses oreilles. Pantelante, elle avait l’impression que son coeur allait se décrocher de sa poitrine.

Lilo grimaça. Voilà qu’elle refaisait une crise d'angoisse ! Et comme par hasard, aucun élève n’avait l’air de se trouver dans les couloirs.

Elle serra si fort les paupières que de gros points blancs s’imprimèrent dans sa rétine. Elle se demanda soudain si des élèves seraient venu la voir ou s’ils l'auraient juste ignorée. Lilo lâcha soudain un rire amer. Comme si elle voulait se montrer en position de faiblesse devant tous ces gens. Elle ne voudrait pas leur donner une raison de plus pour la détester.

Elle marcha un instant sur ces jambes flageolantes, avant de s’appuyer contre un mur. Une seconde plus tard, et elle sentit sa gorge s’enflammer. Lilo avait l’impression d’étouffer.

De grandes vagues de panique l’assaillirent tandis qu’elle essayait de respirer. Même si elle inspirait de grandes goulées d’air, elle avait l’impression qu’elles ne parvenaient jamais à ses poumons. Elle s’entendit hoqueter alors qu’elle se tenait le cou d’une main.

Ses yeux se remplirent de larmes et rendirent sa vision floue. De grosses taches noires commencèrent à s’agglutiner sous ses paupières, et le peu de paysage qu’elle réussit à voir à ce moment-là se résumait en un sol qui tanguait sous ses yeux. Lilo aurait voulu crier, mais elle ne pouvait émettre le moindre son. C’était au-dessus de ses forces. Ses lèvres étaient figées et ses cordes vocales semblaient hors-services.

Elle ne ressentait plus rien d’autre qu’une grande panique qui la dévorait de l’intérieur.

Tremblante, elle n’eut que la force de s’affaler contre un mur, et de s’y laisser glisser jusqu’au sol.

Lucy descendait rapidement les escaliers. Elle avait hâte de retrouver sa salle commune, ainsi que ses amies à Poufsouffle. Elle aimait sa maison, même si elle s'était longuement demandé, plus jeune, pourquoi elle n'avait pas été répartie à Serdaigle. Les valeurs de la maison lui correspondaient mieux. Et au final, elle se sentait si bien à Poufsouffle…

Son attention fut tout d'abord attirée par un bruit. Une respiration très forte. Elle posa son chaudron pour ne plus entendre le bruit des livres qui frappaient l'étain, et ainsi vérifier l'origine de la respiration.

Elle regarda autour d'elle. Au fond, elle parvenait à discerner, entre deux ou trois élèves qui avaient sans doute, comme elle, mis du temps à sortir de cours, une fille aux cheveux noirs. Elle s'approcha un peu et se rendit compte que c'était d'elle que venait le bruit.

Elle savait trop bien ce que ressentait la jeune fille. Elle-même avait été amenée à sécher un cours en deuxième année parce qu'elle était en crise d'angoisse. Elle remerciait Jenny, la fille qui l'avait aidée à ce moment, car c'était grâce à elle que Lucy avait réussi à sortir de la crise.

- Je m'appelle Lucy, dit-elle en faisant quelques pas vers la fille, mais pas trop, pour lui laisser son espace vital, nécessaire pendant une crise d'angoisse. Je sais ce que tu ressens. Je veux t'aider. Je suis ton alliée.

Ne pas employer de négation. C'était dur. Mais Lucy avait lu un article expliquant que c'était contre-productif d'employer des négations quand une personne était en crise, quelle qu'elle soit, parce qu'on est incapable d'assimiler la négation à ce moment-là.

- Je peux m'assoir à côté de toi ? Tu peux me répondre avec la tête si tu n'es pas capable de parler.

En attendant la réponse de sa camarade, elle posa une main sur son ventre et commença à respirer avec le ventre pour montrer à la brune ce qu'il fallait faire.

La tête entre les bras, Lilo tremblait violemment. De gros frissons parcouraient son corps, et son cœur semblait battre plus furieusement à chaque instant. Le corps crispé, elle avait l’impression que cela faisait des heures qu’elle se trouvait dans cette position.

Un trop grand poids semblant reposer sur son thorax, elle peinait de plus en plus à respirer convenablement. Les paupières serrées, Lilo essayait de se rassurer avec des paroles telles que « Tout va bien » et « Ce n’est que dans ta tête ». Pourtant, cela n’avait pas l’air de marcher, et il lui sembla même que son état empirait. Frémissant de tous ses membres, Lilo était sûre que si elle ne se calmait pas dans l’immédiat, elle finirait par s’évanouir.

Alors qu’elle sentait son esprit sombrer, Lilo entendit une voix. Faisant abstraction des bruits alentour et de ses battements de cœurs trop sonores, elle tendit l’oreille.

Elle se rendit ainsi compte qu’une personne parlait, s’adressant à elle. Ne se formalisant pas de l’identité de cette personne, elle préféra l’écouter et accepter son aide.

Se sentant incapable de parler, Lilo hocha la tête à sa demande. Elle voulait que cette personne, quelle qu’elle soit, lui permette de se calmer.

Ouvrant difficilement les yeux, elle la vit positionner ses mains au niveau de son ventre, et faire de longues respirations abdominales. Notant distraitement que son interlocutrice était une fille, Lilo souleva lentement l’un de ses bras, mais lâcha une grimace face à l’effort. Elle essaya de recopier les mouvements de sa camarades, et respira lentement.

Sans vraiment le comprendre, sa respiration finit par s’apaiser, et son poul sembla diminuer en intensité. Les yeux encore embués, elle sentait son corps se détendre, et les derniers vertiges de sa crise la quitter. Son corps était tout ankylosé, mais elle réussit tout de même à lever la tête. Sans vraiment la regarder, elle adressa un sourire crispé à son interlocutrice. Et c’est d’une voix rauque, que Lilo lui parla.

- Merci de m'avoir aidé.

Encore tremblante, Lilo soupira tout en se demandant si ses crises finiraient par s’arrêter un jour ou l’autre.

La fille s'apaisait petit à petit, pour le plus grand plaisir de Lucy. Elle détestait voir des gens comme ça. C'était égoïste, et elle le savait, mais ça lui rappelait trop ces moments incontrôlables, dans lesquels elle faisait des choses sans y réfléchir.

Lorsqu'elle sut que la fille allait bien, Lucy s'assit à côté d'elle, en continuant à respirer avec le ventre, pour guider sa respiration.

- Tout va bien, murmura-t-elle à l'intention de l'angoissée.

Cette dernière ne tarda pas à la remercier pour son aide. Lucy ne pensait pas qu'elle devait être remerciée pour ça. C'était normal d'aider les gens, et sa raison de le faire était en partie égoïste. Elle se contenta en guise de réaction d'un petit sourire et d'un :

- C'est normal.

Lucy ne savait pas trop quoi dire. Il lui semblait que sa camarade n'était pas en état de repartir, et elle ne se sentait pas de lui tenir compagnie jusqu'à ce qu'elle puisse se relever. C'était trop pesant pour elle. Elle devait déjà gérer ses propres angoisses, et elle ne voulait pas absorber celles des autres.

- Tu sais, si ça reprend, tu devrais aller voir un adulte. L'infirmier, par exemple. Je suis sûre qu'il pourra gérer tes crises. Ou alors, un professeur que tu aimes bien. Tu pourrais leur expliquer pourquoi tu fais ces crises… Et peut-être qu'ils pourraient t'aider ?

Elle prit une grande inspiration avant de révéler :

- Moi, je ne suis pas capable de le faire.

Le regard fixé au sol, Lilo repensait à la crise qu'elle venait d'avoir, celle-ci lui semblant être une des plus violentes qu'elle put faire à ce jour. De ce fait, alors que les précédentes n'avaient durées que très peu de temps, s'arrêtant assez vite pour la plupart, Lilo n'avait cette fois-ci pas réussi à se calmer, ayant été jusqu'à "accepter" l'aide d'une personne -autre qu'un de ses proches. Déjà assez gênée pour s'être montrée dans un tel état de faiblesse face à cette fille, Lilo espérait au moins qu'elle ne s'était pas approchée d'elle contre son gré, s'étant peut-être sentie obligée de l'aider.

Chassant ses quelques pensées, et se reconcentrant sur sa camarade -remarquant que celle-ci lui parlait de nouveau-, Lilo l'écouta attentivement, bien que grimaçant lorsqu'elle l'entendit lui conseiller de parler de ses crises à un adulte. Ainsi, à ses paroles, Lilo ne put s'empêcher de penser à son père, songeant à l'inquiétude qui déformerait sans doute ses traits s'il venait à apprendre que ses crises avaient repris.

De ce fait, la nervosité la gagnant soudain, car se doutant bien qu'un adulte au courant de tout cela finirai bien évidemment par en toucher un mot à sa famille, Lilo se tendit brusquement, prête à contredire sa camarade, lorsque celle-ci la coupa dans son élan, lui avouant alors ne pas être en mesure de l'aider.

Cependant, faisant mine de ne pas s'intéresser à sa dernière phrase -mais, ne pouvant ignorer la pointe de déception ressentie à ce moment-là-, Lilo s'adressa aussitôt à elle, accompagnant ses dires d'un sourire crispé.

- Je n'veux pas que ça se sache. Alors... Je préfèrerais n'en parler à personne... Et qu'tu n'en parles pas non plus.

Bien qu'elle ait voulu que son ton soit plus sec ou bien plus menaçant, il lui sembla -à son plus grand regret- qu'il ne fut que trop précipité, sa voix rauque et brisée ne l'aidant aucunement.