Un élève tousse à plein poumons. Lydia avait oublié qu'elles n'étaient pas seules. Qu'il y avait des Autres, malades à en perdre la raison, à côté. Pour la petite Holmes, il n'existe qu'elles deux : Ashley et elle. Car oui elle se rappelle de ce nom maintenant. *Ashley* Il a dû être prononcé une fois lors d'un cours. *Ashley* Cette Autre porte bien ce prénom. Il évoque à Lydia la fumée, le noir. L'Univers vide de toutes étoiles. Un morceau de charbon, solide en apparence, friable à l'intérieur. *J'suis sûre qu'au plus profond d'elle, elle est paumée.* Et son cœur se balade en plusieurs morceaux, impossible à recoller depuis longtemps. *Ashley. Même ton prénom respire la haine du Monde.*

Ce n'est pas quelqu'un de sa famille. A-t-elle seulement une famille ? Lydia en doute. La fille-obscure n'a pas l'attitude de quelqu'un qui, toute sa vie, a pu trouver du réconfort dans les bras de ses deux parents. Elle ne ressemble pas à une personne qui, toute son enfance, a joué à se cacher avec ses frères et sœurs... *Mais... Moi non plus j'ai pas d'frères ou de sœurs.* Et c'est sûrement pour ça que l'éclat de ses yeux est composé de deux étincelles différentes : une reflétant sa gaieté et une autre, à jamais présente dans son regard, témoin de son manque affectif.

L'Autre ajoute que c'est une personne sorcière. *L'est née-moldue alors ?* L'enfant retrouve peu à peu son esprit vif, c'est agréable.

- C'est... Une personne que t'aimes ?

Elle a l'impression désagréable de se parler à elle-même. Elle aurait sûrement parlé de ses meilleurs amis si on lui avait posé cette question deux jours avant. À présent seulement, une Étoile a pris plus d'importance que les autres parmi constellations contenues dans son Cœur.

Tu prends soudainement une rapide inspiration par le nez, alors que tu te mets ostensiblement à fixer le mur blanc devant toi. Une étrange impression te prend tout à coup, alors que la honte commence petit à petit à te picorer les joues. Tu fouilles dans ton esprit inlassablement, essaye tant bien que mal de te rappeler. Mais tout ce mélange, et impossible pour toi de te souvenir. Il n'a fallu qu'un instant, un moment d’inattention et voilà que ton esprit s'embrase, fou le feu dans ta tête. Tout part en vrille. *Merde... J'me souviens plus qui je dois lui faire deviner !* Tu restes un instant complètement interdite, ne bougeant plus d'un pouce alors que tu essayes de faire revenir le cheminement de tes pensées petit à petit.


- Attend... Ah non c'est bon.


La tête du sorcier te revient en une seconde, alors que tu expires de nouveau normalement. C'est comme si tout ton corps se détendait d'un coup, tes épaules se rabaissent, tes paupières se remettaient à clignoter et tout ton être semblait revivre. Tu tournes de nouveau les yeux vers elle et écoutes sa question avec presque un petit sourire de soulagement au coin des lèvres.


- Oui et non. 'Fin il a comme même fait quelque chose de bien, mais je n'irais pas jusqu'à dire que je l'aime.

La fille en face reste un instant interdite. A-t-elle pu oublier aussi facilement ce qu'elle devait faire deviner ? Ou peut-être que son personnage mystère lui provoque une remontée de souvenirs, des bribes de paroles et des regards attrapés au vol.
A voir cette Autre comme ça, on pourrait presque penser qu'elle est malade. Après tout on vient à l'infirmerie pour se faire soigner, elle ne devrait pas y faire exception. La petite Holmes a très bien conscience pourtant que la malade, celle qui tousse à plein poumons et qui sent sa peau brûler, c'est elle. Et les rôles ne s'inverseront pas ; pas aujourd'hui du moins.

- Tout va bien ? dit-elle pourtant.

Elle ressent comme une provocation dans ses mots et doit se retenir de sourire. Elle a l'impression de dire à l'Autre « Tu vois, c’est plus moi la malade. Je sais pas c’que t’as mais c’est bizarre de pas réussir à jouer à ce jeu, pourtant si simple. T’as l’air plus faible que moi maintenant. »

Elle semble pourtant s'en souvenir après une hésitation et un sourire naît sur ses lèvres. C'est une personne qui a fait des choses bien. *Hein ?* Mais elle dit ne pas l'aimer pour autant. *Comment ça ?*
Lydia se retient de lever les yeux au ciel ; pourquoi être si compliquée honnêtement ? Bien décidée pourtant à trouver la réponse, elle joue le jeu. Encore. Jusqu'à la fin.

- Il est connu alors ? Une célébrité, c'est ça ?

Tu sentis peu à peu monter la honte, suite à ton oubli, et tu remplaçais ton sourire et ton air détendu par ton masque grave que tu arborais habituellement. Sa remarque, bien que simple, te refroidit un peu plus et tu lui adresses l'un de tes regards sombres dont tu as le secret. Tu veux paraître plus forte tout à coup, échanger de nouveau les rôles et qu'elle reprenne son statut de malade. Tu calais ton dos le plus droit possible contre le dossier de la petite chaise et observait d'un œil sévère ta voisine. *Oui, tout va pour le mieux. Et toi, la malade ?*


- Oui, il est connu, mais pour un truc en particulier.


L'embarras te mordant les joues, tu continuais néanmoins à la fixer, ignorant les gémissements de douleur et autres éternuements qui venaient des lits qui vous entouraient. Autant de malades dans une si petite pièce, ce n'était presque pas humain. C'était comme si tout le reste n'existait plus, qu'il n'y avait qu'elle et toi dans la pièce blanche. Cette pensée te fit tourner toute ton attention sur son cas à elle, et non plus au jeu stupide que tu avais lancé. D'où venait-elle l'autre enfant, qu'avait-elle exactement ? Tu plissais du nez, transformant ta face en une moue curieuse.


- D'ailleurs, je ne t'ai pas demandé, mais de quoi t'es malade ?

Elle la regarde d'un air mauvais. Lydia a lancé une flèche en plein dans le mille, touché le talon d'Achille. Cette fille ne veut pas montrer qu'elle a mal, qu'elle va mal et ne voudra jamais le montrer. *J'suis un peu pareille.* Elle ravale à grande peine son sourire satisfait ; elle a remporté une victoire et n'est plus la seule malade. Elle ne l'avait jamais été cela-dit, autour d'elles plusieurs Autres toussent à s'en arracher les poumons et se tortillent dans leurs draps. Personne ne semble avoir remarqué sa conversation avec... Allait-elle l'appeler Ashley ou Swan ? *Swan.* Etrange comme la blanche candeur de ce nom de famille contrastait avec la personne sombre et ténébreuse qui lui posait des devinettes.

Swan continue de donner des indices. Cette énigme est passé au second plan dans l'esprit de Lydia, elle se contente de rester éveillée et de regarder l'étrange fille en train de lui parler. Leur petit jeu cependant lui donne une excuse pour continuer à la fixer, pour prolonger encore de quelques minutes ce face-à-face.

- Un sorcier célèbre ? Albus Dumbledore ?

Miss Montmort en avait parlé brièvement lors d'un cours d'histoire. Et elle était certaine d'avoir entendu ce mot dans la bouche de Tobias, dans une expression du type « Digne de Dumbledore ! »
Elle en avait conclu que c'était un grand homme.

La fille-obscure lui demande de quoi elle est malade. Lydia ne s'y attend pas, sa gorge devient sèche, ses yeux s'écarquillent et imperceptiblement, ses mains tremblent. Elle est malade parce qu'elle est allée sortir dans le Parc hier, qu'elle a rencontré une fille. Elle est malade de cette Ombre ?

- J'sais pas. A cause du froid de la nuit je crois.

Swan se contentera de cette réponse. Elle ne peut pas en donner de plus claire.

Tu secoues la tête négativement, une nouvelle fois. Ce jeu, qui t'avait paru si simple au début, semblait s'étirer dans le temps et ne jamais vouloir s'arrêter. S'en devenait presque ennuyant, tout dans ton attitude pouvait facilement en alerter l'autre fille, que cela soit ta posture voûté, comme écrasé sur toi-même, la moue qui creusait tes joues au fil des minutes ou encore le petit tapotement irritant de ton index sur ton genou. C'était comme si tu avais lancé inconsciemment un nouveau jeu : combien de temps la malade tiendrait avant de péter un câble.


- Non, pas aussi célèbre. Disons qu'il est dans le domaine des potions, mais je ne sais pas si tu t'y connais sur le sujet.


*Albus Dumbledore, sérieux ? Elle m'a pris pour une débutante ou quoi, jamais j'aurais choisi un truc aussi facile.* Tu accentuais ton air blasé, avant de te mettre à taper du pied sur le sol, attendant ces autres questions.
L'autre répond à ta question par un air effaré qui te fait relever un sourcil avant de bafouiller une simple réponse censée te satisfaire. Alors comme ça, la jeune malade n'est pas si innocente qu'elle ne laisse paraître, très intéressant.


- Ah ouais, je vois l'genre. Donc toi, tu sors tranquille en pleine nuit et tu t'étonnes d'être là le lendemain. Tu sais que tu pourrais être collé pour ça.

Navrée pour ce retard, Plume

Ah. La personne mystère était dans le domaine des potions. Lydia ressentirait une grande honte si elle ne trouvait pas la réponse. Les mixtures à touiller étaient censées être son domaine de prédilection ! Que dirait Marguerite si elle ne trouvait pas la réponse ?

Elle se concentra. Son cerveau, sorti lentement du brouillard, émergeant doucement du blizzard, était maintenant réactif. Il agita ses rouages afin qu’elle puisse formuler une réponse, un tant soit peu crédible.

« Linfred de Stinchcombe ? »

L’Autre lui déplaisait de plus en plus. Elle avait un air blasé, elle s’ennuyait visiblement d’être là. *Ben pars, tu crois quoi.* Swan n’avait rien à faire ici. Elle pouvait partir, aller dehors retrouver le froid de janvier. Elle avait sûrement des devoirs à faire.

Lydia s’apprêtait à lui jeter à la figure cette remarque quand la fille-charbon *sombre comme surnom* se paya de sa tête.

« Pardon ? »

Ses yeux océan s’agitaient en vagues, de plus en plus houleuses.

« T’es qui pour me dire ça ? »

Lydia se leva et marcha pour rejoindre Swan. Sa tête tournait légèrement, elle n’aurait pas dû se lever, mais elle poursuivit son but coûte que coûte. Elle regarda Swan une dernière fois dans les yeux puis enfila ses chaussures et sa cape noire. Elle tourna les talons, espérant de tout cœur que personne ne la verrait.

« Voilà. Je serai pas collée puisque je suis plus ‘là’, comme tu le disais si bien. »

Et elle s’en alla, rêver dans sa salle commune à la mystérieuse inconnue.

Oups... Mademoiselle a pris la mouche.
Merci pour ce rp, c'était un vrai plaisir de le partager avec toi ! A bientôt, j'espère.

Tu secoues une énième fois la tête, cette fois un petit sourire de satisfaction au coin des lèvres. Finalement, tu aimais à voir cet air dépité qui s'installait chaque fois que l'autre ouvrait la bouche, tu y étais presque, à cet instant magique où elle se lèverait d'un bond de son lit, malgré la maladie. Allais-tu aller assez loin pour que ça finisse dans les larmes et les cris ? Rien que d'y penser, cela te procurait un plaisir mesquin. Faire souffrir les autres était devenu un passe-temps dont tu n'arrivais plus à te passer, tant le bonheur de voir la rage et l'impuissance se dessiner sur les visages meurtris t'inculquait de la joie.
Cela arriva un peu trop vite à ton goût. Ainsi, une seule phrase suffit pour faire sortir la jeune Serdaigle de ses gonds. C'était un jeu intéressant, tout de même, bien qu'il te faille parfois aller un peu loin, cela te permettait d'évaluer les limites de chaque personne. C'était en quelque sorte ta manière à toi de faire connaissance avec les autres.

Comme tu te l'avais prédit, la jeune fille se leva d'un coup, lèvre pincée, et t'offrit même un regard des plus meurtrier, auquel tu répondis d'un sourire innocent. Toute personne observant la scène qui se déroulait à présent pouvait tout à fait comprendre pourquoi tant de gens te détestaient autant. Mais à vrai dire, tu te fichais bien de ce que les autres pouvaient en penser.


- Oh, tu t'en vas déjà ? C'est dommage, on commençait à peine à s'amuser.


Tu la regardais traverser la pièce blanche, toujours assise sur le petit tabouret au pied du lit, un sourire de plus en plus grand s'affichant sur ton horrible visage. Juste avant qu'elle ne disparaisse, tu criais à travers la salle.


- Au fait, c'était Glover Hipworth que tu devais trouver !


Après un instant sans bouger, alors que ton visage reprenait petit à petit sa moue habituelle, tu te levais à ton tour et longeas lentement les rangées de lits, analysant chaque visage, sans doute à la recherche d'une nouvelle cible.