Le vent soufflait. Les nuages s'amassaient au dessus du château. Le parc était déserté par les Autres, rentrés se réchauffer ; il ne restait que l'herbe. Les nuages noirs. La tourmente, jouant avec les cheveux de Felicia. Et Felicia, seule entre terre et ciel.


Elle observait le monde autour d'elle. Depuis longtemps. Assez longtemps pour avoir arrêté de penser, son esprit en errance quelque part dans l'univers. Assez longtemps pour ressentir vivement la brûlure du froid sur sa peau nue. Mais elle restait, fermement plantée dans le sol.

Tu comptes t'enraciner là ?
*Pas envie de rentrer*
Tes membres vont geler, si ça continue.

L'enfant tourna la tête. Elle aperçut un bâtiment, au loin, et décida de bouger.

*La Maison des plantes*

Elle décolla doucement ses pieds de l'herbe, puis se dirigea vers les serres, havre de calme et de chaleur.
Elle avançait difficilement, ralentie par les bourrasques apportant un air glacial. Au bout de ce qui lui sembla des heures, après une lutte acharnée contre l'élément, la fillette, les joues rougies et les membres engourdis, poussa la porte de ce qui lui apparaissait comme un paradis à cet instant.



*Ouf*
Felicia ferma les yeux, pour mieux ressentir l'atmosphère chaleureuse du lieu.

Chaleur, douceur, fleurs.

Voilà qui résumait bien les Serres. Une petite forêt tropicale, emplie de magie. D'immenses plantes vertes grimpant jusqu'au plafond, de minuscules noires qui ne semblaient absolument pas végétales. De longs pétales sombres, ou mouchetés de points fluorescents.
Chantantes ou silencieuses, rares ou communes, belles ou hideuses, douces ou violentes, extras ou ordinaires, les plantes s'étalaient et vivaient sous ses yeux. Toutes les couleurs du monde s'affichaient dans la plus parfaite harmonie. Dans ce lieu en paix, l'atmosphère rassurante dégageait une impression de sécurité ; chose rare, en ces temps troublés.

*Sécurité...ou pas*
Les mâchoires d'une carnivore mauve claquèrent tout près de sa main encore froide, puis un grognement de dépit se fit entendre lorsqu'elle retira vivement ses doigts, heureusement indemnes. Respirant pleinement le parfum de terre et de fleurs exotiques, l'enfant s'éloigna dans une allée d'orchidées ensorcelées, paraissant murmurer entre elles.

Elle aperçut soudainement une autre fille, dissimulée en partie par un buisson recouvert de boutons de roses. Son joli visage se confondait presque avec le décor. Comme...
*Une fleur parmi les fleurs*
N'osant s'approcher d'elle, de peur de la troubler, l'enfant se contenta de l'observer. Elle était petite de taille et très mince, mais cela ne l'empêchait pas de dégager une aura mystérieuse, emplie de douceur. Ses longs cheveux bruns tombaient sur ses épaules, cachant sa peau claire.
Peut-être de même année qu'elle, peut-être plus jeune ou plus vieille. Difficile de déterminer cela, à cet âge, chacun pousse à son rythme.
Chacun grandit à son rythme, plutôt.

*Quoique... Nous aussi, on est des plantes à notre façon, non ?*

_{@Élina Clarke}

Alors que la fillette entre dans l'antre des plantes, un frisson, de chaleur cette fois-ci, la parcourt. Les couleurs présentes l'éblouissent contrairement à la blancheurs du tapis de neige à l'extérieur. Elle se secoue, retirant de sa cape de sorcière, les flocons brillants qui y sont tombé. L'odeur la détend, ses épaules tombent, comme si une pression énorme venait de se retirer de celle-ci. Elle serait bien rester ici, à placoter avec les fleurs, mais l'heure du diner va bientôt sonner et son estomac ne lui permettra pas de le louper. Elle décide tout de même de rester pour le moment, regrettant un instant de ne pas avoir de bouquin avec lequel s'installer pour l'après-midi. *Au moins, j'pourrais admirer la nature*

Alors qu'elle se fait cette réflexion, elle détourne la tête et aperçois un visage inconnu à travers le feuillage. *T'es qui toi ?*
Sans s'approcher, elle dévisage le corps, uniforme rouge, cheveux noirs, peau pâle, un peu plus grande qu'elle, mais elle pourrait tout de même appartenir à la même année que la fillette. Penchant la tête et essayant de deviner qui cette fille pouvait bien être, l'irlandaise hésite à aller lui parler. Et si elle préfère être seule ? Et si elle voulait observer en silence ?*Oh et puis, tant pis !*
N'hésitant plus, elle se dirige silencieusement vers la rouge et se plante, sans mauvais jeu de mot, devant elle. Chuchotant du bout des lèvres pour ne pas la faire sursauter.

-C'est beau, hein ?

Peut être, regarde les..

Regarde-la.
C'était cela, la fillette se tenait devant elle. Felicia ne l'avait pas vu se déplacer, se mouvoir entre les feuilles et branches qui occupaient le monde. Enfin, le monde des Serres. Elle n'y était plus.
Elle s'était envolée avec ses pensées, dans l'univers qui occupait son esprit. Quelques instants... Ou plus, elle oubliait souvent le temps qui passait, sa présence indestructible et destructrice.

Cette durée indéterminée avait suffit à l'autre pour s'approcher, et à présent seul son souffle léger se distinguait parmi le chuchotement du vent retenu par les murs de verre.
Une cape d'un bleu clair reposait sur ses bras, incitant l'enfant à la détailler davantage.
*Une Serdaigle ?*
Son air indécis, presque timide, semblait attendre une réponse, ainsi qu'elle le devina après une observation plus profonde.

C'est beau... Oui.


Elle scruta ces yeux de noisette avec curiosité, cherchant à connaitre la raison de sa venue, à elle.
Et puis elle répondit doucement.

— Oui... Mais moi, j'aime aussi ce calme. Je ne viens pas souvent, mais je pourrai y rester longtemps...

Sentant que le dialogue pourrait se continuer, la fille se laissa tomber au sol, s'adossant au tronc d'un arbre immense. Les genoux repliés contre sa poitrine, elle se sentait en paix. Elle relâcha son attention face à l'autre.
Elle réfléchissait. Elle aurait aimé connaitre son nom, à l'arbre. Un chêne ? Un tilleul ? Un cerisier ? Elle ne le savait pas, et elle en était déçue. *Je chercherai*

Ayant résolu le problème, elle releva ses yeux vers l'étrange demoiselle.
Elle aurait aimé connaitre son nom, à elle aussi. *'faudra lui d'mander.*

Silence au milieu des fleurs. Seuls le bruissements des feuilles au gré d'une imperceptible brise le troublait. Le vent de l'extérieur se brisait contre les immenses vitres, comme l'auraient fait des vagues déferlant sur une jetée. Et elle était au cœur de cet océan de vie. Douce oasis de tranquillité. Peut-être y viendrait-elle plus souvent, finalement. Loin des bruits du château, loin des ennuis et des complots. Ailleurs. Dans ce lieu reflétant ses pensées. Ce lieu vibrant de multiples teintes, empli de surprises et de beauté. De danger. De silence. Et elle se laissait bercer, au rythme de ses pulsations muettes.

Soudain, la voix.
T'es qui, au juste ?

Les mots déchirèrent le calme fragile. Ils rebondirent sur les parois de verre, se cognèrent les uns aux autres, se répétant, glissant dans l'abîme de l'écho.
La voix comble le vide, reforme l'espace, reprend la conversation qui s'était installée.
*Qui je suis ?*
Étrange question. N'était-elle pas en incessant changement ?
Mouvement infini, éternelles modifications. Elle était éphémère.
Matière qui finirait un jour par se désagréger, âme qui rejoindrait plus tard l'univers. Elle n'était rien. Et tout, à la fois. Elle était multitude réunie en une.
Toutes ces phrases instables, compliquées, philosophes se réunissaient en un mot. Un nom. Qui était elle. Ce fut à cet instant, les yeux mi-clos sous la tiédeur apaisante des serres, qu'elle en prit conscience pour la première fois.

— J'suis Felicia. Ou Féa, comme tu veux.

Simple réponse. Et pourtant si complexes, si complète.
Curieusement rassurée, une fois ces paroles prononcées, la fillette carra son dos contre le tronc de *l'arbre*. Sa colonne vertébrale sans doute aussi droite que la tige d'une des plantes environnantes, elle plongea son regard dans celui de l'autre. L'inconnue.
Plus pour longtemps.

— Et toi ? Qui es-tu ?

Nouvelle formulation. Elle verrait bien quels fruits porteraient cette douce question.

@Élina Clarke, sincèrement désolée pour ce retard

Alors que les effluves de douceur en provenance de la serre lui parvienne lentement à l'esprit, elle écoute d'une oreille distraite la réponse de sa voisine alors même que celle-ci daigne répondre à sa propre question. Mais c'est plus fort qu'elle, ses pensées divaguent sans qu'elle ne puisse les rattraper. Mais malgré tout, elle comprend ce que l'enfant murmure. *C'est beau Féa* On aurait dit le nom d'une plante, ou encore d'un des magnifiques royaumes qu'elle visitait à travers les pages de ses différents livres.

-C'est... c'est beau, Féa. Ça sonne, j'sais pas trop, magique ?

Alors que son imagination fertile se remet à faire des siennes, imaginant une petite ville, entouré de champs de roses, nommé Féa. Tout le monde y serait le bienvenue et se serait un lieu représentant l'espoir et la paix, après tout, les fleurs ne peuvent pas amener quelqu'un à se battre.

Rapidement, la voix de son interlocutrice *Felicia* lui parvient à l'oreille. *Qui suis-je ?* Bonne question. Elle ne le savait pas et cette question n'aurait certainement jamais de réponse, du moins pas avant longtemps. Tellement de chose était éphémère en étant enfant. Tout était constamment en mouvement, rien ne restait, sauf quelques petites exceptions, qui confirmaient la règles.

-Élina, c'est... mon prénom. J'sais pas si c'est qui je suis, mais c'est comme ça que j'm'appelle.

Elle aimait leur petite discussion au cœur de la serre. Ici rien provenant de l'extérieur ne pouvait les atteindre. Que ce soit le froid hivernal ou les problèmes que ramenaient les autres au château, ici, elles étaient comme protégé, seule parmi l'océan de verdure qu'elles côtoyaient, rien ne pouvait se mettre au travers de leurs chemins.

-Ça te dit de jouer à un jeu ?

Après tout, pourquoi pas, elles n'allaient pas continuer à se regarder dans le blanc des yeux jusqu'à épuisement ?

« C'est beau, Féa »

La fille avait sans doute raison. Pourtant, une trace d'amertume se glissa dans le sourire que l'enfant offrit, comme en guise de remerciement.

D'un côté, c'était joli. Mais derrière le miroir des apparences, c'était laid.
Ce surnom ne l'avait jamais quittée, même lorsqu'elle avait appris l'espagnol. Sa douce langue maternelle lui avait joué un mauvais tour, et elle entendait encore le chaleureux murmure de sa mère lui assurer que « fea, ça veut dire moche, ma chérie ; tu vois bien que ce n'est pas pour toi...»

Cependant, elle ne l'avait pas écoutée. On peut prêter toutes sortes de sens aux mots, une infinité de choses différentes qui expriment des désirs, des sentiments. Alors, elle en avait fait ce qu'elle souhaitait.
De la magie... Peut-être bien.

Et tandis que l'inconnue lui parlait, son esprit s'envola un instant vers le pays de ses rêves, celui auquel elle devait ses pouvoirs, son nom, et la moitié de sa famille. Un lieu idyllique dans ses pensées, un lieu qu'elle ne connaissait qu'à travers les souvenirs et les dessins aux tons pastels de sa mère. Un lieu fait de merveilles, tout comme ces Serres chatoyantes, en mille fragrances, mille couleurs, mille saveurs qui caressaient sa perception.

Au delà de sa conscience, sa vision superposait les deux paysages, l'un imaginaire et l'autre réel. Elle les admirait du fond de son âme, mais le nom la ramena dans son présent, l'y ancra fermement.
La demoiselle avait mis fin à l'anonymat, lui dévoilant son prénom. Si elle avait un nom, elle n'était plus une inconnue. Élina. C'était beau, c'était un mot, trois syllabes qui dévalaient sa bouche en cascade. C'était comme un nom de fleur.

— C'est aussi beau, Élina. C'est plein de douceur... J'aime bien.

Elle contemplait ce nom, du haut de ses idées tournoyantes. Elle le retournait dans sa tête, comme s'il allait rappeler quelque chose caché au creux de sa mémoire, quelque chose enfoui depuis longtemps. Mais rien ne remonta à la surface. Seule la voix creva la bulle de silence. Que disait-elle ?

Un jeu. L'enfant resta muette. Cela faisait des années qu'elle avait oublié ce mot, depuis le déménagement, les cris, les ennuis. Mais elle décida qu'il sonnait bien, comme une promesse de joie. Elle décida qu'elle pouvait l'utiliser ici, alors qu'elle était en trêve avec sa vie et le reste du monde. Isolée et coupée de tout. Elle accepta.

— D'accord... Mais lequel ?

Son ton perdait son sérieux habituel, empreint de malice. Il la ramenait en arrière, lorsqu'elle était petite - *rien qu'une gamine qui courait dans les rues de Glasgow*.

Elle se pencha en avant, en quête d'une réponse. C'était une belle idée. Profiter du temps qu'elles avaient à ce moment.

@Élina Clarke, désolée pour mon avance/ ou ma ponctualité, cette fois-ci (je sais à quel point c'est désespérant )

Lorsque sa compagne de serre la complimenta sur son prénom, elle ne put s'empêcher de rougir. Personne ne lui avait jamais fait une remarque de la sorte et sa timidité reprenant le dessus alors qu'elle s'était faite plutôt discrète depuis son arrivée ne se gêna pas pour revenir en force. *Merci* Elle n'osa dire ce mot à voix haute. Parfois, le silence et un simple sourire sont plus fort que les mots eux-mêmes et au cœur des plantes, elle ne trouva pas de meilleure moyen pur s'exprimer. Suivant donc son instinct, elle remonte l'extrémité de ses lèvres, espérant que Féa comprenne tout ce qu'il signifiait.

Alors que ses pensées défilaient à toute vitesse *pour changer*, son regard s'illumina à la réponse de la jeune fille. Elle acceptait de s'enfoncer davantage dans leur petite bulle à l'épreuve du temps et de la faire durer plus longtemps. Mais une question restait, à quoi pourrait-elle jouer ? Elle n'y avait pas pensé en proposant cette idée. Quelque chose de simple et calme, mais quoi ? Une intense réflexion imprégner sur son visage, elle repassait les différentes activités qu'elle avait fait avec son frère, mais rien ne convenait. Comme son silence s'éternisait, elle se résolu à répondre, un peu honteuse.

-Mmh... je sais pas trop, j'y ai pas pensé. Un petit rire s'empara de sa gorge lorsqu'elle déclara cette phrase. Elle était tout de même celle ayant proposé cette idée et elle n'avait aucune idée de ce qu'elle pourrait faire. Tu as une idée ? Peut-être un jeu de devinette ?

Elle espérait que sa camarade ait une meilleure idée, dans le pire des cas, elles trouveraient un moyen de l'amélioré, elle n'en doutait pas.