Edwin écouta attentivement les jeunes filles tout en continuant son repas. Puis lorsque Louise s'interrogea sur la différence entre métamorphose et sortilège, Edwin se sentit presque obligé de faire son monsieur je-sais-tout. Bien qu'il savait que cela pouvait être bien souvent exaspérant, il était suffisamment à l'aise en présence des aiglonnes pour continuer la réponse de Jayna.

"Effectivement la métamorphose est un type de sortilège. Les sortilèges sont à la base d'une action révélant de la magie. C'est donc un sujet très vaste. Il y a les enchantements que nous verrons principalement en cours de Sortilège, par exemple faire voler des chandeliers." confirma Edwin en désignant les multiples bougies virevoltant autour d'eux.

"Mais aussi, les maléfices et les malédictions que nous verrons probablement plus en défense contre les forces du mal ou encore les sortilèges de métamorphose, qui sont plus liés à la transformation d'un objet ou d'un être vivant en un autre objet ou être vivant. Par exemple, transformer une fourchette en cuillère." poursuivit-il en sortant sa baguette tandis que les desserts firent leurs apparitions sur la table.

Edwin se racla la gorge tout fixant sa fourchette, puis prononça "Furcula cochlear" en prenant bien soin d'accentuer sa diction sur le second "u" de furcula comme il avait pu le lire, le tout avec un léger mouvement de poignet plein d'assurance.

C'est alors que sa fourchette se transforma en cuillère qui semblait parfaite en tout point. Un peu surpris de sa réussite et toujours souriant, le jeune irlandais tenta d'empoigner sa création afin de prendre un petit bout de gâteau au chocolat. Mais ce n'eut pas vraiment l'effet escompté puisque la cuillère se révéla en fait toute flasque.

Le jeune homme s'amusa de cet échec cuisant et ponctua sa démonstration dans un petit rire étouffé par : "Ca manque un chouilla de pratique, mais la théorie est là !" tout en reposant le couvert caoutchouteux.

Les deux aigles connaissaient déjà tous les cours de début d'année. Alors qu'elle avait bêtement posé une question, qu'elle pensait anodine, elle se rendait compte qu'elle mettait le doigt sur le retard qu'elle accumulait sur certains sujets. Elle espérait de tout coeur être dans le dortoir de Jayna pour des cours particuliers, ou pouvoir demander à Edwin de lui montrer toutes les étoiles du ciel pour son devoir d'astronomie. Elle eut un instant de doute ... Avait-elle vraiment sa place à cette table ? Celle des érudits de toutes les générations, depuis presque 1500 ans. Elle avait attendu toute sa vie le verdict, et aujourd'hui elle doutait. Assise sur sa chaise, au milieu des aigles, elle doutait plus que jamais. * Le choixpeau ne se trompe jamais, pensa-t-elle, tu viens de le lui rabâcher* Elle s'efforça d'éclaircir ses pensées en même temps que l'arrivée des desserts.

C'est à cet instant qu'elle remarqua que Edwin venait de sortir sa baguette. Une démonstration ? Voyons ça ! La jeune fille encra ses deux coudes sur la table, les mains jointes, et posa délicatement sa tête sur ses mains. Elle adopta un air qui traduisait parfaitement un "Vas-y, éblouis-nous", un peu provocateur. Un "Furcula cochlear", d'une diction parfaite et sans hésitation, se fit entendre dans la salle. La fourchette venait de se changer en cuillère ! Louise était sous le choc, abasourdie, impressionnée. Un premier année, qui réussissait parfaitement le premier enchantement qu'il essayait, ça ne devait pas arriver tout les quatre matins. Il fallait qu'il lui apprenne ce tour.
Le jeune homme avança la main, le regard fier, en direction de son œuvre. La déception était palpable lorsque la cuillère, molle, resta à moitié sur la table quand il voulut l'en décoller. Louise éclata de rire.

- Oui en effet, ça manque de pratique !!

Elle attrapa un petit gâteau en forme de cube dans l'un des présentoirs et le jeta dans sa bouche, le sourire aux lèvres.

La bonne ambiance régnait à la table de Serdaigle, d'autant plus devant ce loupé magistral aux allures de réussite si on en croit l'étonnement puis les éclats de rire de la tablée. Ceci dit, avant d'amuser un peu la galerie, Edwin ne put s'empêcher de remarquer que le doux visage de Louise était empreint de doute.

N'était-ce pas le lot de tout le monde ? Surtout en étant envoyé dans la majestueuse maison de Rowena : la créativité, les aptitudes exceptionnelles, le prestige. Comment le Choixpeau avait-il pris sa décision ? Le jeune irlandais était dans l'incompréhension, il ne se reconnaissait pas vraiment dans tout ceci. Et pourtant, il était là - à cette table avec ces futurs probables grandes sorcières et grands sorciers - et venait de rater un sortilège mineur. De mémoire de sorcier, le Choixpeau ne s'est jamais trompé, certes il n'y a pas de logique, mais le point sur lequel personne ne pouvait douter, c'est que ce bout de tissus défraîchi avait été enchanté par une grande sorcière et investi des esprits des fondateurs de l'école. Cet enchantement était probablement la plus belle magie qui puisse exister, elle avait toujours visé juste, pourquoi douter ?

Tandis que les élèves se gavèrent généreusement de la multitude de mini-dessert sur la table, l'horloge de la grande-salle afficha désormais 21 h 00 et les préfets de chaque table se levèrent avec une synchronisation quasi parfaite :

- "Élève de première année, mettez-vous en rang et suivez-moi !", s'esclaffa le préfet de la maison bleue.

C'était le clap de fin de ce copieux repas, la journée avait été longue et pourtant était passé à une vitesse folle. De plus, il restait encore tant de choses à découvrir : les principaux lieux de vie - salle commune et dortoirs -, la localisation des différents lieux essentiels tels que les salles des cours ou encore ce qui tenait le plus à cœur le jeune Irlandais : la bibliothèque !

Les premières années s'exécutèrent et quittèrent la pièce sous les applaudissements de leur maison respective...