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28 mars 2021, 18:53
Atomes  PRIVÉE 
Il n’y a plus de brume dans mon esprit, mais je ne vois pas mieux.
Dans mon regard-à-l’unique-œil, c’est au tour du voile de faire son entrée impitoyable, en brisant toutes les formes que j’essaye d’interpréter. Il me laisse en plan. C’est tout ce qu’il me reste, l’interprétation, face à ces lignes cassées, floutées, et ces couleurs en pâtés. « Bon Dieu… » siffle ma respiration en signe de résignation. Je ne peux rien faire pour améliorer ma vision morcelée, fumée comme une cigarette rougie d’une seule traite.
Mon œil droit me fait mal, je ne peux pas l’ouvrir. Et mon œil gauche me trahit, je suis obligée de m’approcher de la pouffy pour la voir. *Allez*. Je dois me lever.

Ouais t’as l’air vachement en état de ranger cette tente seule et rapidement…

Une tâche blanche, démembrée, accompagne les dires d’un mouvement d’Est en Ouest. *Son bras…*. Qu’est-ce qu’elle raconte ? J’ai juste besoin de respirer un peu *trop d’temps* pour ranger ma tente avec un seul sortilège. En même pas deux secondes. *’raconte n’importe c’te fille…*.
Est-ce que cette pouffy était vraiment une sorcière ou c’était une *’bordel… j’vois plus rien…*. Mon voile s’était métamorphosé en un océan de courants contraires ; qui s’entrechoquaient pour le monopole des formes. Les réfractions dans tous les sens me fatiguaient, formant une grosse tribu de petites réalités. Aucune n’était vraie, toutes étaient pétées.
*Vite*. Presque entièrement à l’aveugle, je rabats ma jambe droite pour pousser dessus. « Vraiment vous êtes bizarres… ». *Quoi ?*. La douleur qui me déchire la cuisse s’arrête d’un coup. Je relâche tout.
Mes fesses qui venaient juste de se décoller s’écrasent à nouveau contre le sol, éclatant d’une grande douleur dans mon dos. « Aïe ! ». *Bizarre ?*. Mon œil-difracté se tourne vers cette voix qui continue de parler. *Secret ?*. Je comprenais qu’elle soit surprise de nous trouver ici, mais il n’y avait rien de bizarre.
Mon visage est dur au milieu de ma fatigue exténuante.

T’es en tr…

Elle a bougé.

La voix de Nejma découpe ma phrase en deux. Et même si je ne comprends pas tout de suite sa phrase, il suffit à mon unique œil de cligner une fois pour que je remarque le vide découpé. Face à moi, la toile rubis est ballotée par les courants déchainés de mon voile.
Plus de pouffy, elle est partie.

Tss…

Je relâche tout mon corps — m’écrasant durement par terre — puis je referme mon œil-de-vitrail. *Foutue pouffy…*. Même si ça me fait chier, ma conscience dans le noir, j’accepte que cette fille soit partie.
Il va falloir que je la retrouve.
Ma respiration est beaucoup plus calme, bien moins saccadée ; même si elle me fait encore mal.

J’aurais dû t’réveiller au moment où elle s’est incrustée.

*Ouais…*. Même si je ne le pense pas réellement.
Ce n’était vraiment pas une bonne journée pour parler à quelqu’un, aujourd’hui. Un yoyo mental commençait à se faire dans mon crâne. Le noir dansait en boucles. « Charlie ? ».

Ouais ?

T’es morte ?

Ouais, un souffle qui ressemblait bien plus à un râle. *’fait chier…*. J’ai beaucoup trop dépassé mes limites ce soir, mon corps est un brasier de douleurs. Mais je ne peux pas arrêter de m’entraîner. Sinon, comment je vais faire pour rattraper Nejma et Alistair ? Et comment je vais faire pour dépasser Aodren et Montmort ? Je DOIS m’entraîner. Encore, et encore. Même si ça fait aussi mal.
De toute façon, ça ne fera jamais aussi mal que
Un iceberg se fracasse contre la peau mon estomac. « Hha ». Je sursaute, fouettant le sol de toute ma longueur. *Bordel !*. Puis, tout se détend à l’instant d’après. Un frisson glacé traverse tous mes membres.
« Tu... pourrais… ». Respirée tranchée. « Prév’nir… ». Mon souffle s’agite au rythme de mon ventre qui se fait malaxer.
Sans même ouvrir les yeux, je sais que c’est la main de la Serdaigle qui m’applique son baume sur la peau ; en appuyant comme une bourrine, comme si plus la pression était élevée, plus ça allait traverser rapidement les couches de mon corps. La douceur n’était pas son fort, tout comme ses mots. Pourtant, son savoir m’était précieux.

Je ressentais déjà les premiers effets de sa crème qui cavalait dans mon sang. De grandes étoiles filantes qui accélérait le rythme de mon cœur et qui forçait mon corps à tout faire fonctionner plus vite. *Bien…*. Même si sa main m’écrase le ventre comme une pâte à pain, et que la douleur pulse dans mes organes comprimés, je ne bronche pas.
Une pensée se dirige vers la pouffy. Cette foutue pouffy.
*Demain…*. J’irais la retrouver, il me fallait juste une nuit de sommeil.
Je décide de ne plus y penser.

Ma bouche s’ouvre dans un souffle moins fatigué, plus dur : « Nejma ? ». Les douleurs de mon corps commencent à s’endormir.

Hm ?

Tu m’fais du bien.

Et sa main s’arrête de malaxer mon ventre. *Maintenant !*. J’en profite pour prendre une goulée d’air gigantesque, et pour rattraper tout le retard de souffle qu’elle m’avait imposé. *’Dieu…*. Elle appuyait tellement fort que je n’arrivais même plus à respirer.
Les yeux fermés, je sens quand même son regard me transpercer de son noir profond. Si mon corps me faisait moins mal, je ressentirais presque de l’amusement. « Arrête ça ou j’te jure que j’t’achève », grogne sa voix grave en reprenant son massage qui ressemble bien plus à une torture volontaire, un moyen pour elle de me faire fermer ma gueule.
Et ça marche, je n’arrive plus à respirer, je ne peux plus prononcer le moindre mot.
Pendant qu’un sourire incontrôlable se balade sur ma tronche.



F I N

𝄞



je suis Là ᚨ