En ce premier jour du printemps, les deuxièmes années n'avaient pas cours. Pourtant, après un petit tour dans la serre des Poufsouffle et un bon petit déjeuner, Deryn se dirigeait d'un pas décidé vers la salle de Défense Contre les Forces du Mal. Il faut dire que le cours d'hier avait été une véritable catastrophe. Au lieu de se défendre comme il se doit face à l'épouvantard comme la plupart des élèves de la classe, l'irlandaise était bêtement restée immobile, autant fascinée que terrifiée par la créature qui lui faisait face. Il faut dire qu'elle ne s'y attendait pas, pas comme ça en tout cas. Ces créatures étaient vraiment vicieuses et savaient taper là où il fallait.

Deryn se sentait stupide face à cet échec d'autant qu'elle en avait fait des cauchemars pendant une bonne partie de la nuit suivante. La plupart des autres élèves avaient réussi à changer des monstres bien plus effrayants ou des objets parfois étranges en de charmantes choses à pois, plumes et rubans. Deryn qui pourtant adorait la métamorphose et laissait facilement son imagination visualiser les choses les plus folles n'avait absolument pas réussi l'exercice.

Elle avait donc accepté sans hésiter la proposition de son professeur de revenir s'entraîner le lendemain pour maîtriser un minimum la chose en vue de l'examen de fin d'année qui allait approcher à grand pas. Une fois devant la porte, elle décida d'attendre son camarade de révision pratique du jour, Edmund, qui n'allait surement plus tarder.

Pour beaucoup de deuxième année, le mercredi était synonyme de liberté, grasse-matinée, loisirs — d'autant plus alors que le beau temps s'installait durablement dans l'enceinte de Poudlard. Certains lézardaient dans leur lit jusqu'à dix heures, d'autres se levaient pleins d'énergie et couraient dans le parc pour faire des activités en extérieur. Ce n'était pas le cas d'Edmund. Le temps libre du mercredi était avant tout l'occasion de travailler pour rattraper son retard dans les matières qui lui faisaient défaut. Et ce mercredi-là ne dérogeait pas à la règle.

La veille, Mr. Dole avait décidé que leur séance de torture hebdomadaire — appelé sobrement DCFM dans un souci de politiquement correct — porterait sur la créature la plus terrifiante qu'ils étudieraient cette année : l'Epouvantard. À la mention de ce nom, Edmund avait eu des sueurs froides : ayant lu en début d'année l'intégralité du manuel de Défense contre les Forces du Mal, il savait ce qu'étaient ces créatures, et avait depuis redouté le jour où ce cours serait dispensé, priant intérieurement pour que le professeur oubliât de le faire — sans grand succès, visiblement. Et de façon très prévisible, la rencontre entre le monstre et l'élève ne s'était pas passée de façon idéale. Edmund eut tout de même comme victoire significative de parvenir à ne pas partir de la salle en hurlant et pleurant toutes les larmes de son corps.

C'était pour cette raison qu'il marchait à présent à un rythme détraqué dans les couloirs du premier étage, au lieu de prendre la direction de la salle d'étude comme à l'accoutumée : à la fin du cours de la veille, le professeur lui avait proposé une nouvelle chance d'affronter son Epouvantard, et malgré son souhait de ne plus jamais se retrouver face à cette créature, Edmund avait accepté. Et si à présent l'envie de tout abandonner et de partir se réfugier dans la sécurité de son lit le tenaillait, la promesse qu'il avait faite à son père durant l'été l'en empêchait aussi sûrement qu'une arme braquée dans son dos.

Arrivant sur place, il distingua de loin sa camarade de peine : Deryn. S'il se serait volontiers passé des réminiscences embarrassantes des événements de la Saint Valentin — se retrouver avec Mr. Dole et Deryn simultanément pouvait difficilement ne pas faire écho avec les événements du 14 février — il était néanmoins content de ne pas être seul à affronter l'épreuve du jour. Une fois au niveau de sa camarade, il la salua d'un « Bonjour » gêné avant de se tourner vers la porte. « Le professeur Dole est déjà à l'intérieur ? Tu as toqué ? »

Même s'il n'avait pas cours le mercredi, Mark s'était levé avant le soleil pour profiter de l'air frais et faire un peu d'exercice. Quelques ateliers de Quidditch conseillés par Rafael et qui avaient pour objectif de lui faire retrouver sa forme physique d'antan.

Après une bonne douche et un petit-déjeuner à la volée, Mark était de retour dans la salle de défense contre les forces du Mal. Il avait posé son balai contre l'une des tables d'élèves et, un muffin à la main, il se dirigeait désormais vers le grand aquarium qui dominait le mur du fond de la pièce. Poissons du lac noir et spécimens exotiques aux couleurs vives nageaient en harmonie dans cette eau magiquement adaptée à toutes les conditions de vie. Le professeur aimait prendre le temps de les observer et il profitait de l'absence de Strangulots pour les voir évoluer librement sans crainte des prédateurs.

Cependant, cette quiétude matinale fut rapidement interrompue par des bruits provenant de l'autre côté de la porte. Mark n'attendait aucune visite particulière et c'est quelque peu perplexe qu'il s'avançait en direction de l'entrée de la salle.

À hauteur de la porte, il l'ouvrit sans ménagement pour découvrir ceux qui venaient à sa rencontre. Muffin à la main, Mark fit face à deux élèves de Poufsouffle de deuxième année. Étonnamment, il avait déjà eu l'occasion de les rencontrer individuellement depuis son arrivée au château. O'Connors pour défendre les Botrucs et Long pour s'excuser de son comportement déplacé. Il fallut quelques secondes à Mark pour que les connexions cérébrales se fassent. Il avait complètement oublié qu'il avait proposé aux élèves n'ayant pas réussi à vaincre l'Épouvantard la veille, une séance de rattrapage aujourd'hui. L'enseignant tenta de masquer sa surprise et se décala de l'embrasure de la porte pour inviter les élèves à entrer.

« Bonjour Miss O'Connors et Mr Long. Vous êtes là pour prendre votre revanche, j'imagine. »

Dans un sourire qui fit apparaître des dents couvertes de chocolat, il pointa l'intérieur de la pièce avec la main tenant le muffin à moitié dévoré.

« Entrez, je vous prie. Votre ami le non-être vous attend. »

Comme à son habitude et ce même si, elle s'apprêtait à affronter une bestiole qui n'avait rien de sympathique et qui n'était d'ailleurs même pas une bestiole, Deryn salua son camarade de Poufsouffle avec entrain. Elle allait répondre à sa question quand la porte de la salle de classe s'ouvrit à la volée, laissant apparaître le professeur Dole en pleine dégustation sucrée.

Le temps d'arrêt qui suivit cette ouverture brutale, fit planer le doute dans le cerveau de la jeune fille. Est ce qu'ils s'étaient trompés de jour ? Tous les deux ? Monsieur Dole reprit cependant vite la parole, ce qui rassura la Poufsouffle. Elle hocha la tête pour confirmer ses dires. Ils venaient prendre une revanche et, pour sa part, éviter à tout prix un "T" à la session d'examen de fin d'année.

Deryn entra dans la salle de classe quand on les y invita en se retenant de rire face au sourire chocolaté de son professeur. Regarder ailleurs était surement la meilleure solution. Ne sachant pas trop où regarder justement ni où se mettre, elle prit la direction habituelle des tables. Elle ôta sa cape qui ne servirait qu'à l'encombrer durant l'exercice pratique et la déposa, une fois n'est pas coutume, proprement sur le dossier d'une chaise. Elle sortit ensuite de son sac le parchemin sur lequel elle avait prit des notes la veille. Relire les instructions avant le lâcher de l'immonde... machin lui semblait une bonne idée et une bonne méthode pour se reconcentrer un peu.

À peine Edmund avait-il posé sa question que la porte s'ouvrit brutalement, le faisant bondir en arrière. De l'autre côté de l'ouverture, un Mr. Dole visiblement étonné regardait les deux élèves sans avoir l'air de comprendre ce qu'ils faisaient là. Avait-il oublié leur avoir proposé de venir s'entraîner de nouveau face à l'Epouvantard ? Il écarta l'hypothèse lorsque le professeur prit la parole et les invita à entrer. Peut-être avait-il été surpris qu'ils ne se fussent pas désistés ? À cette pensée, il se fit la réflexion qu'il aurait bien fui au bout du monde s'il avait pu... Dans tous les cas, après avoir salué poliment en retour le professeur et non sans et une légère grimace à la vue de ses dents partiellement noires, Edmund emboîta avec hésitation le pas de Deryn et pénétra dans la salle.

À l'intérieur, il suivit machinalement sa camarade tout en essayant de se préparer pour l'épreuve qu'ils allaient subir, tentant de réguler son pouls qui s'était envolé en flèche en entrant dans la pièce — pas que cela fût bien inhabituel. Après avoir retiré, proprement plié et posé sa cape sur une table, il posa ses deux mains à plat sur ledit meuble en bois, ferma les yeux et se mit à faire des exercices de respiration. Inspirer profondément par le nez, jusqu'à ce que les poumons fussent presque pleins. Expirer lentement par la bouche pour les vider tout à fait. Et répéter. Bien qu'il ne parvînt guère à réguler son rythme cardiaque, cet exercice eut au moins comme effet positif de repousser encore un peu l'épreuve qu'il allait devoir affronter. Malheureusement, il ne pouvait pas repousser indéfiniment l'inéluctable — toutes ses portes de sortie étaient bloquées. Pensée positive Edmund, pensée positive.

Il retira une main tremblante de la surface de bois et se saisit de la baguette magique enfouie dans sa poche. Tu sais déjà en quoi le "non-être" va se transformer. Tu as l'avantage stratégique. Tu peux le faire. Main et baguette toujours dans la poche, il rouvrit les yeux et se retourna lentement vers Deryn, perdue dans des notes, et Mr. Dole, attendant avec appréhension la suite du programme.

Deryn redressa la tête pour écouter les consignes données par Monsieur Dole. L'épouvantard était à priori rangé dans la grande armoire. Ils ne restaient plus aux Poufsouffle qu'à ouvrir la porte et à faire face à leur peur la plus profonde en riant un bon coup. Résumé comme ça, ça paraissait si facile. Ensuite, le professeur disparut dans son bureau. Deryn se doutait que tout comme lors de sa dernière visite, il allait surveiller d'une oreille voir des deux yeux ce qui se passerait dans la pièce. Elle sourit en l'imaginant derrière la porte qu'elle observait avec attention avant de hausser les épaules. C'était tant mieux dans le fond. En cas de soucis, il ne serait pas long à intervenir.

L'irlandaise posa son parchemin sur la table avant de se tourner vers son camarade du jour en plaçant un sourire qui se voulait rassuré ou rassurant car elle sentait Edmund un peu tendu.

" Bon ! Je propose qu'un de nous deux se poste près de l'armoire et ouvre la porte et que l'autre reste en face de... ce truc. Si l'un de nous a un problème, l'autre fait diversion. Ca te va ? " Edmund ne semblait pas très confiant. " Alors... tu commences ou c'est moi ? "

Elle sortit sa baguette de sa poche et commença à faire courir ses doigts sur les petits motifs sculptés sur la poignée de cet objet qui ne la quittait plus depuis sa rentrée à Poudlard. Elle connaissait maintenant par cœur les entrelacements de la petite plante et ce petit geste banal la rassurait.

Déplacements et actions de Monsieur Dole vus avec le joueur

Le professeur expliqua au duo que l'Epouvantard se trouvait dans l'armoire et qu'ils n'avaient plus qu'à ouvrir celle-ci pour débuter leur entraînement. Il sortit alors de la pièce, abandonnant les deux Poufsouffle à leur triste sort.

Une vague d'incrédulité submergea Edmund : alors qu'il avait vu la veille à quel point les deux élèves avaient été incapables d'affronter la créature, Mr. Dole les laissait seuls ? Il ne lui était pas venu à l'esprit que leurs risques d'échecs étaient très élevés et qu'ils nécessiteraient certainement son aide si l'exercice tournait mal ? C'était tout à fait inconscient ! Les yeux écarquillés, Edmund fixait la porte par laquelle leur professeur avait disparu, la boule au ventre.

Non, Mr. Dole était un professeur, il savait ce qu'il faisait. Il devait avoir ses raisons de les laisser sans supervision. Il était très arrogant de la part d'Edmund de croire que parce qu'il ne comprenait pas les raisons de l'adulte, alors c'était qu'il n'en avait pas : Mr. Dole avait montré à plusieurs reprises durant ses cours qu'il n'était pas aussi déraisonnable que Miss. Holloway. S'il estimait qu'ils n'auraient pas besoin de son aide pour vaincre l'Epouvantard, alors il devait lui faire confiance.

Presque convaincu mais toujours aussi déconfit de se retrouver sans adulte pour les aider, Edmund se tourna vers Deryn quand elle s'adressa à lui. La jeune fille exsudait la confiance, ce qui incommoda le garçon. Comment pouvait-elle être aussi sûre d'elle-même ? Si elle était ici c'était bien qu'elle avait échoué à dompter son Epouvantard durant le cours de la veille, non ? Alors pourquoi était-elle ainsi ? Elle était complètement inconsciente !

À moins que ce ne fût lui qui était trop timoré ?

- Je veux bien que tu passes en premier si ça ne te dérange pas, répondit-il après une petite seconde de réflexion.

Deryn acquiesça et il s'approcha de l'armoire à pas mesurés. Il sortit alors avec réticence la baguette de sa poche et posa une main tremblante sur la porte en bois. Il inspira profondément puis, signalant le début de l'exercice à sa camarade d'un hochement sec de la tête, il pivota le panneau de bois et recula rapidement de plusieurs pas pour laisser le champ libre à la jeune fille.

De toute évidence, Edmund n'était pas prêt. Pourtant, il allait falloir qu'il s'y mette à un moment donné mais, elle pouvait lui accorder un petit délais supplémentaire. Elle se saisit de sa baguette et se plaça face à l'armoire tandis que le garçon allait ouvrir la porte.

La veille, elle était restée médusée devant la créature mais cette fois-ci, elle savait ce qui allait lui faire face donc, elle devait y arriver. Il fallait seulement qu'elle se concentre sur une forme un peu stupide. Elle ferma les yeux un instant un inspira un grand coup.

Quand ses paupières s'ouvrir à nouveau, la bête était là, à quelques pas. Un kelpy énorme. Une créature aussi magnifique qu'effrayante avec des crins d'algues et de joncs qui semblaient flottés comme portés par les flots pourtant absents. Quand la bête ouvrit la bouche, elle présenta aux spectateurs des dents acérées parfaitement adaptées à déchiqueter ses proies. Cependant, ce n'est pas le dents de la bête que l'irlandaise regardait fixement, c'était ses yeux. Le cheval des mers n'avait pas des yeux ordinaires ; il portait les yeux de ...

"Grand mère." murmura t-elle.

Pourtant elle le savait. Elle savait qu'elle devait regarder ailleurs. Pourtant, elle n'avait pas résisté et elle venait de sombrer dans un état second. Deryn était paralysée, perdue dans un mélange de peur intense et de fascination. Il fallait qu'elle se reprenne, elle le savait. La Poufsouffle ferma les yeux, se rendant soudain compte de l'odeur qui emplissait maintenant ses narines. Comment cette bestiole faisait ça ? Comment faisait-elle pour reproduire une telle image ? Pour pénétrer son esprit de la sorte ? Pour... Et surtout, de quel droit ?

Un nouveau sentiment était en train de naître. Deryn ouvrit les yeux. De quel droit cette bestiole se permettait elle d'utiliser ses souvenirs de grand-mère ? Une larme coula sur sa joue sans même qu'elle s'en rende compte. Elle tendit sa main tel un automate et pointa sa baguette vers le museau de la créature maintenant tout près.

"Riddikulus"

Le ton était froid et résonna étrangement à ses oreilles. La bestiole ne l'apprécia pas plus et ses pattes se retrouvèrent soudain soudées à des arcs en bois. Le kelpy à bascule se balançait désormais inutilement et un sourire mauvais apparut sur le visage de la jeune fille.

"Saleté va." souffla la jeune fille avant de se tourner vers Edmund en reculant pour lui laisser la place. "Je crois que c'est ton tour. Et je crois qu'il me faudra encore un ou deux essais minimum pour ne pas avoir un P ou pire à la fin de l'année."

De l'armoire sortit un grand cheval à la crinière d'algues. Son pelage était d'une blancheur immaculée et les joncs de son cou semblaient flotter, comme s'ils eussent été sous l'eau. La bête était incroyablement majestueuse. Et pourtant, il s'en dégageait comme une noirceur profonde, invisible mais présente. Les sabots claquaient sur le sol de façon sinistre et le poil était taché d'une aura malsaine qui donnait un arrière-goût de fiel imperceptible sur la langue. Bien que mal à l'aise, Edmund n'était pas certain de comprendre ce qui pouvait terroriser à ce point sa camarade chez cet animal : un dragon ou une araignée géante étaient bien plus dangereux qu'un cheval blanc insolite.

Pourtant la Poufsouffle demeurai paralysée. Hormis ses lèvres qui murmurèrent deux syllabes que l'enfant n'entendit pas avec la distance, son corps était parfaitement immobile, yeux plongés dans ceux du cheval qui s'approchait avec la lenteur savourée du prédateur. Alors qu'Edmund se demandait s'il ne devrait pas intervenir, Deryn redevint maîtresse de son corps et changea la bête en joli cheval à bascule avant de se tourner vers le garçon. Un sourire plus sombre qu'une nuit sans lune plaqué sur le visage, elle lui signala que c'était son tour. Edmund déglutit difficilement : elle avait l'air... quel air avait-elle exactement ? Il ne l'avait jamais vue ainsi. Dans tous les cas, elle ne semblait pas de bonne humeur.

Un hochement de tête inquiet, deux inspirations saccadées et trois pensées désespérées et il s'avança vers le cheval à bascule. Celui-ci se stoppa net dans son mouvement et pivota lentement vers lui comme une marionnette aux fils invisibles. La main crispée sur sa baguette, Edmund ferma les yeux pour ne pas voir la transformation — il la percevait déjà suffisamment bien sur les écrans noirs de ses paupières. L'Epouvantard allait prendre une forme obscure et grandir jusqu'à mesurer un mètre quatre-vingts, et allait brandir dans la main son seul accessoire coloré : une baguette en bois clair à la poignée torsadée, une baguette tout point identique à celle du garçon. Edmund se rappelait encore la façon dont l'aura noire de la baguette corrompait l'air alentours, absorbant la lumière dans un halo impie. Il n'avait pas besoin d'ouvrir les yeux pour le voir, son souvenir vivace était aussi fidèle qu'une photographie.

Edmund avait réfléchi durant la moitié de la nuit à la manière dont il pourrait tourner cette vision en ridicule, et malgré les sueurs froides que lui avaient causées ces réflexions, il était parvenu à trouver plusieurs idées. Idées qui avaient toutes déserté son esprit. Debout, les yeux fermés, la main gauche emprisonnée par sa baguette, il ne parvenait plus qu'à se remémorer l'apparence sordide que la chose avait certainement revêtu à présent, à l'imaginer avancer avec langueur comme le cheval de Deryn quelques instants plus tôt. Acculé, il ne put que faire un pas en arrière, le visage en sueur, le souffle court, la main brûlante.

Le cheval oscillait maintenant doucement, inoffensif jeu pour enfant. Deryn elle, tremblait. Sa voix, ses mains, sa baguette. L'irlandaise détestait cette sensation : la peur, la tension et la colère. Tout ça à cause d'une sale créature qui n'en était même pas une. Elle ferma les yeux et se força à respirer profondément pour retrouver son calme. Serrant sa baguette bien plus que nécessaire, elle croisa les bras sur sa poitrine pour bloquer ses tremblements. Un instant de calme. Juste un instant.

C'est le silence qui la ramena dans la classe. Un silence pesant. Elle se souvint soudain qu'elle était sensée aider Edmund en cas de besoin. Son regard se porta immédiatement sur son camarade et surtout sur la chose qui lui faisait face. Une grande forme noire qui brandissait une baguette magique. Deryn eut un hoquet. L'épouvantard avait réussi à lui prendre sa baguette ?

Un clignement de paupières plus tard, elle se rendit compte de son erreur. La plus grande peur d'Edmund lui faisait face et visiblement, si elle avait peur des yeux de son aïeule, Edmund avait un sérieux soucis avec sa propre baguette. L'ombre avançait inexorablement mais le garçon ne semblait pas réagir. Il fit un simple pas en arrière quand la créature se pencha.

Deryn sentit la panique monter. Il allait se faire dévorer ou aspirer ou... ça faisait quoi exactement un épouvantard ? Elle jeta un coup d'œil vers la porte du bureau. Monsieur Dole était-il vraiment derrière son œillère ? Edmund allait réagir dans un instant. Un instant trop tard oui. Elle était trop tard pour s'interposer, trop loin. Alors, sans réfléchir, elle tendit sa baguette.

"Riddikulus !"

La forme sombre changea de couleur, virant au rose bonbon et se recroquevilla, jusqu'à former une sorte de boule en haut de la baguette : une belle baguette barbe à papa.

"Edmund !" Elle s'approcha de son camarade et lui posa la main sur l'épaule. "Il faut pas qu'on se laisse faire par cette chose. Elle... elle n'existe même pas et pourtant elle... nous pique nos... nos sentiments nos... Bref. On doit pas se laisser faire. Il faut que tu..."

L'épouvantard s'approchait à nouveau. Deryn poussa Edmund un peu plus loin. De toute évidence, il allait avoir besoin de respirer. Le kelpy recommençait à apparaître doucement. Une idée lui passa soudain par la tête. Elle se décala doucement pour rester en face de la créature sans rester trop proche.

"A toi de jouer Edmund. Fais disparaître mon cauchemard."

Après tout, elle n'avait pas eu de mal à lancer son sortilège sur le monstre d'Edmund. Ce serait surement plus simple pour lui aussi. Au moins, ils sauraient l'un comme l'autre réaliser correctement la formule, la gestuelle et la visualisation.