Le ventre serré, j’ai un instant d’hésitation avant de frapper quelques coups sur la porte de la salle d’Histoire de la Magie. J’ai de nouveau demandé un peu autour de moi ce matin, mais personne ne semble avoir vu Ethan pour le moment, ni dans le train, ni après. C’est vraiment inquiétant, ça et le fait qu’il ne m’ait rien envoyé de l’été…

Heureusement que Lilly et Maddie étaient là hier soir pour me remonter le moral et partir en quête de Mr Hughes, le nouveau Directeur de maison, mais il devait être un peu tard et nos recherches se sont révélées infructueuses - il était peut-être aussi occupé avec l’accueil des première année. Les deux filles m’ont également proposé d’aller demander à la Directrice, mais je ne sais pas si j’ai très envie d’aller voir celle-ci, qui m’intimide un peu trop. Au cours de notre discussion, j’ai donc pensé à Miss Montmort, ce qui a été approuvé par mes camarades. Notre Directrice de maison de l’an dernier, qui est maintenant Sous-Directrice de l’école, oui, elle aura probablement plus d’informations sur mon meilleur ami.

Malgré tout, c’est avec de légers cernes sous les yeux que je pousse la porte de la pièce. « Miss Montmort ? Bonjour… », dis-je, pas bien sûre que la professeure soit présente, « J’ai une petite question… » Doucement, j’avance de quelques pas dans la salle en observant celle-ci - c’est vrai que je ne vais plus y avoir cours, j’aurais presque pu l’oublier - et en guettant une réponse de l’adulte. À vrai dire, j’ai assez peur de ce que je pourrai apprendre ou non, mais je préfère quand même savoir.

Heureusement, la professeure d’Histoire de la Magie est bien dans sa salle de classe, et elle semble d’ailleurs tout juste sortir de son bureau - j’aurais certainement été la trouver là, si je ne l’avais pas croisée avant. Malgré le fait que je ne la connaisse pas vraiment, ça me soulage légèrement de voir mon ancienne directrice de maison. Peut-être est-ce le fait - si je ne me trompe pas - qu’elle était encore élève à Poufsouffle juste avant mon entrée en première année ? Je ne sais pas, ça peut aussi être parce que je me retrouve face à une adulte. Alors qu’elle me demande ce qu’il se passe, je réfléchis un instant à comment l’amener.

« Euh… », hésité-je en m’arrêtant à la première rangée de tables, « Je sais pas si vous voyez, Ethan Threepipes, c’est un Poufsouffle en troisième année. » Ça me fait un peu bizarre de parler de troisième année. Mais je préfère préciser, car après tout, je ne suis pas certaine que la sous-directrice puisse mettre un nom sur les visages de tous les élèves de l’école - je ne connais clairement pas tout le monde non plus. « Je… Je l’ai pas vu depuis hier. Je veux dire, pas dans le train, ni à la Répartition, ni après. », reprends-je, les sourcils froncés, exposant ainsi la raison de ma venue ce matin à l’adulte, « Et j’ai l’impression que les autres non plus, personne ne l’a croisé, alors ça m’inquiète. »

Le sujet paraîtrait presque futile, dit d’une telle manière, et j’ai bien du mal à expliquer à quel point c’est important pour moi aujourd’hui - j’ai un peu l’impression de déranger Miss Montmort pour rien, même si je n’ai aucune idée de ce qu’elle en pense. « Je me suis dit, peut-être que vous auriez plus d’informations que moi ? », continué-je d’une petite voix.

Malgré moi, je retiens ma respiration lorsque Miss Montmort s’arrête pour chercher dans ses piles de parchemin. Est-ce qu’elle a l’information directement dans ces documents ? Hochant doucement la tête alors qu’elle répète le nom de mon meilleur ami, je baisse le regard, trop stressée par l’attente. Peut-être que la direction de Poudlard a reçu un hibou indiquant qu’il va être en retard ? Du moins, c’est ce que j’espère le plus, actuellement.

Mais la phrase qui suit contredit tout ce à quoi je m’attendais, et j’ai l’impression de me prendre une gifle, que tout s’écroule d’un coup autour de moi. Il ne… Mon visage pâlit tandis que mes yeux écarquillés reviennent vers la professeure. Comment ça, il a été… Retiré ? Mais il doit revenir à Poudlard, ce n’est pas possible ! C’est forcément une erreur, un hibou mal interprété… Quelque chose d’autre, ça ne peut être que ça ! Je déglutis difficilement, déjà prête à pleurer. Ce n’est pas possible…

Toutefois, parvenant pour le moment à retenir les larmes qui menacent de perler, c’est un autre sentiment qui s’empare bien vite de moi. Du haut de mes treize ans et demi, la distinction entre la nature du message et le messager est parfois un peu trop difficile à outrepasser - d’autant plus vu l’inquiétude que j’éprouve pour le garçon et sa famille - et un ressentiment envers la sous-directrice commence à naître en moi sous la forme d’un nœud dans ma gorge. C’est de sa faute et de celle de la direction, si je n’ai pas été mise au courant avant. En plus, je leur en veux encore un peu pour les vacances d’avril dernier.

Un temps, et aussi vite qu’elle est montée, la tension redescend et un petit soupir m’échappe. « Mais… Vous savez pourquoi ? Je savais même pas que c’était possible… », marmonné-je finalement d’un ton plaintif, une fois de nouveau capable d’aligner plusieurs mots.

La gorge serrée, j’écoute l’explication de la professeure, mais un point attire mon attention plus que les reste. Ses tuteurs légaux, ses grands-parents ? Mais… Aux dernières nouvelles, avant les vacances d’été, toute sa famille s’était retrouvée éclatée aux quatre coins du Royaume-Uni, son père d’un côté, sa mère de l’autre, et Mathilda encore ailleurs, et il avait à peine plus de nouvelles d’eux que moi de mes parents. Heureusement, j’ai pu les retrouver à la fin de l’été, et je pensais, peut-être naïvement, que c’était pareil pour lui, mais il semblerait que cela n’ait pas été le cas. J’espère qu’ils vont quand même bien, eux aussi… Je me souviens que le garçon s’inquiétait tellement pour sa sœur, surtout.

Mais Poudlard ne peut rien faire. C’est exceptionnel, dit la sous-directrice, et c’est vrai que je ne crois pas avoir entendu parler d’autres élèves étant partis de l’école, même si ça a dû arriver ; mais il fallait que ça tombe sur mon meilleur ami. Je crois que je comprends quand même ce qu’elle veut dire, mais ça ne rend pas la chose moins dure à entendre.

« D’accord… », reprends-je, ma propre inquiétude étant encore montée d’un cran, « Mais, vous pensez qu’il va faire quoi, s’il est pas à Poudlard ? Il y a pas d’autre école en Grande-Bretagne, je crois… » Ses grands-parents, je suppose que ce sont ceux du côté de son père, et ils pourront peut-être l’aider avec sa magie… Quoique, ce sont peut-être ceux du côté de sa mère, et dans ce cas il ne pourront rien faire, ce qui serait bien pire. Oh, mais ils n’auraient pas envoyé de hibou alors, donc ça doit bien être ses grands-parents paternels.

La sous-directrice confirme mes pensées, ajoutant toutefois que la possibilité qu’Ethan continue ses études dans une autre école, même si probablement en dehors de la Grande-Bretagne, n’est pas à exclure totalement. Je baisse les yeux. Il n’est pas à Poudlard dans tous les cas, et c’est l’information principale que je retiens. Celle que j’étais venue chercher, même si la réponse n’est clairement pas celle que je souhaitais obtenir.

« Merci Miss… », dis-je doucement, presque dans un souffle, après avoir acquiescé aux paroles de l’adulte. Sentant ma gorge se serrer de nouveau, j’entreprends de faire à reculons, comme au ralenti, le chemin qui me sépare de la porte de la salle de classe. Comme si rien n’était réel tant que je ne suis pas sortie de la pièce, que Miss Montmort pouvait me dire qu’elle s’est en fait trompée. « Bonne journée. », reprends-je en relevant finalement le regard vers la professeure. Ça ne viendra pas, hein ?

Passant le chambranle, je m’arrête après quelques pas pour reprendre mon souffle, mais celui-ci reste court, bloqué par les émotions qui me traversent. Au contraire, je sens même ma lèvre qui se met à trembler de plus en plus, sans que je parvienne à faire cesser ce mouvement. Il ne reviendra pas à Poudlard. Une larme roule sur ma joue, puis une autre, et avant que je ne m’en rende compte, mon visage est déjà trempé et je hoquette. Il a été retiré de l’école. Comment je vais faire sans lui, moi ? Ce n’est pas pareil…