Alors que les brins d'herbes volaient inutilement autour d'elle, Mihael lança un fumos. Irene se sentit soudainement bien bête. Comment avait-elle pu laisser sa peur la guider et ne pas penser à ce sortilège ?! Mais la jeune fille n'avait pas le temps de réfléchir à cela ou de s'en vouloir : déjà la fumée épaisse l'entourait, l'empêchant de voir à plus de quelques centimètres, mais révélant des formes chevalines. Ils avaient peur de maudits canassons ?! Leurs cris étaient certes peu agréables, voire très inquiétants et ne ressemblaient pas à des hennissements normaux et surtout ils étaient invisibles, mais la peur qu'elle ressentait, était disproportionnée. La quatrième année avait la sensation d'avoir le cerveau tournant au ralenti. La jeune fille appela :
- Mihael ?!
Elle tendit l'oreille dans l'attente d'une réponse, les yeux rivés sur la silhouette chevaline la plus proche, essayant d'en voir le plus possible au travers de la fumée et de prévoir les mouvements agressifs pour s'en protéger. Pourquoi les encerclaient-ils ? Ils ne les avaient pas attaqués. Des animaux sauvages auraient attaqué déjà non ? Ou auraient fuit... Les chevaux les avaient juste effleurés et s'étaient approchés d'eux. Était-ce une espèce qui avait l'habitude des humains ? Irene se redressa lentement, évitant alors les mouvements brusques.

Son coeur battait à tout rompre, mais la jeune fille tâchait de maîtriser ses émotions tout en essayant de se remémorer les différentes interactions qu'elle avait eu avec des créatures magiques et non magiques jusqu'à présent et de ses cours dans la matière les concernant. Elle se rappela alors de sa mère qui lui avait parlé des Raies et d'une excursion qu'elle avait faite dans le cadre de ses études : les raies, comme les chevaux invisibles, avaient approché le groupe de plongeurs auquel sa mère appartenait, sans les agresser, ni fuir, juste en leur tournant autour avec ce qui semblait être de la curiosité. Chaque fois qu'elle racontait cette histoire à ses enfants, Ellen avait des étoiles dans les yeux et décrivait la grâce de l'animal. Mais ce qui avait fasciné la petite Irene à l'époque, ça avait été l'intelligence que sa mère avait décrite. Cette histoire avait marqué la petite fille, qui comprenait alors pour la première fois que les animaux aussi pouvaient être intelligents et curieux, cela l'avait fascinée. Et si ces chevaux, étaient des raies ? Aussi effrayants qu'ils pouvaient paraître, l'axe sur lequel Irene avait travaillé en début d'année, avec Mrs Almeida, la poussait à ne pas s'arrêter aux cris effrayants et à l'aspect peu commun qu'elle voyait et à puiser dans son petit courage pour attendre de voir ce que faisaient les créatures.

Les chevaux ne semblaient pas vouloir les attaquer, mais Irene, sans parvenir à se l'expliquer, ressentait la peur l'assaillir de plus en plus. Un vertige l'avait saisie, elle avait presque l'impression de manquer d'air. Mais la fumée disparu et Irene rétablit un contact visuel avec Mihael. Sa nouvelle bouée, ce n'était peut-être pas prudent, mais à ce moment la jeune fille devait se raccrocher à quelque chose.

Il sembla l'appeler, la jeune fille acquiesça en avalant difficilement sa salive. Le rejoindre, il fallait le rejoindre. Mais ne pas céder à la panique. Penser à Dai. Ne pas laisser la peur la contrôler... Irene tâcha de marquer dans son esprit la direction qu'elle devait prendre pour retrouver son compagnon de route. Elle lança alors un fumos devant elle pour pouvoir éviter les chevaux invisible et entreprit de courir vers la porte, évitant les silhouette chevalines en serrant les dents, tout son esprit tourné vers une pensée pour éviter de laisser trop de prise à l'étau d'angoisse qui l'enserrait de plus en plus : *Rejoindre Mihael. Rejoindre Mihael. Rejoindre Mihael. Rejoindre Mihael*.

Irene ne pouvait s'empêcher de se dire qu'elle avait la sensation d'être bien plus un boulet qu'un atout pour le garçon qui semblait bien plus puissant qu'elle. Comment avait-elle pu se laisser avoir ainsi ? Comment avait-elle pu céder ainsi à la panique ? Ce n'était pas ce pourquoi elle était venue. Elle aurait aimé pouvoir échanger avec lui, pouvoir lui parler vraiment, qu'ils puissent communiquer plus efficacement. Alors qu'ils franchissaient la porte, Irene se sentit beaucoup plus légère. Elle prit le temps de respirer pour chasser les derniers restes d'angoisse magique, tout en jetant un regard vers Mihael. Elle fut alors marquée par sa posture et se rendit compte qu'il semblait avoir été plus touché qu'il ne l'avait laissé paraître. Irene eu un élan, elle voulu lui demander si ça allait et le rassurer, mais elle ne savait pas comment s'y prendre, elle n'avait toujours pas l'habitude de le faire, ne savait toujours pas le faire et surtout elle ne savait pas ce qui marcherait avec lui et ne pouvait de toutes façons que communiquer par signe... Avec regrets, Irene se contenta de poser sa main brièvement sur l'épaule de son compagnon et de lui sourire tout aussi brièvement, prononçant simplement :
- Merci.

Peut-être qu'il comprendrait... Ensuite la jeune fille se tourna vers la pièce, sans vraiment comprendre. Que faisaient-ils là ? il y avait eu une deuxième porte ? Avisant la seule porte de la salle Irene redouta de devoir repasser près des chevaux angoissants pour poursuivre leur périple. Elle laissa sa peur de côté tout en poursuivant son analyse de la pièce. Au centre un bassin rempli d'eau turquoise trônait sur un socle en pierre brute. Irene eu alors un souvenir de ses recherches sur la magie de la mémoire suite à un de ses entretiens avec Mr Mason pour combattre sa peur de la foule. Une pensine. Cela ressemblait en tout cas beaucoup à la description de l'objet... Irene s'approcha alors du bassin pour l'observer de plus près. Si elle avait raison, que faisait-il là ? Et surtout, la curiosité de la Serdaigle la tirailla, quels souvenirs renfermait-ils ? Et s'il y en avait qui pouvait les aider à comprendre le Dominion, ou n'importe quoi qui pouvait les aider ? Irene se tourna vers Mihael, le pointa, pointa ses propres yeux et indiqua l'ensemble de la pièce. Elle voulait qu'il surveille, la porte, mais également elle... Ensuite, elle approcha son visage du liquide en observant la surface, le cœur battant, le regard brûlant de curiosité.

Le visage d'Irene effleura la surface turquoise et presqu'immédiatement la jeune fille se sentit comme absorbée par le récipient. Était-elle toujours présente dans la pièce ? ou Mihael l'avait-il vue disparaître ? Allait-il s'inquiéter ? Allait-il partir, la laisser seule ? Irene n'avait pas pensé à tout cela avant de plonger tête la première dans les souvenir de la pensine.

Pourtant ses inquiétudes furent brusquement interrompues par la flèche qui lui passa au travers du corps. Elle n'avait rien sentit, juste vu... Et manifestement les gens qui l'entouraient ne semblaient pas surpris de sa présence. C'était même presque comme s'ils n'en avaient pas conscience. Irene inspecta son environnement, se mouvant sans faire le moindre bruit. C'était étrange. Comme si elle était là sans y être. Un peu comme un film en réalité virtuelle avec un odorama intégré. Certains de ses sens fonctionnaient donc... mais étaient-ce vraiment ses sens ou les souvenirs des sens de la personne à laquelle appartenait ce souvenir ? D'ailleurs... à qui était-il ? Irene observa alors les quatre chasseurs qui étaient autour d'elle. Elle remarqua l'armure médiévale qui habillait l'un des hommes à pieds, à quelle époque était cette personne ?! Au même instant, une pensée sembla s'imposer à Irene "Cela va régaler certains estomacs". Était-ce elle qui avait pensé cela ?

Une fois encore Irene fut interrompue dans ses interrogations par le souvenir. Un roi. Mais le roi de quel pays ? Ils semblaient parler anglais, mais peut-être était-ce la magie de la pensine qui lui permettait de comprendre ? La jeune fille observa avec curiosité la fillette échouer son tir. Ce devait être la princesse, alors ? Les adultes se moquèrent gentiment de la petite et une nouvelle pensée s'imposa à Irene : "Les saligauts". Non, ça n'était pas son vocabulaire... Mais maintenant la Serdaigle avait une petite idée d'à qui appartenait ce souvenir. Elle détailla la petite fille qui tirait une seconde flèche triomphante. Pourquoi ses souvenirs se trouvaient dans le Dominion ? Et pourquoi ce souvenir là était dans la pensine ? Qui était cette petite fille, cette Sildnir ?

Le décors finit par se dissoudre, Irene eu l'impression de se mouvoir dans des volutes d'encre tourbillonnant dans l'eau. Pourtant, au lieu de devenir entièrement transparent, un nouveau décors se mit en place. Un nouveau souvenir, sans aucun doute. Irene observa la suite avec la plus grande attention, passionnée par l'histoire qu'elle suivait, les questions continuant de s'accumuler. Au vu de la pièce dans laquelle elle se trouvait, le royaume devait sans aucun doute être particulièrement riche. Irene avait du mal à concevoir qu'un tel lieu, tout d'or et de marbre blanc ai pu réellement exister. Si on oubliait le hall tout de marbre blanc de Gringotts, mais il n'y avait pas le moindre Gobelin aux alentours et ça ne ressemblait pas tant que ça à Gringotts. Où pouvait-elle être alors ? Irene remarqua alors les deux hommes devant le trône. Que faisaient-il ? Et pourquoi n'entendait-elle pas distinctement ce qu'ils disaient ? Et où était Sildnir ? Irene repéra enfin la princesse, cachée derrière une colonne.

La jeune rousse fut frappée par le temps qui semblait s'être écoulé entre les deux souvenirs, mais plus encore par l'objet que tenait la fillette dans sa main. Une baguette magique. C'était une sorcière. Mais alors, son père aussi était un sorcier pour qu'elle se balade ainsi, baguette sortie ? Ou bien la cour était sorcière ? En ce cas, Irene était sûre d'une chose, soit ces évènements n'avaient pas lieu au Royaume-Uni, soit ils avaient lieu avant le XIIIème siècle, si elle se souvenait de ses cours d'Histoire de la Magie. Quel intérêt de conserver d'aussi vieux souvenirs ? S'ils étaient probablement des trésors historiques sur certains points, pourquoi les cacher dans le Dominion ? Sildnir parvint à s'approcher des deux hommes en se glissant derrière une nouvelle colonne et des bribes de conversations commencèrent à être perçues distinctement par la fillette, à peine plus jeune qu'Irene, peut-être deux ou trois ans... Mais si elle avait 13 ans, le peu de conversation qu'elle avait surprise la concernait-elle ? Irene observa alors les deux hommes qui mentionnèrent des géants. Oui, ils connaissaient le monde magique et manifestement discutaient, et semblaient en désaccord, d'une solution, mais à quel problème ? Avant qu'Irene n'obtienne sa réponse au travers des souvenirs de Sildnir, les deux hommes s'interrompirent brusquement... Ils avaient remarqué la présence de la princesse...

Irene s'attendait à assister à des remontrances du père vers sa fille, comme elle-même aurait eu droit, mais non, au lieu de cela il paraissait simplement embêté. Et manifestement énervé au vu du geste qu'il fit à l'adresse de l'autre homme. Irene y vit la confirmation, ou au moins un accroissement, de ses soupçons, ils parlaient de Sildnir. Mais pourquoi parler de géants aussi ? Peut-être qu'elle ou la princesse avait mal compris les mots ?

Au câlin du père vers sa fille, Irene détourna les yeux, presque pudiquement. Cette partie de souvenir lui renvoya immédiatement à l'esprit qu'elle était dans l'espace le plus intime d'une inconnue : son esprit. Irene songea alors, aurait-elle envie, elle, qu'on fouilla son esprit comme elle assistait, spectatrice indiscrète, au théâtre de la vie de la petite fille ? Probablement pas. Mais pourtant, le regard de la Serdaigle revint sur Sildnir, quelque chose lui disait de rester. Était-ce l'intrigante présence de ces souvenirs hors de leur corps originel et entreposés dans un lieu aussi mystique que le Dominion ? ou bien simplement la curiosité d'en savoir plus, de comprendre pourquoi ils avaient été sorti de la tête de la jeune fille ? Et puis, depuis le temps, la gamine devait être morte, ça ne devait plus lui faire ni chaud, ni froid de savoir que quelqu'un remontait ses souvenirs... Si ?

Le souvenir s'acheva et sa jeune fille vieillit subitement sous les yeux d'Irene. Un coup d'oeil rapide autour d'elle lui indiqua que le lieu était le même que sur le souvenir précédant. En revanche, l'atmosphère si resplendissante du souvenir précédant a laissé place à une ambiance bien plus sombre et bien plus lugubre. Irene frissonna légèrement, elle était protégée par la nature mémorielle de ce qu'elle vivait, mais elle n'aurait vraiment pas aimé se trouver là réellement, à la place de Sildnir.

Le regard d'Irene glissa sur les autres protagonistes. Elle en reconnait un, il était là sur le souvenir précédent, il se disputait avec le roi. Mais pas de trace de ce dernier, que faisaient alors Sildnir seule et ces hommes en plein milieu de la nuit dans la salle du trône ? La réponse arriva bien vite, mais Irene eut presque du mal à croire ce qu'elle entendait tant l'homme paraissait détaché de toute émotion. La jeune fille, troublée, tourna les yeux vers la princesse, s'attendant à la voir pleurer, s'effondrer sous la nouvelle, elle qui serrait encore son père dans ses bras quelques secondes auparavant... quelques années... Mais non. Juste un froid qui s'insinua dans son corps. La posture de la princesse restait elle digne et déterminée. Alors qu'elle renvoyait les deux chevaliers et le Jorgkvar, probablement pour pouvoir laisser court à ses émotions, ce dernier resta et pendant qu'il parlait, Irene le dévisageait. Comment pouvait-il être aussi dénué d'émotion s'il était suffisamment proche du roi pour devenir le tuteur de sa fille ? Et la manière dont il parlait d'elle, comme... comme une chose... Mais Irene n'eut pas le temps d'observer l'expression du visage de Sildnir, déjà le souvenir s'estompait... Les sentiments d'Irene étaient brouillés, mais sa curiosité se faisait d'autant plus forte. Elle espérait juste que Mihael ne trouverait pas le temps trop long, lui qui semblait toujours si pressé. Mais il devait se remettre de la frayeur avec les chevaux, avec un peu de chance, tout irait bien... Tant qu'il ne l'abandonnait pas...

Irene identifie très vite qu'elle se trouve dans une chambre, probablement celle de la princesse. Cette dernière fait face à Jorgkvar, son tuteur donc et depuis peu à en juger le peu de changements physique qu'elle a subit... Et elle ne semble pas très heureuse. Irene peut comprendre, le regard de l'homme sur la jeune fille donnerait presque la nausée à l'intruse qui écoute pourtant l'échange avec toujours la même attention. Une guerre contre les géants... c'était donc cela dont il parlait avec Beinric dans la salle du trône ? Une guerre qui semblait durer, puisque deux années s'étaient déjà passées. Mais Irene ne comprenait pas, d'abord, d'où on "offrait" une jeune fille à quelqu'un ? Et surtout en quoi cela pouvait arranger les choses ? L'idée était-elle de faire une sorte de mariage, Irene frissonna à l'idée, arrangé ? Cela était-il possible légalement à l'époque ? non c'était absurde, Irene n'arrivait pas à le concevoir.

Mais alors qu'elle s'interrogeait, Irene eu une autre source de questionnement et d'inquiétude. Elle avait noté le changement d'attitude de l'homme et un froid glacial la parcourt, un mauvais présentiment. Il va lui faire du mal.
- Ce pays a besoin d'un héritier fort.
La phrase tombe comme un couperet alors que l'homme s'avance vers Sildnir tétanisée. L'esprit d'Irene, lui aussi emprunt de l'effroi de Sildnir, sembla se figer, comme si il ne voulait pas comprendre ce qui allait suivre. Se mêlant aux émotions du souvenir, les sentiments d'Irene firent leur apparition. Elle était révulsée, elle avait envie de faire quelque chose, mais elle ne savait pas quoi, elle voulait se défendre, défendre Sildnir contre cet homme ignoble, mais elle ne savait pas comment. Elle se sentait pétrifiée, horrifiée, la nausée lui montait aux lèvres mais pire que tout elle se sentait impuissante. Du haut de ses quinze ans, elle ne s'était jamais attendue à devoir faire face d'aussi près à une telle situation. Surtout pas dans un lieu comme celui-ci.

La jeune fille était immobile, incapable de faire le moindre mouvement, peinant à réaliser la réalité de ce dont elle venait d'être témoin. La pensine ne lui laissa presque pas de répit. Après quelques secondes d'un noir profond, la brume se leva à nouveau révélant une nouvelle vision d'horreur. Le regard d'Irene tomba sur Sildnir et descendit automatiquement sur ses jambes, attirés par le rouge qui tâchait la robe et coulait le long des jambes frêles. Un vertige saisit Irene qui pouvait presque sentir ses larmes couler sur ses joues. Elle espérait presque assister à une scène plus ordinaire, des règles particulièrement abondantes signifiant l'échec de l'ignoble tentative de Jorgkvar, mais Irene ne pouvait ignorer la réalité inhumaine de la situation. Elle se sentait presque à la place de Sildnir, le souvenir, en l'arpentant, devenait presque le sien. C'était presque comme si c'était elle qui se trouvait devant cette glace, si faible, laissant l'énergie vitale s'échapper de son être pour rouler sur le sol, emportant avec elle tout espoir de cette vie qui n'avait pas été désirée mais qu'elles regrettaient presque. Cette vie qu'il fallait laisser derrière soi, cette vie qui semblait prête à nous emporter avec elle...
- Au revoir petite chose...
Irene aurait pu ne jamais les entendre. Sildnir était si faible et la jeune rousse si bouleversée. La jeune fille n'avait presque pas envie de continuer, sa curiosité était mangée par les émotions. Mais elle voulais savoir, être sûre que Sildnir s'en était sortie, elle espérait si fort que la princesse avait réussit à se défaire de l'emprise de l'immonde Jorgkvar. Après tout, dans les romans, les gentils finissent toujours par gagner, alors pourquoi pas là ? Les larmes continuaient de ruisseler sur le visage de la jeune fille, qui s'accrochait à son dernier espoir. De toutes façons, ça ne pouvait pas être pire que ce à quoi elle venait d'assister.

Malgré les espoirs d'Irene, le nouveau souvenir ne semblait pas aller dans le sens qu'elle désirait. Sildnir était manifestement enfermée, comme Irene l'était dans le Dominion, dans une pièce sans portes ni fenêtres. Irene avait presque l'impression de se trouver dans le tombeau de la princesse, un tombeau magique, dont l'identité du commanditaire, s'il n'était le maçon, ne laissait pas de doute à l'aiglonne. Pourtant, Sildnir n'avait pas pu achever sa vie seule dans cette pièce pentagonale, c'était impossible. Sinon comment Irene aurait-elle pu parcourir les souvenirs de la princesse ? Personne n'aurait pu les récupérer sur le cadavre de la jeune fille, si ? Non, Sildnir s'était échappée, Irene ne voyait que cela. D'autant qu'elle était sorcière, elle aussi savait manipuler la magie et la Serdaigle avait entendu dire que les sorciers soumis à un stress intense pouvaient réussir à faire appel à leur magie sans aide de leur baguette. C'était bien comme cela que les sorciers découvraient leur pouvoir pour la plupart : par des actes involontaires de magie sans aide de catalyseur. Sildnir avait dû parvenir à s'échapper grâce à ça. Ou elle avait été sauvée par quelqu'un. Mais qui ? Irene ne l'avais vue entourée que de son père, mort, Jorgkvar -la nausée lui monta- et quelques chevalier plus intéressés par l'idée de faire bonne impression à celui possédant le pouvoir que de nouer des liens sincères...

Irene, presque en apnée, devait savoir. Sildnir avait dû survivre. Sildnir avait dû s'échapper.

Pourtant, rien de plus. Juste une brume opaque... Et alors qu'Irene s'apprêtait à quitter la pensine, un grondement résonna et une voix féminine s'éleva. Irene n'eu pas le temps de comprendre, de mettre un sens sur les mots prononcés, qu'elle fut éjectée de l'artéfact. Elle atterrit sur le sol d'une salle au milieu de laquelle trônait une pensine. Alors qu'elle s'essuyait le visage avec sa cape, tremblante encore des horreurs qu'elle avait vu, une pensée troublante, dérangeante, emmargeât dans son esprit. N'était-elle pas dans un couloir avec Mihael ? mais comment avait-elle pu pénétrer dans la pensine, il n'y en avait pas dans le couloir, ils avaient décidé de continuer leur route non ?

Les derniers mots entendus dans la pensine lui revinrent : on lui avait enlevé des souvenirs. Le cœur d'Irene s'emballa alors que les questions l'étouffaient : qu'avait-elle oublié ? Avait-elle oublié plusieurs souvenirs séparément ou un laps de temps entier ? Et là, combien de temps s'était écoulé entre le couloir et le dernier souvenir dont elle se rappelait ? Qui lui avait fait ça ? Sildnir ? Pourquoi ? Irene se sentait commencer à paniquer, dans un élan de désespoir, elle se projeta vers la pensine et plongea son regard dans le liquide, comme pour chercher ses souvenirs. Puis, elle jeta un regard désespéré vers Mihael. Et elle commença à lui expliquer :
-Je sais plus... On est où ? Dans le Dominion ? Le... le couloir avec les statues... et après... un souvenir, je crois... la salle du thrône, Sildnir, Jorgkvar... Il...
Les souvenirs de la princesse étaient comme gravés en elle, Irene refusa d'y songer plus longtemps, leur horreur la hantaient et mouillaient ses yeux. Elle secoua la tête pour se reprendre. Mihael était resté. Mihael était là. Donc, elle n'avait pas dû rester si longtemps dans la pensine... Très bien. Avec un peu de chance elle n'avait pas trop oublié. Ils avaient donc probablement dû avancer dans le couloir et étaient entrés dans cette salle à la pensine... Oui ça devait être ça. Irene réfléchissait à toute allure, comment expliquer à Mihael ce qu'il lui était arrivé et comment lui demander ce qu'elle voulait savoir ? C'était trop compliqué par les signes, Irene devrait probablement se résoudre à accepter sa perte mémorielle. Elle n'avait plus d'autre choix que de se reposer sur le jeune homme s'il y avait eu des évènements importants. Irene serra les dents. Elle voulait quitter cette pièce qui l'avait détachée d'une partie de son être, qui lui avait pris ses souvenirs, mais également avait entaché son innocence. Elle voulait quitter ce Dominion qui était pire que ce qu'elle croyait. Irene s'approcha de la porte, sortant sa baguette et posant une main sur sa poche pour s'assurer qu'elle a toujours son morphus, enfin, elle regarda Mihael pour avoir son accord avant de la pousser.

Tours 26 et 27

A peine Irene esquissa-t-elle un mouvement dans l'optique d'ouvrir la porte que cette dernière fut poussée par une jeune fille qui leva les bras, probablement en signe de "paix". Irene la braqua de sa baguette, prête à l'ensorceler au moindre mouvement suspect, observant son uniforme pour tenter de reconnaître quelque chose, mais avant que la moindre information ne fasse tilt dans son esprit, l'intruse sembla reconnaître Mihael, manifestement heureuse de le voir... Irene tourna la tête vers le jeune homme, tâchant de lire son visage, avant d'abaisser sa baguette et d'observer l'espace dans le dos de la jeune fille, tentant de repérer si elle était seule ou non. Enfin, elle se tourna vers la fille pour la détailler, espérant trouver un indice lui permettant de savoir si elles s'étaient déjà vues ou non.

Quand enfin la fille de Durmstrang se tourna vers Irene pour lui parler, la petite rousse ressentit un immense soulagement en entendant sa langue maternelle. Enfin elle allait pouvoir communiquer plus efficacement ! La Serdaigle salua d'un signe de tête accompagné d'un léger sourire la nouvelle venue et se présenta en articulant :
- Je suis Irene.
Elle jeta un regard un peu méfiant derrière Ivana et lui demanda, toujours en sur-articulant :
- Ils sont de quelles écoles ? Tu as confiance en eux ?
Irene hésita à demander à la jeune fille d'expliquer à Mihael ce que la Serdaigle avait vu dans la pensine et ce qu'il était arrivé à sa mémoire, mais finalement, elle se ravisa. Ce n'était pas l'urgence du moment, elle verrait plus tard...

Ivana répondit à Irene avec une certaine arrogance. Mais la petite rousse ne s'y arrêta pas. Le contenu des paroles de sa nouvelle "alliée" était bien plus important. Des écoles qu'Irene connaissait. Un nouveau soulagement se fit ressentir dans le corps de la Poudlardienne, teinté pourtant d'une nouvelle inquiétude : pas de mention de ses trois autres camarades, allaient-ils seulement bien ? Elowen avait-elle réussit à s'en sortir et à se mettre un peu de plomb dans la tête ? Et "Garder deux autres"... Deux autres quoi ? Pour le reste... Irene sentait que l'Européenne de l'Est semblait déçue par le "peu" de dangerosité du Dominion, ou de ses (nouveaux) occupants... Et un coup d'œil vers Mihael qui semble amusé... Avant même qu'Irene puisse ajouter quoi que ce soit, un nouvel intru fit irruption dans la pièce. Pendant un instant, le temps de voir autre chose que ses cheveux blond et son regard bleu, le cœur de la jeune fille manqua un battement, croyant presque reconnaître Christopher. Sans laisser paraître la peur qu'elle venait de ressentir pendant un micro instant, Irene détailla le nouveau venu. Comme Irene, il s'emblait porter une attention particulière aux blasons. Durmstrang. Et lui aussi semblait parler un peu anglais. Mihael était-il donc le seul représentant de l'école à ne pas maîtriser un temps soit peu la langue de Shakespeare ? Dommage, des trois qu'elle venait de rencontrer, c'était celui qu'elle appréciait le plus, pour le moment. Il lui présenta le nouveau venu, et Irene se laissa guider hors de la salle, une pensée pour les souvenirs qu'elle pensait à présent ne plus jamais retrouver...

Pourtant, arrivés dans le nouveau couloir, il n'y avait qu'eux quatre, pas un élève de plus. Irene interrogea alors :
- Où sont les autres ?
Tout en posant sa question, elle observa le couloir, vérifiant qu'il n'y avait pas de danger ni à gauche ni à droite et espérant vainement retrouver un détail qui lui reviendrait en tête. Mais rien.

Elle suivit alors le petit groupe dans la salle aux peintures sorcières, observant les tableaux, essayant de reconnaître n'importe quoi, un paysage, un occupant, de voir n'importe quel détail pouvant l'alarmer... Pourquoi être passés par là ? Le tableau de jungle pouvait-il cacher un passage secret ? Irene jeta un coup d'œil vers Mihael, indécise. Elle interrogea alors, prenant toujours soin d'articuler :
- Vous avez croisé beaucoup de monde ? Beaucoup de statues ? Quelles salles avez-vous traversées ?
Son regard, était à présent revenu sur le tableau de la jungle, s'attendant presque à voir surgir un animal exotique et à le voir les attaquer. Elle comptait sur Ivana pour surveiller leurs arrières...