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07 mai 2021, 21:46
{ Ὀδυσσεύς }
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[ Parenthèse non-ciruclaire ]


Fin de l'Eclipse Totale, l'Ombre revient, en quête de Lumière. Elle a failli se dissiper totalement dans les Limbes de l'Univers. A défaut de tenter d'embras(s)er les Etoiles elle se tait, jetant des gouttes d'encres sur l'Avenir afin de les marier avec celles de Vermeille. La Réclusion a ses vertus et ses vices ; Cime ou Précipice. L'Ombre, piètre peintre lorsqu'il s'agit de Desseins, a caressé le Sommet et l'Abysse. Séduite par les extrêmes — comme dirait Sa Majesté Pâle —, elle a trouvé sa place.

Les Plumes qui avaient Vu Savaient ce qui se cachait derrière le A gravé couleur sang sur le train de la Fuite. Rien de moins éphémère qu'une Ombre ; Phénix dans la Nuit. Guidée par des Lampadaires et des Instrumentales, au creux du village endormi, les Rimes ont débuté. Les Mélodies sont venues, peu après. Le Futur révèlera — ou pas — ce qui ressemble à des introspections musicales.

Mon masque d'Ombre ne tombera pas. Mais bientôt, je vais pouvoir reprendre la Danse, bien que mes Mains soient encore un peu tremblantes. Je vais pouvoir peindre des Hannah-grammes à vau l'eau et me perdre dans les trois dimensions de l'Amour. Ah, d'ailleurs, je n'ai pas soufflé sur la Flamme mais je crois que le Silence va l'éteindre. Elle Comprendra.
A défaut de lui écrire des Vers, je lève mon verre aux cher.e.s Poète et Capitaine qui m'ont tendu la main lorsque je me noyais dans l'Océan.

A toutes les Plumes, heureux de vous revoir, vous et votre prodigieuse Beauté. Ceci est l'ébauche d'une Danse Libre dont les conditions pour y prendre part se résument à cette question : Qui sont ces Étoiles dont la Lumière est intérieure ? Il n'y a point de mauvaise réponse, seuls des fragments de Pensée.

* Sourire en Demi-Lune *



𐌔

11 mai 2021, 00:45
{ Ὀδυσσεύς }
Le Souffle. L’existence commence par cette gorgée du Monde, la découverte d’une texture nouvelle avant d’aussitôt l’expulser, la crier en un don de sa propre essence. Qui boit qui ? Cet air passé à l’intérieur d’un être, sculptable par les cordes vocales en vibrations uniques ; une signature. Quel est le filtre du Monde ? Comment rend-il les Souffles qui lui parviennent ? Quelle est son empreinte ? Par l’inspiration initiale, sans doute est-il de fait présent en chacun qui en devient une Puissance, en émissaire du Tout. Que signifierait dès lors l’entièreté ou la pureté d’une identité si elle est Mêlement intrinsèque dès l’origine ? À chaque tentative de parvenir au faîte, le Souffle de Hjúki devenait horriblement irrégulier, lui donnant la sensation de gerber des particules de soi à chaque expiration sifflante, plus exténué au fil du gravissement des quelques volées qui le séparaient de l’Ouranos sans entraves de pierre et de verre. Son Souffle, cet animus, lui donnait toujours matière à méditer, et ce d’autant plus lorsqu’il se manifestait avec un telle vigueur, en une complainte… ou plutôt, non, en un refus de lui offrir la liberté de mouvements qu’il exigeait. Et s’il n’était que mécanique qui ne devait sa mobilité, son animisme à ce Souffle acquis qui le traversait et avait peut-être même droit de retrait si entrait en désaccord avec les vœux et intentions de son hôte…

Quelle idée ! Souffle devrait se réjouir de l’opportunité d’un mélange avec ceux d’une nature distincte, ayant eux absorbé les humeurs et tons des hauteurs qu’il n’avait pas l’habitude de côtoyer. Il n’avait pas de raison valable de se montrer réfractaire à cette ascension. La transformation induite par le passage de strates était-elle trop rapide ? À abandonner trop fréquemment l’état précédent pour adopter le suivant selon un rythme dépassant les capacités du chant au point de l’essoufflement ; il n’a pas su tenir la cadence. Ne sait plus que prendre et rendre pour rétablir l’équilibre au sein de l’échange permanent qu’il entretient, du Cycle dont il surveille l’évolution avec curiosité. Comme une entité hybride qu’il ne tient pas parfaitement sous son emprise. Ignorant la source exacte de l’éraillement.

Ses jambes tremblantes floutaient sa Silhouette qui exhalait, créait d’infimes ondes venteuses rêches et parsemées d’accrocs. Cherchant à boire bien plus qu’il ne faisait couler hors de son corps. À ponctionner ce Monde tout autant hôte. Parmi les siens, le jeune homme sentit son visage déjà attiré vers le haut où étaient abritées ses multiples Formes. Celles de Héméra sont volatiles et malléables tandis que celles de Nyx sont plus pérennes, certaines même fixées sur des cartes. Aux unes, aux autres ; Hjúki s’adresse à elles, qui sont autant fragments que lui du vaste. Lorsqu’il parle à une Forme qui est aussi confidente d’une autre Âme au loin, il sent alors ce soudain et exaltant frôlement. Qui attend ; à quel ou quelle hôte sa Voix ?

12 mai 2021, 15:07
{ Ὀδυσσεύς }
Avertissement, lecteur.ice.s : Pensées suicidaires (extrêmement implicites et inconscientes de la part d'Hannah)


Brûlante de Mots, vide de Maux. Tu avançais dans l'obscurité des Couloirs. Écoutant non pas une Voix mais un Instinct, une certitude qui peu à peu enflait. Une silhouette encapuchonnée, pensive – mais ça, seuls Zeus ou le Peintre put le voir – et déterminée. Progressant vers un certain qui n'avait pas encore pris la forme d'une destination. Il ne s'agissait pour l'instant que de Pensées qui arrivaient comme les vagues de l'Océan sur le rivage de ton esprit. Tohu-bohu incessant, persistant. On eût pu croire au début de la Tempête, avec quelque naïveté, que ces incursions mentales cessassent leur vacarme inouï. Mais désormais, la prise de contrôle de l'esprit par l'euphorie aveugle était inéluctable. Un sourire irradiait tes traits ; assurément, la Tempête était forte. Ta marche, d'ailleurs, était bien différente de celles effectuées lors du contrôle des Pas par la tête. Les jambes étaient détendues et formaient à chaque Vol un ballet majestueux – il n'eût manqué que la Musique. Au dessus du Sol, elles planaient au-dessus des Etoiles. Peut-être Hjúki avait-il senti une présence céleste qui pesait sur le ciel. Sûrement n'avait-il rien senti ; on ne sent pas toujours l'Intouchable. Peu importait. Tu agitait tout ton Corps tandis que les escaliers peu à peu s'enchaînaient. *Ciel ! Où suis-je donc ?*

Le Ballet continuait, grandiose, le long des couloirs des diverses étages, quelques regards réprobateurs t'effleurant ; dans une société qui prône le Sourire quoi qu'il en coûte, la Joie poussée à son paroxysme est un Blasphème. Mais c'était à peine si ces flèches t'atteignaient. Quand on est monté.e si haut, seul Cupidon peut encore nous toucher – si c'est le cas, on finit toujours par retomber sur terre. Mais aucun autre archer n'est capable, dans ces moments d'Envol, d'atteindre la Cible. Ailée.

A chaque minute, ton cœur et tes pensées étaient de plus en plus en branle. *Non, Là-Haut* Ils se superposaient comme deux couches d'un millefeuille. C'était formidable, cette impression de Respiration. Tu ne respirais pas, non, tu Respirais. Plus que jamais. La Lumière se répandait un peu partout en ton for intérieur comme à l'extérieur. *Là-Haut je trouverai peut-être la deuxième, voire la troisième, dimension de l'Amour* Cela te semblait évident. Rejoindre le Ciel constellé d'étoiles, se fondre parmi elles (« avec de doux frissons, petite et toute blanche »aurait ajouté le jeune Poète), était la Grande Solution pour trouver l'Amour Universel. Être auprès de soi dans les autres. *J'ai trouvé la Clef du Labyrinthe !*, clamais-tu à Bolivar. La Clef se trouvait au sommet. Descendre, pour mieux prendre son Envol. Trouver en l'Amour du eux le moyen de rejoindre les dits-eux. *Tout coïncide*

Course effrénée dans les escaliers, les muscles encaissent tant bien que mal les ordres de la Conscience. Tu approches du Paradis. Tu grimpes, grimpes... Surgit de l'Ombre des marches pour rejoindre les *Hein !?* Un homme. Il y avait un homme. Frontière entre le Paradis et le Labyrinthe. *C'était trop beau* Un dernier obstacle à franchir avant l'Apothéose. Qui était-ce donc. Sourcils se plissèrent de surprise. Tout avait semblé si simple, si évident jusqu'à présent, que tu n'étais pas prête à affronter l'Ennemi, qui semblait jeter un regard passionné sur les Étoiles. Vil provocateur. A moins que...

« Minotaure ? Rê ? Passeur ou Barrière ? Je ne parviens pas à vous définir. »

Tâter le terrain était la première chose à faire, le doute ayant pris place. Car après tout, peut-être les Astres était-ils impatients de la voir accéder à leur toile clairsemée de lueurs inégales ? Impossible de le savoir. Une question s'imposait donc. Le timbre de ta voix était pareil au marbre. Nulle agressivité ; nulle douceur. Le Lac, endormi. Une fois la (les ?) Réponse obtenue, une autre étape s'imposerait : la tentative de discerner Vérité un Mensonge. Mais pour le moment, nous n'en étions pas là. Il fallait procéder petit à petit avec lente –

« C'est bien par ici, le chemin qui mène au Ciel ? »

{ Le Pinceau sursaute }


Sourire insolent de l'Euphorie, maître de ces instants. Ton bras, d'un geste peu avare en amplitude, balaye rapidement la surface lointaine des cieux. Clins d’œils de l'Olympe. Quelle conclusion tirer de ces multiples signes des divinités. Cette fois-ci, plus une parole ; l'homme antithèse allait (probablement) t'éclairer.

Silence ; Six Lances.

𐌔

13 mai 2021, 01:25
{ Ὀδυσσεύς }
Respirer par la bouche infiltre les parois buccales de saveurs subtiles contenues dans l’air à la texture à la fois légère par rapport aux habituels vecteurs de goût et pesante lorsqu’il s’agit de le dévorer par l’initiation d’un mouvement d’attraction pour qu’il s’engouffre dans une ou plusieurs des failles de son être, prêt à le renvoyer, chargé de parcelles issues de ce qui est contenu en son sein, quelle qu’en soit la nature très exacte. Qui donc pourrait prétendre la définir avec assurance ? Encore un champ de tâtonnements et de méditations profondes au potentiel d’étirement à l’infini. Si tout coule, jamais il ne s’expirera de manière égale, identique, comparable. À chaque nouveau Cycle, un Souffle différent. À l’image de Máni qui se montre et se cache, incessamment, mais sa face pleine se renouvelant perpétuellement n’est pas saisissable en une représentation singulière et universelle. Si chaque occurrence pouvait se confondre avec l’une précédente, à quoi bon le pluriel ? Il avait la certitude d’avoir vécu des Vollmonde, non une seule. L’Astre avait toujours présenté un visage propre à chaque apparition. L’altérable dans l’inaltérable… Si une infinité d’existences finies et changeantes se déploie dans l’infini, cet infini finirait vraisemblablement par évoluer, connaître les métamorphoses accueillies jusqu’à les convertir à sa propre échelle. Est-ce l’essence qui est muée ; ou le regard porté sur cette dernière ? Est-il possible de faire remarquer le changement d’une personne, d’un objet ; alors que ledit changement pourrait simplement se trouver chez l’observant qui a développé une perspective qu’il n’avait pas d’alors ? Toujours, Hjúki détectait les variances de son environnement, parfois seulement celles qui étaient opérées en lui. Partagé entre la révolte de ne pas retrouver les éléments comme ils devraient être agencés et la fascination devant la force indéniable de la transformation. Actuellement, ses poumons accueillaient sans résistance les accords qui n’étaient pas les siens. Le souvenir des passages vivants sur ce faîte bien trop attirant. Il lui arrivait de converser depuis quelque niveau inférieur pour garantir non la solitude mais un partage d’entre-deux via la Constellation ou la Planète qui ne connaisse l’intrusion.

Rien n’avait été convenu, guidé par une impulsion à laquelle il n’ouvrait pas si souvent sa lucarne mais qu’il appréciait avec modération. Celle par laquelle il cherchait à intégrer des perceptions inédites par des explorations ciblées pour enrichir plus encore son répertoire des mélodies et des fragrances humaines. Modération, car il était quasiment incapable de diffracter son esprit ou sa concentration en trop d’attentions distinctes, se multiplier pour être à plusieurs êtres en simultané. Parce qu’il ne savait pas s’arrêter et n’était pas dérangé à exclure Chronos de l’équation pour progressivement démêler et détecter un à un les filaments d’être qui le composaient pour l’intégrer à l’immense Fresque qui contenait les fragments de Monde collectés et appréhendés à sa façon. Des contours jusqu’aux broderies les plus fines et les plus précises. La détection de Notes inédites dont l’intensité induisait une provenance présente n’éveilla donc aucune réaction violente en lui, car il y était en ces circonstances préparé. Si le système des Maisons lui échappait en grande partie – quel quart d’humain êtes-vous ? – il avait toutefois remarqué que du fait de la polarisation des salles communes implantées en des environnements bien spécifiques, des empreintes communes finissaient par se dessiner, comme un parfum commun de Maison marquant surtout les adeptes de ces lieux et beaucoup plus discrètement ceux diffractant leurs errances châtelaines. L’adolescent essayait en général de ne pas y accorder trop d’importance et d’oublier ce détail, étouffant plus difficilement la réaction lorsqu’il reconnaissait un autre membre de sa tour.

Tour physique, s’entend ; car bon nombre de tourelles pourraient bien figurer parmi ses pensées, notamment quand quelques mots à la fois éclectiques et harmonieux le traversent en la mélodie qui accompagne les saveurs inconnues. Pourquoi présenter autant de figures d’un coup ? L’esprit de Hjúki se trouvait déjà envahi d’une imagerie foisonnante et bigarrée, cherchant à tout connecter de tissages élaborés, ses Perles-de-Nótt en proie au mouvement de balayage rapide tentant de suivre le rythme affolant des défilés, spirales et courbes mythiques. Traversé d’impressions de toute sorte, de la pensée affectueuse pour celle qui l’appelait Astérion, à ses vœux enfouis d’avoir des dons dignes d’un Dédale, aux représentations de féroces combats nocturnes, à la sinistre Silhouette encapuchonnée de Charon dont la superposition avec celle existante ne se faisait qu’inconsciemment. Silhouette dont il n’a pas encore absorbé des segments et qui déjà souhaite définir. *Aller au Ciel…* Le front plissé, il constate le contraste entre la distance à Gaïa et celle à Ouranos. Ne sont-ils pas condamnés à la séparation, de toute façon ? Merlin et Morgane l’avaient conduit à se renseigner un peu sur la religion derrière cette quête du Saint-Graal ayant requis chevalerie et magie combinés. Les chrétiens avaient une conception du Ciel bien à eux. Le chemin. Mille chemins y mènent. Touchez la Terre, et vous touchez le Ciel. Touchez Aphrodite, l’Amour et vous touchez une partie du Ciel. Tant et tant est engeance du Ciel. Ciel est-il part de notre Monde ou un autre, nécessitant le Pont ? Le souterrain est l’acmé. Pourquoi pas, après tout.


« Nul besoin de Nocher pour accéder à l’Érèbe. De même, les Cieux et leurs hôtes sont déjà nôtres. »

Offerts aux mortels. Pourquoi les faire miroiter pour ce qu’ils détiennent déjà ?

17 mai 2021, 00:36
{ Ὀδυσσεύς }
S'il était Minotaure, cet homme – il se rapprochait en tout cas de ce que les Grands appelaient un Adulte – cachait bien son jeu ; l'attaque ne vint pas. Sur tes gardes cependant, tu te méfiais de l'entourloupe, car les attaquant.e.s les plus terrifiant.e.s sont celleux qui se tapissent dans le Silence pour mieux bondir ; les Marchombres sont un bon exemple. Alors tu surveillais tes arrières ; au cas où. Car quelque part dans le Labyrinthe – encore ! – de ton Cœur, tu lui accordais une certaine confiance. Inarrêtables sont les élans du Cœur. Pour notre plus grand bonheur souvent ; pour notre plus grand malheur parfois. Quand on dit que l'on a la main sur le coeur, cela ne signifie en aucun cas que la Main se saisit du Cœur. C'est tout l'inverse : ce dernier aimante la Main attirée par l'Organe comme un papillon de nuit le serait par la Lumière. En ce jour, il eût sûrement été attiré par la Lueur des Consciences au sommet de cette tour.

Ton cerveau toujours lancé à plein régime, tu guettais tout ce qui se tramait En Face. Et dans le même temps, tu te fis une réflexion : au sein de cette masse informe que l'on désigne par les termes Autres, Semblables ou qu'en sais-je, il était quelques Âmes qui attisaient ton intérêt ; et même de la fascination, parfois. A ce jour, tu n'en connaissais que peu, et le premier nom qui te venait était sans aucun doute celui de *Bristyle* ; quels ravages – et miracles – avait-elle provoqué dans le secret de tes pensées ! Il semblait bien, en quelques instants seulement, que ce, ce... Mystère ayant pris une forme humaine s'apprêtait à rejoindre la liste (pas bien longue, il faut le dire) des personnes intéressantes ; priant Zeus pour que ceci ne se transforme pas en fascination. Lorsque ce sentiment s'emparait de toi, Merlin savait les conséquences désastreuses que cela avait sur ton Coeur, sur ton Esprit, sur – *Tout* .

Ton corps, semblable à un balancier, canalisait comme il pouvait l'énergie qui débordait comme l'eau des chutes du Niagara sur tes muscles. C'était assez embêtant et perturbant, eût-on dit, mais tu ne t'en rendais pas vraiment compte, à dire vrai. Ta concentration était fixée sur l'homme ; c'était déjà bien suffisant. Si tu venais à t'éparpiller, le flot de pensées deviendrait interminable et surtout, tu n'y comprendrais plus rien. Alors ton Regard-Alpiniste explorait les émotions que pourraient trahir la paroi de son visage. Il fallait déjà qu'il veille à ne pas glisser sur cette surface verticale par endroits. La Chute du Regard est mortelle ; il n'est jamais bon d'observer ses pieds. Heureusement, l'entrainement intensif qu'avait suivi ton Alpiniste lui permit de s'accrocher et quelques prises plus loin, il fit escale sur un front plissé *Oh !*

Certes, il y avait sûrement quelque chose à deviner derrière ce front plissé mais tu ne saisis pas le sens de ce iota. Tu abandonnas, amère, cette chasse à l'indice qui t'avait demandé tant d'efforts pour un résultat... Peu probant. N'y aurait-il que la Voix pour t'éclairer ? Cette perspective ne t'inquiétait point. Tu te sentais pleine d'assurance – quelle joie ! – malgré les échecs rhétoriques qu'avaient été la plupart de tes altercations avec des personnes intéressantes. Il n'y avait nulle peur. Alors, te faisant Ithaque, tu patientas.

*Qu'est-ce que...*

Ni un Passeur, ni un Obstacle, un Messager. Sûrement venait-il tout droit du Ciel apporter cette Vérité au creux de tes mains moites. Peut-être avait-il perçu ta quête d’Étoiles. Ses paroles, au-delà de cette information quant à l'identité de ce Messager, étaient un choc. La Vérité ne blesse pas toujours ; parfois elle bouscule. Ce fut le cas lorsqu'elles se firent un chemin dans ton crâne. *J'avais donc tort !* Tes yeux s'écarquillèrent très légèrement, témoins de ta surprise, et peu à peu la révélation prit place au sein de ta conscience. Tout ce chemin parcouru, toutes ces marches gravies, toute cette quête passionnaient, étaient un leurre. La frontière entre Vie et Mort devenait si fine, tout à coup. Toutes sortes de Certitudes soigneusement entretenues s'effondraient en deux phrases ; il n'est pas toujours besoin d'un long discours pour énoncer ce qui est. Étrange fut la réaction en ton for intérieur : l'Acceptation. Ce qui est Certitude n'appelle qu'à être détruit, car le Doute seul délivre de la léthargie. Il ne s'agit bien évidemment pas de remettre en cause ce qui est affirmé sans raison, mais de supposer, et cesser cette exhorte à la Vérité sans controverse – ou la Pensée totalitaire.

C'était sûrement cela qui expliquât ton absence de déni. Ces mots n'avaient qu'un effet néfaste : ils semaient le désordre au sein de tes idées – mais bientôt tout serait rebâti, formant plus belle forteresse encore. Tu levas la tête vers celles qui étaient Votres, tentant de prendre conscience que la barrière entre celles-ci et toi n'avaient pas de sens.

« La Distance serait donc un leurre ? »

On associe souvent les Astres à des perles de Bonheur s'infiltrant en nous par les Yeux. Pour mieux comprendre l'illusion du Chemin, peut-être fallait-il fouiller dans la définition du Bonheur. Ton regard revint vers le Messager. D'après les quelques lectures que tu avais effectuées autour du Bonheur...

« Vous avez raison, quand j'y songe bien. Je faisais deux erreurs en voulant Monter ce soir. La première, c'est que le Bonheur n'est réel que s'il est partagé. La seconde, c'est que le Bonheur n'est pas au sommet d'un Mont mais à portée de main tout au long de notre existence. »

Déjà la forteresse avait fière allure. Les yeux de nouveau plantés dans le Manteau de Nuit, tu lui murmuras quelques mots.

« Vous qui êtes si proches, quel est votre Regard sur ce Monde ? »

Bien affligées doivent-elle être.

𐌔

18 mai 2021, 00:08
{ Ὀδυσσεύς }
La capacité des organes sensoriels à capter bien plus que n’en laisse présager leur taille est absolument fascinante. Les yeux, de minuscules Perles, englobent pourtant de si vastes panoramas. Des siens il peut accueillir et la Voûte, et la plateforme sur laquelle il est posé, et le terrain, et quelque éclat du Lac, et… cette manifestation d’existence. Dont il absorbe quelques notes par ses lentes inspirations, sans ne jamais forcer l’intensité de sa respiration. Il ne cherche pas à lui extraire ni à lui arracher des segments, même immatériels, de son identité. S’il en ouvrant ses Sens il commence déjà à toucher l’insaisissable, à dissoudre l’idée de ce qui serait hors de portée ; le Ciel n’est qu’à un pas. Non, il est déjà présent. Reflété à la surface des Lacs. Le sien, le leur, et même celui annulaire qui les emprisonne au bas. Prendraient-ils toujours plus de hauteur, cette montée verticale ne les émancipera, assiégés des eaux de ce petit Monde contenu dans l’intra-même. En s’intégrant aux strates outres, les barrières du bas-monde s’effritent enfin. Néanmoins, si ses Perles-de-Nótt lui offrent à foison des pans du vaste ; il faut étrangement s’approcher étroitement, réduire grandement l’écart pour obtenir l’accès au Regard de quelque être. Des Constellations à deux points d’ancrage qui exigent une pleine concentration pour ne pas se perdre dans l’immensité, pour ne pas s’égarer parmi les éclats de toutes natures qui submergent. Pourquoi les deux Ourses se laissent-elles contempler ensemble alors que la conscience humaine n’a pas la puissance nécessaire pour plonger en plus d’un Constellation de Regard à la fois ? Quel est cet insoluble mystère ? L’adolescent ne quête pas encore cette plongée, il ne mordra pas sur l’espace qui peut exister entre leurs Silhouettes.

D’incompatibles superpositions s’entrechoquaient dans son esprit accoutumé à être le temple de telles déchirures. Pourquoi les voyaient-elles toujours se côtoyer même quand elles ne le devraient ? Comment des états inconciliables parvenaient-ils à coexister, inexplicablement ? L’impossible est possible, mais sous des conditions indéterminées. Les conclusions de ses interrogations déferlantes, toujours en myriades, étaient souvent frustrantes et rarement heureuses. Pourquoi ses pensées étaient-elles plus en question qu’en affirmation ? En voilà encore une ; la boucle était décidément infernale et inextricable. Mais rapide, redoutablement, au point de ne jamais faire trop durer ses déconnexions, ses absences. Lui qui s’imaginait de retour de tortueuses et longues explorations n’en avait souvent eu que pour quelques petites secondes. De quoi avoir l’impression que le Chronos des tourments de l’esprit était immensément généreux par rapport à celui des empreintes enfoncées au Monde. Ôtant, fauchant de son obsidienne les vœux des mortels souhaitant marquer l’extérieur ; se délectant des marques internes. Faust, aidez-nous à briser ces chaînes immondes, à voler au-delà. Libéré. Ce Héros de l’Outre sans pareil l’avait indéniablement marqué dans sa Quête, presque enviée de l’adolescent.


« Des frontières sont dessinées sur la face de Gaïa, racines de féroces combats ; des frontières sont dessinées sur les ridules d’Océanos, sources d’odieuses batailles. Mais qui osera délimiter Ouranos ? Il est trop omni-. Qu’importe sous l’égide de quelle Nymphe terrestre ou aquatique nous nous trouverions, nous serons toujours aussi sous celle du Ciel. Il ne connaît pas la distance. »

Quelle étrange aspiration que celle de la montée. Babel était une voie illusoire au Ciel. La hauteur, l’altitude, tout cela était contradiction. Enfant, il était persuadé qu’au fil de l’ascension et de l’approche du pouvoir brûlant d’Hélios, la chaleur ne pouvait que croître. Les sommets s’étaient avérés être sous l’égide de Chioné. Le Soleil est certes au faîte, mais en croyant réduire la distance séparant de lui, c’est l’éloignement de ses pouvoirs réchauffants qui guette. Comme Alice qui s’enfonce dans la propriété en pensant la quitter. Si Icare avait volé plus haut encore, au niveau des neiges éternelles, se serait-il préservé de la chute ? La cire aurait tenu, les vents auraient vraisemblablement été présents. L’élévation depuis la mer permet-elle d’accéder à l’ardeur cachée de l’Astre du jour ? … Au diable le faîte, et à une nouvelle perspective. Au diable la brûlure de ses jambes, repos. Repos par l’assise, si c’est là un mini interstice au Bonheur, terme trop grand pour qu’il ose s’y noyer.

« Qu’importe que des milliers de lieues séparent un Forme céleste de sa voisine, elles nous apparaissent ensemble. Qu’importe la distance de l’être s’adressant au même Astre, nous le voyons et il n’a nulle peine à nous englober ensemble de son Regard. »

Humbles murmures, car il n’est point la Voix de Nyx. Un simulacre.

Clef Carillonnante
Rayon d’Outre-Seuil
Héméra se cueille
Janus épouvante

21 mai 2021, 00:00
{ Ὀδυσσεύς }
De féroces combats. Le Monde autour de vous ne se lassait pas de donner du sens à ces quelques Mots. La soif du sang, le goût pour la Violence faisait de l'Humanité sa propre ennemie ; où étaient donc passées les valeurs humanistes défendues par le Cerveau des philosophes humain.e.s ? Aux oubliettes. Cet oubli, ou plutôt ce déni, est le fruit d'un long sommeil de la Réflexion chez la Masse – ce qu'Hannah désignait par les mots peu élogieux Semblables et Adultes –, bien aidée par les Grands qui avilis, avaient sans cesse creusé le fossé qui les séparaient du peuple ; fossé qu'iels franchissaient en toute impunité et à coup d'intime lorsqu'approchaient les élections. De Gwynplaine à l'Avenir, seule l'illusion du Progrès a pu nous laisser penser que la situation s'était améliorée ; nous avons chuté sans fin. Même l'Amour est devenue Âcre hormis pour quelques Capitaines égaré.e.s dans les flots avec des Ombres, en quête de Morale – trouvant Calchas. En somme, nous avons réalisé l'exploit formidable de faire croire aux foules que l'Homme Moderne était le messie aux bras chargés de chiffres bienveillants. Cette illusion persiste dans le Monde des Peintres.

Et chaque Nuit pourtant, le Manteau vespéral murmurait avec une douceur désespérée l’impossibilité de cette destruction massive des siècles encore. Que nos Murailles, que nos frontières, que nos Grillages étaient un ulcère. La propriété, c'est le vol ! Cette maxime n'est pas du peintre, elle appartient à l'Oublié. L'or n'est en aucun cas la Lumière, nous font remarquer les Etoiles de leur faible éclat. Nous aveugler, c'est à peu près tout ce qu'il fait. Si l'on assemblait les deux vices que sont la Propriété enorgueillie et le Capitalisme poussé à l'extrême, notre société serait dans un sale état... Ah, autant pour moi, le Mal est fait.

Tu accueillais les nouvelles Vérités qui te parvenaient avec la flamme de tes Yeux brûlés par la passion. Un jour, tu t'en faisais la promesse, tu projetterais ces preuves béantes de l'Erreur humaine à la Mer de Semblables pour leur ouvrir les Yeux. Mais tu savais qu'il fallait patienter pour affirmer ; dans le cas contraire la foule est ingrate. Il fallait — pour une fois — accorder ta confiance au Temps qui dans le Futur t'offrirait un Sonorus plus fort encore que celui tout droit sorti d'une baguette. Face à Thot, tu te permis d'exprimer tes déductions d'apprentie ; l'impression d'avoir l’Élève face au Maître se faisant de plus en plus concrète.

« Quand j'observe le Ciel, est-ce donc l'Egalité des Êtres que représente cette Toile ? »

Étonnante confession que le Ressenti. C'était une chose que tu ne faisais jamais ; faute d'intérêt et d'envie. Par peur, aussi, du Regard d'Autrui. Mais face au Maître on change de posture. Pour accéder au Savoir, il faut accepter de dévoiler des échantillons en provenance de nos pensées, des hypothèses, des ressentis ; des sentiments ou des émotions parfois. Cette Nuit était celle de tous les possibles ; le Jour ferait d'elle un Rêve, probablement. Il faudrait, après cette, rencontre, coucher sur papier quelques Notes — évidemment bien insignifiantes à côté du Souvenir si chaleureux — à propos des enseignements à tirer. Peut-être ces quelques Notes se mueraient-elles en Poésie ; tu ne le savais encore. Et d'ailleurs, cette perspective était bien loin de l'épicentre d'où survenaient tes Pensées. Les Mots du Messager étaient à tes yeux mille fois plus importants que leur Destinée sur papier.

« Et nous ? Brillons-nous lorsque les Étoiles nous dévisagent ? Formons-nous des Constellations ? »

L'interrogation était venue sans crier gare, et en un Souffle elle surgissait du fond de ta gorge avec cette sincérité intense. On eût du Mal à le croire, mais jamais tu ne t'étais autant livrée. Nous ne sommes pas notre Histoire. Nous ne nous résumons pas seulement à nos Choix — et je dois faire rugir bon nombre de philosophes. Nos Ressentis, ce qu'il se passe au sein même de notre Cœur, font plus que tout ce que nous sommes. Quand nous faisons un erreur, le Monde nous tombe dessus (et le Ciel nous tombe sur la tête). Nul ne se soucie de ce que nous avons ressenti. Et Pourtant...

☾☽

Les Saveurs d'Aphrodite lui sont dérobées par le Silence. Il guette les Augures ; à défaut de les apercevoir, il se laisse guider par le Retournement des Astres. L'Ombre se dissipe lentement au gré des envies d'Hadès. Un clin d’œil aux Inverses du Passé. Puis le Néant. Sans un Adieu. Juste une Clef.


[...]


Je suis Janus

𐌔

22 mai 2021, 21:08
{ Ὀδυσσεύς }
*Purée…* L’immensité le faisait jurer en pensées. Rien de très grossier, la signification première n’importe pas tellement, ce sont des syllabes insonores s’immisçant dans l’interstice quand rien de bien construit ne s’élabore en son lieu. L’Univers vibre et s’exprime d’une voix indéfinissable que chacun aura perçu en des manifestations de toutes natures. Brandissant un prisme ou un filtre devant tout élément reçu, l’altérant de son identité propre ; quelle place encore pour un message universel ? Quoiqu’il dise, si la subjectivité est inévitablement intégrée, est-il toujours envisageable d’exprimer sans s’exprimer ? À quoi bon confier des vues à peine partagées ? Parce que ce serait chouette de découvrir les perspectives extérieures qu’il ne verrait jamais seul ? Chouette ne suffisait pas à expliquer sa persistance à faire résonner son timbre. À moins d’une transmutation qui permette le retour à Athéna, auprès de qui ‘chouette’ devenait le symbole de la précieuse sagesse qui s’acquiert aussi par l’alliance. Elle avait interrogé la Voûte, alors que lui ne détenait pas de réponses à l’échelle du vaste, n’avait qu’observé d’infimes phénomènes depuis sa minuscule existence aux expériences dont les retentissements lui étaient puissants, mais avaient sûrement été depuis l’extérieur aussi doux que de subreptices remous. Depuis qu’il s’était refusé en bloc à la rupture franche et temporelle de la présence à l’absence lorsqu’il y avait été confronté, la pensée en termes d’infini pour maintenir la continuité lui avait été idéale.

Où vivre en parfaite indépendance ? Où trouver sa place ? Que valaient ses origines ? Que faisait-il en Écosse ? Pour accéder au château, plusieurs frontières devaient être franchies, sans même qu’il n’ait choisi en personne cette contrée ; et alors qu’une vraie ouverture au Monde devrait lui être offerte à l’heure de le quitter, la Grande-Bretagne s’était érigée en ennemie de tellement de nations que la possibilité de s’expatrier au-delà des îles relevait de l’utopie. Si les grandes découvertes avaient révélé l’existence des pans ignorés du globe, elles ne l’avaient pas rendu accessible pour autant. La première intention souveraine est la division, bien avant l’union. N’y avait-il jamais eu la moindre ère où visiter tous les recoins de la Terre était un projet réalisable ? Les extrêmes de la Nature sont bien plus cléments que les extrêmes de la manœuvre humaine. Devait-il oublier ses racines, y renoncer temporairement pour se retrouver à nouveau en quelque zone avec laquelle il n’avait aucune attache profonde ? Il abhorrait la frontière parce qu’elle découpait littéralement son être, parce qu’il ne parvenait nulle part à se reposer avec l’impression d’entièreté, déchiré par les parcelles de soi qui l’attendaient ailleurs. Sans doute le Papillon, tel Icare, se brûlera-t-il les ailes graciles bien avant d’avoir atteint les hauteurs émancipatrices. Rêve, petite Pousse encore si dépendante de la Terre, c’est tout ce qu’il nous reste.

Tisse les filins sans extrémité et s’allongeant sans terme, que l’Ancre n’accroche l’endormie Gaïa au fond d’Océanos mais happe l’Ouranos. Tracé vertical, horizontal ; un rayon parmi les infinis qui sont dessinés pour former la Sphère ; cordage tenu en timonier. Plissant les paupières, sa nuque suivait le croisement invisible des tressages accomplis sur des plans superposés qu’il lisait en dépit de leur intangibilité. De quels Êtres parlait-elle ? Si une infranchissable frontière supposait l’émergence de plus d’une entité ; il devait certainement en exister plusieurs. Les Formes ou ceux qui les contemplent ? De nouveau, la perspective. Eux sont les Formes contemplées par les Astres. Il n’y avait pas de raison pour qu’en scrutant ouvertement il ne soit scruté. En miroir, en opposé, en inverse, en parallèle ? Se voyaient-ils à l’envers ainsi que renvoyés par la glace ; ou à l’endroit ainsi qu’en transperçant la surface de l’eau ? Narcisse obsédé par son image retournée par rapport à celle qu’un être en face de lui capterait – à l’image des moldus qui avaient pris l’habitude de se photographier leur version-miroir, en oubliant leur aspect d’endroit ; ou bien celui qui sonde et détecte les êtres des eaux au-delà de son reflet ?


« La visibilité tient-elle au regard posé sur nous ou à notre existence ? »

Les Étoiles brillent tellement qu’elles doivent se montrer plus fortes que Narcisse pour voir outre leurs discrètes émanations infrarouges. Mais elles n’ont pas fini en Fleur au bord d’un Lac.

« Il est évident que nous abritons une brillance, une lueur palpitante. Si nous sommes Constellations, nous sommes sûrement... plus mouvantes. »

Sans doute se rapprochent-ils plus des Astres errants que des Constellations, alors que les changements à leur échelle surviennent avec fulgurance et permanence par rapport à ceux du Monde.

15 juin 2021, 13:12
{ Ὀδυσσεύς }
On eût pu croire que le flux de tes pensées se serait calmé avec l'atmosphère apaisante du lieu ainsi que la voix nullement offensive du Messager. Et pourtant, il n'en était rien. Tes réflexions effectuaient de longs mouvements circulaires, comme prises au pièges dans une centrifugeuse à laquelle on aurait arraché le bouton d'arrêt. Alors la Tempête continuait ; le tourbillon aspirait toute chose que captaient Corps et Âme. Autant dire qu'il devait s'agir d'une Aspiration efficace ; les éléments captés ne manquaient pas.

Mais en dépit de ce tourbillon, un élément central vint repousser — provisoirement — toute cette agitation, prenant tellement de place qu'il en écrasait le reste en toute impunité. Une interrogation fondamentale sur l'existence se logeait soudain au creux de l'Esprit ; de ton esprit. Une fois encore, tu constatais l'écart de maturité qui te séparait de ce Messager ; jamais tu n'avais songé à la définition, à l'essence même de notre visibilité. *Les Ombres sont-elles visibles alors ?* En soi, si la visibilité tenait au Regard d'Autrui, tu étais sans aucun doute transparente. Mais il n'est pas aussi simple de déterminer la visibilité par le Regard, car chacun d'entre eux a une intensité différente, comme une ampoule en somme. Et le regard de Swann, luisant dans la Nuit d'Avril, n'était-il pas de ces Regards qui illuminent ? Cette question demandait plus mûre réflexion ; tu laissas s'écouler quelques secondes, comme plongée dans une dissertation intérieure. Et l'existence, peut-on briller par l'existence ? Quelle part de l'existence ? Existe-t-on par ce que l'on dit ? Par ce que l'on fait ? Parce que l'on Pense ? Par l'Amour et ses trois dimensions ? Par l'Âme ? Ou est-ce l'alliage de ces infinités qui constitue la Lumière, la lumière intérieure comme aiment le dire les Adultes ? Pas l'ombre d'un doute, cette dissertation était des plus confuses. Mais c'était un sublime feu d'artifice intellectuel qui éclatait en ton for intérieur ; cette Nuit sûrement tu trouvais des Clefs. La poursuite du quelque chose te permettant d'aller revoir Bristyle dignement te mettait peut-être enfin sur la bonne piste. Peut-être prenais tu d'un coup quelques années d'expérience — tout en restant Enfant dans l'Âme — grâce à ce Messager qui semblait venir tout droit du Ciel ; dans lequel vous étiez actuellement, si tu suivais sa logique.

« C'est une affaire de point de vue, je crois. Sans mauvais je de mot » ajoutas-tu dans un sourire éphémère, bien vite usé par une concentration accrue. Il fallait donner un exemple concret pour illustrer ce propos, désormais. Il ne tarda d'ailleurs pas à arriver, preuve que par moments il t'est possible de trouver des mots — et de les prononcer, surtout — sans peur ni lenteur. Il y avait en ce cadre vespéral quelque chose de différent, te disais-tu. Car cette audace ne pouvait pas prendre source quelque part en ton Être, n'est-ce pas ?

« Prenons ton regard. Avant ce soir, il me glissait dessus, si tant est qu'il m'ait effleuré depuis mon arrivée en ces lieux. En ce moment même, je crois qu'il me rend luminescente. Si j'étais prétentieuse — peut-être le suis-je ? — je dirais que je suis Lune en cet Instant. Certes. Quant à l'existence, elle englobe tant de choses que je ne suis pas encore assez Grande de Pensée pour la définir et encore moins pour savoir si elle nous permet d'être visibles. »

Tout ce que tu disais était entièrement vrai. Peut-être trop, devait d'indigner la Raison, endormie mais sur une seule oreille. Néanmoins, la passion pour cette discussion emportait tout et jamais tu n'avais été aussi vraie, jamais tu n'avais été aussi vivante, jamais tu n'avais été aussi éveillée qu'aujourd'hui ; l'adolescence est renaissance, en voici la preuve. Les paroles de Jean-Jacques Rousseau t'auraient paru brûlantes de Vérité. *Je vis* ; l'euphorie te gagnait. *Je suis vivante, bordel !* ; un sourire irradiait ton visage. *JE SUIS —* ; ton rire éclata, imprévisible et peu discret. Un fragment d'enfance.

« Oh je... Veuillez m'excuser, je viens de me rendre compte de ma naissance, enfin ma renaissance. Et la Joie n'attend pas. »

Cette petite parenthèse refermée, tu te claquemuras de nouveau dans tes réflexions pour répondre à l'ultime phrase du Messager qui t'arrachait un sourire — de l'Âme cette fois-ci. Mouvantes, certes, mais de plus en plus sédentaires. Les déplacements n'en étaient plus vraiment, vous aviez, Moldus comme Sorciers, choisis des objets vides de sens pour vous déplacer. La marche apparaissait comme un calvaire inutile et la course... Une folie. Comment en étiez-vous arrivé.es là ? La Lumière était-elle obstruée par un balai ou une voiture ? Malgré cette immobilité du Corps de plus en plus forte, il était vrai que le Mouvement était la fondation de ce qu'un.e humain.e faisait. « L'action délivre de la mort » conclurait Antoine de Saint-Exupéry, son Vol de Nuit — un Vol de Nuit, n'était-ce pas ce que le Messager et toi étiez en train de réaliser actuellement ? — à la main.

« Parfois, j'ai l'impression que nos Mouvements se font de moins en moins nombreux. Est-ce une simple impression erronée ? Je n'en sais rien, à vrai dire, mais notre espèce a créé mille moyens d'échapper au Mouvement. Et sans celui-ci, brillons nous encore ? »

*Et sans lui, vivrons-nous encore ?


Chronos me relâche.

𐌔

15 juin 2021, 22:41
{ Ὀδυσσεύς }
Un cran après le suivant, en boucle. Il tournait encore, quoique cela signifiât. Une bille sur une spirale tractée par la centrifugation et la gravité pour choir au fond du cône. La matière glissée entre les interstices pour se développer sous une forme extrême de raffinement par les roues. Pourquoi ne serait-il pas le mécanisme plutôt que l’élément balloté par ce dernier ? Quoiqu’il en soit, il pouvait sentir que les huilages n’étaient pas roués. Non, dans l’autre sens. Les rouages n’étaient pas huilés. Voilà ; mieux. Quel étrange phénomène que celui de confondre les syllabes et les sonorités sans même les prononcer. Les phrases ont des dimensions si multiples que ni les cordes vocales ni les Encres ne suffisent à les transmettre toutes. Comment sortir des mots qui tintent, brillent, irisent, voyagent, se mélangent et s’entrechoquent ? Une phrase, quelque soit sa forme, ne parviendrait même pas à contenir toutes leurs possibilités sans passer par une absurde énumération toujours lacunaire. Elles mènent en tout cas à d’irrésistibles réflexions sur leur potentiel d’expression, et la résistance de l’adolescent à bien des fascinations était terriblement faible. Le curseur à partir duquel Hjúki était pris de frénésie aurait pu sembler fort peu élevé à qui l’observait sans avoir idée de ce qu’il percevait réellement. S’il daignait le partager, alors un même spectacle semblait s’épaissir, chargé des fines couches de sa composition mises en évidence et nommées par l’œil acéré sachant délicatement tirer sur les filins du détail. Se concentrant sur les plus discrets battements plutôt que sur les basses assourdissantes pour y trouver l’insoupçonnée richesse.

… les rouages, donc. Retour aux rails. Il avait entendu un bruit à leur jonction. Un mini accroc. Comme un automate qui fonctionne mais a sa petite faiblesse lorsqu’il est mis à l’épreuve d’un mouvement en particulier. L’adolescent espérait donc ne pas être confronté à une requête qui invoquerait sa faille, d’autant qu’il ne l’avait pas identifiée. Savoir qu’il était susceptible de lâcher était une chose, savoir lequel des fils ménager en était une autre. Aux fils de Nótt, accordé de le tenir ; pour les fils qui tiraillent son corps, s’en décrocher. Un premier triage très flou qui a au moins le mérite de le détendre en partie. Il ne se permet pas assez la souplesse qui lui est pourtant bénéfique. Il n’a pas compté ses fusibles. Advienne… ; il n’a pas les moyens de les vérifier sur commande. Il devrait apprendre. D’un autre côté, lister tout ce qu’il lui faudrait apprendre occupera bien plus de temps à dérouler que celui qu’il lui sera confié en ce Monde. Il saura, un jour, ou pas. Il percera aussi la carapace qui le coupe à soi-même, il comprendra ses composantes. Dont la Lune qui se présente telle sous les traits de l’enfant.


« Heureusement qu’elle se décline aisément au pluriel par ses indénombrables visages. »

*Lune, mais laquelle ? ou lequel ?*

« Lorsque mon regard se pose sur une Lune, il en voit plusieurs. Chacun de ses fragments est-il à considérer distinctement ou la Lune se perçoit-elle comme leur mélange en une unité entière ? Si je regarde deux Arbres dont les branchages se sont croisés en ramages, qui ont développé leurs racines au point de les entrelacer ; vois-je l’union ou bien à chacun son individualité ? Si je regarde enfin la foule des Étoiles, vision à la fois affriolante et vertigineuse, perçois-je la fondation d’une nature commune ou me soucié-je de ce qui différencie chacun de leurs éclats ? »

Il se croirait presque parler d’atomes, mais se suspend.

« Je peux me faire invisible, et observer à m’en épuiser. Soit, parmi les châtelains, mon regard aura cherché la signature de l’être ; et à présent, en tant qu’être, cela ne suffit plus, parce la partie devient le tout diffracté en facettes auxquelles je ne saurais avoir accès à toutes. Nous n’avons sûrement pas vision entière sur toutes les nôtres, alors un regard extérieur ? »

Quelques instants d’hésitation le retinrent. Une sensation fort déroutante l’avait saisi alors qu’il avait entendu son identité être déroulée éparse au fil des phrases. Le rire ne l’avait dérangé, mais le reflet qui en avait découlé était sur la pointe. Sa voix sortit plus douce, soufflée.

« Oh oui... que la renaissance, Anastase, est exaltante. »

Il agita quelques secondes ses doigts, comme pour s’assurer qu’ils le pouvaient toujours, avant
de réagir.


« Perdre le Mouvement ? Voilà qui serait fort dommage, de la même violence que se museler. J’aurais tendance à croire que le principe d’inertie n’est pas si simple à maintenir. Une force, une Puissance finirait par ébranler l’équilibre. Pourquoi s’infliger la privation de ce qui est à portée ? »

L’inertie ne convenait à la pérennité, ou elle devenait atrophie. Perdre le Geste ? Quel cataclysme.

« Sans lui… diable, ce qu’il nous manquerait. J’espère pouvoir faire confiance aux forces, qu’elles ne nous abandonnent pas. Oui, la Brillance est en jeu. »

Reflet