Les pas frappaient le sol à une cadence rapide mais régulière. Les beaux jours étaient revenus sur le château Anglais et la course du soleil se faisait plus longue déboussolant les élèves qui avaient pris l’habitude de rentrer dans le château en même temps que le soleil n’irradiait plus que la cime des arbres. L’heure à laquelle courrait la jeune Delphillia et ce depuis le début de l’année. Faire tout ce sport, son corps avait changé. Elle c’était assouplie grâce au karaté, elle avait pris en force et en vivacité. Mais son corps était également marqué par toute ces blessures, que ce soit les coups de cognard qu’elle cumulait sans sourciller, les cicatrices sur ses phalanges, ou quand elle chutait quelques fois en courant ou en tentant de nouvelles choses avec son corps. Ou en s’adonnant à sa nouvelle passion de tenir debout sur son balai.

Une branche se cassa sous son pied alors qu’elle arriva à la fin de sa course. Cette petite plage de terre où elle aimait s’étirer alors que les derniers rayons de soleil se reflétaient sur l’eau sombre du lac noir. Mais cette fois-ci le soleil était bien plus haut et le paysage semblait bien différent. Il n’y avait que quelques nuages dans le ciel mais rien de menaçant. La jeune fille s’arrêta, le souffle court et commença doucement à s’étirer en observant le paysage. Après quelques minutes à se tordre dans tous les sens, la batteuse souffla un grand coup avant qu’un fin sourire ne se dessine sur son visage. Ce serait bête de rentrer maintenant, de ne pas profiter de cette eau qui semblait si accueillante. Juste y tremper les pieds, profiter, gratter quelques secondes sur ce couvre-feu de malheur. Laissez-la profiter de ces quelques minutes qu’elle volait au règlement.

Décidée, la Poufsouffle retira ses chaussures puis ses chaussettes prise d’un nouvel élan, comme un enfant qui allait faire une bêtise. Habillée d’un legging lui arrivant juste en dessous du genou et d’une brassière de sport sur laquelle volait un débardeur blanc aussi léger que l’air. Une légère brise le faisait voler alors qu’elle avançait vers l’eau du lac qui s’échouait sur la terre en légère vaguelettes. Quand celle-ci chatouillèrent ses orteils la jeune fille frissonna. Mais c’était tellement agréable elle qui avait transpiré, qui avait chaud, cette fraicheur soudaine lui faisait le plus grand bien. Son second pied se posa dans l’eau et elle avança ainsi jusqu’à avoir de l’eau jusqu’à mi-mollets.

L’eau froide lui mordait la peau, mais elle était juste bien. Elle leva les bras au ciel avant de crier de toutes ses forces en laissant sa tête tomber en arrière. Un grand sourire illuminait son visage encore mouillé de sa course. C’était un moment hors du temps, comme si personne ne pouvait gâcher cet écrin de joie simple dans une journée aussi ennuyeuse que fatigante.

Apres un après-midi à travailler à la bibliothèque seule ou avec Clément, puis avoir profiter du terrain d'entraînement pour voler avant d'aller dîner, Ennis avait voulu profiter de la fraîcheur du soir pour prendre l'air après le repas. Le vent frais faisait voler ses cheveux quelle avait laisser libres. C'était quelque chose de rare pour la jeune adolescente, mais non moins agréable. Comme prendre le temps de marcher. Elle aimait bien le faire de temps en temps. Elle qui avait toujours un pas soutenu ou qui fonçait dans les airs sur un balai, le simple fait de se promener était quelque chose qui l'aidait à se poser. Et à faire le tri. Là où elle emmurrait ses souvenirs en virevoltant, elle les classait en marchant, en observant le paysage, en écoutant les bruits environnants. Et, même si elle ne le faisait pas à chaque virée en solitaire, le parc restait un cadre apaisant.

C'était un mélange de ces deux raisons qu'elle était venue chercher. De quoi aérer son esprit après avoir beaucoup travaillé, mais aussi réfléchir un peu à tout et rien. De sa situation personnelle, familiale, de ce Conseil en poste depuis quelques mois, des guéguerres d'étudiants... il y avait de quoi faire. A tel point qu'elle ne voyait pas vraiment l'heure et que, quelques minutes à peine avant le couvre feu, elle se trouvait près du lac. Une silhouette attira son attention. Une silhouette féminine qu'elle connaissait. Aliéner était de sa promotion et avait eu l'audace de mettre les pieds dans l'eau. Et Ennis l'observait à quelques mètres sans rien dire.

@Alienor Delphillia, @Ennis O'Belt j'espère que ça vous vas et si non n'hésitez pas à me hibouter!

Les bras toujours levés vers le ciel, elle sursauta quand une voix atteignit ses oreilles. Une question des plus simples, certainement un moyen pour engager la conversation, mais la jeune Delphillia ne s’attendait pas à être dérangée dans un moment pareil. Ses bras redescendirent le long de son buste alors qu’elle observait la fille qui n’était pas si loin que ça. Elle laissa son regard couler sur la jeune fille l’analysant de haute en bas. Elle était fine, visiblement jeune. Les secondes de silence s’éternisaient avant qu’Aliénor ne daigne répondre.

-T’as qu’à venir la goûter.

Elle voulait quoi ? Piquer une tête ? Début avril en Ecosse, n’importe qui savait que l’eau était encore fraiche. Mais ça ne dérangeait pas la jeune fille qui venait de courir dans le parc. Son angle de vue ce fit plus large alors qu’elle levait les yeux de la fille. C’est alors que son regard se posa sur Ennis. Elle était là, silencieuse à observer. Aliénor l’avait assez côtoyé en cours pour savoir qu’il y avait un tas de choses qui se passait dans la tête de la Gryffondor. La jeune Delphillia n’avait pas de quoi connaitre l’heure, mais elle se doutait que le temps était bientôt passé pour être en dehors de sa salle commune. Aliénor resserra sa queue de cheval d’un geste vif avant de pointer la préfète d’un geste du menton.

-Toi aussi tu veux venir la goûter ? Ou alors tu attends l’heure pour nous punir ?

Après sa discussion à Noël avec Herminie, elle avait compris que même si les raisons pour lesquels ses camarades étaient préfets étaient parfois obscures, ils en avaient et elle avait apprit à respecter cela. Même si elles avaient le même âge, on avait confié à cette fille une responsabilité, elle avait la confiance des professeurs. Mais Aliénor souhaitait quand même savoir, qu’elle soit honnête pour savoir si elle devait quitter ce moment de répit dans une journée dès maintenant ou si elle pouvait encore profiter des derniers rayons de soleil sans se soucier de l’heure. Son regard ne quittait pas la préfète. Aliénor était dans l’attente de sa décision, à l’affut de ses gestes, d’un sourire, d’un froncement de sourcil… Tout ce qui pouvait l’orienter sur une décision de sa camarade de promotion.

La préfète irlandaise vit une fillette apparaître dans son champ de vision. Elle était bien incapable de mettre un prénom et un nom sur son visage mais elle savait l'avoir déjà croisée dans la salle commune. La jeune Gryffondor s'approchait de la rive du lac et d'Alienor quelle apostropha sans que la châtain ne saisisse l'entièreté de la courte conversation. Elle était trop loin et trop peu attentive. Elle préférait laisser son regard se perdre sur les ondulations de l'eau causée par la démarche de sa camarade de promotion en face d'elle. Sauf que la quatrième année fut assez brutalement interrompue dans sa contemplation par la Poufsouffle qui venait de l'interpeler vivement. Goûter? Elle parlait de faire trempette dans l'eau? Sans façon, elle la devinait bien trop froide.

- "Non merci." Commença-t-elle par répondre avant de s'approcher lentement pour se donner le temps de formuler la réponse à la seconde question qui lui était posée. Une fois à portée de voix, car elle ne souhaitait pas crier, elle put dire tranquillement.

- "Tu sais très bien que les préfets ne peuvent pas punir," elle retint un soupir mi-lasse mi-fatigué tout en sortant une montre de sa poche intérieure. Effectivement il ne restait que très peu de temps pour rentrer. Surtout que les deux Gryffondor se devaient de gravir un nombre d'escaliers non négligeable pour atteindre le portrait de la Grosse Dame.

- "Effectivement il ne reste plus longtemps avant le couvre feu. Je ne peux que vous encourager à rentrer pour éviter une punition." Lâcha-t-elle finalement comme une pierre dans l'eau avant de tourner les talons tranquillement.

- "Hagrid ou son apprenti n'ont pas besoin de moi pour trouver les retardataires. De toute façon, les portes seront closes." Accentua-t-elle le dos tourné avant de prendre la direction des grandes portes. Etre prefete pouvait lui laisser quelques minutes supplémentaires mais pas beaucoup.

La jeune Delphillia leva une épaule à la réponse d’Ennis. Oui ils ne pouvaient pas punir, mais c’était une façon de dire, de la piquer. Elle l’observa faire demi-tour ce qui fit sourire Aliénor alors que l’autre Gryffondor venait d’entrer dans l’eau après s’être excusée. La Poufsouffle ne comprenait pas vraiment pourquoi, certes Aliénor avait été surprise mais cette fille n’avait aucun besoin de s’excuser. Mais la batteuse ne lui accorda aucun regard, elle était bien trop concentrée à regarder Ennis faire demi-tour. Elle avait envie de jouer, de la piquer, de voir si elle pouvait aller à l’encontre de ce qu’on lui demandait de faire.

-T’es pas cap Ennis !

Première étape, capter l’attention, seconde étape, improviser un défi.

-Pas cap d’aller à 10m de la rive.

C’était stupide et puéril. Mais elle voulait jouer, provoquer, tester les limites. Aliénor recula de quelques pas alors que l’eau venait chatouiller son bas de sport. Elle tourna la tête vers la première année. Lui souriant de toutes ses dents, fière de sa bêtise. D’un geste de tête elle lui indiquât que c’était à elle qu’elle parlait.

-Et toi alors ? Cap ou pas cap ? Le sang des gryffondor est-il si courageux ?

Piquer dans la fierté pour avoir une réaction, alors que la jeune Delphillia poursuivait son pas lent vers les profondeurs du lac. L’eau lui arrivait maintenant au genou. Elle était froide, c’était comme si ses mollets étaient anesthésiés par le froid. Mais elle continuait, son bas était déjà mouillé alors que son regard passait d’une fille à l’autre, d’une Gryffone à l’autre. Un air de défi sur le visage un sourire en coin, un sourcil relevé. Ses doigts jouaient avec la surface de l’eau, elle avait hâte que tout cela devienne plus intéressant. Et surtout elle avait hâte de voir la réaction de la préfète. Qu’allait-elle faire si cette première année acceptait le défi ? Elle allait la laisser se mesurer seule à Aliénor Delphillia ? La batteuse sans cœur de Poufsouffle ?

Il ne fallut pas moins que le 'T'es pas cap!' de sa camarade de promotion pour qu'Ennis se stoppe net dans sa remontée vers le château. Aller à dix mètres de la rive, elle venait de l'inventer à l'instant n'est ce pas? La Gryffondor leva son sourcil gauche de quelques millimètres en réponse étonnée. Puis, Ennis la vit reculer d'un pas dans l'eau et interpeller l'autre représentante de sa maison pour lui poser le même défi. Mais où avait-elle la tête exactement? Et voilà quelle reculait encore? Mais qu'avait donc les Poufsouffle avec le lac Noir, c'était dans les genes de cette maison de vouloir faire ami ami avec le calmar géant? Ou c'était juste un hasard que cette année, deux filles de sa classe ne finissent inconsciemment à l'eau? Ennis ne pouvait plus remonter comme si elle ne les avait pas vu. Non. Pas alors qu'une première année risquait de se mettre en danger bêtement. Elle devait stopper tout ceci. Son visage se ferma et elle revint d'un pas rapide et assurer sur la berge. Elle fixa son regard vers la plus jeune d'abord, comme sa voix il était neutre et égal:

- "Il serait préférable que tu sortes de l'eau et que tu rentres. Si tu croises un adulte, dis lui de venir ici." Puis elle tourna la tête vers la jaune et noir pour poser son regard nouvellement froid sur celui plein de défi de la brune:

- "Qu'est ce que tu cherches à prouver exactement? Ça va servir à quoi d'aller nager dans l'eau froide?" En temps normal, Ennis aurait pu accepter. S'il n'était pas l'heure de rentrer. S'il n'avait pas été question de mettre d'autres en danger. S'il l'eau avait été plus chaude. Si elle savait nager.

Son regard allait de la plus jeune à la préfète. Elle obéit comme un bon petit toutou quand Ennis lui demanda de sortir de l’eau. Aliénor soupira de plus belle en l’observant sortir de l’eau et se diriger vers la rive.

-Et ben quelle témérité les Gryffondor ! C’est plus ce que c’était.

Puis la question d’Ennis rapportant toute l’attention de la jeune Delphillia à sa camarade de promotion. Ce que ça lui apportait ? Concrètement ? Rien. Si ce n’est l’adrénaline, franchir les règles, repousser les limites, s’amuser, vivre sans en avoir quelque chose à faire de l’avis de qui que ce soit. Etre libre en somme. Pourquoi si peu comprenaient ? Ce besoin de liberté qu’il soit physique ou mental, elle n’aimait pas qu’on lui empêche de faire des choses et c’est exactement ce qu’elle vivait ici. Donc oui elle voulait outrepasser ses règles, aller plus loin, chercher la limite.

Mais elle ne semblait pas être capable de comprendre ça… Quoi que ? Elle était joueuse de Quidditch non ? Alors la recherche d’adrénaline ça devait son truc à elle aussi non ? Au moins un peu…

-Prouver ? Rien. A quoi ça va me servir ? Tu fais jamais des choses qui servent à rien toi ? Juste pour t’amuser par exemple ?

Aliénor était quelque peu agacée. Elle n’avait plus envie de parler et elle était fatiguée de tergiverser face à cette tête dure de préfète de Gryffondor. Aliénor ferma les yeux, se concentrant sur l’eau qui lui caressait les genoux, au frisson qui la parcourait à certains instants. Elle écarta les bras en croix en en reculant encore d’un ou deux pas avant de se laisser tomber en arrière. Son corps s’écrasa contre la surface liquide et l’eau la recouvrit toute entière. Les yeux toujours clos, elle sentait son poids s’amoindrir, l’eau la portait et le froid aussi. Saisissant comme des petites aiguilles que l’on plantait dans chaque pore de sa peau.

Quand son corps retrouva la surface, elle souffla l’air de ses poumons avant d’ouvrir les yeux. Elle redressa un peu la tête un fin sourire sur les lèvres et elle commença à nager. Doucement d’abord en fixant Ennis, puis elle se retourna sur le ventre et commença à nager. Elle avait appris plus jeune et elle avait mis du temps à s’approprier de nouveau cet élément depuis la découverte de ses pouvoirs dans la rivière chez elle. Elle allait bien mieux, à condition de garder le contrôle et de ne pas trop réfléchir. Elle nageait, sans se retourner. Et elle avait envie de rire, d’exploser de rire, de s’amuser c’est tout. Après tout, elle était encore une enfant.