La fin de l'année se faisait sentir, le soleil écossais, méconnu pour ses ardeurs, n'en dardait pas moins Poudlard et son parc de ses rayons, repoussant les grappes d'élèves éblouis vers les confins ombragés et les bosquets salvateurs comme autant de naufragés vers les multiples îles d'un archipel éparpillé. La proximité du lac, bien évidemment, se retrouvait prisée pour sa bise descendant des contreforts avoisinants. De fraîche, elle se réchauffait néanmoins le temps de passer au dessus du miroir d'eau réfléchissant la lumière et arrivait, douce, sur les visages et les peaux un peu plus découvertes qu'à l'habitude des étudiants en sorcellerie.

C'était dans la nuque d'Aliosus que cette bise faisait s'agiter sagement quelques mèches de cheveux car le troisième année, trop affecté par les reflets lumineux et scintillants, avait préféré s'adosser à un arbre en tournant le dos aux étendues de ce qu'on pouvait désigner comme douves du château. Il était entouré de ci d'un carnet de dessin, de là d'un manuel de Défense contre les Forces du Mal, n'ayant pas encore réussi à se décider pour une activité en particulier. Il avait passé ses derniers jours au frais de la salle commune, avantage manifeste des Serpentard lors des périodes plus chaudes, mais il avait ressenti le besoin d'espace, de grand air, fut-il plus lourd il n'en était pas moins revigorant. Contemplant ses affaires, il saisit un fusain, commença à jouer avec entre ses doigts, ferma les yeux et se laissa aller à la pensée qu'une sieste était une activité tout à fait justifiable pour un préfet ayant traversé, comme tout Poudlard, une année de nouveau mouvementée...

@Yesenia Cooper go go go

Bien que ses professeurs n'en disent pas autant, selon la matière évidemment, il se trouvait qu'Yesenia était un véritable puit sans fonds lorsqu'il s'agissait d'accumuler des informations. Juin sonnait la fin d'une année scolaire bien remplie. Trop remplie. Et pourtant, la - très petite - deuxième année avait comme un arrière goût de "pas assez" ou plutôt de "trop peu". Il y avait un sujet en particulier, qu'aucun professeur à Poudlard n'avait abordé et qui, selon Yesenia, méritait une attention toute particulière.

Quelques mois auparavant, elle avait croisé une Poufsouffle, bien plus âgée qu'elle, et qui avait éveillé en elle toutes sortes de questions. Elle en avait suffisamment dit pour que la Serpentard ait sa curiosité piquée à vif, mais était bien vite repartie avant d'aborder tout cela en profondeur. C'était terriblement frustrant. Yesenia était donc restée avec de nouvelles interrogations en tête, sans en parler à qui que ce soit. Et il était évident qu'elle avait besoin d'un professeur particulier pour approfondir le sujet au maximum.

C'est donc tout naturellement, qu'elle se dirigea discrètement vers le troisième année, adossé contre un arbre, près du lac du château, profitant que celui-ci ferme les yeux quelques secondes. Oh oui, il ferait un parfait éducateur.

- BOUH ! cria-t-elle en faisant de grands gestes avec ses mains. J't'ai fait peur ?

Cette entrée en la matière était parfaite pour poser les bases d'une conversation saine et absolument pas bizarre. Tout sourire, elle se planta en face de son interlocuteur, à genoux, prête à parler de son nouveau sujet favori.

Sa tête avait légèrement penché à gauche, le livrant aux rayons qui lui donnaient comme une couronne en passant à travers ses cheveux blonds. Il respirait lentement, posément, comme cela avait rarement été le cas ces dernières semaines. Il avait eu l'impression d'avoir à courir non stop, la fin de l'année annonçait forcément plus de stress et donc des élèves plus à cran vis à vis de leurs devoirs et des leurs examens. Il y avait eu certaines disputes à calmer en salle d'étude, quelques tensions à faire redescendre, mais là, adossé à son arbre, Aliosus sentait le poids de ses responsabilités et de ses inquiétudes s'alléger.
Petit à petit.
Oui, il faisait bon souffler un peu, et se laisser porter dans cet entre deux où l'on croit que l'on contrôle encore son esprit alors qu'il vogue déjà en direction d'un sommeil répart...
BOUH
Gott in Himmel ! Par Merlin et tous les diables que se passait-il ?
Le réveil fut aussi douloureux et brutal que la pente vers le songe avait été douce et calme. Les yeux du garçon s'ouvrirent pour découvrir devant lui ceux, immenses et avides d'action, de Yesenia. Il ferma les yeux de nouveau et se pinça l'arrête du nez, pas tant par besoin que parce qu'il avait identifié ce geste comme un signe très franc d'agacement chez les adultes.
«Yesenia bon sang, de tous les élèves dans tout le parc il faut que tu viennes vers moi ? Qu'est ce que je t'ai fait à la fin ?»

Au vu de l'expression du visage de son préfet, Yesenia pencha la tête vers la droite, interloquée par le ton de son interlocuteur, laissant son sourire disparaître. Ce qui ne la découragea pas à s'approcher un peu plus pour observer Aliosus sans aucune retenue. Ses genoux étaient déjà sales de toute façon, elle avait glissé quelques heures auparavant sur une terre un peu trop molle et n'avait pas pris la peine de descendre se changer.

- Oh, tu dormais ? Pardon pardon. dit-elle sans aucune once d'excuse véritable dans le timbre de sa voix.

Non mais vous avez vu l'heure ? Il est hors de question qu'il fasse une sieste alors qu'il fait si beau dans le parc. Ah la la les préfets, ces créatures du drame. Elle battit des cils, et lui fit son sourire le plus angélique, de sorte qu'il se radoucisse. Un sourire et tout est pardonné ?

- ... Mais j'aime bien passer du temps avec toi. dit-elle simplement, avec toute l'honnêteté du monde sans le quitter des yeux. « Et tu es très bien placé pour répondre à mes questions donc je ne te laisserai pas filer. » pensa-t-elle.

Elle avait parlé un peu plus doucement, de sorte d'instaurer un moment de confidence entre eux. De cette façon, peut-être serait-il plus enclin à répondre à toutes ses questions. Même les plus techniques.

En constatant que sa tentative de faire comprendre à Cooper qu'il voulait être seul était vouée à l'échec, Aliosus décida de faire avec. Après tout, Yesenia n'était pas la pire compagnie qu'on puisse trouver au château, il y avait toujours quelque chose qui lui plaisait dans sa manière d'être, c'était tout à la fois un voile pudique d'une certaine discrétion et un goût prononcé pour la filouterie dissimulé au premier venu pour mieux le prendre par surprise. Le préfet estimait que la première facette de la petite Cooper s'effaçait devant quelqu'un en même temps qu'elle apprenait à lui faire confiance. En somme, si elle l'avait littéralement agressé pendant sa sieste préfectorale, c'était une sorte de compliment.
Et puis tout préfet qu'il était, il avait un mal fou à se montrer désagréable devant un joli sourire.

«Je ne dormais pas, évidemment, je révisais en récitant dans ma tête. Tu verras l'année prochaine, il y a, heu, une marche à gravir en terme de niveau, alors tu ferais bien de t'y préparer.» Ce semblant d'argument d'autorité ferait l'affaire, vite, maintenant il fallait changer de sujet. Un préfet qui ferme les yeux, dans la bouche de Yesenia ce sera bientôt un préfet qui baille aux corneilles en plein examen, et il ne le permettrait pas. Il se redressa, réajusta son col de chemise autour de sa cravate et ses manches remontées au dessus des coudes pour s'assurer une allure correcte. Bon. Elle n'était pas si méchante après tout.

«C'est gentil...» il aurait voulu dire moi aussi j'apprécie de passer du temps avec toi mais les mots ne vinrent pas, sans doute sa propre timidité.

Yesenia prit cette explication au pied de la lettre. Le niveau à Poudlard était franchement haut et il était vrai qu'elle avait plutôt intérêt à s'y mettre pour ses examens. Elle n'avait pas envie de subir le même sort que ce Edwin Wellhister, qui avait redoublé une année... Argh. Elle mettrait les bouchées double pour réussir sa deuxième année, elle se le promettait. Et bientôt, la deuxième année ne serait plus qu'un mauvais souvenir.

- Oooh je vois. dit-elle lentement. Je crois que j'ai déjà vu des gens réciter dans leur tête en pleine après-midi. Mais bizarrement, ce ne sont que des vieilles personnes.

Un sourire malicieux apparut sur son visage. Tu ne m'auras pas comme ça, Nerrah. Pour éviter de rester sur un silence gêné après ce « C'est gentil... » vexant, elle enchaîna directement avec sa demande particulière.

- Bon en tout cas, c'est pas pour les examens que je viens te voir. Plutôt pour des cours. Enfin pas des cours-cours... Fin pas une matière enseignée à Poudlard quoi... non non... Elle marmonnait et s'emmêlait les pinceaux malgré elle tout en baissant les yeux sur ses genoux écorchés.

Pourtant son objectif était simple et facile à réaliser, mais maintenant qu'elle se retrouvait face à Aliosus, elle ne savait plus trop comment aborder le dit-sujet. Relevant la tête vers lui, elle fit mine de lui demander de l'aide pour trouver ses mots.

Heureusement qu'il avait assez d'aplomb pour convaincre ses interlocuteurs, il fallait vraiment qu'il arrive à garder en tête cette capacité, ça lui serait sans doute bien utile dans le futur. Lança un regard à Yesenia qui voulait dire "Oui tout à fait, tu feras bien de te mettre au travail" histoire de donner un peu plus de poids à ses paroles et d'entériner ce petit mensonge.

«De vieilles personnes vraiment ? Je peux savoir ce que tu mets derrière cette expression ? Ce n'est pas parce que tu dois lever le menton pour voir la tête de quelqu'un qu'il est forcément vieux tu sais...» Prends ça Cooper, si je suis vieux, et je ne lui suis pas, toi t'es petite. Ce n'était pas bien adulte comme comportement, mais ils savaient l'un comme l'autre qu'ils échangeaient ces passes d'armes de manière bonne enfant et sans sérieux.

Il changea d'attitude lorsqu'elle évoqua des cours. Enfin une attitude responsable, voilà qui changeait agréablement des sujets auxquels Yesenia s'intéressait d'ordinaire, Aliosus appréciait cette prise de conscience et comptait bien encourager la deuxième année.
«Des cours ? Bien sur dit moi tout ce qui te préoccupe, je suis à ta disposition pour t'aider tu sais, c'est aussi mon rôle en tant que préfet.» Il avait conclu avec un clin d'oeil, il ne voulait pas qu'elle pense qu'il allait l'aider par obligation.

La remarque avait produit l'effet escompté et Yesenia en était ravie. Tout sourire, elle haussa les épaules, amusée par la réponse d'Aliosus. Certes, elle n'était pas bien grande, mais elle ne faisait pas de sieste l'après-midi, elle ! Si il y avait bien quelqu'un qui réagissait à toutes ses interactions piquantes, c'était le préfet de Serpentard, ce qu'elle avait bien compris. Voilà sans doute pourquoi le collait-elle autant.

Voyant que le garçon était prêt à répondre à toutes ses questions, Yesenia fut soulagée. Elle avait un peu tourné autour du pot mais il semblait avoir compris de quoi elle voulait parler. Encouragée, elle se lança :

- Je suis trop contente que tu veuilles m'aider ! A vrai dire je ne savais pas vers qui me tourner pour ce genre de question, mais tu sembles celui qui répondra le mieux. Après tout, tu es en troisième année, tu dois savoir ce genre de choses... Et puis...

« Avec Irisia... » Voilà qu'elle se remettait à discuter inutilement. Elle n'avait plus qu'à poser la question et prendre des notes dans son esprit. C'est lui qui avait accepté de l'aider. Il savait où il mettait les pieds, de toute façon.

- En fait, je veux savoir comment embrasser quelqu'un. dit-elle en se tortillonnant sur elle-même, se cachant derrière sa frange, sans pour autant quitter le regard du garçon.

Le visage de Yesenia s'illumina, elle devait vraiment être à la recherche d'aide pour quelque chose de spécifique et de compliqué, sans doute un sortilège avancé sur lequel elle bloquait ou bien une notion théorique comme les lois de Gamp qui sont le genre de choses sur lesquelles ont peut passer beaucoup de temps à se triturer le cerveau en conjecture, persuadé de trouver des failles alors que non. Il convoquait ses connaissances en accéléré pour faire face aux questions de la deuxième année, il ne fallait pas la décevoir, elle se tournait vers lui en pleine confiance. Si elle estime que, en troisième année, il devait savoir cela, alors il n'avait pas intérêt à se retrouver bête sans savoir quoi répondre.

Il l'encouragea en voyant qu'elle tergiversait un peu.
«Hé, je t'ai dit que je t'aiderai, tu peux me dire.» il lui souriait de manière honnête, en espérant la rassurer. Visiblement cela eut l'effet escompté car elle reprit le fil de son discours et...
QUOI ?

Yesenia le fixait de ses grands yeux verts, planqués, retranchés derrière sa frange. Il était de retour ce voile pudique, cette timidité, cette vulnérabilité. Ainsi ils arrivaient visiblement à un nouveau niveau de leur relation. Soit Aliosus se montrait suffisamment ouvert et alors Yesenia ne se cacherait plus de lui, de son regard et de son jugement, soit il se détournait de la conversation, probablement très embarrassante, au risque de se faire refermer sa camarade comme une huître. Il fallait être prudent.

«De... Hein ? Tu veux savoir... Mais pourquoi ?»

Bravo Aliosus, c'était digne de toi ça, la grande classe...

Yesenia fronça les sourcils. Elle était affreusement vexée. Pourquoi paraissait-il soudain si étonné ? Elle leva les yeux au ciel, faisant des petits gestes en marmonnant :

- C'est évident, non ? Tout le monde le fait...

Yesenia se remémorait ce que la cinquième année lui avait dit. Il semblait qu'embrasser faisait partie des activités de couple les plus pertinentes et importantes qu'elle faisait avec son petit ami et il était hors de question qu'Yesenia ne soit pas préparée à ce genre d'évènement. Elle savait que cela impliquait d'utiliser sa bouche et même parfois sa langue, mais le sujet était trop flou pour qu'elle parvienne à galocher quelqu'un correctement.

- ... J'ai simplement envie d'être prête le jour où... Eh bien cela arrivera. Marmonna-t-elle. Enfin, si cela arrive.. Bien sûr que ça arrivera quelle question... Peut-être qu'une potion de vieillissement m'aiderait à...

La petite avait désormais croisé les bras, pour montrer sa contrariété face à la réaction de son interlocuteur. Elle regrettait immédiatement d'en avoir discuté avec lui. Mais désormais, elle était lancée et elle voulait absolument des réponses à ses questions. Gardant un oeil sur le préfet pour ne pas qu'il s'échappe, elle lui agrippa le bras avec un air suppliant.

- Alors, tu vas m'aider hein ? Le mieux serait que je puisse regarder comment ça fonctionne et que j'observe en prenant des notes. Un schéma ce serait mieux, même. Ah mais tu as de quoi dessiner, c'est parfait, ça...