La peur. La peur t'envahit. As-tu déjà eu aussi peur ? Non, jamais aussi gravement. La peur. Celle que tout le monde redoute. Non pas une frousse, mais une crainte. Cette Voix te hante. Celle que tu as entendu la veille. Celle qui est sortie de l'Objet. L'Objet dont tu ne préfères pas prononcer le nom. Mais il apparaît dans tes pensées sans que tu ne le veuille. L'Urne Noire. Alors des élèves vont vraiment devoir déposer leur noms pour sauver trois pauvres enfants ? Pour trois enfants seulement, soixante-douze élèves devaient risquer leurs… vies ? Un nœud se forme dans ta gorge. Oui mais enfin, ce sont les derniers héritiers de Zhuangyán après tout… Tu as peur.

La tête lovée dans tes bras, tu es assise au bord du Lac Noir. Tu as envie de pleurer. Tu veux pleurer. Tu vas pleurer. Tu pleures. Pourquoi le péril d'élèves inconnus te fait peur ? Ça ne te concerne même pas. Mais comment ça va finir, tout ça ? Tu voudrais tout empêcher. Mais malheureusement, ce n'est pas l’avis d'une minable première année qui va tout changer. D'autant plus que tu n’es pas la seule à penser ça. Même miss Montmort n'y peut rien. Et même… miss Loewy. Personne ne peut changer ça. Et ça va peut-être coûter la vie à quatre élèves de Poudlard, comme à d'autres adolescents d'écoles différentes.

L'image de l'Urne reste au plus profond dans ta tête. Mais aussi, l'image de la Clé, accompagnée de la Gryffondor qui s'élève dans les airs. Mais ce qui t'a le plus marqué est sans doute la Voix. Tu ne saurais te souvenir du nom exact de cette femme, mais ce qui est sûr c’est que tu te rappelleras toujours de son timbre de voix. Il te faisait penser au Mal. Mais c'était sûrement le mal. Pour ainsi chambouler la vie d’enfants, en faisant du chantage. Mais tu doutes que chantage soit le mot approprié. Des élèves vont la mettre en jeu. Ils vont mettre en jeu leurs vies.

Le Lac qui est ton endroit préféré, et qui est d'habitude là pour te réconforter n'en a pas le pouvoir cette fois-ci. Ta tristesse et ta peur sont bien trop fortes. Tu pleures.



Voilà ! Dis-moi si tu as un titre mieux en tête

Le jour se termine et, sur les eaux, le soir mire son teint vermeil. Depuis ton retour, tu aimes retrouver ce lac sombre encaissé dans l'abîme, où l'eau, nuit et jour, dort dans un repos sublime. Sa présence t'apaise et te ranime, si bien que tu t'attardes encore, laissant tes pas dériver le long du rivage quand tu l'aperçois.

Devant toi, à quelques pas, sur la berge, recroquevillée et immobile, elle porte les mêmes couleurs que toi. Sa chevelure noire et revêche jaillit en mèches tordues. Tu ne peux voir son visage. Sa silhouette ici, inattendue, semble comme surgit d'un mirage et cela te fige.

Qui es-tu ? Sais-tu seulement que je suis là ?

Les mains dans les poches de ton pantalon, tu tournes ton regard vers le lac aux eaux placides. On dirait que le ciel, en cette solitude, se contemple dans l'onde et que les tours là-bas vous observent, recueillis, dans leur grave attitude. Tu attends, ne voulant pas gêner la quiétude de l'inconnue. Quand au hasard, une brise errante strie la robe du lac silencieux, et te tire de ce moment suspendu.

"Sais-tu combien de lacs comme celui-ci se trouvent en Ecosse ? "

La réponse, tu ne la connais pas et franchement tu t'en fous. Tu as juste prononcé cette phrase de ta voix blanche, parfait écho de ta personnalité détachée.

@April Always Pour le titre, laissons le récit nous le souffler à l'oreille.

Pourquoi tu ne te confies pas à Millie, comme tu en as l'habitude ? Tes mains sont trop tremblotantes de peur pour que tu puisse porter ta plume sur son parchemin. Mais d'habitude, c’est là que tu porte tes tourments, alors pourquoi pas aujourd'hui ? Tu ne sais pas. Mais pour la première fois de ta vie, tu n'as pas l'envie de te confier à ton journal intime.

Tu sors la tête de tes bras et contemples le Lac. Tes larmes continuent de couler sur ton visage, une à une. Le temps est agréable, un souffle de chaleur vient te caresser la nuque. Mais tu ne penses pas au temps. Tu n'arrives pas à chasser l'image de l'Urne de ta tête. Tu n'arrives pas non plus à chasser le son de la Voix. Tu n'arrives pas à oublier le banquet de la veille.

Qui va mettre son nom dans l'Urne ? Tu ne connais pas grand monde qui le puisse. Tes amis sont trop jeunes, et… Mais que va-t-il arriver à ceux qui sont choisit ? Est-ce que leurs parents seront tenus au courant ? Est-ce que les parents savent que l'Urne a été installée ? Que les épreuves du Dominion vont se remettre en route ? Mais connaissent-ils l'existence du Dominion ?

Trop de question. Pas de réponse. Tu attends, au bord du Lac, que tes larmes cessent de couler. Puis tu entends une voix. Une autre voix que tu ne connais pas. Elle est derrière. Tu pivotes la tête pour découvrir la nature de ce son. Tu découvres un Serpentard plus grand que toi. Tu passes ta main sur tes joues pour essuyer tes pleurs.
- Je sais pas.
En réalité, tu connais une réponse approximative mais tu n’as pas envie de la dire.
- T'as déjà eu peur ?



@Cinead Reid

"T'as déjà eu peur ?"

Tu marques un temps. L'inconnue t'offre ses traits. Sa réplique est si directe, si inattendue que, pendant un laps de temps, tu en as le souffle court. Mais plus que la question, ce sont les yeux humides et les joues marquées de cette fille qui te frappe. Tu réalises qu'elle était en train de pleurer.

D'ailleurs cette fille, tu la connais. C'est une première année. Tu ne sais pas son prénom, mais son nom est Always. Tu t'en souviens car c'est ce nom que le choixpeau avait crié une fois posé sur sa tête. Et puis, tu l'avais croisé à plusieurs reprises dans la salle commune avec Erza ou une autre fille avec un accent gallois. Bien sûr, tu n'en savais guère plus. Ni elle, ni toi ne semblaient être de grands bavards. C'est donc encore plus singulier de se trouver là, interrogé sur des émotions profondes comme la peur.
Tu reprends à haute voix comme pour être certain que c'était bien la sa question :

"Ai-je déjà eu peur ?"

Tu temporises, observes sa réaction puis reprends :

"Evidemment. Tout le monde a peur. Je veux dire, à un moment... Pourquoi me poses tu cette question ? Tu as peur ? C'est pour ça que tu pleures ?

Tu ne sais pas si c'est vraiment ce qu'elle veut savoir, si cela peut la rassurer ou, au contraire, la bloquer. Peut être as tu été trop directe en retour. Tu ne cherchais pas à la brusquer pourtant. Elle est plus jeune que toi et même si tu n'as jamais eu de petit frère ou de petite soeur, tu sais que les aînés doivent prendre soin des plus jeunes. Alors, pour bien faire, tu t'approches pour t'assoir à côté d'elle.

@April Always

Peur. Ce mot te hante, ce mot t'étouffe. Peur. Pourquoi lui as-tu sorti une phrase aussi idiote ? "T'as déjà eu peur". Pfft, quelle imbécile tu fais. Tu connais déjà la réponse, pourtant... Tu avais besoin de poser cette question. Et il fallait évidemment que tu la poses à un inconnu. Ça se trouve, c'est un idiot lui aussi qui va te répondre en se foutant de toi. Pourtant, ce n'est pas ce qu'il a fait.

Pourquoi est-il si gentil alors qu'il ne te connait même pas ? Pourquoi répondre avec tant d’amabilité à une vache qui chiale comme une madeleine ? En tous cas, tu n'aurais pas fait ça. En fait, tu n'en sais rien, parce que tu n'as jamais vécu ce genre de situation. De répondre avec tant de sagesse à quelqu'un qui pleure comme ça. Enfin, sagesse... C'était pas si dur que ça. Cette question idiote comme tes pieds.

Il t'a juste répondu. Voilà. C'est tout. C'est clos. C'est terminé. Pourtant, tu te sens obligée de répondre à sa question. Pourquoi pleures-tu ? Tiens, c'est vrai ça, pourquoi pleures-tu, April ? Parce que tu es une petite flipette peut-être, une froussarde. Bon, ce n'est pas tout à fait vrai. Tu es sûre que bien d'autres ont peur. Peur que certains... laissent leurs vies dans ce Dominion. Mais qui serait assez fou pour mettre son nom ? Des idiots ?

- Je...
Tu fonds une nouvelle fois en larmes.



@Cinead Reid

Always fond à nouveau en larmes. Tu te rends bien compte qu'elle a essayé de formuler une réponse sans y parvenir. Son émotion trop forte et les mots qui devraient l'aider à s'apaiser ne peuvent sortir.

Tu connais ça. Toi aussi, tu as eu tes moments de détresse. Tu aurais payé cher pour qu'une personne à tes côtés te réconforte, t'écoute, te prenne dans tes bras. Tu y songes maintenant sans trop oser. La prendre dans tes bras, sécher ses larmes. C'est bien ce que faisait ta mère... quand ton père la laissait encore faire. C'est bien ce que tu aurais aimé recevoir quand les sanglots étranglaient tes mots avant qu'ils ne sortent de ton gosier.

Oui, tu aurais voulu ça.

Seulement là, le rôle est inverse. Elle pleure et toi, là, es démuni, à provoquer ses forces alors qu'elle n'en a plus. Tu pourrais insister, avec d'autres paroles, d'autres questions ou bien des choses stupides qui lui feraient oublier un instant ce qui la tourmente. Et finalement, tu te sens nul, pas à la hauteur, à hésiter par pudeur. C'est donc si particulier quand on ne connaît pas la personne ?

Quel maladroit tu fais !

Elle est là à tes côtés. Passer ton bras autour de ses épaules et l'attirer contre toi, la serrer comme s'il fallait lui donner de ta chaleur. Pourquoi ce geste simple te semble si dur ?

Qu'as tu à craindre si tes intentions sont justes ? Fais le, imbécile !

Résolu , tu déploies ton bras pour déposer doucement ta main sur son épaule gauche. Et d'un geste ferme et lent la tires vers toi pour placer sa tête contre ta joue. Elle ne résiste pas. Alors tu dis presque imperceptiblement :

"Pleures..."

@April Always après beaucoup d'hésitation.

Fallait il une raison pour être gentil ?

Pendant un long moment, ils étaient restés silencieux. Cinead avait attendu, le regard tourné vers les flots noirs, l'esprit vide, focalisé sur les émotions de la fille qu'il avait attiré contre lui. A son contact, Always c'était peu à peu apaisée et ses larmes avaient fini par ne plus couler.

"Ca y est, tu te sens mieux." lui répond il lui en souriant.

"Tous les deux, on en se connaît pas mais c'est pas une raison pour s'ignorer. J'suis pas très doué pour consoler les gens, enfin surtout quand il s'agit de leur parler. Pour moi c'est plus facile d'écouter. Mais comme tu n'avais pas l'air de pouvoir le faire, la seule idée qui m'est venue, c'était de te serrer contre moi. Je me suis souvenu que ma mère me prenait souvent dans ses bras. Ca m'a toujours réconforté. J'ai pensé que je pouvais à mon tour te réconforter."

Cinead se leva doucement, fit quelques pas et d'un geste précis lança un gallet qu'il tenait dans sa main sur la surface du lac où il ricocha six ou sept fois avant de disparaître dans les eaux sombres.

"Moi aussi quand je suis triste, je viens au bord de ce lac. Je crois que l'eau m'apaise. J'ai compris ça avant d'arriver à Poudlard. J'habitais près de la mer. Quand on grandit, il vaut trouver les choses qui te font du bien. Pour moi, c'est l'eau."

Se tournant, vers Always, il lui tendit la main :

"Prends ma main, si tu veux bien. Je vais te montrer quelque chose."

@April Always