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24 août 2021, 11:38
 Solo   ++  Laissez-moi m'envoler, m'affranchir de ces chaînes
ELYNA, 13 ans
Été 2045

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— retour à carlisle —





Un air étrangement fait de fraîcheur t'engloutit, ta peau réagissant comme possible : s'hérissant de poils. Cet air bute contre tes narines. Il est trop frais, trop agressif. Furieuse, tu remontes ta couverture jusqu'au-dessus de tes yeux, toujours clos par la longue nuit que tu as passée. Après le trajet en train en compagnie de l'Autre Serdaigle, tu t'es engouffrée dans un taxi réservé à ton attention par Emily. Sur le coup, la Rage a surgi dans ta poitrine, déjà occupée par bien d'autres sentiments — la culpabilité d'avoir abandonné ta famille pendant si longtemps, la honte de cette irresponsabilité, les deux émotions qui t'ont égorgée dès l'instant où tu as pris la décision de rentrer. Malgré la Vague défoulant ses milliers de raisons d'en vouloir à ta mère, tu as pris sur toi et as été calme et responsable, autonome. Pour te faire pardonner. Alors que personne ne prêtera attention au comportement que tu as abordé dans ce taxi anglais où seul une vieille conductrice à la peau flasque était présente, en plus de toi. De cet Être frêle, prêt à encaisser les Regards haineux de sa famille, ayant créé une Armure autour de Lui pour s'en protéger autant que le Possible le permette, flirtant avec l'Impossible.

Contre toute attente, à la maison — ce terme ne convient plus, une maison est un endroit où on se sent bien, pas rongée par toutes sortes d'émotions méprisantes —, tu as été accueillie par de puissantes accolades et des déclarations d'amour.

Oh... ma chérie... Tu es de retour alors ? Je t'aime fort, tu m'avais manqué ma chérie, t'a dit Maman en t'enlassant.

Ely, Ely, Elyyyyyy ! Je suis trop trop contente de te revoir !, la manie d'Ona de répéter les mots plusieurs fois lorsqu'elle est excitée ou heureuse t'avait fichtrement manquée.

Ewan était le seul à n'avoir rien dit. A t'avoir pris dans ses bras dans le Silence. Il n'était déjà pas très bavard lorsque tu l'as quitté pour Poudlard, mais ça semble s'être empiré. Tu notes dans un coin de ta tête d'en parler dans un entretien sérieux avec Emily, t'inquiétant fortement qu'elle les ait délaissés à cause de son mal-être. Égoïste... Faible... Lâche... Égale à Papa.

Plus tard, il y avait eu le dîner. On aurait dit qu'Emily avait fait des économies depuis plusieurs mois, autant dans le repas que dans la tenue, la décoration. Elle avait également fait des économies de bons sentiments. Elle se présentait sous son plus beau profil. Mais tout cela n'est que facette foireuse, chimérique, tu l'as appris à contrecœur quand le départ de Papa a mutilé son cœur malingre. Le repas était constitué de légumes exotiques, des mets préparés avec soin, leurs parfums se mélangeant dans une valse active d'odeurs épicées, de l'eau, plate ou pétillante, des couverts nettoyés au jet d'eau avec attention, des tiges de lavande rapportées par Ewan et Fiona pour décorer les assiettes. Cette subite bienveillance montrée ouvertement te mettait mal à l'aise. Tu n'avais rien à leur offrir si ce n'est des « pardon ». En plus de Honte, Rage et Culpabilité venait s'ajouter la Gêne. « Génial », as-tu pensé. Feignant le Silence, tu as dévoré ton repas, à t'en donner mal à l'estomac, et tout cela dans le but de te faire pardonner. Tout ça, non pas pour Elleux, mais pour Toi, sans l'admettre, niant la Vérité. Mentant à Toi-même. C'est une des pires choses qu'on peut se faire, une des pires atrocités qu'on peut s'infliger. Mais ça ne fait pas si mal si on ne lâche pas l'idée qu'on fait ça dans le but de venir en aide à d'autres.
Maman a fait mine de s'intéresser à ce que tu as vécu durant tout ce temps, mais ses paroles n'étaient pas dotées de l'ardeur qu'on donne habituellement à ces choses-là, quand on les ressent vraiment. Quand on a réellement envie d'en savoir plus. Résultat de cette addition d'intérêts puis désintérêts, tu ne voulais pas te prendre au jeu et répondais par des phrases simples, parfois constituées d'un seul mot. Pas la peine d'en dire plus si la curiosité est insignifiante aux yeux de celui qui en fait preuve. Au contraire, Fiona ne cessait de poser des questions, ses yeux pétillants à l'attrait de la nouveauté. Cette fois-ci, on ressentait à mille lieues son appétit de savoir.

"Elle ferait une superbe et parfaite Serdaigle."



Plus d'un an que ce Solo aurait dû voir le jour...

#426b80 // sixième année
grandiose

28 nov. 2021, 18:59
 Solo   ++  Laissez-moi m'envoler, m'affranchir de ces chaînes
27. 06. 2045 (crépuscule) | j'ai le mal de l'homme



Le Jour s'est endormi, alors que le Jour t'a endormie, Toi.
Comment la différence peut avoir ses deux Moitiés si éloignées l'une de l'autre ? C'est illogique, écrasant.
Ou peut-être qu'il faudrait que tu réfléchisses avec ta tête et non avec les Mots qui t'habitent puis se couchent, sur des feuilles de papier inconfortables.
Peut-être que c'est le Cœur qui te cache de nouveau des choses. Si tu t'es rendormie, il y a probablement un peu de cette culpabilité, qui habite bien plus des maisonnettes de ton Âme que les Mots. Depuis la soirée d'hier, tu n'as plus pu retrouver la force de redescendre, pas même pour te promener dans le parc qui sert de jardin à l'habitat. Cela t'aurait fait tant de bien, pourtant ! Comme un baume qui apaise les plaies. Les plaies ? Quelles plaies ? Ce n'est pas toi qui devrais souffrir. Ce sont elleux. Maman, Fiona, Ewan. Ce sont elleux qui devraient prendre l'air, s'éloigner de Toi, de ta mauvaise influence sur leur comportement et leur bien-être. Et voilà que tu pleures. Tu les pleures, tu te pleures, tu pleurs la situation, tes Pensées qui se perdent et te perdent. La porte de ta chambre s'entrouvre, sans un bruit. Tu ne l'aurais pas remarqué si tes yeux n'étaient pas fixés sur cette Immobilité — enfin, jusque là —, Saturne. Un rire étouffé, conséquence du bonheur immense qui te submerge en le voyant, sort de ta bouche tendue en un sourire mêlé de Larmes. Il saute en ronronnant sur le lit froissé, complètement défait qui t'entoure de ses bras de draps. Le jeune chat vient se nicher dans ton cou, ressorti de sous la couverture dans ton sommeil. La chaleur qu'il te procure en s'y blottissant te donne un coup de boost. Te remotive, te redonne la force d'affronter la réalité et te donne l'énergie d'y arriver. Au vu des effets de sa simple présence, tu ne doutes plus du tout et ne douteras plus jamais de la pertinence et de l'efficacité des zoothérapies. Les animaux doivent avoir, eux aussi, leur magie propre.

Après avoir profité de longues minutes de câlins, tu te mets debout, prête à faire face à ceux qui ont souffert par ta faute. Pour bien faire les choses, il faudrait t'adresser à l'homme qui te sert de père également, mais à l'évidence, ce n'est pas maintenant qu'il a décidé de se montrer. Il a sa nouvelle petite famille parfaite à présent, on pourra comprendre qu'il ne veuille plus retourner dans le nid à problèmes des Summers-Oak ! Ah ? Hé bien il semblerait qu'il y soit de toute façon mêlé, contre sa volonté. Il s'appelle Oak aussi, zut !

Les petits sont déjà rassemblés autour de la table, jouant au monopoly. Emily s'agite, quant à elle, autour d'un tas de vaisselle sale, tentant désespérément de faire partir les tâches incrustées dans une saucière.

Alors, c'est comment la richesse ?, leur demandes-tu en t'approchant, caressant les boucles de cheveux dépassant du bandeau installé par ta sœur.

Hé, pas touche à mes cheveux ! J'y ai passé super longtemps !, grogne-t-elle en te repoussant. Ewan m'a tout piqué, j'ai plus un sou ! Je suis ruinée... Je n'ai que l'Avenue de la République et la Rue de la Paix et il ne passe malheureusement jamais dessus, se plaint-elle.

Tu ris, Ewan rit aussi.

Elle lance chaque fois le même dé, un trois, et comme j'ai acheté la plupart des cases, elle doit chaque fois payer, c'est normal et ça me fait gagner, lance-t-il avec fierté.

Heureuse d'entendre ton frère s'exprimer à nouveau plutôt normalement — même si son Regard reste inlassablement cloué sur son consciencieux empilement de billets —, tu ne prêtes pas d'attention à la moue frustrée et déçue de ta petite sœur. Ils ont bien grandi depuis ton départ. C'est dommage que tu n'aies pu assister pleinement à leur évolution, tu aurais adoré les accompagner. Ta présence aurait été plus utile que celle fantomatique d'Emily.

Laissant les deux enfants à leur jeu et à leur combat pour obtenir les billets que tu n'approuves pas totalement, tu rejoins la rousse de trente-cinq ans, incapable de gérer seule ses trois enfants, même avec une de ceux-ci en internat toute l'année depuis deux ans.

Maman ? Je voudrais m'excuser.

Tu perçois un sursaut léger, mais tu décides de ne pas le remonter. Elle s'est saisie, il n'y a rien de mal à cela. Elle devait être concentrée et réfléchir. Si elle remettait en question ses méthodes d'éducation, ça t'arrangerait.

T'excuser de quoi ? D'être partie à Poudlard en même temps que ton père ? T'excuser de ne pas avoir donné de nouvelles après ton premier mois de cours ? De ne jamais être revenue ? Si c'est cela, sache que je sais que tu es désolée, mais les faits restent les faits.

Vous y voilà. Ce moment que tu redoutais tant. Sa clémence n'était en effet que facette, pour les jumeaux. À présent, elle se dévoile. Sans le vouloir, tu t'es laissée croire à ses intentions illusoires, mais tu n'y peux rien, elle a tout fait pour. Néanmoins, tu te sens on ne peut plus trahie. Mais n'as-tu pas, toi aussi, commis une terrible et irrémédiable trahison à leur égard ? Pourquoi as-tu l'impression que quoiqu'on te dise, quoiqu'on te fasse, dans cette famille, tous les maux sont toujours mérités ? Que chaque remarque, chaque blessure qu'on t'inflige n'est juste qu'un retour de flamme ? Et si... tu devenais la Flamme ?

Oui, de tout ça figure-toi ! Tout est allé trop vite pour moi, je ne suivais plus rien, j'avais totalement perdu le contrôle et... j'avais besoin d'oublier Papa. Il n'a pas fait souffrir que toi !, tu t'emportes, hurlant presque.

Ta tirade s'en suit un long blanc de bruits, impossible à combler. Tandis que ton frère et ta sœur ont désormais le regard rivé sur toi, les yeux écarquillés, tu toises ta mère de haut en bas, guettant le moment où elle capitulerait. Le Silence s'éternisant et commençant à t'embarrasser, tu choisis de lancer l'épieu, lui asséner le coup de grâce.

Tu ne vaux pas mieux que lui, tu craches.

Tu étais descendue dans une atmosphère légère, propice à la discussion et au déballement de ce que tu avais sur le cœur, ce qui te rongeait depuis le début. Mais tout a basculé. Parce que, pour une fois, Emily ne s'est pas montrée lâche et a affronté sa fille, sans mentir sur son opinion d'elle. Emplie de rage, tu t'apprêtes à remonter dans ta chambre quand sonne la clochette pendue au-dessus du porche à l'entrée. Tes gestes restent suspendus dans le vide. La porte s'ouvre sur une jeune femme aux cheveux d'un brun cendre, vêtue d'une robe bleu foncé à manches en dentelle longues jusqu'aux poignets, le bas de l'habit descendant aux chevilles.

Je te présente ta tante.

"J'ai le mal de l'homme."

#426b80 // sixième année
grandiose

29 mars 2022, 18:10
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MORRIGANE WORTHING
(pnj validé)


Sa demande m'avait fait peur, le jour où elle m'a appelée, Emily. Lui rendre visite, à elle et ses gosses alors qu'elle n'a jamais daigné me soutenir quand j'étais au plus mal ? C'est qu'elle était malade pour imaginer que j'accepterais sans prendre le temps de réfléchir ! Il a fallu qu'elle bouscule les habitudes que je m'étais efforcée de prendre, adaptation sur adaptation, et qu'elle remue tous mes doutes, ceux que j'avais désespérément réussi à enfouir sous mes fringues aussi sombres que ce qui se morfond à l'Intérieur de Moi.
Ca m'a mise hors de moi. J'essayais de me calmer en pensant à cette drôle expression. Je ressentais parfaitement chaque fibre de mon Corps, chaque atome qui le constitue, chaque molécule qui le construit, j'étais loin, très loin d'être « hors de Moi ». Un feu grésillait entre mes poumons et mon estomac et j'étais à deux doigts de remettre ce que j'avais avalé la veille. Mon Être entier bouillonnait. De rage, de fureur, d'incompréhension et de doutes débordants, embrasant les flammes ; je leur laissais prendre toute la place, me consumer. Je voulais arrêter de penser, de réfléchir, mais je n'y arrivais pas. Les rouages tournaient vite dans ma tête. Tout me revenait à la figure comme une gifle. La maladie de Maman puis son décès, son absence, mon investissement qui n'aura servi à rien puisqu'elle ne fut pas sauvée, l'épuisement, le désintérêt d'Emily, la tristesse, les bidonvilles, l'agression... et... et Nawëlle. Ma demi-sœur ne devait pas se douter qu'elle me ferait un tel électrochoc. Un Ouragan avait tout retourné en moi, une nouvelle fois.

Pour rien au monde je ne voulais revivre tout ça. Je croyais avoir réussi à tourner la page, à fermer le livre et à en ouvrir un nouveau grâce à l'aide de mon ami Dimitri qui a su me donner ce dont j'avais besoin : un toit, une protection, un semblant de vie normale. Malheureusement, je me suis bien leurrée. Je n'ai pas laissé tout cela derrière moi et il semblerait que je ne sois pas proche du but.

J'ai accepté l'invitation d'Emily. Pourquoi au juste ? Je ne sais pas trop. Ses intentions ne sont pas claires pour moi et peut-être qu'au fond, je souhaite lui montrer que j'ai été mal mais qu'à présent je vais mieux — du moins je l'espère. Sincèrement, je ne pensais pas la revoir un jour, ni même faire la connaissance de ses gamins qui me rappellent que la mienne n'est plus là. C'est probablement une des pires décisions que j'ai prises dans ma vie. Quelque chose en moi, pourtant, a envie de me poster face à la réalité. Si je ne suis pas encore passée à autre chose, il est temps que je le fasse, que j'entreprenne des choses, que je monte des projets et que je force un peu le destin. Je ne désire pas rester éternellement terrée dans ma ferme à Édimbourg, malgré la sécurité qu'elle m'offre.



Mes mains tremblent. Il fait plutôt chaud, les secousses que mon Corps m'envoient ne doivent pas venir de la température. Je stresse sûrement un peu... ou beaucoup, je n'en sais trop rien. Je peux encore faire demi-tour, reprendre un train vers Édimbourg et excuser mon absence par une quinte de toux ou des maux de tête, mais un jour ou l'autre je devrai assumer et je pense qu'il est grand temps. Pour stabiliser ma main, je bouge la clochette suspendue sur le mur avoisinant la porte. Patiemment, je regarde aux alentours. Cet endroit m'est totalement inconnu. Ce n'est pas aussi vilain que ce que j'avais pu imaginer. Un instant plus tard, je m'arrache à mes contemplations, avant de perdre toute contenance si la porte s'ouvre sur ma demi-sœur ou un de ses enfants. Décidant qu'attendre est un gaspillage de temps et me poussera à oublier ce que je tiens tant à leur dire, j'ouvre moi-même la porte — qui n'est d'ailleurs pas du tout sécurisée, quelle idée de ne pas la verrouiller ?!

Je retiens mon souffle. Je me répète que j'ai pris la bonne décision et que je ne peux tout simplement pas me défiler comme me le susurre mon instinct de survie. J'entends les battements de mon Cœur se cogner dans mes oreilles. La chaleur que provoque mon stress fait perler des gouttes sous mes aisselles. Tout à coup, je les aperçois. Les plus jeunes jouent une partie de Monopoly, sur leurs gardes sans que je comprenne le sens de leur attitude et ne m'ont pas encore remarquée. La plus grande me fixe d'un air mauvais qui renforce mes craintes et me met mal à l'aise. Emily, enfin, qui semble tout juste sortie d'un film ancien où la femme célibataire s'occupe de la vaisselle et gronde sa grande fille qui ne doit pas lui fournir assez d'aide à son goût. Son visage change en un clin d'œil lorsqu'elle annonce :

Je te présente ta tante.

Entendre sa voix me fait l'effet d'un choc. Elle n'a pas changé, après tout ce temps. Elle cache toujours ses côtés abattus et ses faiblesses sous des sourires joviaux ; ça m'agacera définitivement toute la durée de ma pitoyable existence.

Bonsoir les enfants, je préfère aller droit au but, exprimer ce que j'ai écrit sur papier dans un journal aux pages déchirées avant de venir. Emily, je ne dirais pas que je suis... heureuse de te revoir mais soit. Pourquoi m'as-tu faite venir ? Tu ne vas pas bien et tu requiers mon aide, pas vrai ? Maman te manque enfin et tu ne sais plus vers qui te tourner et tu t'es dit que Morrigane, gentille âme au grand cœur, pas trop rancunière, t'épaulerait ? Tu te trompes, Em. Ouais, tu te trompes.

Est-ce que je donne l'impression d'être forte ? Je veux avoir l'air forte. Comme si je pouvais tout encaisser sans plus rien ressentir. Je ne suis plus celle qu'elle connaissait, j'ai changé, oh oui j'ai terriblement changé.

Putain, c'est quoi ce bordel ?! Maman !

C'est quoi son nom déjà ? El... Elena ? Ellana ? Elle est tout aussi énervée que moi sur Emily, je discerne sa colère, son dégoût. Alors je ne suis pas seule à vouloir vomir en voyant l'enfant pas si parfaite qu'est Em ? Nous sommes donc deux. Deux à se demander tout plein de choses, deux à tenter de la secouer, chacune pour nos propres raisons personnelles. J'imagine que, quelque part, on veut toutes les deux la vérité. Qu'on essaie de la trouver en l'attaquant, puisqu'elle est incapable de nous la fournir sans qu'elle ne se sente menacée. Ce n'est pas la meilleure solution, j'en suis consciente, mais au bout de plusieurs années à attendre des réponses, on doit se bouger pour les obtenir, de force s'il le faut.

Morrigane voici Elyna, Fiona et Ewan, mes enfants. Les enfants, voici Morrigane, votre tante, comme je viens de vous le dire.

Les paroles se bousculent.

Tu n'as pas répondu, Em !

C'est vraiment notre tante la dame ? Je croyais que tu n'av...

Donc maintenant on a une tante ? Ça sort d'où ça ?

Je me sens prise au piège, écrasée entre plusieurs murs. « Qui suis-je ?» D'où ça sort ça ? Ils ne sont quand même pas en train de découvrir mon existence, hein ? Elle m'a assuré les avoir prévenus, en avoir parlé avec eux. Tout cela était donc un horrible mensonge qui me pousserait encore un plus vers le gouffre de l'humiliation ? Ils plaisantaient, c'est impossible... A leurs yeux, je suis donc une Inconnue. Emily m'a menti. Elle n'a cherché qu'à me blesser en m'appelant, en implantant l'illusion que j'étais utile, importante, que j'étais quelqu'un pour eux. Qu'ils me feraient une place dans leurs Cœurs. Je tombe de haut. Ma bouche se crispe en une grimace tandis que je retiens mes larmes de couler. Il suffirait que je cligne des yeux, que mes paupières se ferment l'espace d'une seconde pour qu'elles dévalent la pente épaisse de mes joues enveloppées.

Calmez-vous !

Elle crie, elle perd toute sa contenance et moi pas. Pas encore. Les jumeaux se bouchent les oreilles avec leurs doigts. Le petit garçon m'apparaît fragile et sensible au bruit. Il se balance de droite à gauche, les genoux repliés sur la chaise, tout contre son torse.

Ma... ma... maman... s'te'plaît, toi... J'aime pas quand tu cries.

Elyna prend le petit dans les bras et lui chuchote à l'oreille. Je ne cesse de penser que ce chaos est lié à ma venue. Mes pensées tanguent, je vacille, mais je tiens bond. Dans le fond, je ne suis pas mauvaise, je dévisage seulement le bordel qui règne ici en me montrant ainsi que je ne suis pas la seule de la famille à qui il arrive des malheurs. Ça fait du bien de ne plus se sentir seule dans la confusion.

#426b80 // sixième année
grandiose

03 janv. 2024, 22:41
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— elyna —

Certains Moments sont tellement surprenants et inattendus qu'on ne peut que retenir son souffle avant de l'expirer si fortement, brûlant, carbonisant tout sur son passage. Toute la Rage dévastatrice contenue dans un Être se libère alors. Maman nous a caché l'existence de sa sœur pendant toute notre vie. J'ai envie de lui hurler de m'expliquer la situation, de me donner une raison valable pour que je ne mette pas cette inconnue à la porte sur-le-champ. J'ai envie de crier que je ne comprends pas, que je ne suis pas d'accord et que j'exige des explications. Suis-je une fille manipulable si nous sommes tous tombés dans le piège de ce mensonge ? Dois-je m'en vouloir, à moi, de m'être faite ainsi avoir ? Non, non, non, la seule responsable c'est cette mère qui m'en veut pour un détail si futile à côté de ce qu'elle nous a caché. Même cette inconnue — notre tante — n'y est pour rien. Je fuis son regard mais je sens bien qu'elle n'est pas très sûre d'elle. Le silence qui nous sépare tous les uns des autres dans cette pièce semble de plomb avant qu'il n'explose en une exclamation. Nous calmer ? Nous ? N'est-ce pas normal que nous soyons dans cet état après telle révélation ? Et dire que je me retiens de lui dire ses quatre vérités ! Puis soudain, le marmonnement d'un enfant innocent. Je me tourne vers Ewan, qui se balance sur sa chaise. Mon petit frère, mon tout petit frère. Je dois le protéger. Je dois protéger Ona. Et une fois de plus j'en suis incapable. Les larmes brûlent mes yeux tandis que je les retiens en fonçant vers Ewan. Je l'encercle délicatement et lui chuchote que tout va bien, qu'il ne doit pas se tracasser. Que ça va aller, que ce n'est vraiment rien et que ça va vite s'arranger et en lui disant ça j'essaie de m'en convaincre aussi. Je fais signe à Fiona de s'approcher et je leur propose d'aller jouer à deux dans leur chambre et bien que la fillette hoche doucement la tête, c'est peine perdue pour le petit, hagard au milieu de ce remue-ménage qu'il déteste. Dans ce genre de situations, je sais qu'il n'est pas bon de le forcer, ça ne ferait qu'empirer son état. Alors, je le laisse et Fiona ne voulant aller nulle part sans lui, elle s'assied à ses côtés en lui caressant le bras pour essayer de le calmer.

Je m'éloigne d'eux pour diminuer la distance entre Emily, cette Autre et moi, en évitant toujours aussi délibérément le regard de cette nouvelle tante. Je sens pourtant leur regard à toutes les deux me lécher le corps tandis que je me mouvois. Ça me met mal à l'aise, m'obligeant en quelques sortes à prendre la parole.

Je comprends rien et c'est encore pire pour les p'tits, dis-je en m'adressant, un ton plus bas, à Emily. Je... tu... pourquoi ?

Ma voix se mue en quelque chose de moins certain. J'ai honte de laisser paraître ma déception. Elle est encore pire que ce que j'imaginais. Quelle mère fait cela à ses enfants ? Quelle mère attend que ses enfants soient sur le fait accompli avant de dire quelque mot que ce soit ? Quelle mère reste ainsi dans le silence, si longtemps ? La surprise, la déception et le dégoût se mélangent dans mon ventre, dans mon cœur et dans ma tête. J'aimerais fermer les yeux, les rouvrir et me rendre compte que tout cela n'était qu'un vilain cauchemar que j'aurai oublié d'ici quelques jours. Je jurerais que j'essaie vraiment ; je ferme puis rouvre les yeux, mais rien n'y fait, Emily et sa sœur sont toujours bien là, devant moi, muettes.

Tu n'as pas le droit de me demander ! Je... je suis ta mère enfin !, sa voix tremble.

Le dégoût se transforme en rage, s'immisçant dans ma gorge. Bientôt, je risque d'exploser. De ne plus savoir comment contenir tout ce que je pense d'elle à cet instant.

Une mère ça ne cache pas une tante à ses enfants, merde !

Elle se raidit et l'autre femme également. Je l'ai dite. La vérité. La vérité qui ressort de ce mensonge. On a une tante depuis toutes ces années et on l'ignorait. *On l'ignorait, bon sang !*

Tu voulais quoi exactement en me faisant venir ?

Sa voix douce me surprend. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle sonne ainsi. *C'est donc la voix que ma tante a.* Plus tôt, je n'y avais pas prêté attention, j'avais à peine remarqué lorsqu'elle avait parlé. Mais tout à coup, elle saisit toute mon attention. *C'est la voix de ma tante*, je me répète. Je croise finalement son regard qui m'apaise bien que je le sente fuyant également. *Ce sont les yeux de ma tante.* Je me sens ridicule à penser tout ça. Ce n'est qu'une autre après tout. Elle ne sait rien de moi et je ne sais rien d'elle. Et qui sait, c'est peut-être mieux ainsi ? Peut-être est-ce un individu malveillant ? Si elle nous voulait du mal ? Si c'était pour cela que maman avait dissimulé son existence ? Non, tous mes "si" sonnent faux. Elle prétend qu'Emily l'a faite venir, enfin, de ce que j'ai compris ? Dans ce cas, pourquoi ? Pourquoi maman l'a-t-elle faite venir, sans nous prévenir ? Je suis d'un seul coup bien plus attentive à la réponse qu'elle fournira, fixant ses lèvres dans l'espoir qu'elles s'entrouvrent en libérant de longues explications qui guériraient mes tracas et mes pensées abondantes de "si".

#426b80 // sixième année
grandiose