Londres, 28 novembre 2043
Patinoire Olympique

Plus vite... De plus en plus vite ! Plus Clara se laissait aller, plus sa pirouette gagnait en vitesse. Tout était trouble autour d'elle. Elle devait continuer. Continuer de tourner jusqu'à la fin du refrain, après quoi elle devrait enchaîner avec un pas de valse, suivit d'un saut de valse.
Lorsque enfin, la fin du refrain arriva, elle termina sa pirouette par un dehors arrière. Sa tête lui tournait mais elle devait continuer. Elle devait être au point pour sa compétition. Sa première compétition. D'une poussée de lame, elle enchaîna avec le pas de valse, pris ensuite de l'élan avec quelques croisés arrières et exécuta son saut de valse. Venait ensuite le plus difficile. Le saut dont elle devait faire le plus d'effort pour y parvenir, et ce, une fois sur trois. Le lutz.
Toutes ces histoires de carres dedans et dehors de son entraîneuse l'embrouillait, et, à force de trop réfléchir à sa lame, elle était distraite et ne parvenait pas souvent à réussir ce saut.
Mais là, sa détermination était telle qu'elle savait qu'elle allait réussir. Elle voulait réussir.
Aujourd'hui, c'était sa dernière séance d'entraînement avant la compétition de demain. Elle n'avait pas le droit à l'erreur.
Clara patinait à toute vitesse en arrière, se préparant au saut, se concentrant sur chaque muscle de son corps qui jouaient chacun un rôle bien précis. Rien n'était laissé au hasard, ce qui rendait le patinage artistique plus compliqué encore.
De sa lame droite, elle piqua la glace. S'élança. Crac. Sa cheville forma un drôle d'angle.
Douleur.
Douleur.
Douleur.
La chute était inévitable. Clara se prépara au choc de la glace dure sans pitié. Mais rien ne vain.

Elle avait vu noir avant d'être entrée en contact avec le sol de glace.

Petit à petit, le noir se dissipa. Tels plein de petits points qui s'éparpillaient, puis, disparaissaient.
Le visage presque collé au sien fit pousser un hurlement de peur à Clara, qui se mua en hurlement de douleur. Le visage s'écarta brusquement. C'était celui de sa mère. Clara s'en voulut d'avoir réagit ainsi, surtout que l'on pouvait clairement lire l'inquiétude dans les yeux de sa mère.
Celle-ci s'assit au bord de son lit. Non... Ce n'était pas son lit. Tout était blanc. Les murs, les draps, les rideaux, le lit. L’hôpital.
Clara essaya de parler à sa mère, de lui dire quelque chose. Que tout allait bien par exemple. Du moins... Elle l'espérait. Mais elle ne parvint pas à articuler le moindre mot, ni à faire sortir le moindre son de sa gorge crispée.
Que s'était-il passé, déjà ?
Que faisait-elle là ?
La mémoire lui revint, et lui fit l'effet de s'être prit un grand seau d'eau gelée sur le visage. L'entraînement. La chute. La douleur. Le noir.
Quel jour était-on ?
Il fallait reprendre l'entraînement !
Elle avait assez dormi comme ça !
Vite, il ne lui restait pas beaucoup de temps pour être parfaitement au point !!!
Elle tenta de se redresser. Son corps ne lui obéit pas. Ou plutôt, la douleur qui transperça chacun de ses membres empêcha tout mouvement.
Clara jeta un regard désespéré vers sa mère.
Comment allait-elle faire pour se lever ?
Elle remarqua ainsi que sa mère avait les yeux qui brillaient... Un peu trop. Des larmes ? Que s'était-il passé de si grave, voyons ?!
Elle chercha une réponse d'un regard inquiet.
Sa mère lui expliqua qu'elle s'était fracturée la cheville lors de sa chute. Et qu'elle avait sans doute un traumatisme crânien. Elle devait rester couchée pour l'instant.
Et la compétition ? hurla mentalement Clara.
Comme si elle avait lut dans ses pensées, sa mère lui dit doucement, gentiment, de cette voix de maman que chaque enfant connait : elle ne pourrait pas participer à la compétition.
Ni à la suivante.
Et encore celle d'après.
Son plâtre, elle devrait le garder 6 mois si tout se passait bien.

Vide. Elle se sentait vide. Complètement vide. Son rêve, sa passion. Tous ses effort durant ces derniers mois ne seront jamais récompensés. Jamais.
Clara laissa ses joues se baigner de larmes. Chaque sanglot qui l'agitait lui faisait mal, la faisait souffrir physiquement, mais aussi mentalement.
C'était la fin. La fin de son rêve.