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06 mai 2022, 12:51
À elle…  PV : Aelle Bristyle 
À la façon dont Aelle détourna la tête, Gabryel regretta instantanément sa question. La gamine rejoignit la rive avec détermination, après avoir répondu négativement, d’un ton sec, et sans appel. Le garçon la regarda s’éloigner vers la berge. Seul, les pieds enfoncés dans la vase, les jambes bercées par les ondes invisibles du Lac Noir, il ne bougea plus pendant une longue minute, immobile. Au loin, les tours Château surplombaient l’étendue d’eau. Ces derniers instants s’étaient déroulés comme s’éteint une lueur, de l’ombre à la lumière, du bleu au gris, de l’or à l’acier. De la légèreté d’être au vide plombant l’âme.

Sans se retourner vers sa camarade, il sentit en lui monter cette vague de mélancolie, ce détestable fracas intérieur, comme un ouragan à l’approche. Il ne parvint plus à respirer correctement. Sa gorge se noua. Ses doigts se crispèrent le long de son corps, les poings sous l’eau, les phalanges recroquevillées. Un afflux de sang convergea jusqu’à ses tempes, exerçant une pression sur son front et à l’arrière de sa boîte crânienne. Il n’y eut nulle magie dans tout cela, juste de la peine, un trop-plein qui prit d’assaut son corps. Tout déborda. Même s’il demeura de dos, le son de sa voix illustra une angoisse ancienne, de l’abandon, de ne pas être aimé, de sa solitude.

- Je ne voulais pas te froisser.

Dans un hurlement soudain :

- Je ne voulais pas te froisser.

La phrase s’accompagna d’une pression de la main ouverte sur la surface de l’eau. Puis tout retomba instantanément. Ses nerfs se dénouèrent dans une longue expiration. Il était maintenant vidé, exténué. Il se retourna, face à la Poufsouffle, mais ne lui adressa aucun regard. Le bleu de ses yeux semblait voilé d’un gris pluie. Il avança dans sa direction, jusque de nouveau piétiner l’herbe. De l’eau coulait de ses cheveux, sur son visage fermé, et le long de son corps. L’Écossais se baissa pour ramasser des chaussures, ses chaussettes et sa besace. Puis son regard chercha celui de sa camarade. La douceur de ses traits avait repris sa place.

- Je m’excuse d’avoir crié.

Silence

- Tu sais Aelle… Je voulais juste t’inviter parce que… Tu es la seule avec laquelle j’aimerais m’y rendre.

Aucun mot ne ricocha d’entre ses lèvres.

- Je dois y aller. Salut !

En passant devant l’Irlandaise, il ralentit un court instant.

- Tu peux venir voir le petit moulin à eau quand tu veux. Il est à toi maintenant.

La tête basse, sans attendre de réponse, le garçon prit silencieusement la direction du saule qui abritait le Petit Chalet, avant de disparaître sur le chemin de roseaux. À l’extrémité de sa baguette, tenue vers le sol, s’échappa derrière lui de petites feuilles mortes le long de son sillage, comme l’expression de sa tristesse.

Terminé pour moi, sur le coeur lourd de Gab…
Toujours autant de plaisir l’écriture avec toi, tu le sais…


Image

Gabryel Fleurdelys (avec deux « Y »)
6ème année RP Gryffondor
Auteur de « La touille, c'est la vie »

06 mai 2022, 18:16
À elle…  PV : Aelle Bristyle 
Mon cœur commence à peine à retrouver un rythme normal que le voilà de nouveau bousculé par le cri du garçon qui me tourne le dos. Que lui arrive-t-il ? Mon corps s’électrise quand il se retourne et m’offre une face effacée, comme si jamais n’était sorti de sa bouche ce hurlement qui semblait provenir du plus profond de son être. Je l’observe silencieusement tandis qu’il avance vers moi, venant même à me demander si je n’ai pas rêvé ce qu’il s’est passé. Je ne voulais pas te froisser ! Oui, peut-être ai-je rêvé. Pourquoi aurait-il dit ça ? Je ne suis de toute façon pas froissée, seulement un peu perdue, un peu perturbée par sa demande qui vient de nul part et qui signifie trop de choses que je n’ai pas envie de comprendre. Je crois que je lui en veux d’avoir osé me poser cette question. Ce n’était pas plus simple avant ? Maintenant, je suis obligée de me souvenir que lorsqu’une personne demande à une autre de l’accompagner à un bal, cela signifie qu—

Je ne veux pas réfléchir à ça.

Il s’excuse. Je détourne le regard. J’ai envie qu’il s’en aille. Mais il insiste, il explique et moi je hausse les épaules et lève les yeux au ciel pour faire comme si je m’en fichais. Tu es la seule avec laquelle j’aimerais m’y rendre, dit-il. J’ai beaucoup de mal à le croire. Il a d’autres amis que moi, des personnes desquelles il est plus proche. Il n’a aucune raison de vouloir passer son temps là-bas avec moi. Et puis moi, la seule personne avec qui je veux être ce soir-là, c’est Thalia. En même temps que cette pensée me traverse l’esprit, je me rends compte combien elle est vraie et sincère : il n’y a rien que je désire plus que ça et mon cœur se réchauffe à l’idée que c’est bien ce qu’il se passera. Juste moi et elle, et la nuit.

Peut-être devrais-je prononcer un mot, dire quelque chose. Lui dire que je ne lui en veux pas ? impossible, ce serait mentir. Lui dire que cela m’aurait fait plaisir et que je suis désolée de ne pas pouvoir ? tout autant un mensonge que la première idée. Alors puisque rien ne me vient si ce n'est des mensonges que jamais je ne proférerais, autant garder le silence. De toute façon, il s’en va. Il s'éloigne silencieusement en direction du Petit Chalet.

« À plus... »

Aucune remarque plus pertinente n'est capable de dépasser la barrière de mes lèvres. Je ne suis pas mécontente de le voir s'éloigner. Il emporte avec lui la tension qui me nouait le ventre.

J’ai beau me persuader que tout ce qu’il vient de se passer est de sa faute, je ne peux cependant pas ignorer que son départ soudain, son cri, sa demande et l’air bizarre qu’il avait sur le visage me perturbent et me hantent. J’attends qu’il se soit suffisamment éloigné puis je me laisse tomber sur le sol, face au lac. Mon regard se perd sur la surface de l’eau dans laquelle se reflète le ciel. Mes sourcils froncés sont la seule preuve que mes pensées sont agitées.

Je reste une dizaine de minutes dans cette position avant de réussir à faire le tri dans ma tête. Lorsque je me relève, une nouvelle vigueur anime mes gestes. Les soucis ont filé droit dans la trou obscur qui se situe quelque part dans ma tête — celui dans lequel je ne veux pas regarder de trop près. La demande de Gabryel Fleurdelys est un souvenir, désormais. Et comme tous mes souvenirs, je prendrais soin de le laisser à sa place et de ne surtout pas l’analyser.

Quand la brise se fait suffisamment fraiche pour me faire frissonner, j’enfile mes bottines et repars en direction du château. J’espère que les discussions à propos du bal se seront calmées. Je dois travailler. Des choses sérieuses m’attendent, je dois être concentrée. Tant que je serai concentrée, rien de grave ne pourra m’arriver.

En passant les portes du château, je m’arrête pour faire un tour d’horizon du hall. Je reprends mon chemin lorsque je me rends compte, non sans une pointe au cœur, qu’il n’y a ici pas la moindre trace de Fleurdelys, pas plus que dans le parc.

— Fin —


Pauvre garçon, j’ai de la peine pour lui.
Je le sais puisque c’est un sentiment que je partage à cent pour cent. Merci pour cette balade au cœur des sentiments de nos gamins.