Dessinatrice dans l'âme, Élicia avait déjà relevé quelques défis. Mais à Poudlard, à cause des cours qui devenaient de plus en plus lourd, et la montagne de devoirs que les professeurs leurs donnaient, elle n'avait pas vraiment le temps de pratiquer toutes ses passions, en particulier la lecture et le dessin. Cependant, cette année, motivation et inspiration étaient au rendez vous. Alors, lorsque qu'un nouveau défi fut lancé lors d'une discussion avec Aliosus, elle sauta sur l'occasion. Ils s'étaient donné un défi d'un dessin par jour pendant sur plusieurs semaines. Ce qui lui permettrait, de son côté, non pas de copier son ami, mais de pousser son imagination et sa façon de dessiner toujours plus loin. De progresser. Et de partager cette progression avec son ami.

Après longue réflexion quant aux dessins qu'elle allait effectuer, la rousse se dit que c'était l'occasion parfaite de mêler ses deux passions. L'idée de dessiner des objets, personnages ou lieu de son livre, bien qu'elle ne venait pas d'elle, était saisissante et encore plus intéressante du fait de la saga qu'elle avait immédiatement choisit. Son univers préféré, ses idoles, et une histoire incroyable...quoi de mieux ?

Elle avait donc ressorti de sa malle les neufs livres qui composaient la saga, et les avaient rangés par ordre dans son alcôve, dans son dortoir. Puis elle s'était allongée sur son lit, cherchant quelle première illustration elle allait tenté, réfléchissant à tout ce qu'elle pouvait dans les livres. Evidemment, elle n'aurait pas le temps de tous les lires, mais en parcourir les pages pour chercher les descriptions dont elle avait besoin était une bonne idée.

"Les Faëls se tenaient là. Ils étaient une dizaine, confortablement adossés à des rochers, leurs arcs posés près d'eux. Petits, moins d'un mètre cinquante, fins et gracieux, ils étaient vêtus de fourrures qui laissaient libres les bras et les jambes. Leur peau était sombre, autant que celle de Salim, et leurs yeux, étirés comme ceux des chats, paraissaient immenses dans leurs visages triangulaires. Leurs poignets et leurs chevilles étaient ornés de bijoux décorés de perles et de plumes.*"

Le lendemain matin, Élicia se posa dans un lieu tranquille, avec son matériel de dessin, et représenta un Faël, en étant le plus fidèle possible à la description du livre. Elle mit un certain moment, choisit ses couleurs pour correspondre à l'image qu'elle se faisait de ce peuple, puis le rangea soigneusement en attendant de retrouver Aliosus pour le lui montrer.
C'est tout joyeuse qu'elle le retrouva peu de temps après, là où ils s'étaient donnés rendez-vous : dans la cour de la tour de l'horloge. Elle lui montra le dessin, le tenant dans ses deux mains, tendues devant elle. Un grand sourire fier illuminait son visage.

J'ai un peu de mal avec les personnages, mais là j'aime bien ! Qu'est-ce que tu en penses ?

La jeune fille était impatiente d'avoir son avis et de voir ce que lui avait dessiné ce jour là.

Pour la troisième année consécutive, Aliosus s'était mis en tête de passer le mois d'octobre un crayon à la main afin de s'exercer à ce loisir qu'il négligeait bien trop souvent, le dessin. Au détour d'une conversation il en avait parlé à Élicia, son amie Poufsouffle adepte elle aussi du crayonné, et ils avaient convenus d'essayer de se tenir à un planning précis d'un dessin par jour à se montrer.

Comme l'année précédente, le serpentard pris comme fil rouge une œuvre romanesque. C'était une série de livres qu'il dévorait depuis la fin de l'été, une dystopie terrifiante, sise dans un lointain futur où les moldus chassaient et asservissaient les sorciers afin de profiter de leurs pouvoirs pour faire fonctionner des technologies avancées. C'était un monde sombre et impitoyable qui fascinait le jeune garçon qui n'avait jamais rien lu de semblable.

Lorsqu'il pris la mine pour se lancer lors du premier jour, il choisit de représenter un élément de contexte, à peine un personne tertiaire, juste une silhouette qui apparaissait au détour d'un paragraphe, un clerc administratif. Dans ce monde imaginé par l'auteur Daniel Abinetto, la science moldue s'était mélangée à la technologie dans un obscurantisme aussi ironique que sinistre. Le clerc était ainsi une créature à peine humaine, mélange d'homme et de machine, dont l'existence n'était plus dédiée qu'à son rôle de greffier, notant à la plume chaque parole de son maître, un chasseur de sorcier.

Arrivant second lors du rendez-vous, il salua avec enthousiasme Élicia, pressé de découvrir sa réalisation et de montrer la sienne.
«Les personnages sont vraiment délicats à faire je trouve, tu t'en sors bien, même sans connaitre la description on comprends tout de suite le genre de créature que c'est, et j'aime beaucoup sa pose.»

Il ouvrit à son tour son carnet.

Le deuxième jour du défi était arrivé. Le seul problème, c'est que contrairement à la veille, Élicia avait moins de temps pour dessiner, ayant presque toute la journée de cours. Elle s'y était donc mis tôt, juste après le petit déjeuner, avant le cours de botanique. Elle s'était assise près des serres, son sac rempli de ses affaires de cours ainsi que son livre d'où elle tirait la description de ce qu'elle voulait dessiner aujourd'hui. Hier, elle avait tenté un personnage, ce qu'elle avait le plus de mal à faire, mais ne s'en était pas trop mal sortie. Alors elle réessayerait, car c'est comme ça qu'on progressait. Mais ce jour là, elle voulait dessiner un objet. Un petit pendentif, présent dès le début de la saga : une sphère graphe.

"Les mailles et le fermoir étaient ciselés avec finesse, mais c'est la pierre qui retint son attention. Parfaitement sphérique, elle avait un aspect irisé, des reflets mouvants et dégageait une fascinante beauté, en totale opposition avec l'agrafe qui la liait à la chaîne et qui reproduisait dans ses moindres détails une main hideusement griffue."

Elle prit son crayon, et commença sa représentation du bijou, en fermant parfois les yeux pour essayer de le visualiser le mieux possible. Avec quelques rapides mouvements de poignet, la première esquisse apparue, d'abord brouillonne, ensuite plus propre.
La rousse dessina le pendentif quatre fois, dans plusieurs sens différent pour avoir une réelle idée de ce à quoi la sphère graphe ressemblait.
Elle eut juste le temps de mettre un peu de couleurs et d'écrire la date, puis elle rangea soigneusement son dessin dans son sac et partit en cours.

Quelques heures plus tard, elle se rendit au point de rendez-vous avec Aliosus, et l'attendit patiemment, assise sous une des alcôves de la coursive entourant la cours. Elle se rappela son dessin de la veille, qu'elle avait beaucoup aimé et qui l'avait impressionné.
La jeune fille se demandait ce qu'il pouvait bien avoir réalisé aujourd'hui, lorsqu'il arriva vers elle. Tout sourire, elle lui montra son nouveau dessin.

Bon, j'ai changé aujourd'hui, j'arrive mieux à faire les objets et les paysages alors voilà...Et toi, qu'est ce que tu as dessiné aujourd'hui ?

«Le Xeno Archéologue Hrudian Shevan était un des spécialistes de l'études des civilisations non humaines disparues. On lui devait notamment le traité sur les formes hiéroglyphiques des Hruds et sur la composition de la société des champignors de Calathan VI.»

Un Xeno Archéologue, un nom bien exotique pour une profession imaginaire mais qu'on pouvait facilement se représenter, une de mélange entre un explorateur et un chercheur, trouvant, sur des planètes lointaines, les restes de peuples aliens, ou xénos comme ils étaient nommés dans les romans, ayant vécus puis s'étant éteins avant l'arrivée de l'humain dans sa conquête galactique. Un métier qu'il serait sûrement fascinant de faire, même pour un sorcier. Aliosus n'avait jamais trop rêvé à l'espace, associant automatiquement le ciel et ses étoiles à l'Astronomie enseignée par monsieur Briggs. Pour lui c'était le domaine des cours de nuits et des heures à scruter dans un télescope, mais à la lecture de la saga, il commençait à envisager tout cela sous un autre angle. Il devait forcément y avoir des formes de vies inconnues quelques part là haut, et si l'une d'elle arrivait aussi à pratiquer ce que, ici, on appelait la magie ?

C'était la seconde fois qu'il arrivait après Elicia, presque en retard. Elle avait cette fois opté pour une étude d'objet, un style qu'il aimait pour son côté analytique et objectif. D'habitude il faisait ce genre de dessin lui même, mais sur des objets de son quotidien, qu'il pouvait manipuler.

«Tu es passée à la couleur ! J'ai été pressé par le temps, je viens à peine de finir le mien à vrai dire : c'est un explorateur, qui se tient devant les reste d'une créature inconnue.»

Dit comme ça, ça semblait un peu farfelue, aussi joignit-il le geste à la parole et ouvrit son carnet.

C'était avec subtilité que l'auteur parlait des dérives du fanatisme, en le transformant en une vague régressive amenant à un obscurantisme barbare, mais ce qui dérangeait Aliosus, c'était le fait de ne pas arriver à voir si la métaphore était sensée s'appliquer aux moldus ou bien aux sorciers. Quel message politique lisait-il ? Se retrouvait-il à cautionner des pensées contraires à ses propres valeurs ? C'était le genre de questionnements auxquels le garçon était habitué, un père et une tante au Conseil des Sorciers, un oncle résistant disparus, un... beau père ? - les parents d'Irisia devaient ils être considérés comme ses beaux parents déjà ? - exilé en France, ou encore miss Montmort qu'il érigeait en exemple, mais qui était sûrement sur la ligne anti-Conseil de l'école...

Mais là, la réflexion le cueillait dans un moment de loisir, dans sa lecture quotidienne, là où il ne l'attendait plus. Désormais le monde extérieur et sa politique s'immiscent partout. Dans les romans, une facette de ce fanatisme étaient les hordes sans visages de pèlerins qui s’amoncelaient dans des lieux de culte cyclopéens à la gloire d'une figure ambivalente entre humain et dieu. C'étaient des figures frappant l'imagination dont Aliosus commença à croquer la folie. Il avait pu ménager un peu plus de temps que la veille afin de soigner ses traits mais s'il était assez content du tracé définitif qu'offrait l'encrage, quelque chose lui manquait dans la possibilité de créer des dégradés plus simplement avec une mine, afin de rendre certaines textures et reliefs. Il allait falloir apprendre...

Cette fois il arriva avant sa comparse, il avait hâte de découvrir sa production du jour.

Troisième jour. Repoussant sans cesse les limites de son imagination, Élicia explorait avec difficultés les milliers de possibles qui s'offraient à son esprit. Elle voyait parfaitement ce que voulait dire Bottero en parlant d'un chemin qui s'enfonçait toujours plus loin dans son esprit, son Imagination. Des chemins qui se divisaient en plusieurs autres chemins, comme un arbre. Elle, elle n'empruntait que les branches les plus basses, et encore, les images qu'elle voyait restaient floues au moment de les dessiner. C'était pas si facile de créer, d'inventer. Et pourtant, c'est ce qu'elle devait faire. Le dessin de la veille ne lui avait pas posé trop de soucis, le précédent non plus...mais là, elle avait du mal.

Après son cours de potion, la rousse se dépêcha d'aller manger. Puis elle remonta encore plus rapidement, et s'empara de son crayon sans plus attendre. Elle allait être en retard !
Cherchant dans sa mémoire ce qu'elle avait appris pendant l'été, elle retrouva la technique qu'elle cherchait : celle d'une pièce. Aujourd'hui, elle tenterait la cabane des Petits, ces êtres, qui, comme leur nom l'indique, sont petits. Des bonhommes vivant dans une forêt, la Forêt Maison, en dehors de tout territoire, appartenant seulement à eux.
La jeune fille n'ayant pas la description d'une de ces cabanes sous les yeux, et n'ayant pas le temps de la chercher, elle se contenta d'inventer.
Une fois les croquis finit, elle se dépêcha de les mettre en couleurs et rangea vite son dessin dans son sac, puis sortit, presque en courant, de son dortoir.
Elle rejoint la cour du rendez-vous, et s'approcha de son ami, essoufflée. Elle lui sourit néanmoins, avant de se poser contre le mur de pierre.
Encore une fois, elle fut impressionnée. Il avait un style bien particulier, un peu flippant à son goût mais super classe, et il arrivait bien à représenter les personnages, contrairement à elle.
Pourtant, elle ne l'enviait pas. Peut-être s'était-il entraîné pour parvenir à des résultats pareil, et elle se savait capable de progresser pour mieux réussir.

Ça fait un peu peur, mais j'aime beaucoup ! T'es vachement doué pour les personnages...

Elle baissa les yeux et sortit son dessin de son sac, puis le lui tendit.

Toujours pas de perso de mon côté, j'ai essayé une nouvelle technique donc c'est pas super au point...et j'étais en retard pour celui du dessous donc il est moins bien que les deux autres.

Nouvelle journée. Nouveau dessin. Et ce jour-ci, Élicia avait tout le temps dont elle avait besoin pour dessiner ce qu'elle avait prévu. Le cours d'Histoire de la Magie n'était pas dans sa filière, et si certains élèves de son âge y allaient, ce n'était pas son cas. Elle avait donc toute la matinée de libre, et comptait bien la mettre à profit pour s'appliquer le plus possible sur le dessin du jour.

Elle avait donc mit tout son matériel dans son sac, un gros pull et une veste pour s'asseoir dessus dans le cas où la rosée du matin serait toujours présente. Puis la rousse était descendue dans le parc, sous un joli arbre d'où elle avait vu sur le Lac Noir. Elle s'assit, sortit son carnet, ses crayons et ses feutres. Du matériel de moldu peut-être, mais pratique qu'elle arrivait de mieux en mieux à utiliser.
Aujourd'hui, elle représenterait un Thül. Un de ses guerriers dont les traditions étaient particulières, ses guerriers qui vivaient en clans et qui étaient doués dans à peu près touts les arts de combats, sauf la finesse. Leur seul défaut, s'était de se croire les plus fort, parce que bien qu'ils étaient incroyable au combat, un autre peuple était aussi fort, voir plus qu'eux. Les Frontaliers. Au point que l'Empereur leur avait demandé de signer un traité leur interdisant de traverser le Pollimage, le fleuve qui les séparait du territoire des Frontaliers. Des guerriers roux pour la plupart, de grande carrure et qui maniait tout type d'arme, notamment le sabre et la hache. Et c'est ainsi qu'elle le représenta, debout, droit et fière, tenant dans chacune de ses mains une arme. Avec son armure de cuir et de fer, le fourreau de sa hache à la ceinture et celui du sabre dans son dos. Quand elle eut finit le croquis, elle repassa sur les traits et se mit à la couleur.
Quelques temps plus tard, elle reprenait le chemin du château, son carnet dans son sac, prêt à être montré à Aliosus.

«Pilote avait toujours été, de tout temps, un métier nécessitant un degré de compétences, de conditions physiques et de réflexes largement supérieur à la moyenne, mais les pilotes impériaux qui patrouillaient dans la Ceinture, l'amas d'astéroïdes gravitant autour de Abelion minor, représentaient vraiment une élite parmi la profession.»

Ces êtres têtes brûlées qui montaient dans des vaisseaux de métal à travers le vide pour sillonner l'espace à la recherche de ressources, Aliosus ne pouvait s'empêcher d'imaginer Irisia à ce poste. Lorsqu'il commença, tant bien que mal à imaginer l'équipement que pouvait porter un pilote, il fit son possible pour rendre son regard dans le peu de visage qui restait à nu une fois posé le lourd casque et mis en place le respirateur indispensable. Ce n'était pas si compliqué finalement, les tenues futuristes, à dessiner, c'étaient des sortes d'armures aux formes plus excentriques peut être, et encore...

Sortant exsangue d'une de ses plus grosse journée de la semaine avec son option d'Histoire de la Magie qui lui prenait quatre heures supplémentaires. Mais il avait réussi à grappiller de ci de là quelques instants pour croquer, esquisser puis enfin encrer. Lorsqu'il arriva dans la cour, près du pont couvert, Elicia l'attendait avec une belle représentation en pied d'un guerrier.

«Joli ! En couleur, s'il vous plait. Ça lui donne beaucoup de vie. Regarde, voilà le mien, il est moins macabre que hier promis...»

Ce faisant il dévoila son travail, d'un air assez satisfait.

Encore une fois, Élicia avait toute la matinée pour dessiner, ne participant pas aux cours de Métamorphose des élèves de son âge d'autres filières. Alors, de nouveau, elle en profita pour faire un petit dessin, pas trop complexe mais auquel elle allait rajouter une petite difficulté.
Elle avait feuilleté l'un de ses livres la veille, et était tombée sur la page d'un combat. C'était une chose qu'elle adorait, lire les combats écrit de la plume de Bottero, qui retransmettait à la perfection les émotions, décrivait d'une manière incroyable chaque détail. Elle s'imaginait la scène, prenait plaisir à voir Edwin entamer sa danse de mort avec son sabre, Bjorn avec moins de grâce qui se contentait de frapper de sa hâche, et Ellana qui, bien qu'elle avait un poignard dans chaque main, n'en avait pas besoin. Ni de ses griffes d'ailleurs. Non, Ellana n'avait pas besoin d'arme, elle était une arme.

Dans l'extrait sur lequel la rousse était tombée, ils combattaient des ogres. Et bien vite, Ellana avait perdu ses poignards. Ewilan en avait donc imaginé un, l'avait créer dans l'Imagination, puis il s'était réalisé, apparu comme par magie dans le point fermé d'Ellana. Un poignard incassable, inusable, plus fort de n'importe quoi. Et un des rares dessins a s'être réellement encré dans la réalité.

"Sa lame, affûtée comme un rasoir, brillait d'un éclat adamantin et son pommeau était orné d'un cristal taillé en boule."

La description était courte, mais contenait assez d'indication pour le dessiner. C'est donc, de nouveau assise sur sa veste sous son arbre favori en face du lac, que la jeune fille s'était retrouvée à dessiner sur son carnet. Il lui fallut à peine quelques minutes pour faire le croquis, et un peu plus pour le mettre en couleur.
Elle batailla tout ce temps contre le vent pour que les feuilles du carnet arrête d'onduler au rythme de la brise, mais rien n'y fit. Elle referma le carnet une fois finit, puis resta assise là, en tailleur, admirant le paysage qui s'offrait à elle. Car, même si elle l'avait regardé un million de fois, sa beauté lui tirait toujours autant d'admiration.
Elle s'abandonna au vent, ses cheveux virevoltant autour de son visage sans qu'elle n'y fasse rien. Quand il ne l'embêtait pas dans ses dessins, elle aimait la caresse de la brise sur ses joues.
Perdue dans ses pensées, elle resta assise là quelques temps, avant de regagner le château, apaisée.
Elle avait hâte de retrouver Aliosus et voir sa réalisation du jour, hâte de lui montrer la sienne.

Le héros du roman était un sorcier qui, s'il ne voulait pas finir asservis par le régime totalitaire en place, devait se cacher et vivre dans la clandestinité comme le lui avaient appris ses semblables. Il avait cependant refusé de survivre terré, et, entreprenant une quête impossible, s'était mis à chercher un moyen de renverser la vapeur en faveur des sorciers. Et c'était dans ce but qu'il rencontrait des tribus techno-barbares du monde désolé d'Abelion minor.

Aliosus avait eu tout son après midi et il ne s'était pas précipité sur le dessin, ni sur son roman. Il avait plutôt réfléchit à la condition sorcière, aux dissensions entre pays, Confédération Internationale des Sorciers contre Front Européen de Protection des Sorciers, aux Lignées, à son père qui ayant passé la plupart de sa vie dans l'étude et l'observation, s'était lancé, à la faveur du renversement de Blackwave, dans un œuvre plus grande que lui. Il n'était pas certain que Willow, ou que sa famille en Allemagne comprenne tout à fait ce changement, il était passé de lettré à agent du gouvernement, commençant à mettre ses talents au service du Conseil des Sorciers jusqu'à, il y a quelques mois, mettre sa peau au bout de ses convictions et se retrouver au cœur du repaire des pires mages noirs existant.

Les gens ne saisissaient pas à quel point le Conseil avait été non pas réactionnaire, mais révolutionnaire, et il était persuadé que son père travaillait à garder cette ambition vivante, portant chaque jour le combat contre le repli vers le confort. Il aurait tant voulu parler de tout cela à quelqu'un. Si seulement Alice fut encore là. Peut être qu'un jour, il oserait en toucher deux mots à Macbeth, mais pas à tâtons, pas par un moyen détourné, par des circonvolutions de langue, en étant franc, peut être brutalement honnête. Aliosus avait lu que si un message, une conviction, avait besoin d'être travesti, amputé, euphémisé, camouflé, c'était qu'il ne mérite pas d'être entendu.

Refermant ses carnets de notes personnelles et ses livres de penseurs qu'il avait ramené de la maison, il essaya tant bien que mal de donner vie à ce qui pouvait être un techno-barbare d'Abelion minor. Seront-ils une force pure et implacable capable de renverser le cours des choses où bien le héros se fourvoyait-il en cherchant à substituer son combat à d'autres ?

Allant à la rencontre d'une Elicia un peu ébouriffée par le vent, il mit de côté pour un temps ses pensées politiques et conversa dessin et littérature, comme une parenthèse bien méritée pour l'enfant qu'il était encore. Son amie avait dessiné un poignard, c'était probablement la création qu'il préférait depuis le début du mois.