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02 oct. 2021, 20:05
{ Comprendre }

Impasto, FarDareisMai



( Parenthèse circulaire )


Aujourd'hui Ombre a disparu ; le poëte est né. Non le Poète ; il saisit la Plume dans le Secret, insatisfait.
Adieu, Ombre !
Adieu, Peintre !
Adieu, Diogène !
Adieu, les autres de l'Oubli !
Je vous peindrai en Fragments. Vous serez mes hétéronymes. Je laisse mon manteau sombre dans l'Armoire ; il ne me reste d'elle que la Poussière.

« Où en étiez vous ?
— Au Prologue. Reprenons.
»

*Ovide*

I.XII.MMXXI





< Thème musical : Concerto No. 3 in F Major, Op. 8 : III Allegro "L'autunno", Antonio Vivaldi >



❝ Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir ! ❞
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal


֍
Hannah, 13 ans
Un Jour, en 2046
Bibliothèque


*Ça y est !* Cette pensée, cette Grande Affirmation t'étais arrivée joliment en pleine figure, comme ceci, brusquement, sans avertissement. Dans d'autres circonstances, tu aurais pesté ; tu détestais être surprise. Mais toutes les pensées n'étaient pas de Grandes Affirmations, non, la Grande Affirmation ; elles étaient dérisoires, à côté de cette lueur éclatante qui faisait briller ton cœur et écarquillait tes yeux. Et alors que, dans un recoin du Parc, tu t'étais adonnée à la Magie, cette exclamation t'avait Dévorée ; c'était doux. Était-ce vraiment cela ? Avais-tu bien face à toi ce que tu guettais depuis... depuis bien trop longtemps ? Les questions s'étaient d'abord bousculées, car à l'accoutumée rien ne t'arrivait comme ça. C'était une sensation nouvelle ; ta conscience s'en était d'abord méfiée. Puis, après ces quelques interrogations quant à cette vérité éclatante, tu t'étais rendue à l'évidence. Le Moment était venu. Des mois entiers. Il avait fallu des mois entiers pour que tu sois prête à L'affronter. Des mois entiers pour que fleurisse en toi ce petit détail qui explique le Tout sur le bout d'une de tes Branches — sûrement la plus obscure, et la plus intéressante par conséquent. Des mois à se languir, à repousser impassiblement cette irrésistible, insupportable Fascination, à n'entendre à son sujet que des Bruits de Couloirs ; rien donc. Mais en ce jour tu l'avais su ; *je suis prête*

Ta Plume s'était hâtée de griffer le parchemin frénétiquement. Fait notable ; la première Missive fut la bonne. Tout était extrêmement clair et précis ; quelle Joie ! Voici donc ce que tu Lui envoyas le soir-même.

Bristyle,

J'ai enfin Compris. Dimanche, treize heures (les Semblables seront alors entassés dans la Grande Salle), Bibliothèque. A prendre ou à laisser.


L'Autre

Nous étions donc ce fameux Dimanche où Elle allait prendre ou laisser. Par Pénélope, que l'attente était longue ! Incapable d'avaler quoi que ce soit — entre manger ou La voir, le choix était vite effectué —, tu étais arrivée avec une heure d'avance, en te répétant que tu pourrais plonger ton nez dans des ouvrages à l'occasion. Naïveté ! Les lignes dansaient comme des vagues sous ton regard *Bon sang !*. Tu finis par envoyer valser furieusement un livre par terre — heureusement que la plupart des élèves n'étaient pas là pour assister à ce spectacle pitoyable —, agacée par cette Appréhension qui en plus de te ronger le Cœur, faisait de même avec ta tête et tes yeux. Tu ramassas la victime d'un éclair de Colère, le replaças dans l'étagère correspondante, avant de revenir t'assoir. Tu guettais le moindre son, le moindre mouvement, tes pensées allant bon train. Comme une horde de moutons qui se précipiteraient pour s'échapper d'un enclos qu'on a oublié de refermer, elles t’assaillaient, infatigables. *Faites que les Aiguilles s'emballent...* Ton Impatience débordait de toutes parts, c'était tout à fait incontrôlable. Tu ne pouvais plus supporter d'attendre. Tu avais tenu pendant des mois entiers sans que cette envie ne soit irrépressible ; elle le devenait désormais. Tu attendais, l'Horloge tournait avec la mollesse d'une feuille morte qui se laisse descendre au gré des courants.

*Et si elle ne venait p...*


Tu t'interdisais de penser à cette éventualité. *Elle va venir* Cette hypothèse était celée dans un gouffre de ton crâne ; celui où tous les possibles désagréables sont précipités. Une sorte de Leucate ; dont on pouvait ressortir vivant. Pire : quand elles revenaient, ces pensées étaient devenues robustes. Mais elles ne reviendraient jamais, n'est-ce pas ? *Elle va venir* Les secondes s'égrenaient, comme des flocons de neige. Les coudes sur la table, les doigts entrelacés, la tête reposant sur leurs phalanges formant une chaîne montagneuse, tu surveillais son Arrivée. *Elle va venir*

Les souvenirs qu'il te restait de vos Altercations passaient en boucle dans la salle de cinéma que pouvait être ta Mémoire. Son pull, Son visage, Son regard, Ses mots, Sa voix, Ses conseils, Son... *Par Mnémosyne !* Tes pensées partaient dans tous les sens ; comme d'habitude. Avec, sans doute, encore un peu plus d'énergie et d'insolence, qu'à l'ordinaire. Il fallait qu'Elle ne tarde pas de trop, ou bien tu serais dans un piteux état lors de son Entrée. Quelle merveilleuse sensation que celle de la Grande Affirmation ; quelle horrible sensation que celle de l'Attente, aussi infime soit-elle ! *Elle va venir !*

Aussi fallait-il te préparer au meilleur comme au pire ; tu ne savait jamais avec Elle. La dernière conversation que vous aviez entretenue illustrait diablement bien ce constat. Des montagnes russes. Et la rencontre qui l'avait précédée était son miroir, si on l'observait à travers le prisme des émotions. En somme, il s'agissait de murmurer à son être qu'il allait être secoué comme un jouet selon toute vraisemblance ; ton Cœur l'était déjà. Échanger avec Elle impliquait l'abandon du contrôle ; tu avais dans un premier temps honni cette faille qui s'ouvrait en toi. Avec le temps, tu avais accepté la chose *seulement avec Elle*. Pendant toute cette période passée sans la voir à moins de cinq mètres, ses mots avaient tant de fois résonné en toi que tu Lui avais offert secrètement ce privilège. Maintenant, ton Regard pouvait scruter avidement la Porte. Maintenant, tu étais totalement prête. Maintenant il ne manquait qu'une Personne.

*Elle va ven...*

Plume d'@Aelle Bristyle, je ne reviens pas les mains vides. Selon ce qu'en dit Aelle, ceci pourrait bien être la Suite du Prologue...
Dernière modification par Hannah Hardhoke le 11 nov. 2021, 18:55, modifié 1 fois.

𐌔

09 oct. 2021, 20:56
{ Comprendre }
22 mai 2046 — 13h
Bibliothèque — Poudlard
6ème année



Treize heures sonne lorsque j’arrive.

Sur le pas de la porte, je m’arrête. Un sourire m’étire les lèvres. J’inspire à plein nez ; j’ai vu papa faire ça toute mon enfance. S’arrêter à l’entrée du Dôme Libre et respirer à pleins poumons, comme si l’odeur des livres pouvait le remplir de quelque façon que ce soit. Moi, l’odeur ne me remplit pas mais elle me fait plaisir. Cet endroit est mon préféré de tout Poudlard. Rempli de connaissances et de mystère, calme, studieux — le repère idéal pour échapper durant un temps à la frénésie qui secoue sans cesse le château.

Je ne sais pas très bien ce que je fiche ici. Ce n’est pas inhabituel de me voir ici un dimanche, non, ce qui l’est davantage c’est de venir pour une raison autre que les études. Et cela m’agace. Je n’ai pas envie d’être forcée à quoi que ce soit et d’être conviée quelque part comme la première élève lambda. Mais après tout, c’est moi qui ai décidé de répondre favorablement au petit rendez-vous secret qui m’a été donné.

Quelle surprise lorsque j’ai vu arriver le message en début de semaine ! Un message fort étrange, qui plus est, qui m’a fait grimacer, puis ricaner. Qui est donc l’abruti qui m’a écrit ça ? Il a signé L’Autre. Avec une majuscule. Qu’est-ce que ça veut dire, hein ? Il faut être sacrément couillon, ou peut-être très égocentrique, pour signer de la sorte. J’ai enfin Compris, disait le message. Comprendre quoi ? Et en quoi cela me concerne-t-il ? Ce que comprennent les Autres me laisse de marbre, je me fiche comme de mon premier chaudron de la compréhension qui a frappé l’auteur du message. Moi, je vis ma vie sans prévenir tous les autres du moindre changement que je vis. Est-ce que j’envoie des petits mots anonymes quand je réussis une prouesse magique ? Ecrivé-je des missives mystérieuses pour raconter que j’ai eu un Optimal à mon devoir de potion ? Et, par le caleçon de Merlin, est-ce que je raconte à qui veut l’entendre que j’arrive à créer un golem de pierre un peu plus grand que d’habitude ? Non ! Non, parce que ça n’intéresse personne d’autre que moi, parce que je suis plus intelligente, aussi, et que je n’ai pas besoin de l’accord des autres pour avancer et pour réussir.

Un soupir s’échappe de mes lèvres et j'avance malgré moi dans la bibliothèque. Je scrute les visages des élèves, reconnais certains d’entre eux, des inconnus parmi les inconnus, de vagues connaissances, de jeunes personnes qui s’effacent de ma mémoire dès que je détourne les yeux. Je me sens bête, plantée au milieu de la bibliothèque. Je ne sais pas qui je cherche et l’idée que la personne qui m’a demandé de venir est cachée dans un coin à m’observer, sachant qui je suis alors que je ne sais pas qui elle est, me rend folle. Quand il ou elle viendra vers moi, si seulement cela arrive, je lui partagerai ma façon de penser. Et imaginons que je connais cette personne ? Et si c’était quelqu’un que je voulais éviter ? Et si c’était un piège ? Un test ? Et si on se moque de moi ? Et si je suis venue pour rien ? De quoi aurais-je l’air ? D’une parfaite idiote. Mes sourcils se froncent, ma main se resserre autour de la lanière de mon sac. Bordel, je déteste cette situation !

J’en veux à ma foutue curiosité. C’est de sa faute si je suis là. Évidemment, que c’est de sa faute. Je reçois un message mystérieux me demandant de me rendre dans l’endroit le plus intéressant de Poudlard, il faudrait être complètement naïf pour ne pas y aller. En recevant la missive, j’ai directement pensé à quelques personnes pouvant en être à l’origine. Loewy ? Elle est bien du genre à me convier sans me demander mon avis, ce ne serait pas la première fois. Mais non, une femme comme la directrice ne s’encombre pas d’un discours aussi abscons. Elowen ? Merlin, non. Déjà, la fille est bien trop occupée avec sa Sildnir pour penser à moi, et puis Elowen est bien plus spontanée, pas du genre à me donner des petits rendez-vous secrets. Aodren ? L’idée est amusante ! Et puis je n’ai pas reconnu son écriture. Thalia ? Mon coeur s’est arraché de son socle quand mon esprit a émit l’hypothèse que ce soit elle. Mais ce n’est pas cohérent, même si elle est bien du genre à s’exprimer aussi étrangement. J’ai fini par me rendre à l’évidence : je n’ai aucun moyen de savoir qui est l’auteur du mot alors autant répondre à l’invitation pour le découvrir.

Si la personne n’a pas une très, très bonne raison pour m’avoir fait venir ici, je me promets que je lui envoie mon poing dans le nez. On ne dérange pas Aelle Bristyle pour des broutilles.

Merci pour l'invitation. Tu le sais déjà mais je te le répète : je suis ravie !

14 oct. 2021, 22:03
{ Comprendre }
*Elle... ELLE ARRIVE !*

La vertu est une qualité morale qui s'inscrit dans le temps. Le courage, la bienveillance, la générosité... On compte sur Terre un nombre non-exhaustif de vertus. La vertu de Bristyle était à ton sens évidente : la capacité à surprendre. Elle ressemblait à un film à suspense, pleine de rebondissements (ces rebondissements se ressentaient également au sein de ton cœur), insaisissable. C'était sûrement cette vertu là qui t'avait amenée à la faire venir jusqu'à toi. C'était sûrement cette vertu qui te paralysait inéluctablement.

Étrange paradoxe que la léthargie extérieure qui te donnait la sensation de devenir une plante décorative et le tumulte, la panique qui secouaient tes organes intérieurs — tes poumons, ton cœur notamment — dans tout les sens possibles. Aelle Bristyle était de ces personnes dont l'aura n'est pas à négliger ; quelle folie que de ne pas craindre l'Ouragan. Les dégâts, tu le savais, pouvaient être considérables. Mais il était trop tard. Elle était là. Elle était là. Elle était là.

Elle était là ; certes. Encore fallait-il être capable de signifier ta présence. Ton Corps subitement engourdi refusait de répondre aux appels incessants de tes pensées *Bougez !* Rien ne se passait. *Bougez !* Triste spectacle. *Bougez !* Elle allait s'en aller. S'en aller ? Impossible ! Il était hors de question de voir s'envoler tous ces espoirs jetés sur cette journée, sur cette après-midi, sur cette heure. Ton bras se leva fébrilement — le coude toujours embourbé dans le bois de la table —, tes doigts s'agitant comme les feuilles d'un arbre d'octobre face à des bourrasques ; inutile de préciser d'où provenait ce Vent ravageur. Ce Vent avait un nom. Et ce Vent, dont le Regard fouillait les recoins de la Bibliothèque, allait bientôt s'assoir face à toi. Cela ne faisait aucun doute, n'est-ce pas ?

Et si elle repart— non, elle allait venir. Ce n'était qu'une affaire de temps, bien qu'il ne fût pas forcément bon de s'en remettre à son jugement. Le Temps est une affreuse créature qui dévore les Âmes ; il fait des Âmes enfantines des Âmes d'Adultes. Jeter ses rêves dans un Cachot pour ne plus jamais s'échapper de la réalité : voilà ce qui t'attendait. Voilà ce qui vous attendait, tous. Voilà qui expliquait en partie l'importance des entrevues avec Bristyle ; elle te faisaient Pousser d'une autre manière ; par la Pensée, ce qui était bien plus important. L'argent, le concret, les chiffres et toutes autres immondices se tiendraient loin de toi tant que cela serait possible — c'est à dire tant que tu serais mineure.

Dans ta tête, le Doute était déjà présent. Que dire ? Que dire pour ne pas passer pour une conne ? Que dire pour ne pas aller droit au Précipice ? Que dire pour rester à la hauteur de Bristyle ? Que dire pour que ton Regard d'Alpiniste puisse encore s'accrocher au Sien ? Tu n'arrivais pas à te décider. La myriade de possibles t'effrayait ; dans ton cerveau grandissait la conviction que rien ne pouvait se prévoir avec cette fille. Tout était dans l'Instant ; encore fallait-il qu'elle vien— Soit. Elle viendrait.

De la sueur perlait légèrement sur ton front ; tu t'empressas de l'effacer d'un revers de manche. La tête haute, le Regard droit vers l'Invitée. Les dés étaient jetés.

𐌔

15 oct. 2021, 12:59
{ Comprendre }
Une multitude de tables. Des visages, partout. La plupart penchés sur un parchemin ou sur un livre. Des regards concentrés. Une nette différence se fait ressentir quand je passe près d'eux à pas lents, mes yeux fouillant les environs. Les visages se déconcentrent et les regards se lèvent vers moi. Je ne peux que les comprendre. Pourquoi donc cette abrutie se promène-t-elle dans la bibliothèque ? Dehors resplendit un grand et lumineux soleil, pourquoi ne pas aller perdre son temps dans le parc au lieu de le perdre dans un lieu aussi sacré ? Certes. À leur place, les mêmes pensées me traverseraient l’esprit. Je me surprends à me détester d’être ainsi, les bras ballants à attendre qu’un inconnu m’appelle à lui — cela ne dure qu’une seconde. Une seconde avant que je ne me souvienne que ce n’est pas moi que je dois détester mais bien la personne qui m’a demandé de venir ici. Mes pensées désormais à l’endroit, je peaufine la colère que je ressens et la dirige vers cet inconnu qui me fait piétiner sans raison.

Malgré ma gêne, je suis bien forcée de regarder les Autres. Il faut bien que je les observe pour que l’un d'eux me fasse un signe ou quelque chose du même genre, non ? C’est assez aberrant. Pourquoi la personne ne vient-elle pas me voir ? Pourquoi est-ce moi qui suis forcée de chercher ? Des questions sans réponses et surtout des questions inintéressantes. Je les repousse loin de moi. Les visages, donc. Les regards. Je remarque quelques élèves qui ne me sont pas inconnus. J’évite de me tourner vers le fond de la bibliothèque, s'y cachent des choses qui ne me plaisent guère. Et j’attends, j’attends, jusqu’à ce que… *C’est quoi, ça ?*. Il semblerait que ce soit une main qui s’agite fort mal au-dessus d’une table. Et derrière cette main, un visage. Je me mets machinalement en route, sans même savoir si ce signe m’est destiné ou non. Je ne suis plus qu’à quelques mètres d’elle lorsque je reconnais la personne.

Ce visage aux traits fins, ces cheveux tirés en chignon sur le dessus de la tête, ce regard qui fixe, qui perfore — bordel, sa tête n’a absolument pas changé depuis la dernière fois que je l’ai vu. La même dégaine, le même air, le même genre de fringues, la même coiffure. La conversation sera-t-elle aussi étrange ? Me laissera-t-elle une sensation d’inachevé ? de déception ? d’agacement, même ? *Non*, parce que je ne compte pas perdre mon temps ici à parler avec cette fille.

Je suis un peu déçue, à vrai dire. Je ne sais pas qui je m’attendais à voir mais certainement pas elle. Je l’avais un peu oublié, d’ailleurs. Facile, après tout, d’oublier une conversation complètement délirante dans un couloir, n’est-ce pas ? Mais je me souviens, désormais, je me souviens qu’elle m’a dit me trouver fascinante, qu’elle voulait me poser des questions. Je lui avais répondu que si c’était pour me poser des questions connes, elle pouvait toujours aller se faire voir — je le pense toujours. Un an plus tard, aura-t-elle appris à structurer sa pensée ? À parler ? À se rendre intéressante ? Mh. J’en doute. Mais maintenant que je suis ici, autant aller voir.

Je sens la lassitude s’infiltrer sournoisement dans mon esprit. J’ai fomenté l’espoir, je l’avoue, qu’une chose incroyable m’arrive. Je ne sais pas quoi exactement mais ça aurait pu être fantastique, incroyable, fascinant. Mais ce n’est rien de tout cela. C’est seulement cette fille qui va encore me poser des questions auxquelles elle peut trouver des réponses toute seule. Je me demande si engendrer la fascination n’est pas, finalement, plus une malédiction qu’un don. Et si, parce que je les fascine, les gens commençaient à venir me voir, à me poser des questions, à me prendre du temps, de l'énergie, tout cela parce qu’ils pensent que leur petite vie ont de l’importance pour moi ? Parce que ce qui motive cette fille, c’est la fascination, n’est-ce pas ? Je la fascine. Cette pensée est agréable, je veux bien l’avouer, j’aime fasciner les gens, j’aime qu’ils reconnaissent ma valeur. Par contre, je déteste que l’on se permette des comportements déplacés, peu importe la raison. Je n’aime pas l’idée que cette fille se croit le droit de me poser ses foutues questions juste parce qu’elle sait que je suis intéressante.

C’est une face renfermée que je lui présente. Des traits exempts d’émotions, un corps rigide, les mains le long du corps. Le menton dressé, la bouche comme une ligne sévère. Mon regard se pose sur la chaise libre sagement rangée sous la table puis sur la Serdaigle. Un sourcil se dresse sur mon front. Oui ? dit-il. Que me veux-tu ? Prouve-moi que je ne suis pas venue ici pour rien. Qu’est-ce qui peut expliquer que tu me contactes après tout ce temps, que tu oses même m’envoyer un mot alors que nous ne nous connaissons pas ? Et surtout, dis-moi ce que tu as compris pour que je puisse te dire que cela n'a pas la moindre importance.

19 oct. 2021, 22:38
{ Comprendre }
Tu frémis. Ton poil se dressa soudainement. Face au Vent ; les yeux Plissés comme des rides. Plissés de surprise — oui, de surprise — mais aussi de curiosité. Comme si ton Regard avait besoin de s'attarder sur les moindres détails de la Vague Bristyle ; il en avait besoin. Car cette Vague ne s'étalait pas sur le rivage. Non, elle étaient de celles qui, lorsqu'elles se referment sur le sable, ne laisse que des miettes. Un coup de poing puissant ; on peut y laisser son Cœur — ou sa tête, au choix. Deux rencontres, tu avais survécu. *Jamais deux sans trois, c'est l'dicton* Il fallait bien une énorme source de Courage pour garder une certaine contenance. Affûter son Arme ; au cas où. Courtoise, mais pas naïve. Il est des vérités qui se fraient un passage jusqu'à l'Âme, avec le temps.

Léger sourire entendu ; il était presque supérieur. Elle était venue à toi, Elle. Bristyle. Oh, tu te doutais bien qu'il n'allait pas falloir trop la faire marcher non plus, car la réponse pourrait être particulièrement violente. Car Zeus savait si la Jaune pouvait l'être ; par les Mots comme par les Mains. Toi, tu maniais modestement les Mots ; autant dire qu'il faudrait filer droit et éviter le Pas de Travers. Celui qui te faisait passer d'Interlocutrice à conne. D'ailleurs, que pouvait bien penser Bristyle de toi ? Quel était le sentiment qui la dominait lorsque ton visage apparaissait dans son esprit ? Peut-être t'appréciait-elle, peut-être te haïssait-elle. Quoique, vient-on jusqu'à la table de celle que l'on hait ? *Non*, tu en étais tout à fait persuadée. Ou du moins, tu tentais de te persuader que cette perspective était juste.

« Bien. »

Elle n'était pas assise. Il fallait une clef ; et vite. Vous étiez dans cet Entre-deux angoissant, celui de tous les (im)possibles, celui de toutes les victoires, celui de tous les naufrages. Alors, Gloire ou Mauvaise Fortune ? La réponse viendrait bientôt ; ce serait Bristyle qui déciderait de la Suite (ou non) de cette nouvelle altercation. Certains éléments n'inspiraient pas la confiance. A commencer par ces sourcils si froncés que les muscles de son visage devaient être plus épuisés qu'un ouvrier sortant de la Machine. Quand Bristyle fronce les sourcils, il y a deux possibilités : Orage ou Intérêt. Son Regard emporta la Balance ; le Tonnerre résonnait dans le lointain de ton Esprit.

« J'ai compris que la Magie, c'est... Qu'on peut pas la maîtriser sans l'aimer profondément, très profondément. Quitte à ce qu'il ne reste plus d'Amour pour les autres. Je pense que c'est pour cela que tu me fascines, Bristyle. Parce que tu as compris cela. Tu as placé tout ton Amour dans la Magie, n'est-ce pas ? »

Avait-elle un jour aimé un ou une de ses Semblables ? Tu en doutais fortement. Tu avais toujours connu cette Bristyle au Regard droit et aux sourcils arqués, qui méprisait les Autres. Cette Bristyle qui ne laissait pas de place au doute ; ou presque. Cette Bristyle fière, un poil arrogante, mal aimable. C'est ce qui la rendait authentique et si stable — en apparence en tout cas. En cet Instant, les paroles du Messagers n'étaient que de vagues grésillements dans le dédale de ton esprit. Faibles, ils murmuraient toutefois sans interrompre.
En prenant garde... Tu balayas ceci d'un revers de main. Ce ne soit pas lui qui s’abreuve exclusivement de toi... Par l'Olympe, la tâche était ardue ! Sans au moins te laisser t’en nourrir à ton tour ; tes Remparts allaient finirent par s'effondrer. Quand ?

Tes deux mains se rejoignirent, fauteuil de ton menton. Heureusement que ton Alpiniste était vaillant ; les yeux de Bristyle étaient si hauts ! Un Everest à gravir. Mais pour le moment tu avais encore — plus ou moins — le contrôle des choses. Calme et discipline.

Ton cœur se mit à s'accélérer.

Une Hannah sans filtre.

𐌔

21 oct. 2021, 17:22
{ Comprendre }
C’est bien ce que je pensais, même sa façon de s’exprimer n’a pas changé. C’est toujours nébuleux et alambiqué. Pas inintéressant mais complexe. La complexité n’est pas une chose qui me dérange, j’aime les défis, j’aime lutter pour comprendre quelque chose, travailler d’arrache pied pour atteindre mon but. Par contre, je n’aime pas la complexité quand elle peut être évité. Pourquoi parler avec des phrases compliquées quand on peut s’exprimer simplement et dire les choses sans détour ? Cette fille n’aime pas la simplicité. Cela se voit dans ses paroles et dans son comportement. Elle aime se compliquer la vie et je pense que son rapport à la magie est exactement pareil que son rapport au monde.

Une fois acceptée la forme de son discours, le fond m’apparaît clairement. Et mon sourcil se dresse une nouvelle fois sur mon front. *L’amour ?*. C’est une manie de tout ramener à l’amour, c’est ça ? Les gens sont-ils réellement incapables de passer une seule journée sans prononcer ce fichu mot ? À chaque fois que je l’entends, des frissons courent sur ma peau et mes pensées prennent des formes étranges. J’en ai assez que l’on me parle d’amour, que l’on me dise que c’est essentiel, important et que je ne peux de toute façon rien faire sans amour. Ce sont des conneries, tout ça. Et les paroles de la Serdaigle, sont-ce des conneries ? L’amour serait la seule façon de contrôler parfaitement la magie… Cela ne me rappelle les paroles de Loewy. Évidemment, que ça me fait penser à elle. « Il vaut mieux avoir quelqu’un à aimer. C’est ça la maîtrise. » L’objet d’amour n’est pas le même en fonction de si j’écoute la Serdaigle ou si j’écoute la femme ; qui aimer de la magie ou d’une personne ? J’ai mon avis sur la question et il ne plairait guère à Loewy *Kristen*.⋅

Comme souvent quand je pense à elle, la gêne m’envahit. Je détourne brièvement le regard, le temps d’éloigner de moi les souvenirs de mes larmes qui ont coulé face à la grande femme. De toute façon, il y a plus intriguant dans le discours de la gamine. A-t-elle réellement sous-entendu que je suis fascinante parce que je n’aime personne, parce que tout mon amour est dirigé vers la magie ? Est-ce réellement ce qu’elle pense de moi ? Et surtout, est-ce la vérité ? Cette question est dérangeante. Je crois que je vais me contenter de laisser la fille croire ce qu’elle veut sans trop me questionner. On n’a pas idée de se questionner, n’est-ce pas ; mieux vaut ne pas se remettre en question, c’est le meilleur moyen d’avancer sans souci dans la vie.

« Tu veux quoi ? demandé-je soudainement. Parler d’amour, de magie ou de moi ? »

J’enfonce les mains dans mes poches et pose sur la fille un regard oscillant entre l’ennui et l’agacement. Je cache la lueur d’intérêt qui s’est éveillée dans mon coeur, je n’ai aucune envie de la lui partager. Son regard sur la magie est intéressant ; ce qui l’est moins, c’est le fait d’émettre des hypothèses sur moi. Si j’avais envie que l’on parle de moi, j’aurais écrit à mon père. Cette fille mélange tout, c’est agaçant.

« Parce que j’te préviens, sur les trois sujets y’en a deux que je compte pas aborder avec toi. Je te laisse deviner lesquels. »

Au fond, elle n’a pas tort. La magie, il faut l’aimer. Sans ça, elle n’est qu’un instrument un peu incomplet, une arme que l’on ne peut pas comprendre. Les gens qui n’aiment pas la magie la considèrent comme une simple solution de facilité, ils se contentent de brailler des sorts sans comprendre comment fonctionne cette source miraculeuse qui font d’eux des sorciers. Je déteste ces personnes. L’école en est remplie : des élèves qui récitent leur cours et qui pensent avoir compris ce qu’est la Magie, qui s’extasient lorsqu’ils sont capables de faire voler une plume ou transformer un rat en verre à pied. Les pauvres, ils ne connaîtrons jamais le bonheur de se sentir complètement envahit par la magie, habitée par elle, au point d’en oublier jusqu’à sa propre vie — l’extase complète.

Je me sens gênée de rester debout mais je ne voudrais pas que la fille pense qu’elle a gagné. Il lui faudra faire un peu plus d’efforts pour que je daigne prendre place face à elle. Me montrer, par exemple, qu’elle est suffisamment intéressante pour que je gâche un peu de mon temps à discuter de magie avec elle. Ce ne serait pas désagréable. Ce qui le serait, ce serait de discuter de cela avec une personne qui a des idées intéressantes mais qui n’est pas capable de les exprimer. J’espère sincèrement qu’elle pas comme ça ; c’est que ça me manque, moi, d'avoir de longues et intenses conversations profondes sur la magie. Avant, nous passions des heures à en parler avec Thalia. Ce qui était bien avec elle, c’est qu’elle savait ce qui était important et qu’elle savait, la plupart du temps, exprimer ses idées. Ce n’est pas tant elle qui me manque que le fait d’avoir une personne avec qui avoir ce genre de discussions, n’est-ce pas ? J’adore avoir des débats complètement alambiqués sur divers sujets avec Elowen mais ce n’est pas avec elle que je parlerais de la magie, de la grande Magie.

Aelle n'a pas plus de filtre qu'Hannah. Je sens qu'on va s'amuser !
Elle est tellement compliquée, cette gamine. Je plains Hannah : réussir à intéresser Aelle, ce n'est pas de la tarte.

23 oct. 2021, 22:39
{ Comprendre }
Elle ne s'assoit pas. Misère. Je n'ai pas encore marqué suffisamment de points pour que Bristyle daigne prendre place sur cette maudite chaise. Ce n'est pourtant pas compliqué ; ce n'est pas comme si je lui demandais de me lécher les pieds. Mais j'aurais du m'y attendre ; c'est Bristyle. Elle est plus imprévisible que la météo ; la météo change en une heure, Bristyle en deux secondes. Je commence vraiment à avoir peur qu'elle ne s'en aille sans mot dire, qu'elle ne me laisse plantée là comme une moins-que-rien, qu'elle ne me laisse seule dans ma folie avec mes petits mots idiots posés sur papier. Qui suis-je pour elle, après tout ? Mon esprit avance à reculons ; je pense que je suis inconnue à ses yeux. Pour elle je suis fade. A ses yeux je n'ai point de visage.

Je me lance dans une série d'affirmations alors que je n'ai pas la possibilité de découvrir ce qui se trame réellement au sein du crâne de la Grande Jaune. C'est par instinct que je me laisse emporter par la Supposition ; j'ai tort. Mais je le fais quand même. Je pense que les pires habitudes sont celles qu'on a le plus de mal à abandonner. Ou alors c'est moi qui ne tourne pas rond. Oui, cela doit-être cela. Qui douterait avant de se libérer d'un lourd fardeau ? Personne. Personne, sauf moi.

Zeus ! Il ne faut pas que je m'égare. L'essentiel n'est pas ce qui ne fonctionne pas chez moi mais la fille qui se tient face à moi. Une fille à l'air austère, qui ne me laissera pas trente occasions pour que je puisse lui parler de choses intéressantes. Je pressens que ce qu'elle s'apprête à dire va être capital pour la suite de notre discussion — pour la Suite. Je me doute que je n'ai pas encore franchi le cap de l'intérêt, et mon itinéraire est occulté par la Brume. Si je m'échoue sur le récif de la Honte, je suis perdue. Alors il me faut de la concentration. De la discipline. Un peu de courage, aussi. Et je l'écoute avec toute mon attention ; je bois ses paroles.

Son agacement est perceptible ; elle n'a pas compris, visiblement. Tu est donc moins forte que ce que je pensais en matière de raisonnement aurais-je envie de lui répliquer, non sans insolence. Mais c'est Bristyle, alors je me tais et je réfléchis. Mes mots doivent être choisis. Au diable la spontanéité ! Pour le moment, je n'en ai pas besoin, n'est-ce pas ? De toute façon, c'est moi qui choisit ce que je fais. J'ai choisi de réfléchir ; je réfléchis.

« Pourtant, les trois sont reliés. Mais soit, parlons de magie. »

Je m'arrête là. Je n'ai pas envie d'en dire plus ; ce sera à elle de se débrouiller avec ce que je lui balance et j'avoue secrètement que cela me fait plaisir. Ma fascination pour Bristyle me fait vraiment faire n'importe quoi. J'ai l'impression qu'elle va me rendre complètement dolle ; peut-être est-ce déjà le cas. Toujours est-il que je ne souhaite pas lui offrir trop de matière. Mes mots ont un double sens. Ils veulent aussi dire : Assieds-toi, et après je parlerais volontiers. Vais-je un peu trop loin dans mon petit jeu ? Je n'en sais rien. Mais je fonce tout droit, vers le Centre. L'Olympe seul sait ce qu'il va se produire. Cette pensée me fait frémir d'effroi et de joie. Je vis, enfin.

Le jeu du je, pour l'expression la plus totale de l'Enfant.

𐌔

26 oct. 2021, 17:47
{ Comprendre }
Les trois sont reliés, dit-elle. Une moue étire mon visage vers le bas. Il s’en faudrait de peu pour que je ricane, soulignant de ce fait la bêtise sous-jacente dans cette phrase. Ce n’est pas tant que ce qu’elle dit est incohérent, c’est surtout que c’est inutile. Ce serait comme affirmer : tu m’ennuies. Tout le monde le sais alors cela ne sert à rien d’en parler, n’est-ce pas ? Tout chez moi respire la lassitude ; de mes soupirs à mes regards mornes en passant par mes sourcils froncés. Je plonge mes yeux dans les siens : elle m’agace. J’ai bien compris qu’elle avait compris des choses, cette fille-là, mais pourquoi n’est-elle pas capable d'aller à l'essentiel ? Je me fiche comme de mon premier chaudron de ce qu’elle pense de moi — tant que ce ne sont pas des compliments, évidemment, ou de jolies phrases qui me prouveraient une nouvelle fois combien je la fascine.

Et bien, soit, parlons magie. Parlons magie, oui. Alors pourquoi ne parle-t-elle pas ? Merlin ! Ce que c’est frustrant ! Nous restons là à nous regarder dans le blanc des yeux et rien ne se passe. J’attends qu’elle l’ouvre, elle attend sans doute de moi que je… Que je quoi ? Que je m’assoie ? Que je parle ? Que j’insiste, peut-être ? « Oh, oui, parlons magie ! Allez, je t’écoute, dis-moi tout, je suis tellement impatiente de savoir ce que tu me caches, je ne vis que pour ça depuis que j’ai découvert ton mot ! ». Elle a plus de chances de voir apparaître Merlin devant elle que de m'entendre prononcer ces mots. Ou alors peut-être croit-elle que je vais m’asseoir maintenant qu’elle m’a dit ça, comme si c’était suffisant pour que je m’installe près d’elle. Mais moi, sa façon de faire réveille des choses désagréables dans mon coeur. J’ai envie de refuser de m'installer juste pour lui montrer que je ne suis pas à sa disposition. Alors qu’au fond, c’est un peu faux. Au fond, j’ai bien envie de savoir ce qu’elle a à dire à propos de la magie, moi. J’ai bien envie de creuser le sujet, de savoir si derrière cette face d’Autre se trouve quelqu’un d’intéressant, de futé, de sensible, d’intelligent. Mais rester planter là à attendre qu’elle l’ouvre ? Hors de question. Je préfère l’action à l’attente. Attaquer plutôt que de garder le silence. Bousculer un peu cette fille pour qu’elle bouge, bordel, pour qu’elle fasse quelque chose. Elle m’insupporte à ne rien dire !

« Tu comptes en parler, de la magie, ou ça s’passe comment ? » répliqué-je soudainement.

Ce que c’est agaçant de devoir toujours se battre pour avoir ce que l’on désire. C'est trop demandé d’avoir tout ce que l’on veut sans devoir perdre un temps fou à l’obtenir ? Hein, ce serait trop compliqué qu’elle me parle tout simplement comme une personne normale ? Mais non, il semblerait que je sois la seule personne normale, ici, la seule qui attend que les mots fusent, que les paroles s’échangent. Elle, elle attend qu’il se passe quelque chose. Elle doit avoir un problème, je ne vois pas d’autres solutions. Un gros problème pour garder le silence ainsi. Et bien moi aussi j’en ai un. Mon problème, c’est qu’elle me fait chier, voilà.

« T’as dix secondes avant que j’me tire, sérieux. Tu m’as pas fait venir ici pour te la jouer mystérieuse, quand même ? »

Je n’ai pas de temps à perdre avec des devinettes, moi. Je veux aller à l’essentiel, bordel ! Et je veux y aller sans m’écraser. J’ai l’impression qu’elle joue avec moi avec son discours hachuré, ses paroles nébuleuses et son petit air supérieur. Madame m’envoie un mot secret signé étrangement, m’attire jusqu’ici et garde le silence — peut-être est-ce la seule façon qu’elle a trouvé de réveiller mon intérêt. Enfin, elle croit l’avoir trouvé parce que la seule chose qu’elle réussit à réveiller chez moi, c’est mon agacement et mon mépris.

Le je est agréable dans tes mots ; le jeu aussi, bien qu'il soit plutôt frustrant pour Aelle (tu me diras, c'est peut-être pour cela que je l'aime autant.
Bon, bon, bon. Il va bien falloir que l'une d'elles abandonne...

11 nov. 2021, 19:20
{ Comprendre }
Elle ne comprend pas ; bon sang mais c'est pourtant simple comme bonjour. Je lui ai dit la Grande Affirmation, et elle reste là, sans s'assoir, sans comprendre, et cela m'exaspère. Bristyle est une personne extrêmement intelligente, je n'en doute pas et je n'en ai d'ailleurs jamais douté ; mais parfois les choses les plus simples sont celle qu'elle a le plus de mal à intégrer. Sa moue désapprobatrice montre bien qu'elle ne saisit pas l'intérêt de l'Amour dans la magie — ou qu'elle refuse de l'admettre en elle, ce que je commence à croire. Oui, l'Amour déstabilise. Oui, l'amour nous rend vulnérables. Et surtout, l'Amour est constellé d'erreurs. Une pensée me vient et...

« C'est marrant, tu m'as dit qu'il faut admettre l'erreur, l'autre fois. Tu refuserais de l'appliquer à l'Amour ? »

... Et je vais bien trop loin, bien trop loin par rapport à la frontière à ne jamais dépasser lorsque l'on s'adresse à Bristyle. Mon ton un peu moqueur, mon sourire et mon air tout aussi moqueur que le ton que j'emploie me trahissent. Je m'attends au pire. *Elle va me gifler*, je pense en écoutant — une fois n'est pas coutume — ce que les Rumeurs du Château me soufflent dans l'oreille. J'ai peur de trembler ; je tremble légèrement.

« Enfin... Passons, passons. »

Je cherche un sujet de conversation autour de la Magie susceptible d'intéresser Bristyle. Je me retrouve dans une véritable impasse, au pire moment possible en plus. Je dois trouver quelque chose à lui mettre sous la dent avant qu'elle ne s'en aille ; mon cerveau démarre au quart de tour mais je ne vois rien d'autre à l'horizon que le Néant. J'aimerais bien la captiver réellement cette fois *c'est mal parti*. Et je dois me dépêcher. Vite, vite, mes pensées sillonnent les étroits chemins de ma pensée. Soudain, je bifurque, je change complètement de direction. Je me lève d'un coup, ma chaise grince en étant repoussée derrière moi — ce qui arrache des soupirs et des regards furieux de la part des élèves qui essaient de travailler. Je me moque d'eux ; c'est la fille en face de moi qui m'intéresse. Je plante avec force mes yeux dans les siens et je lui demande, d'une voix aussi droite que ma posture :

« J'aimerais que tu m'apprennes quelque chose, un sort, n'importe quoi, quelque chose que je sais pas encore faire. »

Je maîtrise de mieux en mieux mes transitions entre le balbutiement et la voix nette que j'ai pu faire jaillir de ma gorge. Je suis assez fière de ce que je viens de faire ; cela me fait un peu oublier les sottes paroles qui m'ont échappé quelques secondes plus tôt. Pour garder une certaine contenance, je replace une mèche téméraire derrière mon oreille et je prends un air le plus stoïque possible. Depuis ma rencontre avec le Messager, j'ai longtemps essayé de m'en débarrasser ; mais c'est si plaisant, Zeus, de ressentir le plein contrôle de son être ! Je ne peux pas m'en empêcher, je suis fascinée par cette faculté à faire croire aux autres que je suis parfaitement calme ; je ne songe évidemment pas une seule seconde à mon ton moqueur de tout à l'heure et de la chaise que je viens d'éjecter à au moins un mètre de moi en me levant. Je suis actuellement persuadée que Bristyle me perçoit comme une fille tout à fait stable ; comment pourrait-il en être autrement ? Je veux lui montrer que je ne suis pas le genre de personne à jouer la mystérieuse, comme elle dit.

Je ne sais pas si Hannah a pu empêcher le départ d'Aelle... Ma foi, nous verrons bien !

𐌔

27 nov. 2021, 18:17
{ Comprendre }
J’oscille doucement au bord de ma colère. Je tangue à droite, à gauche, à droite, à gauche. Le moindre souffle, le moindre mot peut me faire pencher d’un côté ou de l’autre. Un mot, un regard, une expression, un sourire, un ton un peu trop moqueur. C’est amusant, je me reçois tout cela d’un coup, ensemble, une grosse claque dans la gueule. Ma colère explose si fort dans mon corps lorsque j’entends les paroles moqueuses de la fille que je suis incapable de réagir. Mon souffle se bloque, la tension me crispe les muscles et je reste figée là, dans un monde tout sombre, tout noir, un monde dans lequel ma vision est réduite au seul visage de cette fille. Dans mon esprit, c’est fulgurant ; je me vois l’attraper par le chignon et lui exploser le crâne contre la table. Puis la raison me revient : je sortirais plutôt ma baguette magique pour la lui enfoncer dans la gorge, un Reducto au bout des lèvres. La bouffée de haine s’apaise aussi vite qu’elle est arrivée, me laissant pantelante, l’esprit vide de toutes images mais le coeur encore plein de colère.

Après l’émotion pure, la réflexion. *Qu’est-c’qu’elle a dit ?*. Mon cerveau fait les liens, rattachent les mots les uns aux autres. Tu refuserais de l’appliquer à l’amour ? Quoi ? L’erreur. Je devrais comprendre quelque chose, là. Je devrais comprendre quelque chose qu’elle sous-entend. Je crois que je le comprends, je tombe le nez en plein de dedans. L’amour, une erreur, elle dit que j’ai tort, elle se moque de moi, elle me prend pour une conne. Elle se moque de moi après m’avoir demandé de venir ? Elle se moque de moi parce qu’elle n’a pas ce qu’elle veut. Et je bloque dessus, impossible de détourner mes pensées. Elle se moque de moi, *elle se moque de moi*. Pendant tout ce temps, mon regard ne s’est pas détourné, son visage s’inscrit dans mon esprit, dans mes souvenirs, je crois que je ne l’oublierai jamais.

Tout s’enchaîne très vite, je n’ai pas le temps de me remettre de ma bouffée de rage, pas le temps de réfléchir, de penser, de prendre une décision, de choisir entre agir ou partir. Je n’ai le temps de rien. Elle se lève soudainement, expulse sa chaise ; je sursaute, surprise, et j’ai un mouvement de recul. Ma main plonge dans ma poche, je me reprends juste à temps pour ne pas sortir ma baguette mais mes doigts se serrent convulsivement autour d’elle. Putain, ça me fait un bien fou de la tenir. La Serdaigle va-t-elle m’attaquer ? Comment réagir ? Je liste les sortilèges utiles dans ma tête. D’abord Protego puis Expulso, c’est logique. Et après ? Après je me tire en courant avant que O’Lake ne se ramène. Mon coeur bat à tout à allure. Bam ! bam ! il se jette contre ma cage thoracique comme s’il voulait s’en échapper. Et puis tout à coup… :

« J'aimerais que tu m'apprennes quelque chose,... »

*Quoi ?*.

« ...un sort, n'importe quoi, quelque chose que je sais pas encore faire. »

Je tique, papillonne des yeux.
C’est tout ?
J’ai du mal à retrouver mon souffle. Mais elle a l’air si calme, elle, si sûre d’elle, elle se contrôle tellement. Alors je force mes traits à redevenir lisses et mon souffle à se réenrouler sur lui-même. Je suis prête à m’étouffer plutôt que de lui montrer qu’elle m’arrache l’air des poumons avec ses conneries. Je me redresse, plonge dans son regard.

Et je tangue.
C’est incroyable comme je tangue.
Je tangue au bord de ma colère. Oh, Merlin, j’ai tellement envie d’y plonger. J’ai envie de laisser s’échapper tout ce qui grouille dans mon corps, là. Ma frustration, mon injustice, ma colère, mon ego blessé. J’ai envie d’écraser cette fille pour qu’elle n’emploie plus jamais ce ton moqueur face à moi, pour qu’elle ne se moque plus jamais de moi. Je me sens à la fois très vulnérable et très puissante. Je me sais capable de la réduire à moins que rien ; je me sens tellement nulle d’être la cible de cette injustice — si les gens se moquent cela signifie qu’ils pensent pouvoir se moquer, cela signifie que je suis faible, que je ne les impressionne pas ; personne n’aurait l’idée de se moquer de Loewy parce qu’elle en impose, d’un regard elle en tue plus d’un. Moi, je ne suis rien. Les gens se moquent, les gens se permettent de faire des hypothèses sur moi. Ma gorge se noue. Je me sens à la fois minable et à la fois si forte. Il me suffirait d’agir pour lui arracher toute son arrogance. Un sortilège, un mot, une menace et elle ne serait plus rien.

Je ferme brièvement les yeux. Je ressens trop. Je ne veux pas contrôler ça. Je ne peux pas. Je ne peux pas accepter que l’on me prenne pour une conne.

Ma main droite s’arrache de ma poche, les doigts vides de ma baguette magique. Un pas m’approche de la fille dont je n’ai jamais quitté le regard. Une dizaine de scénarios se dessine dans mon esprit. Je choisi celui qui me parait le moins dangereux pour moi. Ma main s’envole et s'agrippe au col de l’uniforme de la fille. D’un geste brusque, je l’approche de moi, non sans m’imaginer le bonheur que ce serait de lui exploser le nez avec mon crâne.

« Tu veux apprendre quelque chose ? chuchoté-je d’une voix grave. Tu viens d’apprendre que c’est pas en te moquant de moi que t’auras ce que tu désires. Et tu viens d’apprendre que je donne qu’une seule chance aux connes de ton genre. Tu viens d’utiliser la tienne. »

Et je la relâche soudainement. Je lui jette un regard méprisant et me détourne, le corps tremblant, la rage m’étouffant. Elle est remontée d’un coup. Bordel, je me déteste de ne pas être aussi calme qu’elle et je la déteste de me faire ressentir tout cela alors qu’elle n’est rien du tout. Je déteste tout le monde, je déteste ce château, je déteste Loewy dont le souvenir de sa réprimande en deuxième année est bien trop vivace dans mon esprit pour que je me laisse aller comme je le voudrais, je déteste cette bibliothèque d’être trop calme et de m’empêcher de gueuler ma rage, je déteste cette fille d’être ce qu’elle est, je déteste, je déteste, je déteste tellement que je pourrais exploser ! C’est palpable, je le sens contre ma peau, autour de moi, dans le bout de mes doigts qui me picotent, comme lorsque j'utilise ma magie. *Respire*. Ouais, respire Bristyle, ou tu vas faire de la putain de magie accidentelle à seize ans et tu auras l’air bien conne. Respire et surtout, disparaît. Je vais disparaître et aller me défouler ailleurs.

Je me mets en route, je m’éloigne, c’est essentiel. À pas vifs, rapides. Disparaître. Maintenant.


Alors, mh… Oups ? Hannah vient de labourer la fierté d'Aelle. Je suis désolée pour elle. Ma Protégée a la rancune tenace. Et la fierté fragile.
Hannah peut toujours la rattraper, à ses risques et périls. Mais Aelle part rapidement !