Lahya avait posé une question, mais ce n’était pas parce qu’elle l’avait posée qu’elle s’intéressait réellement à la réponse de ses camarades. Elle venait de poser sa tête contre la banquette, et si elle avait pu, elle aurait réellement fermé les yeux pour dormir. Ne souhaitant néanmoins pas vexer ses camarades, elle se contenta de laisser son esprit vagabonder.

« Lahya, je suis sûr que ton lézard s'intégrera […] »

Perplexe, l’adolescente regarda quelques instants le gryffon qui lui avait adressé la parole à l'instant. Il venait sérieusement de lui faire un clin d’œil ? Elle n’était pas une gamine de quatre ans non plus, il ne fallait pas exagérer. Il pouvait lui parler comme à quelqu’un de son âge. Renfrognée par cette attitude de la part de Théo qu’elle trouvait simplement dégradante, Lahya répondit sans entrain :

- Non c’est bon je crois, après il va courir partout et sera compliqué à rattraper.

Se souvenant qu’Edwin avait complimenté son lézard, la jeune fille tenta un sourire avant de le remercier :

- Oh merci Edwin, vos boursoufflets ont l’air tout doux aussi. Sinon mes vacances ça allait, j’ai pu retrouver des amies.

Finalement, la conversation fut coupée par l’arrivée d’une petite brune qui n’était pas inconnue à Lahya. Et à en voir son badge de préfète, celle-ci ne pouvait que revenir d'un certain wagon. Souriant, Lahya acquiesça aux paroles du gryffon. Pour une fois leurs avis se rejoignaient... La Serdaigle ne connaissait certes pas très bien la jeune fille, mais celle-ci dégageait une énergie qui lui plaisait, et la voir au poste de préfète la satisfaisait plutôt. Elle préférait d'ailleurs voir Lily à ce poste plutôt que Théo, ou encore Elizabeth — bien que celle-ci n’ait pas l’âge requis, la bleue était donc tranquille pour le moment —.

- Tu vas pouvoir avoir accès à pleins de lieux différents, comme la salle de bain. Ça devrait être sympa.

Théo proposa ensuite de se séparer pour se changer en fonction du genre, et la bleue haussa les épaules. Comme les autres préféraient. Se changer en groupe ne la dérangeait pas plus que cela, mais elle pouvait comprendre que certains soient gênés.

Edwin eu un sourire doux au comportement de la petite boule de poils. Elle était collée à Piou depuis que Lily l'avait laissé ici et Edwin avait aussi eu l'occasion de voir leur petit amour de Boursoufflets quand il était chez Lily. Repartir avec Piou lui avait brisé le cœur, son animal n'avait pas cessé de couiner de tristesse et était resté roulé dans un coin de couverture à la maison pendant quelques jours. Edwin avait vraiment eu peur pour ce coup là mais s'était aussi senti en totale adéquation avec Piou. Lui aussi avait eu sa période de tristesse en rentrant à la maison et maman n'avait pas vraiment été d'une grande aide, bien au contraire. Il avait souvent passé sa nuit assit sur son lit à pleurer mais Piou était toujours venue partager sa douleur, roulée contre sa cuisse et parfois contre son ventre. Elle avait cette façon de sautiller et de pousser sa tête contre lui qui était aussi adorable que ne le serait un chat. Il avait eu beaucoup de chance de l'avoir à ce moment là. Edwin passe sa main dans la fourrure des deux petits animaux et les gratouille doucement avant de les laisser aller renifler le mâle qui s'approche. Pas que cela semble les intéresser plus que ça, non. Piou s'en approche un peu plus mais Clivia semble prête à le frapper avec ses petites patounes.

Il rigole doucement et lève les yeux sur Lily. Son sourire s'évanouit instantanément en voyant la tronche de son amie. Il détourne les yeux, se recroquevillant un peu plus contre le siège. Il sait, au fond, qu'elle est comme ça un peu à cause de lui mais il ne sait pas pourquoi. Il ne sait pas ce qu'il lui a fait, ce qu'ils ont vécu chez les Harrison. Elle semble toujours triste et malade quand elle le regarde et lui, il ne peut pas s'empêcher d'être en colère contre elle quand elle pose des yeux de pitié sur lui. Ce n'est pas juste de sa part de tout garder pour elle et de le prendre comme une victime, comme un faible. C'est injuste et ça fait mal de savoir qu'elle ne le voit même plus comme il est mais simplement comme quelque chose qu'il a été et dont il ne se souvient plus. Il détourne les yeux de Lily et les pose sur Théo. Otis c'est un joli prénom, ils finiront pas bien s'entendre tous les trois. Il sourit par la suite à Lahya J'me doute, je m'amusais à attraper les lézards quand j'en voyais avant mais à Londres y'en a presque pas et on partait pas souvent à la campagne. Ca cours vraiment vite !

Edwin ne manqua pas de s'étouffer à moitié à l'idée de se changer devant des gens, encore plus devant Théo ! Ce n'était pas que le brun le détestait, au contraire mais c'était toujours très gênant de se changer devant un garçon. Déjà, parce qu'il était compliqué de refreiner sa curiosité de regarder et ensuite parce que, justement, si l'autre le regardait lui, Edwin serait sûrement foudroyé par la honte en quelques dizaines de millisecondes. Il n'était pas beau, c'était sûr et il n'avait pas envie de montrer à Théo l'étendue de ses conneries, des cicatrices à sa poitrine à la brulure de son bras et encore moins aux vieux bleus fanés qui parcouraient encore ses genoux et dont il ne savait pas grand chose. Tout ce qu'il savait c'était qu'ils étaient là depuis bien trop longtemps et qu'il attendait impatiemment que les tâches maintenant jaunes ternies s'effacent complètement. Et si elles pouvaient emmener avec elles les quelques égratignures qui peuplaient encore son corps, ce serait parfait ! Si vous voulez... Ca m'dérange pas de me changer évidement ! Il pose ses mains sur ses genoux. Ce sera toujours moins pire de voir Théo que de voir Lily se déshabiller comme elle avait pu le faire pendant les vacances ! Le souvenir de sa peau claire et de son ventre musclé hantait encore un peu ses rêves comme un souvenir lointain d'un film trop osé pour lui.

Je regarde Théo d'un drôle d'air en entendant ses félicitations, j'ai l'impression que c'est pas complétement sincère... Mais dans le doute le remercie chaleureusement lui et Lahya. Je ne connaissais pas beaucoup ni l'un ni l'autre mais je pouvais tout de même affirmer apprécier bien plus la Serdaigle que le Gryffondor. Je capte le regard démoralisé d'Ed devant la tronche que je tire. Et merde ! Il doit penser qu'il m'a fait un truc... Mais c'est moi qui lui ai fait quelque chose... Moi, qui n'ai pas su le protéger... J'ai pas envie d'en parler mais je crois que j'ai pas le choix, il faudra qu'un jour je prenne mon courage a deux mains et que je déballe tout. Mais pas aujourd'hui.

La question de Théo complémentaire à ma suggestion ne percuta pas immédiatement. Pourquoi on se séparerait pour se changer ? En remarquant Edwin qui s'étouffe de ma proposition je me dis que c'est peut-être pas plus mal finalement. Si moi j'en ai pas grand chose à faire lui avait eu l'air passablement mal à l'aise cet été quand je m'étais changée dans ma chambre alors qu'il était là...

"Si c'est ce qui vous arrange on fait ça. Vous vous changez en premier les gars ? Avec Lahya on attendra dehors."

Je me relève de mon siège et ressors du compartiment entraînant la bleue par la main et refermant la porte derrière nous. Une fois dehors je m'adresse à la Serdaigle avec la légère timidité de deux personnes ne se connaissant pas au delà d'un événement gênant.

"Tu vas bien depuis le mois de juin ?"

La réaction de Lahya sur la nouvelle, que Lily-Rose soit préfète, lui fit lever les yeux au soleil. Dans la salle de bain, elle réussirait à créer une inondation vu son absence d'adresse. Il ignorait quels autres lieux elle avait accès mais il serait sûrement jaloux. Peut-être avait-il une chambre secrète remplie de nourriture en abondance ? Ou bien une salle de duel et d'entrainement rien que pour eux au cas où une attaque à lieu sur Poudlard ?

- Des boursouflets doivent forcément bien s'entendre non ?

Théo se sentit très offensé lorsqu'il entendit Edwin s'étouffer à côté de lui, c'était lui le problème ? Ou en général ? Il ne savait pas trop comment le prendre et se dit que c'était sûrement mieux de se changer totalement séparément. Ou autre part, les compartiments ne servent pas vraiment de cabine d'essayage. Mais il n'eut pas vraiment le temps de faire son choix, les deux filles venaient tout juste de sortir de la pièce et il ne restait plus qu'eux deux. Tout s'était passé si vite et n'avait pas vraiment eu son mot à dire.

Il fixa quelques secondes Edwin de la tête au pied et chercha maladroitement ses affaires au dessus de sa tête dans sa valise. Il se mit à l'opposé de son camarade pour tout de même garder un peu d'intimité. Il avait très peu l'habitude de se changer avec quelqu'un d'autre, surtout quand on est fils unique et qu'on n'a pas forcément beaucoup d'amis avec qui partager des moments de complicité lorsqu'on est plus jeune.

Théo retira son pull et son t-shirt le plus vite possible, il ne faisait pas une chaleur accablante dans la pièce et les jeta sur le côté. Il regarda ensuite juste derrière lui pour voir si Edwin allait toujours bien...

- Si ça te dérange trop que je sois là en même temps, dis le moi...

Edwin semblait être d’accord avec le fait de ne pas laisser le lézard en liberté, et Lahya lui sourit de nouveau. Elle aimait bien sa compagnie, c’était agréable de se sentir en accord avec quelqu’un. Et puis, pour ne pas se mentir, le vert avait vraiment été compréhensif lors de sa chute, alors l’adolescente lui était reconnaissante. Théo, en revanche… Le voilà qui levait les yeux au ciel à la suite des mots qu’elle venait de prononcer. Elle qui pensait pourtant être sur la même longueur d’onde que le rouge, voilà que la déception montrait finalement le bout de son nez. Enfin bon, on ne pouvait pas s’entendre avec tout le monde. De toute façon, le but de Lahya ne se situait certainement pas dans ces eaux. Heureusement qu’elle ne cherchait pas l’approbation de tout ceux qu’elle rencontrait d’ailleurs, elle aurait été certainement désappointée durant toute sa courte vie si cela avait été le cas.

Lahya porta de nouveau son attention sur la conversation, remarquant sans peine la gêne d’Edwin. Cependant, la bleue eut à peine le temps de s’interroger qu’elle se retrouva embarquée par Lily à attendre à l’extérieur pour que les deux garçons puissent se changer en paix. Bon, après tout, pourquoi pas ? Ce n’était pas comme si elle avait le choix, elle garderait donc sa curiosité quant aux émotions d'Edwin pour elle. Enfin sortie de l’habitacle, Lahya se tourna finalement vers Lily qui venait d’engager la conversation de manière retenue. Néanmoins, l’adolescente pouvait comprendre : se retrouver en tête à tête avec une personne inconnue était toujours un peu gênant au début.

- Oui, mes vacances se sont plutôt bien passées.

Si ses grandes vacances de première année ne l’avaient pas vraiment reposée, celle de cette année avaient été bien meilleures.Retrouver Élina ainsi que Laurence avait été une vraie bouffée d’air frais. Lahya ajouta finalement, ne sachant pas trop de quelle manière continuer la discussion :

- Et toi ? Tu as l’air un peu fatiguée… C’est à cause de l’inquiétude ?

Certaines personnes angoissaient souvent avant la rentrée pour diverses raisons. Certes, Lily n’avait pas l’air d’être ce genre d’élèves névrosés de leurs résultats scolaires, ou encore terriblement anxieux de se retrouver sans leur famille, mais qui pouvait savoir, au fond ? Les apparences pouvaient être trompeuses, et il valait donc mieux viser large.

Observant la porte qui bouchait l’entrée dans le compartiment, la jeune fille soupira doucement. Elle n’aimait pas être plantée ainsi au beau milieu du couloir, avec les autres élèves qui passaient à leur guise. Elle espérait que leurs deux camarades ne seraient pas trop long.

- Ouaip, mais eux ils ont l'air d'être plutôt copains. Otis est adorable, Piou va pas mettre longtemps avant de le coller aussi.

Cet été quand Lily avait commencé à se changer à même sa chambre alors qu'il y était aussi, il avait été particulièrement gêné. Ce n'était pas qu'il l'a voyait autrement que comme une amie mais on lui avait toujours apprit que ça ne se faisait pas comme ça, et franchement voir une fille nue ça n'était pas dans ses projets pour tout de suite, pas du tout même. Sa mère aurait fait une vraie crise si elle avait su ça. Déjà qu'elle les enchainait depuis qu'Edwin était rentré à la maison au mois d'Août, apprendre que quelqu'un l'avait enfermé dans une cage et qu'à la suite de ça il avait failli se retrouver à poils avec une fille de son âge. Paie l'arrêt qu'elle lui aurait tapé. Enfin, la connaissant elle aurait sûrement trouvé quelque chose pour dire que c'était encore parce que c'était des sorciers, qu'ils étaient pervers et détraqués et que plus particulièrement c'était de sa faute à lui pour une raison quelconque. Elle était devenue très forte à ça et très frustrante pour Edwin qui, justement, cherchait à déterminer ce qui était de sa faute ou pas pour avancer. A chaque fois qu'elle commençait ses tirades sur les sorciers ou sur lui, il faisait trois pas en arrière sur une avancée déjà bien pénible. Depuis le début de la course, il devait déjà avoir fait trois tours de piste à reculons et à peine un quart en avançant.

Edwin rougit doucement en observant Théo une fois les deux filles parties. C'est bizarre de l'observer s'il compte se changer, non ? Mais d'un côté il n'a pas envie de le quitter des yeux parce que s'il le fait, il ne pourra pas vérifier que lui ne le regarde pas. Il est très gêné de devoir peut-être se montrer torse nu devant quelqu'un. Il ne se considère pas beau, pas du tout même et savoir que peut-être Théo pourrait voir l'étendue des dégâts le dérange plus que ça ne le devrait. Pourtant, il n'a pas fait de remarque sur sa cicatrice mais Edwin n'est pas persuadé qu'il n'en ferait pas sur celle à son bras ou sur ses cotes. Ou les quelques bleus qu'il reste évidemment. Il a toujours été délibérément compliqué à guérir, à croire que son corps voulait juste qu'il garde en mémoire l'horreur qu'il avait vécu si son esprit ne le pouvait pas. Il n'y avait presque plus rien, les bleus étaient surtout de sa mère mais les égratignures peinaient à vraiment disparaître.

Edwin devient rouge comme la plus mure des tomates du potager en le voyant se tourner vers lui. Il se détourne, dos à Théo et commence à se dépatouiller en vitesse de son haut, la peau frissonnante sous l'air frais auquel il ne s'attendait pas. Non ça va, t'en fais pas. Je suis pas habitué, j'ai pas de frère c'est tout. A Poudlard je prend ma douche quand y'a personne, alors ben.... j'suis juste pas du tout habitué. Il jette un coup d'œil vers l'arrière. Et pis, c'est plutôt moi qui devrait te poser cette question, j'dois te rendre mal à l'aise avec... tout ça il fait un geste vers son corps Nan ?

Il pose son tee-shirt sur le banc et cligne des yeux plusieurs fois avant de rougir encore plus quand il capte qu'il n'a même pas descendu sa valise. Il bredouille un J'suis con... avant de se mettre légèrement sur la pointe des pieds pour la retirer des portes bagage avant de la poser au sol et de fouiller dedans, face à l'autre. C'est tout en bordel, j'avais pas le temps de tout plier et ça aurait fait trop de bruit... essaie-t-il de dire pas trop angoissé pour expliquer l'état de sa valise. Tout y est fourré en vrac et il a peut-être oublié trop de choses auxquelles il pensera d'ici six mois, mais au moins il a prit le train à temps et sans que sa mère ne le remarque. Il finit par trouver une de ses tenues complètes et la sort avant de tout ranger à nouveau aussi mal que la première fois pour la refermer. J'parie que ta valise est clairement mieux rangée finit il doucement avec un rire. Il ne la remonte pas tout se suite à sa place et la pose dans un coin du compartiment le temps de finir de se changer. Il finit de se déshabiller en rapidité et enfile rapidement son pantalon noir pour cacher ses cuisses maigres ou peut-être juste les griffures qui y sont encore rouges.

Tout se déroulait à merveille jusqu'au moment où Edwin posa la question délicate que Théo avait évitée jusqu'à présent. Il avait bien vu les cicatrices tout le long de son corps et n'avait justement fait aucune remarque ces dernières. C'était sa vie privée. Il réfléchit quelques secondes pendant qu'il regardait le Serpentard fouiller dans ses affaires de manière assez... Incongrue ? Même si ça le faisait rire, Théo se demanda pourquoi Edwin était autant en panique, cela faisait quand même 3 ans qu'il vivait en communauté avec des garçons. Si rester pendant 5 minutes avec Théo était si troublant, il devait vraiment être très pudique.

- Euh non enfin...

Théo paniquait, il ne savait pas quoi dire.

- C'est peu commun mais ça ne me concerne pas trop. C'est ta vie...

Le Gryffondor avait réussi à passer entre les mailles du filet, à peu près, il espérait juste que Edwin n'allait pas commencer à raconter sa vie entière pour mettre son camarade dans une situation mal à l'aise, sans savoir s'il devait avoir pitié ou pas et comment réagir. Théo souhaitait détourner la conversation le plus naturellement possible, Edwin le sauva un peu en parlant de sa valise. Cela n'avait aucun rapport bien sûr, mais l'occasion était à prendre et aucune meilleure idée ne lui venait en tête.

- Oui oui oui, elle est bien rangée.

Nouveau blanc, aucun effort de Théo, la honte ! Néanmoins, une phrase le fit tilter et il ne remarqua pas qu'il allait peut-être toucher un point sensible d'Edwin.

- Mais pourquoi faire une valise, ça ferait trop de bruits ?

Il ne trouvait aucune logique dans ce qu'avait dit le Serpentard. Personne n'essaye de faire sa valise sans bruits enfin ! Il sentait que quelque chose ne tournait pas rond chez le garçon. Il était cependant tenté d'en savoir plus, mais ne souhaitait pas être trop indiscret. Le dilemme le rongeait en silence.