Sa ronde de préfet allait prendre fin dans quelques minutes. Sans en donner les raisons, il avait échangé son créneau de surveillance avec l’un de ses collègues. Résultat, il avait une raison valable de circuler dans les couloirs sombres du château de Poudlard après le couvre-feu. Mais ce soir, Bad n’avait aucune intention de remonter directement dans sa salle commune. Il avait des projets bien plus ... intéressants.

Une heure auparavant, alors qu'il tentait de quitter le confort de la tour ouest pour battre les pavés du château, son amie Elowen avait senti que quelque chose de pas net flottait dans l’air. Elle avait bloqué la sortie de la salle commune de son corps en lui demandant dans un sourire explicite pourquoi il s’était parfumé et bien coiffé pour faire sa ronde. Bad avait longuement hésité à lui répondre la vérité mais avait fini par tout avouer à son amie.

« Disons que je ne pense pas rentrer directement après ma ronde ce soir. J’ai un … une sorte de rendez-vous, tu vois. »

Le préfet était finalement sortit sous les applaudissements d’une Elowen hilare. La discrétion et elle, ça faisait deux. Mais c’est ce qui faisait son charme après tout.

Plus que deux minutes avant la fin de la ronde. Bad sentait son cœur battre de plus en plus vite à mesure qu’il approchait de la salle des trophées. Accompagné de son ombre qui dansait à la lumières des torches fixées murs, le garçon prenait peu à peu conscience de ce qui l’attendait. Toute l’après-midi, il avait réfléchi à ce qui s’était passé à la bibliothèque et le Serdaigle avait conscience d'avoir manqué des occasions de faire passer sa relation avec Lilly à un nouveau stade.

La peur était la principale responsable de cela. La peur de l’échec mais aussi celle de briser définitivement le lien unique qui s’était forgé entre ses deux âmes dès leur première rencontre. Il était probable qu'après ce soir, plus rien ne soit comme avant.

Enfin …

La vie était courte. Bad eut une pensée pour son père et ce qu’il avait vécu récemment. Le garçon se fustigea mentalement. Lui qui craignait un tête-à-tête un peu plus sérieux avec une fille. Quel couard il était ! Surtout qu'il faisait peut-être des plans sur la comète alors qu’il n’avait même pas atterri sur la planète Lilly.

Après encore quelques pas discrets, l’adolescent arriva devant la salle des trophées. Sa ronde venait de se terminer et il ne devait normalement plus se trouver ici. L’adrénaline montait en lui. Il aimait cette sensation qui envahissait tout son être et dopait sa réactivité. Être dans l’illégalité n’était pas le passe-temps favori du garçon mais c’était parfois une nécessité pour retrouver ce sentiment.

Après un coup d’œil de chaque côté, Bad tourna la poignée en bronze et pénétra dans l’antre de l’histoire de Poudlard. Coupes, médailles et trophées trônaient en nombre dans cette salle où le garçon avait, un jour, trouvé un drôle de message en compagnie de son ami Lukas. Lilly n’était pas encore là et Bad espérait qu’elle réussisse à le retrouver rapidement. Il allait être plus difficile pour elle que cela ne l’avait été pour lui de rejoindre leur point de rendez-vous. Reculant dans le fond de la salle pour s'accroupir derrière une vitrine poussiéreuse, le préfet trouva l’endroit idéal pour surveiller l’arrivée de nouveaux individus sans être vu. Il ne restait plus qu’à attendre l'arrivée de la belle Poufsouffle.

@Elowen Livingstone pour la mention

Depuis sa matinée en compagnie du préfet de Serdaigle, la Poufsouffle avait des papillons qui virevoltaient en tout sens dans son ventre. Ils n'avaient cessé de se manifester. Et elle s'était rarement sentie aussi légère. A tel point qu'il n'y avait pas eu de place dans son estomac pour quoi que se soit lors du dîner. A peine un peu de velouté de citrouille et voilà qu'elle avait le ventre noué. Les papillons prenaient bien de la place. Elle avait l'impression d'en ressentir le moindre battement. Et leurs mouvements incessants rappelaient chaque minute à l'adolescente le rendez-vous qui l'attendait. Un sourire bête accroché au visage, elle semblait ailleurs. Elle avait si hâte. L'attente paraissait interminable.

L'appréhension la gagnait cependant peu à peu alors que l'heure approchait. Les images du jeune garçon défilaient dans sa tête en boucle. Elle revoyait sa proximité. Son visage charmeur et ses yeux. Ses si beaux yeux verts. Qu'elle en aimait la couleur, et l'éclat. Et ce qu'elle ressentait quand ils se posaient sur elle. Elle rougissait à l'idée de le retrouver en tête à tête avec lui de nouveau, qui plus est dans une pièce sombre du Château. Elle qui n'avait jamais enfreint le couvre-feu, cela serait une première. Bien loin d'être angoissée à cette idée, seule persistait la sensation grisante de pouvoir être proche de lui, dans ses bras même ? Ou plus proche encore ? Elle espérait ne pas avoir fait de mauvaises interprétation de son comportement plus qu'amical à la Bibliothèque. Non, il n'y avait pas de raison. Il s'était définitivement passé quelque chose. Et pourtant il ne l'avait pas embrassé … Ce dont elle rêvait plus que tout. Mais les sous-entendus, à peine subtils, ne laissaient pas d'autres interprétations possible. Enfin, il lui semblait ...

Jyal étaient restée, contre son grés, dans les Dortoirs. Rejoindre la Salle des trophées, bien trop éloignée à son goût de sa Salle Commune, allait être assez difficile seule. Il fallait qu'elle arrive à le rejoindre. Si ils se faisaient attraper ensemble, cela serait moins grave. Il était Préfet après tout. Une justification pourrait se trouver.

Son cœur manqua de s'arrêter de trop nombreuses fois sur le trajet. Le moindre bruit dans le Château réveillait en elle une peur panique. Se guidant le plus discrètement possible à l'aide d'un Lumos d'une faible intensité, son périple avait été ressenti comme une grande aventure.
Le Troisième étage. Il n'aurait pas pu la rejoindre dans un lieu plus proche, lui qui avait le droit de se déplacer dans le Château. Enfin jusqu'à une certaine heure probablement déjà dépassée d'ailleurs. Enfin arrivée, les battements de son coeur semblaient résonner contre les murs de pierre.

La poignée en bronze était froide et, à son contact, un frisson parcouru l'ensemble de son corps, à la sensibilité bien plus exacerbée que d'habitude.

« B-Bad … Tu es là ? »

Une faible lueur s'échappait de sa baguette, sa voix tremblait presque, et son murmure laissait entrevoir l'angoisse qu'elle ressentait. Toute l'assurance qu'elle avait accumulé pour trouver le courage de quitter son Dortoir en cette heure tardive l'avait définitivement quitté. Il fallait qu'il soit là. Et si il n'y était pas ? Et si on la trouvait là, seule, en dehors des heures autorisées ? Cette rencontre nocturne lui semblait tout d'un coup une très mauvaise idée. Pour elle qui n'était pas très à l'aise dans le noir, on pouvait même dire sans exagérer qu'elle en avait peur. Elle espérait vraiment qu'il soit arrivé, elle était à deux doigts de faire demi-tour en courant, oubliant toute mesure de discrétion.

Tapis dans l’ombre, Bad attendait l’arrivée de la Poufsouffle. Plus les minutes passaient et plus les yeux du garçon commençaient à s’habituer à la faible luminosité des lieux. La pointe d’inquiétude qu’avait eu le garçon en entrant ici s'était évaporée avec le passage du temps. Désormais, il avait hâte de voir celle qui ne le laissait pas insensible. Il savait qu'il devait rester lui-même mais surtout qu'il ne devait rien regretter après cette soirée. Ce n’était plus un enfant et le temps des hésitations était révolu.

L’heure tournait mais il n'y avait toujours aucune trace de Lilly. Les jambes du Serdaigle, toujours accroupi, commençaient à faiblir. Mais qu’est-ce qu’elle fait ? Bad, plutôt confiant jusque là, commençait finalement à douter que la jeune fille le rejoigne un jour. S’était-elle dégonflée ? Avait-elle eu peur de cette rencontre organisée ? Craignait-elle de se faire prendre ? Comble de l'horreur, un professeur ou un préfet lui était-il tombé dessus ? À cette idée, Bad craignit le pire. Même si c’était sous l’impulsion de la Poufsouffle, c’était bien lui qui avait proposé à Lilly de venir découvrir l’une de ses cachettes.

Ne pouvant attendre plus longtemps pour savoir, Bad se releva. Mais à l'instant même où ses jambes se redressaient, la porte s’ouvrit lentement et une faible lumière pointait la vitrine à la droite du garçon. Le préfet reconnut instantanément Lilly et sa faible voix murmurant son prénom avec une assurance tout relative. L’adolescent allait répondre quand il se dit que c’était l’occasion parfaite de se jouer d’elle. Coinçant sa baguette entre ses dents, il se mit à quatre pattes et commença à se déplacer le plus discrètement entre les vitrines de la pièce pour arriver dans l’angle mort de la jeune fille. Sous sa robe, la température de son corps commençait à grimper en flèche. Entre l’effort physique et l'exercice de rester le plus discret possible, son idée qu’il avait trouvée brillante sur le coup commençait à en devenir une bien mauvaise. Mais quel garçon de quatorze ans était capable de s’arrêter alors qu’il avait déjà entamé sa bêtise ? Pas Bad en tout cas.

Arrivé à quelques mètres de Lilly, le Serdaigle se plaqua le dos contre un meuble contenant des petites statuettes en argent. Il se saisit de l’une d’elle par dessus sa tête tandis qu’il retirait la baguette de sa bouche de sa main libre. Son catalyseur baveux pointé vers le trophée, Bad tenta de calmer sa respiration pour reprendre son souffle. Il enchaîna ensuite rapidement sur un Wingardium Leviosa et fit lentement mais assurément léviter l’objet jusqu’à ce qu'il se stabilise à quelques centimètres du nez de Lilly. Sifflant une voix un peu déformée, Bad, toujours caché, rompit le silence.

« Salut, c’est moi Bad. J’ai été transformé en petite statue. Aide-moi Lilly, s’il te plaît ! »

Ne pouvant retenir un rire, le Serdaigle tenta maladroitement de l’étouffer dans la manche de sa robe laissant sortir un bruit nasal peu charmant.

L'angoisse était à son paroxysme, la Poufsouffle pouvait presque entendre le claquement de ses dents. Elle avait très froid d'un coup. Et pour ces multiples raisons, des frissons animaient sa peau. Tous ses sens étaient en éveil dans cet environnement qu'elle définissait actuellement comme hostile. Malgré son appel, aucune réponse ne lui arriva aux oreilles.
Ce n'était pas normal ...

Jetant un coup d’œil rapide dans la salle qu'elle venait d'ouvrir, la faible luminosité de sa baguette ne permit pas d’apercevoir une quelconque présence. Pourquoi le beau Serdaigle n'était-il pas là ? Elle avait envie de pleurer. Il n'était pas venu. Un sentiment de grande solitude s'empara d'elle.

Rompant ses réflexions solitaires, un objet fit irruption dans son champ de vision. Juste en face de son visage. Elle eut un mouvement de recul, accompagné de sa baguette qui se dirigea instantanément vers l'objet en question. Inutile de préciser qu'un cri d'horreur accompagna tout ceci. Un soubresaut de surprise traversa son corps au moment où la voix retentissait, lui faisant lâcher sa baguette. Le bruit qu'elle fit en tombant sur le sol résonna, faisant s'emballer les battements de son cœur déjà rapides. Le peu de lumière qui la rassurait s'était totalement évanouit, laissant l'obscurité tout envahir. La panique se transforma en angoisse.

Alors qu'elle se penchait, tremblante, pour récupérer sa précieuse baguette, les questions se bousculaient dans sa tête. A tâtons ses mains cherchaient sa précieuse alliée.

Une statue ? Une voix ? Bad ? Rien, absolument rien de ce qui était en train de se passer ne faisait sens pour elle. Son corps était en panique et ses idées tout sauf claires. Elle n'arrivait pas à analyser cette étrange apparition.

Puis, un drôle de bruit vint ponctuer le tout. Un soufflement étrange qui pourtant lui disait quelque chose. Elle connaissait ce bruit. En dehors de cette situation, il ne lui rappela rien de menaçant. Comme un … un rire étouffé ? D'un coup la peur se transforma en suspicion. L'envie de partir se faisait de plus en plus sentir. Si c'était une blague, ce qui était apparemment le cas, elle était de très mauvais goût.

Son catalyseur récupéré, elle la tenait maintenant très fermement devant elle. Son environnement proche de nouveau illuminé, elle pénétra un peu plus dans la salle afin d'identifier clairement le mauvais plaisantin. C'était de toute façon trop tard pour faire marche arrière. Il fallait qu'elle sache. Elle pivote doucement sur elle même afin d'étudier attentivement ce qui l'entoure. Sa voix est plus posée, un certain agacement, proche de l'énervement y est perceptible. Son cœur, sous l'effet de l'adrénaline est toujours en train de tambouriner dans sa poitrine.

« Bad !? Si c'est toi c'est vraiment pas drôle ! »

Et si jamais ce n'était pas lui et bien elle aviserait et improviserait ...

Bad faisait de son mieux pour retenir ses rires. Ses yeux rougis par quelques larmes alors enfouis dans les manches de sa robe, il imaginait la tête paniquée de Lilly face à la statuette animée. Le visage de cette dernière habituellement illuminé de ses yeux pétillants devait actuellement prendre des traits horrifiés. Le sortilège de Lévitation de Bad avait parfaitement réussi et il espérait que sa voix n'ait pas été identifiée par la Poufsouffle. Mais lorsque le cri qu'elle lâcha retentit dans la salle des trophées, le garçon revint rapidement à la réalité. Comme s'il s'était jeté sous une cascade d'eau glaciale, son cerveau reconnecta, en une fraction de seconde, tous ses neurones à l'endroit. Ce qui était drôle pour lui ne l'était sûrement pas pour elle. Mais quel crétin !

Le bruit reconnaissable d’un morceau de bois rebondissant au sol accentua le malaise qui s’emparait peu à peu du garçon. Sa farce de mauvais goût avait dû tellement surprendre Lilly qu’elle en avait lâché sa baguette. Bad voulut se relever pour s’excuser auprès de la Poufsouffle mais quelque chose en lui le maintint sur place. Tel une serre géante, un profond doute sur s’il devait assumer ou non cette erreur le paralysait au sol. Finalement, qu’est-ce qui l'empêchait de rester ici à l’ombre de la vérité ? De laisser l’adolescente douter de l’identité du farceur ? Il pourrait attendre qu'elle parte et ensuite retourner dans son dortoir. Il nierait les faits et cette histoire disparaitrait à tout jamais. Et il laisserait passer la chance d’enfin embrasser Lilly ? Hors de question !

Poussant sur ses jambes fébriles dans un véritable effort, Bad se leva pour faire face au courroux mérité de la belle adolescente aux cheveux châtains. Le ton emprunté par l’adolescente ne laissait aucun doute sur le fait qu’elle n’avait pas apprécié la blague du Serdaigle.

« Je suis là, Lilly. Ébloui par la lumière magique projetée par la baguette de la Poufsouffle, Bad utilisa sa main gauche comme une visière. Je voulais faire une petite plaisanterie pour détendre l'atmosphère et je ne pensais pas te faire peur. Excuse-moi ... »

Ses yeux qui s'étaient habitués à l’obscurité luttaient contre le Lumos qui l'aveuglait. Espérant être pardonné, le Serdaigle se faufila entre les vitrines pour s’approcher de Lilly. Arrivé à sa hauteur, il posa sa main sur celle de la jeune fille pour lui faire baisser sa baguette. Ce contact peau contre peau fit rougir Bad qui fut heureux que Lilly ne puisse clairement le voir en cet instant. Il retira rapidement sa main pour la glisser dans ses cheveux en prenant un sourire légèrement figé.

« Alors t’as réussi à venir sans problème ? Il n'y avait pas des préfets ou des professeurs à traîner dans les couloirs ? »

L'humour ne semblait pas, en cet instant précis, être le point fort du Serdaigle. A quel moment avait-il bien pu croire que cela la ferait sourire ? Elle se sentait pourtant stupide d'avoir eu peur, et embarrassée de n'avoir pas sut être réceptive à cette blague.

« Ah Ah, très drôle en effet... Tu sais que j'ai peur du noir en plus et que je n'ai jamais enfreint le couvre-feu. Je n'ai pas l'habitude comme monsieur le préfet de me balader dans le Château la nuit. J'espérais vraiment un meilleur accueil... Elle affiche une mine faussement boudeuse. La prochaine fois emmène un chocolat chaud ou je sais pas des coussins moelleux pour détendre l'atmosphère. En tout cas attend toi aussi à être surpris une autre fois, je ne laisserai pas cet acte de vile cruauté impunie ! » Elle relève volontairement la baguette à proximité des yeux du préfet, comme pour se vouloir menaçante.

Et voilà qu'ils la troublait à nouveau ces beaux yeux verts. Toute la peur ressentie était partie pour de bon. Elle se souvenait parfaitement de pourquoi elle était là ce soir. Cette décharge brûlante provoquée par le bref contact de leurs peaux était si bonne. Son corps tout entier en profitait. Voilà qu'elle avait chaud de nouveau. Elle aimait ce qu'elle ressentait et une douce euphorie s'emparait d'elle. Alors même que le recoiffage express auquel elle assistait frôlait le ridicule, la Poufsouffle ne put s'empêcher de le trouver extrêmement mignon. L'envie d'y passer elle aussi la main était forte. Et puis, il était encore plus craquant les cheveux décoiffés. Une drôle d'association se fait mentalement avec l'image de l'oreiller. Troublante. Elle la chasse pour répondre de façon plus ou moins cohérente. Pourquoi étaient-ils toujours en train de parler d'ailleurs ?

«  Non personne heureusement. Quoi que, entre me faire attraper à courir dans les couloirs la nuit ou subir cette blague plus que douteuse, je ne sais pas ce qui aurait été le pire. Mais non, aucun professeur ni préfet. Sauf bien sûr, le seul que j'espérais croiser. » Elle mordille sa lèvre dans un sourire. La chaleur ressentie à la Bibliothèque ressortait de nouveau. Plus forte. Et l'air frais de cette heure tardive ne l'atténuait en rien. Des frissons glissaient sur sa peau. Elle ne voulait pas qu'il soit si loin. Elle le voulait proche. Beaucoup plus proche.

« Eeeeeeh ! Ramène ta main par ici. J'aime bien... » Ce n'était pas un ordre, mais une invitation. Son ton est doux, presque suppliant. Elle rattrape d'ailleurs la main du Serdaigle et l'attire doucement vers elle. De son autre main, elle range sa baguette. Ce n'était pas cette Magie là qui était l'invitée principale de ce soir. Il y avait déjà bien assez à faire.

Elle reprend son air taquin sans lâcher l'adolescent. Son pouce dessine des lignes sur la main de ce dernier. De manière saccadée, elle en tremble presque jusque dans la voix. « Avoue que tu essaie juste de me faire parler. Apparemment tu aurais une méthode pour réussir à me faire taire, j'ai hâte de voir ça. » Elle le regarde en souriant, cette fois-ci de manière presque gênée.

Comme Bad le craignait, Lilly n’avait pas apprécié sa blague. Et même si elle le cachait sous les traits de son éternel humour, le Serdaigle commençait à la connaître. Après toutes ces années partagées ensemble, il interprétait plus facilement chaque rire, chaque geste, chaque cri de la Poufsouffle. Comme si depuis leur rencontre au bord du lac, il avait entamé l'ascension d’une montagne fabuleuse. Chaque jour, Bad sillonnait le chemin qui menait au cœur de Lilly et, plus il grimpait, plus ses sentiments pour la belle jeune fille se développaient. Ce soir, il avait enfin l’occasion d’atteindre le sommet et de profiter avec elle d’un point de vue merveilleux sur une vie à deux. Ce n’était pas un léger éboulis qui le ferait flancher. Son désir et sa volonté le poussant chaque instant à poursuivre sur cette piste sinueuse et pourtant si belle.

À la douce menace de représailles, Bad afficha un grand sourire et continua de s’approcher de la baguette pointée sur lui.

« J’attends de voir ça !, rétorqua-t-il en riant. »

Finalement, Lilly lui apprit qu’elle était parvenue sans encombre dans la salle des trophées. Cela soulagea Bad. Personne - ou presque - ne savait qu'ils étaient là. Les deux adolescents allaient pouvoir profiter de ce temps volé. De toute la nuit s'il le fallait.

L'allusion explicite de la jeune fille sur la présence de Bad réchauffa le cœur du garçon. Il était heureux. Tellement heureux. Une chaleur qui partait du creux de son ventre se dispersait par vague lentes à travers tout son corps jusqu’à atteindre chacune de ses extrémités. Voir Lilly se mordiller la lèvre donnait l’envie obsessionnelle à Bad de l’embrasser. Qu’attendait-il en fait ? Un signal ? Aucune lumière verte ne s’allumerait dans la salle, aucun coup de feu ne serait tiré ou de drapeau baissé. Qu’espérait-il vraiment ?

Et pourtant, comme si elle lisait dans l’esprit du garçon, Lilly l’invita à garder ce contact physique entre leurs mains, l’attirant même à elle. Il était là le signal. La Poufsouffle avait fait le premier pas et plus rien n'empêchait Bad de rentrer dans ce jeu amoureux. Alors que Lilly faisait glisser son doigt sur la peau du garçon, ce dernier s’approcha encore davantage de la jeune fille. Dans les derniers mots tremblants, Bad sentit le souffle chaud de Lilly qui parvenait jusqu’à sa bouche, accélérant alors le cœur du Serdaigle. Oui, tais-toi, avait-il envie de lui chuchoter alors que leurs visages n’étaient plus qu’à quelques centimètres.

Le garçon posa son index sur les lèvres de Lilly effleurant délicatement le bout froid de son nez au passage.

Bad allait l’embrasser pour sceller ce désir qui au fil du temps s’était accumulé. Ces sentiments qui depuis ce matin avaient atteint leur paroxysme. Pourtant, il baissa les yeux et fixa le sol.

« Je ne peux pas, Lilly … J’aimerais t’embrasser et pourtant c’est impossible pour moi. Je ne suis pas prêt à risquer notre amitié, à sacrifier tous ces moments où on a rigolé, où on s'est amusé ou embêté. Je veux continuer à te voir chaque matin et à savoir qu'avec toi ma journée sera parfaite. J'ai peur qu'en allant plus loin, on le regrette. Imagine, si ça ne marche pas entre nous. Si tu te rends compte que je ne suis pas celui que tu imaginais. Que tu comprennes ton erreur et que finalement, tu me détestes de plus en plus. Je ne veux pas de ça. Je veux préserver cette amitié que nous avons aujourd’hui ensemble. Je ne suis pas prêt à la perdre. Non, je ne peux pas, Lilly. Je ne peux pas t’embrasser. »

En fait, tous ces mots, Bad ne les avait jamais prononcés. Son index posé sur la bouche de Lilly, il n’avait pas hésité un seul instant. Il avait lentement glissé sa main dans le cou de celle qui faisait vibrer son cœur et avait posé ses lèvres sur les siennes. Ce moment, il ne l’oublierai jamais. Avait-il duré quelques secondes, quelques minutes ou plusieurs heures ? Bad n’en avait aucune idée. Le temps n’avait plus de réalité en cet instant. Seul comptait ce baiser que le Serdaigle voulait prolonger éternellement. De sa main libre, il chercha celle de Lilly avant d'entrelacer leurs doigts. Il serra fort celle qu'il voulait près de lui. Il ne voulait pas qu’elle parte. Ni aujourd’hui, ni jamais.

Il s'était laissé attirer vers elle. C'était si naturel. Le sentir venir. Approcher encore un peu plus. Réduire cette distance qui n'existait plus. Qu'ils voulaient supprimer tous les deux.

Le rire de l'Aiglon lui était si agréable. Cela voulait tout dire un rire. Sincère. Honnête et clair. Je suis bien avec toi. Il était beau son rire. Tout était beau chez lui. Il se rapprochait doucement et Lilly ne pouvait s'empêcher de détailler son visage. Ses yeux, qu'elle ne connaissait que trop bien. Ce vert qui avait ouvert son coeur. Son nez. Sa bouche, source d'obsession et d'imagination sans fond depuis leur échange de la Bibliothèque.

Mais aussi le reste de son corps, qu'elle ne connaissait finalement pas. Qu'elle n'avait jamais observé comme cela. Et tout était beau. Et attirant. Il était si proche maintenant. Elle l'entendait respirer tout près d'elle. C'était grisant. Enivrant.

Son doigt se pose sur ses lèvres. Elle n'eut pas le temps, ni l'idée même de rigoler sur ce sujet. Alors même qu'elle aurait trouvé cela ridicule en d'autre circonstances. Elle l'aurait même peut-être mordu. Pour rire. Mais pas là. C'était différent. Elle était envoûtée. Obsédée par ce corps qui se rapprochait du sien. Corps qu'elle voulait découvrir. Apprendre à connaître.

Elle profite de chaque secondes. Le temps n'appartient qu'à eux. Ce ne sont plus des secondes ni des minutes mais les battements de leurs cœurs qui rythment le moment.

La main du garçon descend sur son cou. Elle frisonne. Ses lèvres sur les siennes. Leurs doigts entremêlés. Maladroitement, elle se dresse sur la pointe des pieds. Leurs visages face à face. Sa main se perd dans ses cheveux. Parcourt timidement leurs douces ondulations avant de venir plus profondément les décoiffer. Amoureusement. Elle chancelle. S'accroche à son cou. Laisse le poids de son corps reposer sur le sien. Tandis que leurs lèvres s'éloignent, timidement, elle ne veut pas que cela s'arrête. « Encore... » Dans un petit sourire. D'une voix presque chuchotante. « Sinon je recommence à parler. » Un petit rire. Parler, c'était bien la dernière chose qu'elle voulait faire. Leurs corps parlaient un nouveau vocabulaire qu'ils apprendraient à maîtriser. Entre eux. Juste tous les deux.

Ses deux mains examinent le cou de l'adolescent, elle les laisse ensuite glisser le long de son dos. Tout est nouveau. Grisée, la Poufsouffle goûte à ce nouveau plaisir avec une gourmandise toute nouvelle. Elle se sent bien. Pour une fois, ses sentiments ne lui font pas peur. Elle en goûte chaque douce saveur. Si agréable.

« Bad ? » Du désir. Prononcer son prénom lui fait tellement d'effet. « Je suis bien avec toi. » Et pour une fois, elle n'a pas besoin d'en dire plus. Des mots simples. Des émotions qui ne se battent plus. C'était donc ça être amoureuse ? Apaiser ses sentiments sans en diminuer la puissance. Une emprise totale. Un torrent d'attirance. C'était si bon d'aimer. Cette sensation de sécurité, personne ne pourrait la lui apporter elle le savait. Elle voudrait passer le reste de la nuit avec lui. Dans ses bras. Contre son corps. Avec son coeur.

Le contact de ses lèvres était si doux, si réconfortant. Bad se demandait pourquoi il n’avait pas agi plus tôt. Pendant tout ce temps, il était passé à côté de cette chose incroyable qu’était la tendresse entre deux êtres attirés l’un vers l’autre. Ce moment finirait par se terminer mais Bad avait l'espoir de pouvoir le répéter encore et encore.

Il n’avait jamais ressentit Lilly d’aussi près. Il sentait son cœur battre contre sa poitrine, son souffle chaud s’infiltrer en lui, son odeur l’attirer comme un aimant, sa peau froide qui réussissait à dégager une chaleur intense chez le garçon. Tout l’attirait chez elle. Il connaissait ses yeux, sa bouche, ses pommettes, mais en cet instant, il les redécouvrait autrement. Caresses après caresses, centimètres par centimètres.

Le Serdaigle aimait le contact qu'avait la main de Lilly dans ses cheveux. Il aimait la sentir vaciller pour pouvoir la rattraper et la ramener vers lui. Comme une danse sensuelle et intime, la Poufsouffle en redemandait. Bad ne lui adressa comme réponse qu’un sourire. Il n’avait pas de temps à perdre en discussion. Ils en avaient déjà assez perdu comme cela. Rapidement, il retrouva le contact de ces lèvres pures et qui l’invitaient à s’approcher.

Reprenant leur ballet charnel, Bad sentit les mains de l’adolescente glisser le long de son dos. Un frisson lui parcourut l’échine. Reste-là, Lilly. Plus proche encore.

Lorsque le garçon entendit son nom, il voulut l'ignorer. Non, pas déjà … Attends, encore. Pourtant, il ouvrit ses paupières et découvrit un regard plus rayonnant que jamais. C’était cela le regard de l’amour ? Celui d'un bonheur partagé ? Bad voulait plonger entièrement dans ces yeux marrons. Ils l'inspiraient. Comme une injection de bonheur en intraveineuse. Addict à Lily. Accro à cet amour.

Le Serdaigle se fit violence pour éloigner de quelques centimètres son visage. Écartant les mèches de cheveux châtains face à lui pour libérer le visage de Lilly, il posa ses mains sur les joues rougies pour maintenir ce contact visuel intense.

« Moi aussi, Lilly. »

Il s’approcha jusqu’à ce que leurs nez s’effleurent. Bad savait que cette image resterait à jamais gravé dans sa mémoire. Ce qu'il voyait en ce instant était beau. Tout simplement beau. Murmurant dans un souffle sa réponse pour qu’aucun trophée ne l’entende, il se nourrissait de ce regard. Il n'y avait pas meilleur moment pour livrer ses sentiments.

« La vie est si belle et si simple avec toi. Je crois que j'ai toujours su que je ... »

Un grincement sonore brisa la quiétude du lieu. Le cœur de Bad manqua un battement et son sang ne fit qu’un tour. Prenant Lilly par les épaules, il la força à s’accroupir face à lui. Le garçon posa son index sur ses lèvres, et avec des yeux grands ouverts, souffla un ‘chut’ insonore à la fille si attirante devant lui. Il avait découvert une nouvelle manière de la faire la taire mais, dans cette situation, cela semblait un peu dangereux.

Une raie de lumière s'élargit par l'entrebâillement de la porte, transperçant les vitrines poussiéreuses et faisant scintiller les trophées qu'elles contenaient. Bad entendit un pas sur le parquet grinçant. Quelqu’un entrait dans la pièce obscure. Le Serdaigle posa délicatement son dos contre un présentoir en bois et invita Lilly à le rejoindre, les bras grands ouverts. Il espérait qu'elle vienne se blottir contre lui.

Si un professeur le voyait, le Serdaigle pouvait dire adieu à son badge de préfet. Les deux adolescents entichés risquaient aussi une punition, de faire perdre des points à leurs maisons respectives ou pire encore. Et même si ces conséquences étaient fâcheuses, Bad souriait. Aujourd’hui, rien ne pouvait gâcher son bonheur. Une chose plus importante que tout cela était à ses côtés. Elle valait bien tous ces risques.

Leurs lèvres viennent et reviennent. Des aller-retours qui n'en finissent plus. Des impulsions plus ou moins fortes. Deux corps qui se découvrent.

Elle le regarde, les yeux fou amoureux. De la tendresse à n'en plus finir. Elle aurait voulu se donner entièrement à lui, ne plus quitter ses bras réconfortants. Ils l'enveloppent, la protège. Et elle aime ça. Elle se sent bien. Il n'y a aucun autre endroit où elle préférerait être.

Sa voix est belle. Elle s'accroche à ses paroles. A ces mots qui lui caressent le cœur d'une agréable manière.

J'ai toujours su que je … Que je quoi ? Le grincement détourne totalement son attention de cette phrase sans suite. Les mots en suspend attisent sa curiosité qu'elle doit pourtant rediriger vers ce qui arrive. Ce potentiel quelqu'un qui interromps leur moment.

Tout s’enchaîne. Rapidement. Il réagit plus vite qu'elle. Ne pas se montrer, se cacher.
A genou devant lui. Le geste de l'adolescent la surprend. Drôle de vision. Elle a un moment d'incompréhension avant que celui-ci ne s'accroupisse à ses côtés. Elle le rejoins et tente de se fondre dans le meuble sur lequel elle s'appuie. Ne pas apparaître à la lumière. Comme un secret non dévoilé. De nouveau son corps se rapproche de celui du garçon. La chaleur se propage.

L'adrénaline parcourt son corps. Des sensations fortes encore. Face à la réalité de la situation elle comprend. Elle est seule avec un préfet en pleine nuit, en dehors des lieux autorisés. Ce n'était pas du tout une bonne idée, ni pour lui ni pour elle. Pas bon du tout. Et pourtant ça l'était tellement.

La lumière pénètre dans la pièce, la Poufsouffle retient son souffle. Celui du Serdaigle sur la nuque la fait frémir. Elle voudrait que la porte se referme. Qu'ils se collent plus encore. A s'allonger sur le sol. Côte à côte. Qu'il se penche sur elle. Plonger son regard dans le sien. Son corps dans le sien. Que tout prenne sens et forme dans cette nouvelle forme de relation. Son esprit s'emballe. Son cœur tape fort.

Ce trait de lumière balaie la pièce. Son regard tourné vers celui de Bad, le vert s'illumine devant elle. Elle s'y plonge totalement en attendant que la lueur disparaisse. Impatiemment, le cœur battant, elle attend.

Alors que la porte se referme, le silence revient. Il n'y a que le bruit de leur respiration à entendre. Elle seule berce la salle. La voilà qui s'accélère de nouveau. Ils se regardent en souriant. Et voilà leurs bouches qui s'attirent de nouveau. Leurs corps suivent et s'enlacent. Il faudra bien que leur étreinte cesse et prenne fin. Mais pas maintenant. Pas tout de suite. Dans ce silence ils ont tant à se dire.