Lydia aimait bien le mot bulle. Il était parfaitement approprié à ce qu’il tentait de décrire : on avait l’impression qu’il pouvait nous envelopper, nous protéger de ce qu’il y avait autour. Lydia aimait bien le concept de bulle aussi ; et c’était d’ailleurs ce qui lui plaisait le plus lorsqu’elle était à Poudlard. Elle était encerclée par son quotidien, la sorcellerie et les découvertes magiques, elle ne pouvait pas en sortir. Parfois une lettre de sa famille venait faire une petite brèche à l’intérieur, mais le trou ne restait jamais ouvert longtemps. Elle s’attaquait rapidement à reboucher l’entaille dans sa bulle en se replongeant plus que jamais dans l’apprentissage de la magie et bannissait les mots « famille » ou « parents » dans ses conversations.

Ce soir, elle se sentait complètement enveloppée d’une bulle. Eryne était arrivée ; Eryne découvrait sa maison ; Eryne allait découvrir Lydia dans ses moindres détails, connaître ce qu’elle buvait le matin et entendre son ton de voix lorsqu’elle regardait les étoiles depuis sa fenêtre. Un sourire flottait sur les lèvres de la brunette depuis tout à l’heure. Le dîner s’était bien passé et, comble des réjouissances, son père n’était pas là. Il devait partir pendant cinq jours, la maison ne contenait que la tante, la mère et les deux enfants.

La nuit quasiment tombée, elle aida son amie à déballer ses affaires et alluma trois bougies bleues pour la soirée.

« Tu viens ? demanda-t-elle une fois que tout fut terminé. D’ici là, on peut voir les étoiles et Diphda adore être ici ! »

Les crépuscules de fin août étaient encore chauds. L’atmosphère était douce et joyeuse ; elle était avec Eryne, les deux amies s’étaient retrouvées. Une bulle cristalline les enveloppait.

Oh. Doux. Merlin.

Je n’arrivais toujours pas à y croire.

Avec un grand sourire, j’observais mon amie marcher de part et d’autres de la pièce. Tout s’était passé aussi vite, j’étais incapable de réaliser où j’étais, avec qui j’étais, pourquoi comment qui que quoi. Un sentiment d’euphorie faisait gonfler mon cœur et j’avais mal aux joues d’autant sourire. Dire qu’il y avait à peine quelques heures, je contemplai les paysages de mon pays depuis le ciel, me rendant à peine compte d’où j’allais… Puis était venue la séparation larmoyante dans les rues de Londres, digne d’une scène d’un film dramatique, où j’avais hésité à mettre de côté ce qu’il s’était passé cet été pour leur dire au revoir, et enfin… J’étais chez Lydia.

J’étais. Chez. Lydia.

Mes yeux rivés sur les flammes oscillantes des bougies, j’écoutai le bruit des pas de mon amie s’éloigner de moi avant que sa voix ne le remplace. Je me levai et me dépêchai de la rejoindre à la fenêtre, laissant transparaître ma bonne humeur.

– Ohh, j’arrive, trop chouette !

M’asseyant – ou plutôt, me laissant tomber sans élégance aucune – à côté d’elle, je levai les yeux vers le ciel. La dernière fois que j’étais allée observer les étoiles comme ça, Lena fêtait son treizième anniversaire et un cercle d’origamis lui avait souhaité la bienvenue en haut d’une tour. Aujourd’hui, c’était différent. J’étais seulement avec Lydia, sans longue préparation et mésententes enfouies dans un creux de l’esprit : il n’y avait que nous deux, Diphda, les étoiles et son sourire.

– J’suis trop contente d’être ici ! Ta mère et ta tante sont super cool… C’est beaucoup trop bien ! J’avais trop hâte de venir !

Avoir une chambre en haut des toits n’était pas toujours pratique l’été mais permettait de regarder les étoiles depuis le velux, grâce au triangle que formait le toit. Elles allaient passer une jolie soirée en ayant seules lumières, les bougies et les constellations.

L’enthousiasme d’Ery’ faisait chaud au cœur de la petite Holmes. Elle s’était ennuyée cet été et se rendait compte que, pour une fois, la solitude lui avait pesé. Bien sûr il y avait eu Kira et les lettres de Lili. C’était la seule chose finalement qui lui venait à l’esprit quand elle songeait au bonheur que pouvaient apporter les vacances.

« Ah oui, t’en as pensé quoi de Kira ? Ça m’intéresse ! »

La jeune femme était allée chercher Eryne et avait engagé la conversation plutôt facilement : elle semblait apprécier la jeune fille. La tante de Lydia s’était également montrée volontaire – voire enthousiaste, même si la brunette redoutait qu’elle s’ennuie – pour les emmener dans quelques endroits typiques de la ville.

« Attends j’arrive » dit-elle soudain, en ayant une idée.

Elle courut dans la cuisine, ouvrit le réfrigérateur et chercha ce qu’elle trouvait. Elle avait préparé quelque chose pour ce soir, et avait failli l’oublier ! Une fois l’élément désiré récupéré, elle remonta en trombes dans l’escalier en lâchant un « Excuse M’man pour le bruit ! » sans essayer une seule fois d’être silencieuse et de ménager les marches en vieux bois.

« Thé glacé madame ? » proposa-t-elle d’un air grandiloquent.

Lydia garda une pose idiote pendant quelques secondes puis rigola et s’assit sur le matelas afin de répartir la boisson. Elle avait fait la boisson à la pêche, reproduisant artisanalement une marque industrielle. Elle espérait ne pas avoir mélangé ingrédients normaux et ceux pour les potions, la confusion n’était jamais loin…