Aliénor s’installa en poussant un soupire à en fendre l’âme. Elle avait demandé à Lilly de la suivre au petit déjeuner à la sortie du dortoir et elle s’installait juste en face de Megan. A elles trois, la veille elles avaient essayé de remettre de l’ordre dans les emplois du temps en bazar des Poufsouffle. Enervée par les paroles des autres, Aliénor était partie laissant les filles seules et elle voulait savoir comment tout cela c’était terminé.

Cependant ceci ne méritait pas un tel soupire non. C’était l’accumulation de pleins de choses qui faisait que la jeune fille était lasse de Poudlard et principalement de la direction et des choix qui avaient été faits. Le garçon qui avait manqué de se faire dévorer par des tigres, la femme morte ici même dans la grande salle, le dominion et ce sacrifice d’élèves de sa promotion. Comment pouvait-on cautionner ça alors que le but même d’un école est d’apprendre à des enfants et surtout les protéger. L’école n’était plus capable de ça aux yeux de la jeune fille mais elle avait besoin de devenir plus forte et donc d’en apprendre plus pour protéger ceux qu’elle aime et se protéger elle-même.

Assise, son regard passa sur la table des professeurs avant de s’arrêter sur la blonde.

-Alors Megan, comment ça s’est fini hier ? Désolée, mais j’avais autre chose à faire et ils m’ont gonflés.

Elle était honnête avec Megan, elle avait confiance en elle et elle avait également confiance en Lilly, elle pouvait dire ce qu’elle voulait en leur présence. Ce n’était pas ce qu’on pouvait appeler des amis pour la jeune fille, mais c’était des camarades à qui elle tenait.

Elle attrapa une orange qui était dans un panier de fruits non loin et commencer à enlever la peau de l’agrume. Son regard passa sur Megan puis sur Lilly à tour de rôle, elle était une peu attristée de les avoir laisser gérer seuls mais elles étaient largement capable de se sortir d’une pile de papiers non identifiés. Elle était certaine que tout c’était bien terminé sinon il y aurait des tas de Poufsouffles en panique autour de cette table.

Réveil difficile en ce lundi matin. Yeux rougis par de trop nombreux pleurs nocturnes. Desséchée. Traînée par Aliénor dans la Grande Salle pour le petit-déjeuner, elle n'avait pas particulièrement faim. Faim d'une fin. Elle détestait les lundis matins. Attaquer une nouvelle semaine était toujours laborieux. Mais alors là elle ne savait même pas par quel bout l'attraper. Elle raccroche à la conversation comme elle peut.

« Non elle n'était pas dans son bureau. Donc j'ai abandonné. Je n'avais pas le courage de me prendre encore plus la tête la dessus. Mais bon je pense qu'elle a dut arriver plus tard, ou qu'un autre professeur a dut prendre les choses en main. Je suis pas retournée à la pêche aux infos haha.» Le rire était blasé, fatigué. Cette histoire d'emplois du temps, c'était bien le cadet de ses soucis. Elle avait même oublié cet incident.

Les deux coudes sur la table, son menton reposé entre ses mains, elle laissait son regard errer dans le vide. L'envie n'était pas au rendez-vous. Hâte à rien. Le début d'année commençait d'une manière bien trop compliquée. Sa danse du samedi tournait en boucle dans sa tête, la réaction de Bad aussi. Elle était complétement paumée et aurait tout donné pour juste arrêter de penser. Elle s'était dirigée plusieurs fois vers l'infirmerie sans oser en pousser la porte, il devait bien y avoir une potion qui aurait cet effet. Juste stopper ces pensées qui tournaient en boucle, elle aurait tout donné pour que cela soit le cas. Ses yeux étaient secs d'avoir tant pleuré. Et le moindre tracas du quotidien prenait des proportions considérables. A fleur de peau. Fanée, terrain arride.

« Bon alors, prêtes pour ce début d'année ? Motivée comme jamais ? » Elle leva les yeux au ciel après avoir lancé un regard aux deux filles. Nuit difficile, réveil compliqué, la Poufsouffle n'était pas particulièrement de bonne humeur ce matin et avait un ton un peu incisif. Elle aussi ne pouvait s'empêcher de soupirer.

Aliénor soupira avant d’adresser un fin sourire à Megan. Elle avait du se retrouver bien seule vu que Lilly n’avait trouvé personne… Mais bon, tout était bien qui finissait bien et tout le monde avait son emploi du temps. Mais c’était vraiment une mauvaise blague la veille de la reprise des cours, les professeurs pourraient faire plus attention. La batteuse tourna la tête vers Lilly en avalant un quartier d’orange.

-Motivée je sais pas… A vrai dire vu les dernières années, même les BUSES ne me font pas peur, c’est plutôt ce qui va nous tomber dessus qui m’inquiète.

Son regard dévia de nouveau vers les professeurs, oui elle avait bien du mal à cacher ce qu’elle ressentait envers eux et puis elle avait un peu envie de vider son sac également. Elle leva les sourcils avant de se reconcentrer sur sa dégustation de l’orange devant elle qui était somme toute très bonne.

-Franchement je ne m’attends plus à rien, chaque année on a des trucs plus absurdes et horrible qui nous tombent dessus. Et comment ils vont une nouvelle fois le gérer brillamment bien entendu !

C’était sarcastique bien entendu, Aliénor était amer, mais elle ne voulait pas non plus plomber l’ambiance avec ses pensées noires. Elle soupira pour se reconcentrer sur les deux filles et plus particulièrement Lilly qu’elle avait un peu tiré du dortoir pour l’amener ici.

-Et toi motivée ? Je t’ai pas trop bousculée ce matin ?

Un sourire fendit le regard de la jeune fille, elle se moquait doucement d’elle, sans que ce soit méchant bien entendu. Elle avala par la même occasion le dernier quartier de son orange avant d’attraper un jus de pomme qu’elle préférait au jus de citrouille.

« Tu sais que je suis pas du matin Ali. Une torture de sortir du lit. Je comprend même pas comment tu peux le faire avec autant d'énergie … Et avec le sourire en plus, tu me déprime » Elle prononça ses mots en souriant légèrement. Elle ne saurait décrire leur relation, mais elle tenait à elle. Un modèle ou du moins une source d'inspiration dans laquelle elle puisait quand elle se sentait nulle. C'était drôle de penser à Ali comme ça, mais c'était l'image qu'elle en avait. Pas certaine que cette dernière apprécie cependant. Et nulle, c'était exactement comme ça qu'elle se sentait. Dégoutée par elle même. Sans envie. Avec cette désagréable sensation d'avoir un mot horrible écrit sur le front. Mais quel mot refléterait ce qu'elle pensait être en cet instant ? Cela ne serait pas beau à lire c'était certain. Par réflexe, elle se frotte le front. Vaine tentative d'effacer l'inscription déplaisante. Blessante.

Elle sourit également à Megan en hochant la tête, n'ayant que peu écouté sa réponse finalement. Ce n'était pas dut à un manque d'affection, elle aimait bien Megan, beaucoup même. Mais son cerveau décrochait et raccrochait un peu de manière aléatoire à la réalité du moment. Elle lance ensuite un regard à Alienor qui semble avoir beaucoup de choses en tête.

« T'es inquiète à propos d'un truc en particulier ? T'as quelque chose en tête ? »

Questionner, faire parler, pour ne pas avoir à s'exprimer sur ses propres pensées. Entendre les autres aligner des mots, formuler des phrases, faire le récit de leurs propres tracas. Peut être que cela permettrait de soulager les siens ? Mettre en perspective. Elle fixait les bouts d'orange qui disparaissaient peu à peu. Peut être que ses soucis pouvaient ressembler à ça. C'était peut être ça la vie. Une orange qu'on épluche, des problèmes qu'on défile, qu'on sépare, qu'on extrait, qu'on sépare. Qu'on déguste et qu'on apprécie ? Non, l'image n'était pas bonne. Rien n'était bon. Et en attendant son appétit n'était toujours pas de la partie.

Le ton amer de la batteuse ne lui échappa pas. Alienor n'avait pas les mots dans sa poche. Et, pour ne pas changer, semblait particulièrement remontée. De bon matin et déjà assemblée comme un coucou ensorcelé. Sensation douce-amère envers ce surplus d'énergie pouvant être parfois irritant. La vie était irritante. Pourquoi tout était si blessant ?

Aliénor éclata de rire et manqua de recracher son jus sur la table aux paroles de Lilly. C’est vrai qu’elle n’avait jamais été la plus prompt à se lever le matin. Mais Aliénor Aliénor réussissait à être aussi en forme pour le petit déjeuné c’est qu’elle avait pris pour habitude d’aller courir et de se doucher avant d’aller manger. Bon oui parfois cela entrainait un retard trop important pour qu’elle ait le temps de manger et elle arrivait parfois même en retard en cours. Mais bon, elle ne pouvait commencer sa journée sans son petit tour matinal dans le parc.

-Désolée de te déprimer ! Mais heureusement qu’il y a des gens comme moi pour sortir les gens du lit comme toi sinon on n’aurait pas fini !

Elle secoua la tête de gauche à droite avant de se reconcentrer sur son verre de jus et sur la discussion qui s’enchainait. Aliénor ne put retenir un regard en direction de la table des professeurs qui se remplissait autant qu’elle se vidait dans un vas et viens incessant de professeurs allant préparer le premier cours de la journée. La batteuse inspira une grande lampée d’air avant de se reconcentrer sur les deux autres Poufsouffle.

-Ouais c’est juste que… Je sais pas, avec tout ce qu’il s’est passé, même avant le dominion qui était certainement le pire, je trouve qu’ils ont très mal gérer tout ça. Je veux dire ils vous ont envoyé là-dedans sans même savoir ce qu’il allait vraiment se passer et ils ont laissé des gosses de 11 ans regarder des gens s’affronter comme si l’autre devait mourir. T’as pas à voir ça à 11 ans.

La jeune Delphillia croisa les bras sous sa poitrine cherchant du regard un signe de leur position vis-à-vis de la direction. Mais elle devait se lancer, elle en avait trop dit.

-Pour moi ils sont clairement plus capables de nous protéger. C’est pas leur nouveau psy qui me fera changer d’avis…

Elle roula des yeux, c’était leur nouvelle lubie ça, en parler ? Ben qu’ils en parlent aux parents des élèves il y aurait certainement moins de monde dans le château. La colère qu’elle ressentait envers la direction montait doucement en elle et ses doigts se serrèrent autour de ses bras. Ses coups d’œil en direction des adultes se firent plus réguliers comme pour vérifier qu’ils n’entendaient pas. Mais c’était impossible.

Le mutisme des deux filles en disait long. Clairement Megan semblait être un pied dans chaque camp, d’un côté leur directrice, les professeurs qui étaient des modèles et de l’autre, tous ce qu’ils avaient vécu et cette gestion plus que désastreuse. Aliénor elle était ferme sur sa position, c’était n’importe quoi et la réputation de l’école était clairement entachée. Si les profs voulaient retrouver leurs lettres de noblesse auprès de la jeune Delphillia ils allaient devoir s’accrocher et prouver un peu leur compétence et surtout leur gestion des temps de crise.

Aliénor soupira avant de pincer l’arrête de son nez entre son pouce et son indexe la massant doucement avant de relever les yeux et attraper son verre de jus et de l’avaler d’une traite, manquant presque de s’étouffer.

-Je sais que je suis un peu extrême c’est juste que… Je peux pas garder ça pour moi, faut que ça sorte que j’en parle. J’ai pas l’impression de vivre dans le même monde qu’eux, que ce qui est normal pour eux ne l’est pas pour moi.

Être en décalage. Ça arrivait à beaucoup de monde et ça arrivera à beaucoup de monde. Mais ces gens. C’était ses exemples, ceux a qui elle devrait vouloir ressembler, les gens stylés qui leur apprenaient des choses. Alors que là, elle se retrouvait sans modèles du moins sans modèles adultes et c’était pourtant primordial pour des adolescents.

-C’est vrai, ils passent plus de temps à engueuler des élèves qui s’embrassent que d’empêcher des élèves de courir vers une mort certaine.

Elle coula un regard mauvais en direction de la table des adultes. Elle était en forme ce matin et eux, ils devaient avoir les oreilles qui sifflent, ça leur ferait une belle jambe.

-T’y étais toi ? Dans la grande salle ?

Demanda-t-elle à Megan, elle n’y avait pas assisté, mais peut être que la blonde était dans la grande salle à ce moment-là, peut-être avait-elle vu la réaction des adultes.

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