Inscription
Connexion

12 nov. 2021, 09:00
La nuit tombe
PV @Cinead Reid
Le jeudi 4 octobre 2046
Après le cours de défense contre les forces du mal

4ème année


Je suis assise en classe et je me force à écouter. Cela ne m’arrive pas souvent, même très rarement. Mais aujourd’hui est un jour différent. Un de ces rares jours où il est difficile pour moi d’être attentive parce que quelque chose me trotte dans la tête. Et je n’aime pas ça, ne pas être attentive en classe. Je n’aime pas non plus avoir quelque chose qui ne veut pas partir de mon esprit.

Cette fois, c’est vraiment ma cousine. En général, nos disputes ne m’occupent pas l’esprit lorsque je suis en classe, dans ces cas là être attentive me permets même de mettre mes tracas de côté. Mais aujourd’hui, enfin hier, elle a fait quelque chose qui m’a vraiment mise en rogne et je n’arrive pas à passer outre. Non, je ne peux pas passer outre le fait qu’elle ai ridiculisé un camarade de classe. Et un de ceux qui m’intéresse vraiment, alors qu’ils sont rares. Non décidément, je pense en secouant la tête au dessus de mon pupitre alors mes mains et mes pensées peinent à suivre le cours qui touche bientôt à sa fin. Les dernières lignes, c’est tout ce que je demande, tenez encore pour ces dernières lignes.

Sonne la fin du cours quand j’entends finalement que le professeur nous donne le devoir pour la semaine prochaine. Je note aussi assidûment que ma tête en bordel me le permet et je commence à ranger mes affaires.

En plus d’avoir la tête toute en bordel, mon estomac me fait un mal de chien. Il vient de décider de se tordre sur lui-même pour me faire souffrir, comme si ce que je m’apprête à faire n’est déjà pas assez embêtant. Aller m’excuser.

Parce que oui, ma cousine n’est pas moi. Mais elle porte mon nom et j’ai cette obsession qu’il ne soit pas sali. Je veux que l’on m’appelle Macbeth en voyant la grande sorcière que je serais bientôt, pas en voyant la minable peste qu’est ma cousine. Et pourtant, j’ai peu de prise sur ces gestes parce que l’épée de Damoclès au-dessus de ma tête est toujours aussi menaçante. Je sais que je ne peux pas reprendre Jane quand elle insulte les nés-moldus, autrement, elle ira le dire à son père. Je ne peux pas non plus l'attaquer même si je ne suis pas obligée de la défendre. En fait, la situation est délicate parce que je ne peux la remettre en place seulement sur un dixième - environ - de ce qui m’énerve. C’est pour cette raison que je choisis souvent de l’éviter ou de l’ignorer. Cela ne fonctionne pas toujours et malheureusement, c’est moi qui me suis jetée dans la gueule du loup hier.

Mais je ne pouvais pas prévoir ce qui allait se passer ! Pas vrai ? C’est exactement ce qui me torde le ventre alors que je me redresse, mon sac sur l’épaule.

Je repère Cinead Reid. Il porte son uniforme bien droit sur ses épaules, ses cheveux sont soignés mais il ne me prête pas un seul regard et encore moins un de ses sourires polis qu’il a l’habitude de distribuer. Il sort avant moi et je me hâte de sortir à mon tour en le voyant passer l’embrasure de la porte, en donnant des coups d’épaules un peu maladroits pour me frayer un passage.

Je le rattrape finalement dans l’escalier qui descend.

« Reid ! »

Je l’interpelle. En attendant qu’il s’arrête, je suis au-dessus de l’escalier. Il faut dire que j’appréhende assez la réaction de mon camarade pour descendre plus près et risquer de prendre les éclats de la colère qu’il a peut-être contre moi - ou contre mon nom.

Mon ventre et mes pensées me torturent, alors que je pense : je fais bien de le confronter maintenant.

Magic Always Has a Price
6ème année

18 nov. 2021, 14:35
La nuit tombe
Je n'ai rien avalé depuis la veille et malgré une nuit de sommeil profond, je me suis réveillé de mauvaise humeur, l'esprit préoccupé par les derniers évènements. L'Histoire de la Magie et la Défense contre les forces du mal, deux matières que j'affectionne, n'ont rien changé. Il m'est impossible de me concentrer. Mon esprit ressasse les mêmes souvenirs : l'expression jubilatoire de Jane, Adaline s'éloignant sans un mot, le crépuscule rougeoyant... Tout cela tourbillonne dans ma tête rendant la voix de mes enseignants lointaine et fade. Je traverse toutes ces heures au milieu de silhouettes floues, de visages troubles et de paroles bourdonnantes sans que rien n'ait de sens. Piégé dans cet épais brouillard, je ne remarque même pas les regards insistants de mes camarades. Les bruits de couloirs se sont répandus si vite.

Mrs Valerion termine son cours, j'émerge quelque peu de mon absence. Posant les yeux sur le parchemin, j'aperçois ma plume qui n'a pas quitté le bord supérieur gauche de la page : aucunes notes, juste une auréole sombre, là où la feuille a bu l'encre noire. Je range mes affaires machinalement et sors de la salle avant d'emprunter l'escalier.

"Reid ! "

La voix d'Adaline perce le brouhaha ambiant et m'immobilise presqu'aussitôt. Levant les yeux vers le haut de l'escalier, j'aperçois son visage grave. Depuis le palier du premier étage, elle se tient seule et m'observe. Je reste un moment sans réaction, rassemblant mes idées. J'hésite à la rejoindre ne sachant pas encore si je me sens prêt à une explication. J'ai peur d'être confus et de ne pas savoir lui donner ce qu'elle attend. C'est souvent comme ça jusqu'à ce que mon esprit trouve un début de réponse. Je suis comme un boxeur sonné qui cherche à reprendre conscience. Mais cette fois, le coup a été plus rude.

Revoir son visage presque suspendu au dessus de moi ravive immédiatement mon ressentiment. Ne parvenant toujours pas à m'expliquer l'attitude d'Adaline, j'en ai presque conclu que je suis la seule cause de mon tourment. J'ai sûrement tout inventé. Il n'y a jamais eu de petit jeu de connivence. Tout n'est que le fruit de mon imagination. La Gryffondor n'a jamais souhaité me faire le complice de sa triste farce. Au contraire, elle n'a rien fait pour empêcher Jane. Elle n'a eu aucun mot, ni aucun geste à mon égard. Elle s'est rangée du côté de sa stupide cousine en essayant même de lui éviter des ennuis. "Je t'évite une punition pire !". La phrase tourne boucle dans ma tête et m'épuise.

Très bien, réglons ça sur le champ.

Décidé à l'affrontement, je commence à gravir les marches qui nous séparent. Chaque pas me coûte mais cette ascension renforce ma détermination. La fille est droite, elle n'est surement pas là pour en rajouter et je suis curieux d'entendre ses explications.

A contre courant, ma main cramponnée au garde corps, j'heurte dans leur descente plusieurs élèves pressés. Je la fixe jusqu'à prendre pieds sur le palier du premier et m'approche d'elle, trop près, surement pour me tenir à une distance qui n'impliquera qu'elle et moi. Je lui souris avant de la saluer d'un ton assuré :

"Bonjour, Adaline."

Je choisis le prénom plutôt que le nom. C'est un fait exprès, une manière de la provoquer gentiment. Mais cela cache aussi autre chose. Une manière de briser la glace qui nous entoure, une envie de devenir plus intime.

@Adaline Macbeth

5ème année RP en 2047/2048

23 nov. 2021, 17:09
La nuit tombe
Quand il se retourne et que je vois son visage, mes certitudes s’évanouissent. Je n’en avais pas beaucoup, mais elles ont toutes été balayées et maintenant, ma tête est vide. Je ne suis plus sûre qu’il veuille me parler, je ne suis plus sûre qu’il veuille m’écouter, je ne suis plus sûre qu’il veuille me comprendre. Un moment de flottement, nos yeux noyés les uns dans les autres, qui me paraît foutrement long. Va-t-il me répondre ?

Il fait mieux que cela, il se met à monter les escaliers. Mon cœur n’en finit pas d’accélérer si bien que j’ai peur qu’il me lâche. La scène est presque héroïque, quand il remonte à contre-courant l’escalier pour venir me rejoindre, en bravant les sorciers sur son passage d’habiles coups d’épaule. Bientôt, il est en face de moi sur le même pallier. La soudaine proximité me mets mal à l’aise et si j’avais encore des moyens, je les aurais perdus une nouvelle fois.

Il m’appelle par mon prénom. Mais je ne vais pas le relever, je pense immédiatement, non, ce serait déplacé. Et puis, je suis certaine qu’il l’a fait exprès.

Bon, et bien maintenant, il faut que je lui répondes. Est-ce que je commence par m’excuser ? Est-ce que je lui dis que je suis désolée ? Est-ce qu’il vaut mieux commencer par lui expliquer pourquoi je n’ai pas réagi ? Je devrais m’excuser. Je ne suis pas sûre que je devrais lui dire que je suis désolée, même si c’est le cas, parce que je ne crois pas que j’aimerais la pitié si les rôles étaient inversés. La dernière est sûrement la meilleure des options. Alors c’est celle que je choisis.

« Il y a une explication. »

Je commence. Oui, il y a une explication à tout. Ce n’est sûrement pas la meilleure des façons de commencer mais je suis toujours troublée par la proximité entre lui et moi, décontenancée par le fait qu’il ai utilisé mon prénom, angoissée rien que d’imaginer sa réaction. La boule au fond de mon ventre est toujours là alors que je vois sur son visage qu’il faut que je continue à m’expliquer. Je le sais, savoir qu’il y a une explication à ce qui s’est passé n’est pas suffisant pour effacer ce qui s’est justement passé. Je secoue la tête : je viens de me rendre compte qu’il ne s’agit plus juste de s’excuser ou de s’expliquer, mais de se faire pardonner.

« Je ne peux rien faire contre ma cousine, sinon, elle va le dire à son père et… »

Je m’arrête, parce que je m’étrangle. Merde, c’est encore plus dur que ce que j’avais imaginé. Il ne suffit pas juste de dire les mots, pour que la chose soit achevée. Il faut aussi affronter le regard et les jugements de l’autre qui est en face. Et puis, en prononçant ses mots je réalise à quel point c’est ridicule. Elle va le dire à son père et il va me punir ? Mais la peur qui me tord les boyaux en pensant à ce qu’il peut faire a beau être ridicule, elle est bien réelle.

Magic Always Has a Price
6ème année

10 déc. 2021, 13:37
La nuit tombe
C'est la première fois que je me tiens si près d'elle. Je peux détailler avec clarté les traits de son visage qui, je m'en rends comptes aujourd'hui, m'était qu'imparfaitement apparus. La majestueuse se révèle à mon regard.

D'abord, ses yeux qui de loin paraissent comme deux billes insondables surlignés par des sourcils sévèrement épais se dévoilent à l'approche. Je devine alors des iris aux nuances semblables au bois d'ébène qui façonnent l'étrangeté de ce regard à la pupille absente. Puis, j'admire ses longs cheveux lâchés, à la teinte plus sombre, qui contrastent à l'excès le pigment pastel de son visage, la soie d'un pétale de rose illuminant son visage, sur lequel ses lèvres minces, d'un délicat carmin, s'esquissent. Elle est telle l'Impératrice, la robe rouge symboliquement changée en satin cramoisi sous l'uniforme, intelligente et belle, dont l'équilibre et l'assurance, à cet instant précis, vacillent.

J'attends en silence et lis le trouble qui émane de tout son être quand arrivent ses premières paroles. La pause est trop longue pour être naturelle. Je la sens fébrile et quand elle secoue la tête comme pour se corriger, son égarement intérieur me saute aux yeux. Je la découvre en lutte, incertaine de la manière de conduire une altercation qu'elle a sollicitée.

Arrive la seconde salve. Après la courte première, qui m'a à peine permis de comprendre la nature de ses intentions, cette nouvelle phrase, pourtant plus longue, est amputée et me laisse désabusé. Je comprends mal la raison qu'elle m'évoque : une incapacité d'aller contre, une histoire de père qui ne doit pas savoir...

Comme toutes les lames dans leur dualité, l'Impératrice a son envers, son pendant. Je sens Adaline nerveuse et j'espère que cela n'est pas le signe d'un affrontement placé sous de mauvais auspices : la vanité, la superficialité et le mensonge. De crainte, je tente une amorce :

"Tu vas enfin m'expliquer à quoi tu jouais hier soir. T'étais de quel côté ? Du sien ? J'aurais dû me tenir en dehors de tout ça. Je n'ai rien à voir avec vos histoires. Son père et elle, je m'en tape. Je veux juste savoir ce que, toi, tu fichais. Franchement, qu'est ce tu me voulais ?"

Mon ressentiment est trop fort pour que je parvienne à le retenir et je vois bien que mes paroles, dures, dépassent déjà mes pensées. Ce n'est pas ce que je veux. Jane le mériterais mais Adaline...

Je t'en conjure, explique moi.

5ème année RP en 2047/2048

08 janv. 2022, 19:13
La nuit tombe
Et ça me touche. Bordel, mes mains tremblent et mes genoux flageolent alors que ce sont bientôt mes lèvres qui se mettent à tressaillir. Parce que ses paroles me touchent et me lancinent le cœur. Mon cœur qui se met à battre à tout rompre alors que je lutte pour laisser mes yeux vissés dans les siens encore un peu plus. Maintenir son regard plus longtemps c'est maintenir ma carapace en place. Non, non ! Mes yeux se remplissent d'eau et je sens les larmes s'agglutiner sous mes paupières alors que mon regard se trouble. Non ! Je ne veux pas pleurer, je pense, mais je ne veux pas non plus défaire mon regard du sien. Mais mon cœur est en morceaux et ses yeux sont trop durs à affronter alors je détourne le regard puis la tête et c'est tout mon corps qui bascule sur le côté.

Je me cache pour passer mon bras sur mes yeux et essuyer avec la manche de ma robe les perles qui ne sont pas encore tombées et que j'ai finalement réussi à contrôler - enfin, je suis certaine qu'il a vu mes yeux se remplir. J'ai déjà trop mal pour me préoccuper de ça alors l'information n'atteint pas mon cerveau.

Le souffle court j'arrive à discerner les deux solutions qui s'offrent à moi. Je n'ai que quelques secondes avant de devoir me retourner pour ne pas avoir l'air trop louche, oui cela reste une de mes préoccupations principales même dans le chaos que sont mes sentiments emmêlés. Je peux dévaler les escaliers en courant et m'arranger pour ne plus jamais croiser Reid de toute ma vie. Mais cela me semble trop risqué étant donné que ce foutu château est un internat. L'autre solution me fait froncer les sourcils : lui dire la vérité. En plus d'être un aveu de faiblesse, c'est que je ne suis pas sûre de réussir à le faire.

Pourtant, c'est la solution que mon cœur choisit et m'impose alors que je me tourne à nouveau vers lui. Mon visage habituellement de marbre est probablement mouillé et mes sourcils sont déchirés par une émotion difficilement identifiable.

Bordel, Reid, regarde ce que tu me fais faire.

« Je vais t'expliquer ce qui s'est passé hier soir d'accord ! »

Cette fois, c'est moi qui suis énervée. Mais ce n'est pas lui qui m'énerve, non, c'est moi et ma stupidité, moi quand je suis avec ma cousine, mon fichu cœur qui me pousse à avouer autant de faiblesse à ce type que je ne connais pas si bien.

« Ma cousine avait l'air d'avoir peur de toi quand on est passée dans la cour de l'horloge alors j'ai voulu me venger en te... l'offrant. En fait, je voulais l'humilier, qu'elle se sente nulle, qu'elle comprenne qu'elle n'est pas... Mais la situation m'a échappé, ça c'est pas passé comme je l'imaginais et... J'ai rien fait pour empêcher ça parce que... son père. J'ai jamais voulu te faire du tort ! »

Je termine ma tirade. Et voilà qu'il y a d'autres larmes qui tentent de percer à travers mes yeux. La réaction de mon corps est incontrôlable et pourtant ! J'aimerais cacher les signes de ma faiblesse alors que je viens d'avouer quelque chose d'aussi honteux : vouloir se venger c'est être faible, ne pas contrôler la situation c'est être faible, l'avouer c'est être faible. Et tout ça pour quoi ?

« Je te respecte beaucoup, Reid. »

Je suis obligée d'ajouter à voix basse, un peu pour atténuer la colère dans ses yeux qui sont de nouveau plantés dans les miens que parce que la proximité retrouvée depuis que je me suis de nouveau tournée vers lui me perturbe. À une dizaine de centimètres de son visage, je pense, je suis foutrement faible quand je suis près de toi. Pourquoi ?

Magic Always Has a Price
6ème année

15 janv. 2022, 11:29
La nuit tombe
Je la vois passer d'une émotion à une autre alors qu'elle soutient mon regard. J'ai frappé trop fort. Je le sais, devrais le regretter mais il y a peu de chose plus dure que d'être blessé par ceux qu'on estime.

C'est moi qui devrait me sentir humilié, Adaline et t'en vouloir. Jane, elle, n'a fait que réagir. Ce qu'elle m'a fait hier me semble insignifiant en comparaison. Mais, toi, tu m'as blessé. Parce que tu m'importes. Parce que je te crois sincère. Parce que j'avais l'espoir de compter un peu pour toi.

Les larmes que je lui devine me touchent. Portent-elles un nom : colère, remord, honte... Je la remercie de me les épargner. Les voir couler sur son noble visage me ferait trop de mal. Malgré tout ce que je lui reproche, je ne lui souhaite pas les tourments. Je n'ai pas de vengeance à savourer, ni de haine à écumer. Je ne demande qu'à la comprendre.

Dans les escaliers, une fois le flot d'élèves tari, le calme règne à nouveau. Nous voilà maintenant dans le couloir du premier étage, seuls rescapés de la crue et je suis prêt à l'écouter.

Sa voix, d'ordinaire assurée, est hésitante. Ses phrases s'enchainent. Certaines amputées de leur terme, deviennent des fragments décousus. Je me rends bien compte qu'elle confesse un acte qui lui coute mais certains mots sont encore muets et je devine par dessus le bâillon pesant qui l'empêche d'avouer : un nom qui l'entrave. Macbeth.

Ton oncle, le père de Jane. Tu as peur de lui...

Je comprends désormais mieux ce qui a pu la retenir. Macbeth... Adaline porte ce nom à l'instar de sa cousine, comme un fardeau de respectabilité et d'obligations à assumer. C'est là le paradoxe des bien nés quand un nom devient trop lourd à porter, qu'il vous écrase sous le poids de sa charge. Lorsqu'il vous oblige à l'effacement, à vous ravaler constamment. Le père de Jane, en définitive, c'était lui la vraie menace.

Agir contre Jane, c'était agir contre ton oncle.

L'Impératrice sous l'influence du Pendu. J'en reviens encore aux lames du tarot. C'est devenu un jeu depuis quelques temps. Pour chaque personnalité correspond une arcane. Je suis la Tempérance, père et mère, le Jugement et la Lune. Bien sûr, cela n'a de sens que moi. Mrs Field n'y verrait, elle, qu'une méconnaissance crasseuse d'un art autrement plus subtile. Je me garde bien d'en évoquer un mot à quiconque d'ailleurs. Mais dans mon esprit ça fait sens. Et ainsi, dans ce cas, Adaline y incarne la créativité et l'intelligence. L'Impératrice.

"Je te respecte beaucoup, Reid."

Du bout des lèvres, Adaline vient d'expirer le dernier souffle de sa colère apaisée. Ses mots qui ricochent un à un dans mon esprit, libérent sur leur passage le poids de ma rancune. En une simple phrase, elle balaie les ressentiments que j'ai nourris depuis la veille. Les ombres cruelles quittent mon front quand je retrouve enfin plus de clairvoyance... et quelques regrets. Un voile de confusion m'avait conduit à la méjuger.

Elle ne m'a ni poussé, ni abandonné. Je l'ai délibérément suivie et Jane nous a mené à déjouer. Voilà tout. Si Adaline et moi avons joué, nous avons également perdu ensemble.

"On a été stupide. Tous les deux. Mais j'avais autant envie que toi de me payer Jane. Alors ne te reproche pas ce qui s'est passé. Quand elle m'a traité de "minable", j'ai fait celui qui s'en foutait mais j'étais prêt à aller au bout. Tu ne pouvais plus rien y faire. C'était devenu elle et moi."

Ses mots annoncent un soulagement. Déjà, la tension qui nous étreint se distend. Je ne lui en veux plus. Je ressens même l'envie de passer à autre chose mais mon inquiétude pour elle demeure.

"Je comprends pourquoi tu n'as rien tenté. A ta place, j'aurais surement fait pareil. Mais Jane... tu la protèges à tes dépends. Tu ne devrais pas."

5ème année RP en 2047/2048

20 févr. 2022, 10:06
La nuit tombe
L’aveu que je lui fais est comme une onde choc. Mais pas du genre de celles qui détruisent tout sur leur passage, non, c’est tout l’inverse. Mes mots ont l’air d’avoir un effet salvateur sur lui comme sur moi. Je peux voir les traits de son visage se détendre et l’étincelle enragée dans ses yeux revêt une toute autre couleur. Dans les miens, on ne peut lire la honte mêlée à la peine que je ressens bien malgré moi. Dans les siens, je ne suis pas certaine de ce que je lis : mais sa nouvelle étincelle ressemble à celle que je trouve dans les yeux de ma grand-mère.

Moi qui pensais qu’il ne me pardonnerait jamais, j’écoute sa tirade avec attention. Ses mots me rassurent et je me nourris de l’affection qu’ils témoignent, ou en tout cas du ressentiment dont ils ne témoignent pas. Pour acquiescer je bouge la tête presque frénétiquement. Oui, c’est ça, c’est ce qui s’est passé, je pense pour me rassurer.

La proximité entre nous ne s’est pas dissipée. Nos visages et nos corps sont toujours trop proches et pourtant, maintenant que ma bulle a été percée, je ne m’en préoccupe plus. Je le regarde dans les yeux non sans mal, pour lui témoigner ma gratitude. En repensant à ce moment, je me trouverais sûrement débile, mais son pardon est la plus belle chose qui puisse arriver. Non, décidément, il m’arrive des choses étranges quand je suis prêt de lui.

Alors, qu'il me le donne provoque une vague de soulagement qui réchauffe mon cœur, mes joues, le bout de mon nez et mes oreilles. Tout mon visage se met à chauffer et je ne sais plus bien ce qui en est à l'origine : notre proximité ou la joie de retrouver l'estime de quelqu'un que j'estime autant.

La phrase suivante, prononcée comme le fait ce serpent (j'ai toujours aimé les serpents) et sur l'intonation qu'il a décidé d'adopter a un effet tout différent sur moi. Je serre un peu le poing de passer par tout cet éventail d'émotions en deux ou trois phrases à peine. Moi qui me pensais immunisée aux ascenseurs émotionnels que j'ai connu en première année et que j'ai détesté. Il semble qu'il n'en soit rien. Sa dernière phrase me secoue un peu et mes sourcils se froncent au dessus d'une face toujours rougie.

« Je... Je ne la protèges pas. »

Je réponds faiblement. Non, je ne suis pas convaincue. Je secoue la tête comme pour signifier un abandon puis hausse les épaules. Mes yeux jusque là dans ceux de Reid commence à dériver pour aller se poser derrière le garçon, sur les pierres du mur qui ne me provoquent pas autant d'émotions, au moins.

« Peut-être que si mais... »

Mais je l'aime. Mais c'est ma cousine. Mais c'est un morceau de ma fichue vie. Mais c'est mon sang. Mais c'est mon nom. Mais c'était une amie. Mais c'était une petite fille joyeuse. Non, c'était une petite peste, dont le sang est dilué dans la noirceur, qui ne m'a jamais considéré comme son amie, qui ne m'aime pas. Voilà exactement le genre de choses qui se passent dans ma tête alors que je n'en sais rien.

« Tu as raison, je devrais m'éloigner d'elle. Elle me fait du mal... »

Je lui avoue à demie voix. Bien que je n'aurais voulu avouer cela à personne, voilà que mon camarade de classe à qui je n'ai jamais parlé pour autre chose qu'un exercice accueille le fruit de mes aveux, le rouge de mes joues, échappe à mes larmes salées, entre dans ma bulle, me regarde droit dans les yeux, me pardonne un acte de vengeance, s'intéresse à moi, a l'air de vouloir me protéger. Même si la moitié de ces choses que je pense sont subjectives et viennent de mon esprit, cette pensée me fait brusquement lever les yeux vers lui.

J'entrouvre la bouche, pour lui dire merci, pour lui dire à quel point son intérêt me fait du bien, pour lui dire de ne pas partir, pour lui dire que ce moment doit durer encore. Mais je ne fais rien, je reste figée, les yeux dans les yeux.

Magic Always Has a Price
6ème année

24 févr. 2022, 13:43
La nuit tombe
Il survient, parfois, des situations, où les mots n'ont plus lieu d'être. Les silences, les regards, les gestes, plus habiles, prennent le pas, expriment ce que le verbe ne parvient plus à dire. Avec Adaline, nous en étions là.

Pendant notre court échange, nos corps se sont encore rapprochés au point d'établir une proximité presque charnelle. Un pas de plus et cela confinerait à l'effleurement. Adaline ne bouge pas. En dehors de ma mère, je ne me souviens pas de m'être tenu aussi près de quelqu'un. Et, comme j'ai renoncé à toute envie de lui en vouloir, cette contiguïté, maintenant, me trouble.

Entre ses lèvres à demi closes, je perçois sa respiration. J'aime cette sensation et je ferme les yeux pour n'entendre que son souffle... fais un pas de plus... plus prêt. Attiré par ce magnétisme sensuel, je ne peux éviter le contact. Adaline ne se dérobe pas. Ses lèvres me répondent, se pressent contre les miennes et, pendant ce court instant, il n'existe entre nous rien d'autre que ce baiser.



Un bourdonnement lointain. Des voix, d'abord distordues, puis plus précises me parviennent des étages supérieurs. Notre étreinte se dissipe. Je reviens brusquement à la conscience. Un groupe d'élèves bavards nous dépasse avant de poursuivre sa descente dans l'escalier. Je les regarde passer, hagard et leur image finit à me ramener tout à fait. J'ai tout inventé : l'attraction, les lèvres, le baiser.

Il avait fallu à peine quelques secondes, suffisamment, pour que mon esprit fabrique une vision si réelle. Sous mon crâne des acouphènes vrombissants saturent mes tympans et ma vision se trouble. Adaline est toujours là, immobile, son regard posé sur moi. Je dois lutter pour ne pas vaciller et m'efforce de lui sourire.

"Je... Pardon... Je crois que pendant un instant je n'étais plus là..."

Ces quelques mots que je prononce difficilement me reviennent en écho et me forcent à m'arrêter. Mon malaise est trop sérieux et ne paraît pas vouloir s'estomper. Je ne désire plus que la fuite. Déboussolé, je recule pour prendre appui sur la main courante de l'escalier.

"Il faut que... je te... laisse."

* * *
Fin du RP

5ème année RP en 2047/2048