Après la réunion sur les échanges AMICO, Orphéa avait eu l’occasion de croiser Bad plusieurs fois et ils avaient convenu de se retrouver le samedi pour apprendre l’Espagnol. Il avait également proposé à sa petite amie des joindre à eux, ce qui n’enchantait pas vraiment la petite brune qui avait peur de tenir la chandelle. Elle acceptait sans broncher, soucieuse de démarrer sur de bonnes bases avec le Serdaigle. Si tout se passait bien, ils partiraient ensemble au Mexique, et il vallait mieux pour tout le monde qu’ils s’entendent bien.

À l’heure du rendez-vous, elle les retrouva donc devant la bibliothèque, armée d’un livre d’apprentissage qu’elle avait emprunté la veille. Malheureusement, elle n’avait pas encore reçu les vinyles Vitmalangue qu’elle avait commandés, alors cette première séance se ferait sans. Elle les salua et après avoir échangé quelques banalités, elle s’assit contre le mur et ouvrit le manuel à la page de la première leçon qui concernait l’alphabet. Les lettres étaient écrites les unes à suite des autres, en face de leur prononciation. Trop simple. Même pas besoin du gramophone et des autres techniques sonores hors de prix.

« L’alphabet, sérieux ? Dit-elle en rigolant. Cette première leçon va être palpitante ! »

Elle avait peur que cela soit trop compliqué, mais finalement en parcourant des yeux la première page, cela avait l’air assez simple.

« A, bé, cé, dé, é, éfé, gé, hatché, i, jota, ka, élé, éyé, émé, éné, heuuu… ça je sais pas comment on dit, le n avec la vague, commença-t-elle. O, pé, qiou, éré, ésé, té, ou, ouvé, ouvé doublé, equis, igrigia, ceta. Trop simple ! Il y a juste le n bizarre et les deux l en plus »

Sans lire toutes les informations, la jeune fille ne se rendait pas compte qu’elle ne prononçait pas correctement certaines des lettres.

Vous pouvez considérer que le J, le Q, le W et le Y sont mal prononcés !

Les premiers contacts avec Orphéa avaient été agréables et Bad était content de pouvoir découvrir la langue hispanique en sa compagnie. Le Serdaigle avait invité Lilly à se joindre à eux car elle était la seule autre élève dans les échanges AMICO à devoir communiquer en espagnol et car il était hors de question pour Bad de la laisser sur le carreau.

Poufsouffle, Serpentard et Serdaigle se retrouvèrent donc devant la bibliothèque en ce samedi. Bad était gêné de ne pas avoir participé aux frais pour l’achat des vinyles Vitmalangue et avait, en contrepartie, apporté trois ouvrages empruntés à la bibliothèque qu’il portait maintenant sous le bras. L’un était un manuel d’apprentissage de la langue mais le garçon remarqua qu’Orphéa avait un exemplaire similaire. Le deuxième portait sur les nuances dans l’espagnol mexicain et le dernier, dans un triste état, était un dictionnaire anglais-espagnol. Certaines pages s’étaient détachées de la reliure et Bad les avaient replacées au hasard dans l’ouvrage. Cela garantissait des recherches pour le moins sportives.

Tandis qu’Orphéa laissait son petit commentaire sur le contenu de la première leçon, un fin sourire se dessina sur le visage de Bad. Il avait l’impression de se retrouver à l’école élémentaire et n’était pas très inquiet sur ce qui les attendait. Le Serdaigle s’assit contre le mur face à la Serpentard et, après avoir déposé ses deux autres ouvrages à côté de lui, ouvrit à son tour son manuel.

Bad écouta Orphéa avant de l’applaudir en rigolant.

« Franchement, tu t'es bien débrouillée ! La vague, je connais ! C’est gnnnnnnn ! Bad releva le menton dans une grimace révélant ses incisives sous des lèvres relevées. Un jeune Serdaigle, qui passait par là, le regarda de travers avec un air hautain. L’ex-préfet réagit au quart de tour. T’as un problème, toi ? Tandis que le jeune garçon accélérait le pas pour fuir le couloir, Bad posa son index sur une ligne de son manuel. Par contre, je ne comprends pas toujours la prononciation là, le truc entre les crochets. »

Le Serdaigle hésita à remettre cela sur le tapis mais finit par lever la tête vers Orphéa.

« Est-ce que tu as reçu les vinyles dont on avait parlé lors de la présentation de Miss Montmort ? »

Un samedi matin à la biblitohèque, rien de bien original pour la Poufsouffle qui y passait une grande partie de son temps. Mais accompagnée cette fois-ci, c'était nouveau. Assise à la table, elle ressentait une certaine appréhension. Elle était un peu déçue de ne pas avoir de binôme pour cet échange. Ce n'était pas de la jalousie à proprement parler mais elle avait un petit pincement à voir Bad et Orphéa partager de manière plus proche cette expérience.

Discrète dans ce contexte, surtout qu'elle ne connaissait pas vraiment l'adolescente, elle se contentait de les observer en souriant doucement.

Sa correspondante à elle parlait anglais. Parfaitement même. Mais elle avait trouvé important de profiter de cet échange pour commencer l'apprentissage d'une autre langue. Cela serait sûrement un peu laborieux au début, mais du peu qu'elle connaissait Abril, elle savait que celle-ci ne lui en tiendrai pas rigueur. Et puis l'apprentissage d'une nouvelle langue, c'était une opportunité qu'elle ne voulait pas rater. C'était étrange de se dire qu'elle allait pouvoir continuer à échanger avec elle, que le Dominion n'avait pas été une fin en soit pour elles. Elle appréhendait un peu. Mais c'était aussi une façon d'aller de l'avant.

S'étant un peu perdue dans ses pensées, elle rattrape la conversation en cours et regarde alternativement le Serdaigle aux si beaux yeux verts, et la Serpentard qu'elle essayait d'évaluer.
Tout ce qui était prétexte à passer du temps avec le Serdaigle lui convenait parfaitement. Mais elle était pour le moment un peu sur la défensive avec la nouvelle venue. Lilly apprenait mieux en solitaire, mais elle avait accepté de venir afin d'évaluer l'attitude de l'adolescente envers Bad. Et les compliments que celui-ci lui adressait commençait déjà à lui déplaire. Elle était pour le moment donc un peu en retrait, oscillant entre écoute et petits sourires et feuilletage des manuels que le binôme, pincement, bien mieux organisé qu'elle, avait emmené.

Orphéa accueillit les félicitations de Bad en mimant une révérence. Elle rigola face à sa grimace avant de lancer un regard noir à l’élève que le Serdaigle avait déjà envoyé promener. Il passa rapidement à autre chose, se demandant ce que pouvait représenter les lettres entre crochets. Elle feuilleta les pages du livre à la recherche d’un indice sur les fameux crochets, pendant que Bad l’interrogeait à propos des vinyles Vitmalangue.

« Non pas encore ! J’ai dû m’y prendre trop tard, mais je n’avais plus assez d’argent avec moi, j’ai dû demander à mes parents de m’en envoyer avant de les commander, expliqua-t-elle pour justifier l’absence de ce qui serait certainement leur meilleur allié dans l’apprentissage de l’espagnol. Par contre j’ai trouvé quelques livres qui ont l’air intéressants à la bibliothèque. Je te les prêterai si tu veux. Heu ... et à toi aussi Lilly »

La jeune fille avait rajouté cette dernière phrase précipitamment, ayant presque oublié la Poufsouffle qui n’avait toujours pas dit un mot. Elle semblait se mettre en retrait, et se contentait d’observer la conversation. Son expression ne permettait pas à Orphéa de savoir si elle était contente d’être là ou pas, alors elle lui adressa simplement un petit sourire poli, légèrement forcé. Si elle ne voulait pas participer, elle n’avait qu’à rester dans son coin plutôt que de les regarder bêtement sans rien dire. Ou peut-être avait elle simplement du mal à digéré son repas ? Mal au crâne ?

L’absence de vinyles entre les mains d’Orphéa fut rapidement expliquée par la jeune fille. Lorsqu’elle mentionna le manque d’argent, une vague de chaleur monta dans les joues de Bad. Il regrettait encore davantage de lui avoir posé cette question. Pour masquer son embarras, le garçon rebondit sur la suite de propos de la Serpentard.

« J’en ai ramené aussi. Ça nous fera déjà une bonne base pour travailler. »

Bad, mal assis, se redressa un peu contre le mur derrière lui en étirant les bras sur les côtés. S’installer dans le couloir n’avait pas été l’idée du siècle et le Serdaigle commençait déjà à avoir mal aux fesses (non ridées). Dans une position légèrement plus confortable, il posa sa main sur la cuisse de Lilly. Celle qui pouvait être des plus bavardes semblait aujourd'hui étonnamment discrète. N’osant la mettre mal à l’aise, il la fixa dans les yeux en haussant les sourcils pour mimer une expression de surprise. Est-ce que tout va bien ? Différentes hypothèses défilèrent dans la tête de Bad. Pour le garçon, la plus plausible d’entre elles fut qu’elle se sente à l’écart du groupe du fait que son correspondant n’étudiait pas à Casadelespíritu.

Pour éviter que son ressenti ne se confirme, le Serdaigle retira sa main et fit glisser son manuel sur les genoux de sa petite amie. Il pointa du doigt la page de gauche en s’adressant à Lilly.

« Ça doit être dur de prononcer Jyal en espagnol ! »

Il espérait que faire référence à son Boursouflet rassurerait la Poufsouffle sur sa légitimité à participer à cette leçon en trio.

Sa mâchoire se crispe face à la révérence de la Serpentard. Son rire résonne dans sa tête en une sonorité plus qu'irritante. Elle avait bien fait de venir visiblement. La brune ne lui inspirait pas grand chose de positif. Et voilà que celle-ci s'adresse à elle.

« Merci» Lui répond-elle dans un sourire plutôt contracté et en la fixant un peu plus que nécessaire. « C'est gentil de ta part. » Sourire figé. Le regard qu'elle lui lance n'est pas encore un avertissement, presque une mise en garde. En tout cas, il est possible qu'Orphéa ne le sente pas totalement bienveillant. Et elle aurait raison. Elle n'avait pas envie de lui faire confiance. Elle ne pouvait pas. C'était presque viscéral.

Lilly sentait une aigreur lui monter à la tête. Il fallait qu'elle se calme. Elle ne se sentait pas maitre de ses émotions. Encore une fois. Mais ceux là étaient nouveaux. Et très déplaisants.

Le contact de la main de Bad contre sa cuisse la ramène avec douceur dans une réalité plus agréable. Un sourire satisfait remplaça le faux sourire adressé à l’intrus. Et le voilà qui la fixe avec ses beaux yeux verts. Elle se sent fondre de l'intérieur. Le calme revient. C'est elle qu'il regarde. Elle qu'il touche. Et c'était bien ainsi.

La Poufsouffle se détend un peu. Elle se concentre sur le manuel arrivé sur ses genoux et lit à son tour l'alphabet de manière plus qu'approximative afin d'anticiper la prononciation de sa petite boule de poils.

« Hmm oui pas facile.» Elle fait une petite moue boudeuse de déception. « Vous voulez qu'on s'organise comment du coup ? Et c'est quoi votre histoire de vinyles ? Je crois que j'ai loupé une information haha» Elle s'adresse aux deux élèves et tente d'avoir un air neutre envers Orphéa. Son visage est relativement détendu alors qu'elle pose sa main sur celle de Bad.

Alors que Bad sortait les livres qu’il avait empruntés, Lily la remercia d’une manière peu chaleureuse. Ok. Donc le problème ne venait pas d’un mal de crâne ou d’un problème de digestion. Visiblement le problème, c’était elle. Pourtant, elle n’avait rien fait. La petite brune soutint son regard quelques instants avant de le replonger dans le livre en lâchant un petit « Ooooookay..... » discret, déconcertée par l’attitude de la Poufsouffle. La Serpentarde regrettait déjà d’avoir accepté qu’elle se joigne à eux. Heureusement, Bad sembla sentir la tension qui montait, et intervint en changeant de sujet. Lily se détendit légèrement, avant de les interroger sur l’organisation et les vinyles, en posant sa main sur celle du Serdaigle.

« Ce sont les vinyles Vitmalangue dont a parlé Miss Monmort à la réunion. On en a discuté avec Bad et on s’est dit que ça nous aiderait dans l’apprentissage, expliqua-t-elle simplement. Je pense qu’on n'a pas besoin d’avoir un exemplaire chacun alors j’ai proposé de les acheter »

Elle regarda de nouveau la main de Lily, posée sur celle de Bad. En fait, c’était ça le problème. La jalousie. Maintenant, ce geste ressemblait plus à un signe de possession qu’a autre chose aux yeux d’Orphéa. Les prochaines séances allaient être sympa.... Devait-elle en parler à Bad ? La jeune fille ne voulait pas se mêler de ce qui ne la concernait pas, mais d’un côté, si cela gênait leur apprentissage, elle n’aurait peut-être pas le choix. Super. Elle, qui pensait tenir la chandelle, se retrouvait finalement surveillée par la petite amie jalouse.

Ah oui, les vinyles … Bad avait complètement oublié d’en parler à Lilly avant de la convier à cette rencontre. Oups ! Heureusement, l’erreur fut rapidement réparée par Orphéa qui ramena le sujet de l’argent, sensible pour le Serdaigle, sur la table.

Sa petite amie avait fini par sortir de son silence pour le plus grand plaisir de Bad. Tout roulait maintenant. Du moins, du point de vue d’un garçon qui ne croyait pas possible que sa petite amie puisse éprouver de la jalousie. Ce fut justement à elle que le Serdaigle s’adressa tout sourire.

« On n'a pas trop réfléchi encore à comment on allait s’organiser mais ce serait bien qu’on se voit tous les samedis, non ? Vu le niveau en anglais de nos correspondants, on a du travail si on veut faire aussi bien qu’eux ! Bad se tourna vers la Serpentard. À tour de rôle, on peut s’exercer avec les vinyles Vitmalangue et les deux autres s’entraînent sur les livres. »

Tout excité par ce nouvel apprentissage, le garçon regardait tour à tour chacune des deux filles pour décrypter leur envie de le suivre mais il n’arrivait pas à lire sur leurs visages si son enthousiasme était aussi contagieux qu'il l'espérait. Elles semblaient, toutes deux, étrangement préoccupées par quelque chose d’autre. Bizarre, se dit Bad d’un haussant d’épaule cérébral mais sans davantage s’y attacher.

« Ça vous va si on fait ça ? »

La Poufsouffle se concentre sur le contact agréable de la main de Bad. Elle calme sa respiration, se détend petit à petit. Sa cage thoracique se soulève, elle prend le temps de la ressentir, de se focaliser sur des sensations douces et apaisante. Il ne fallait pas qu'elle se braque aussi rapidement contre la Serpentard. Ou en tout cas, il ne fallait pas que cela créer des tensions dans leur groupe de travail. Sinon, sa plus grande peur était qu'ils se retrouvent sans elle. Et à cette idée, son cœur se serrait tellement fort qu'elle avait envie de vomir. Non, c'était hors de question. Alors elle hochait la tête au parole de la plus jeune Serpentard. Et en plus elle était si belle. Et Bad et elle allaient forcément se rapprocher. Non, il fallait qu'elle se calme et stoppe ses pensées parasites.

Focus sur l'apprentissage de l'espagnol.
Sourire. Hochement de tête. Sourire. Respiration calme.
On en a discuté avec Bad.
Douleur. Sourire. Crispation. Respiration. Tentative de contrôle.
Il ne lui en avait pas parlé. Douleur.

« Oh mais on peut se cotiser pour les acheter plutôt, tu ne vas pas tout payer quand même.» Sourire à l'ennemi. Puis plus franc à son petit-copain chez qui elle cherche du réconfort pour effacer cette douleur et ces sentiments qu'elle déteste ressentir.

«Oui c'est parfait pour moi en tout cas, c'est super de pouvoir travailler tous ensemble. On progressera beaucoup plus vite comme ça ! Cela te va aussi Orphéa ?» Encore un sourire destinée à celle avec qui elle ne serait probablement pas amie.

En entendant la Poufsouffle s’adresser à elle aussi poliment, avec son sourire et sa gentille proposition, Orphéa pensa qu’elle s’était peut-être trompée. Elle se faisait probablement des films. Elle appréciait le fait qu’elle veuille participer, même si ce n’était pas nécessaire. Depuis que sa grand-mère l’avait désignée comme son héritière, elle avait plus d’argent que de besoin. Les elfes de maisons de Bottomcraig et les amies de Rachel l’appelaient « Lady Cooper » et elle préférait ne pas en parler à l’école. Mais cela ne la dérangeait pas de payer les vinyles, d’autant qu’elle ne savait pas quelle quantité d’argent de poche ils avaient à leur disposition.

« Comme vous voulez, mais ce n’est pas un problème pour moi, en balayant la question d’un geste de la main. Vous pouvez me rembourser en gomme de limace si vous y tenez vraiment ! »

Au moins les bonbons, elle pourrait les manger. La Serpentard écouta la proposition de Bad et la réponse de Lilly en observant le sourire forcé de celle-ci. Non, elle ne s’était pas trompée. Sa première impression était la bonne comme souvent. Pourtant, elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi. La jeune ne faisait rien d’autre que de se montrer amicale avec son camarade. Mais tant que la Poufsouffle ne lui disait rien, elle s’estimait heureuse. La dernière chose dont elle avait besoin, c’était d’une confrontation avec une des participantes du Dominion. Elle serait probablement capable de la détruire en deux secondes.

« Ça me va ! Dit-elle simplement en soutenant le regarde de la brune. J’espère qu’on progressera vite. Je vais rédiger la première lettre en anglais, mais je veux faire la deuxième en Espagnol »