Immédiatement après avoir fini cette tâche ingrate, non mais sérieusement c'était un truc d'elfes de maison ça ou de premières années en botanique, Isaac attendit que les profs et les élèves se dispersent un peu et se retourna vers sa partenaire auto-proclamée :

"Non mais ça va pas ? Qu'est-ce qui t'a pris de m'emmener dans cette histoire là !?"

C'était qu'une deuxième année en plus, comment osait-elle ? Et puis, contrairement à ce qu'il avait pensé dans sa confusion, ils n'avaient même pas du tout parlé durant le bal, elle avait juste eu l'air de profiter de sa discussion maladroite avec l'autre fille là. Rien qui ne justifiait qu'elle puisse se permettre des folies.

Le cinquième année hésitait entre juste soupirer et partir, l'engueuler, ou lui envoyer un Stupéfix en pleine face ; il en avait marre des gosses qui venait l'embêter. Qu'est-ce qu'il ne donnerait pas pour avoir un ou deux amis de son âge. Il adorait se dire qu'il était parfaitement satisfait avec le fait d'être seul — et c'était vrai — mais c'est qu'il n'avait jamais considéré avant l'avantage de la protection contre les pestes enfantines. L'avantage du nombre prenait donc bien précédence sur la stratégie. Ou alors c'était juste la sienne qui était mauvaise, il ne savait pas vraiment s'il avait envie de savoir.

J'avais prévu de sortir. De m'éclipser pour bosser mon devoir d'HDLM. Comme si rien ne s'était passé. Mais visiblement, quelqu'un n'était pas trop d'accord avec ça. Je n'avais même pas eu le temps de faire un pas que mon binôme m'alpaga. Il n'avait pas l'air ravi, pas du tout même. Il faut dire que je ne lui avais pas vraiment demandé son avis. Mais il n'y avait pas de quoi en faire tout un plat, surtout que nous n'avions pas été mauvais et que les professeurs avaient l'air plutôt content de notre travail.

- Oh ça va, pas la peine d'en faire toute une histoire ! Répondis-je en levant les yeux au ciel.

Il me fusillait du regard. Littéralement. Il n'avait pas l'air d'imaginer de jolies choses, au contraire, il semblait réfléchir à la façon dont il allait me tuer. Franchement, ce n'était pas si grave, si ?

- Pourquoi t'en fais tout un plat comme ça ? Tu devrais plutôt être content, Priddy et Featherstone sont satisfait d'notre boulot !

Sur ces paroles, je tournai les talons pour m'en aller. Un devoir m'attendait, et je n'avais pas envie de subir les foudres du cinquième année. Je ne me défilais pas - jamais ! Disons plutôt que je pensais à ma survie avant toute autre chose. Dans mon dortoir, j'étais certaine qu'il ne me suivrait pas. Il ne le pouvait pas de toute façon.

Après lui avoir fait le coup typique du "nan mais ça vaaaaaaaaa" et du roulement d'yeux insupportable, elle se mit à simplement partir comme si de rien était. Isaac ne pouvait décemment pas la laisser faire et simplement oublier cette histoire, sinon ce serait admettre sa défaite et lui donner implicitement le droit de recommencer quand elle voulait.

"Nan nan mais revient ici tout de suite."

Le cinquième année n'avait pas la moindre idée de ce qu'il comptait lui dire mais elle n'avait aucun droit de partir comme ça, il fallait qu'il lui montre qu'elle n'avait aucun droit de le traiter comme ça.

Et s'il prenait avantage de la situation ? Il venait de lui rendre un service en venant à son truc, il aurait pu dire non et partir — si on ne comptait pas le fait qu'il avait déjà été accepté avant même qu'il puisse sortir le moindre mot. Elle a donc le devoir de le remercier et de lui donner une contrepartie, c'était évident, que du bon sens.

"Donc emm... Qu'est-ce que tu comptais me donner en échange de t'avoir aidée ?" dit-il avec une voix beaucoup plus calme tout en regardant l'état de ses ongles pour rajouter de l'effet.

Elle pouvait refuser, mais est-ce qu'elle le ferait ? En même temps vu son caractère, probablement. Et puis plus le serpentard y pensait, plus la situation ressemblait à une extorsion.

Non non, ça n'en était définitivement pas une, il avait tout les droits, sérieusement il ne pouvait pas être le seul à penser qu'on ne pouvait pas forcer les gens à faire leur truc et rien donner en échange, pas même un remerciement ou une excuse...

Evidemment. Ca aurait été trop simple qu'il me laisse partir tranquillement. Mes yeux roulèrent à nouveau vers le haut tandis que je me tournai vers lui. Qu'est-ce qu'il allait me dire cette fois ? Je m'étais attendu à beaucoup de choses. Des sermons, des menaces, des cris. Mais franchement ça, je ne l'avais pas vu venir. Un dû ? Un rire sarcastique sortit de mes lèvres. Et puis quoi encore !

- T'es pas sérieux là ? Tu crois vraiment que je vais te donner quelque chose en échange ? Tu rêve !

Un autre rire sarcastique s'échappa. Nan mais franchement, qu'est-ce qu'il croit lui ?

- Si tu voulais pas venir, t'avais qu'à enlever ton poignet de ma main. Tu dois être en... Allez, quatrième année, t'aurais très bien pu te défaire de ma prise si tu l'avais voulu. Ajoutais-je, un sourcil levé et le regard scrutateur.

Oui, il aurait pu. Mais il ne l'avait pas fait. Et ça, ce n'était pas ma faute. Et puis franchement, qu'est-ce que j'aurai pu lui donner en échange ? On ne se connait pas, pas même de nom et à peine de vue ! C'était ridicule. Vraiment ridicule. Il m'avait aidé, d'accord je devais bien l'admettre - aussi difficile que ça soit. Mais je ne lui devais rien puisqu'il aurait pu partir. Alors fichtre, qu'il me fiche la paix !

Isaac grimaça intérieurement, ses rires sarcastiques grinçaient à son oreille comme une craie mal manipulée sur un tableau d'ardoise : affreux. Il aurait dû s'attendre à ce qu'elle réponde aussi mal, lui avait naïvement cru qu'elle serait au moins un minimum polie. Il détestait vraiment les comportements comme ceux-là, pas qu'il en avait quelque chose à faire d'une quelconque hiérarchie mais seulement que lui, lorsqu'il était en deuxième année, ne venait pas s'amuser à faire n'importe quoi avec des cinquièmes années quoi, c'était impensable.

Le serpentard s'était attendu à ce qu'elle refuse, il avait quand même proposé et a quand même été déçu, mais il n'avait vraiment aucune idée de comment l'empêcher de récidiver tout en gardant son honneur intact en même temps.

"Déjà baisse d'un ton, tu déranges là."

Il avait tellement l'impression de ressembler à un parent là, c'était horrible, il avait l'impression d'être juste ridicule. En même temps comment fallait-il faire pour gérer une un gosse, il avait jamais eu de frères et sœurs, il manquait donc d'expérience, ce qui est crucial dans ce genre de cas.

"Et de deux tu devrais peut-être apprendre un truc, ça s'appelle la gentillesse." Isaac se mit à prendre la voix qu'on prenait pour les bébés, meilleur moyen de l'attaquer dans son égo. "Parce que tu vois, il faut être gentil avec les gens et comme ça les gens seront gentils avec toi, tu comprends ? C'est pas trop compliqué ?"

Mon regard se figea dans celui de mon binôme. Avait-il réellement osé dire ça ? Avec ce ton là ? Je n'étais plus une gamine. Je n'avais jamais eu de père, ou du moins on ne pouvait pas dire que je le considérais comme tel. Et je n'en avais pas besoin maintenant.

- Tu te fous de moi là ? Demandais je en me rapprochant de lui, le regard noir.

Il avait fait une chose qu'il ne fallait pas faire. Ou plutôt dit une chose qu'il ne fallait pas dire. Il y avait des souvenirs qui devait rester ce qu'ils étaient : des souvenirs. Et ceux-là, je ne voulais pas qu'ils refassent surface. C'était hors de question. J'avais suffisamment donné niveau gentillesse, et tout ça pour qu'on me traite comme une moins que rien. Et ça, c'était fini.

- La gentillesse, je l'ai suffisamment donnée sans qu'on me la rende. Alors essaye pas de t'improviser le rôle du gentil petit papa présent, je vis très bien sans. C'est suffisamment clair pour toi, ou tu veux que je me fasse comprendre autrement ?

J'étais furieuse. OK, je l'admettais, je ne lui avais pas vraiment demandé son avis pour ce service. Mais les professeurs n'avaient pas été mécontents du tout de ce qu'on avait fait, et on avait sûrement gagné des points dans leur estime - certainement même. Et lui il osait... Un con. Voilà ce qu'il était. Et je n'aimais pas du tout la tournure que prenait cette discussion. Pas du tout même...

Tiens c'était marrant, tout de suite les rires sarcastiques ne semblaient plus être de mise, peut-être qu'Isaac avait vu juste : son égo avait été atteint. Elle avait même lâché qu'elle avait "trop donné", oui bien sur, la pauvre, elle avait du avoir souffrir, pfff. Elle était en deuxième année, elle avait vécu essentiellement trente seconde en tout et elle se croyait permise de pouvoir dire qu'elle avait souffert ou il ne savait quelle idiotie ? Ridicule. En tout cas il n'allait pas s'arrêter en si bon chemin, il continua donc avec la même voix :

"Annw la pauvre. Tu t'es faite trahir ? Ça a dû être tellement dur, j'ose même pas imaginer la souffrance dans ton petit cœur sensible." Il reprit ensuite avec une voix normale. "Nan sérieux, n'essaie pas te rendre spéciale, tu l'es pas. Le fait que celle que tu croyais être ta meilleure amie ne t'offre pas l'ours en peluche que tu lui avait demandé alors que toi-même lui avait donné un coussin étoile de mer magnifique ne te donne pas le droit de dire ça."

Isaac se sentait beaucoup mieux, jusqu’à présent il se sentait dépassé, battu par une simple fillette, mais maintenant il sentait qu'il avait repris l'avantage. Il détestait ça car ça signifierait que le fait qu'il fuyait les années supérieures était de sa propre faute et pas à cause de la différence d'âge. Elle avait été tellement agaçante qu'il était tellement satisfaisant de la voir devenir encore plus furieuse.

Ma main me démangeait furieusement. Il n'avait pas le droit. Il n'avait pas le droit de rabaisser mon passé à une simple gaminerie. Il n'avait pas le droit !

Mon regard se teinta d'encore plus de noir. Mes poings se serrèrent fortement avec une très grande envie de s'abattre sur la joue du garçon face à moi. Mais je me retenais, ou du moins pour l'instant.

- Ne parle pas de choses que tu ignore. Crachais-je.

Je détestais ce qui était en train de se passer. Je glissais lentement mais sûrement sur la piste de la perte de contrôle, et ce n'était pas bon signe du tout. J'avais eu de sacrés problèmes la dernière fois que c'était arrivé, et j'avais promis que je ne recommencerais plus. Mais lui il... Il osait dire ça, parler de ça. Je ne pouvais pas le laisser s'en sortir comme ça, c'était hors de question.

- Je ne cherche pas à me rendre spéciale, je cherche juste à ce qu'on me foute la paix. Et plus précisément à ce que les petits cons comme toi me foutent la paix. Mais apparemment c'est trop leur demander. Alors je ne te le dirai qu'une seule fois : dégage et laisse moi tranquille. Terminais je froidement.

Je ne bougeais pas d'un millimètre. Il y a quelques minutes, c'est moi qui voulais partir et je savais que là je devais déguerpir pour me calmer. Mon cerveau et ma raison me le hurlaient. Mais il était inconcevable que je m'efface devant lui. C'était à lui de partir le premier. Et s'il ne le faisait pas et qu'il continuait sur la voie qu'il était en train d'emprunter, la situation allait gravement dégénérer.

Oui, cette fois-ci c'était sur, il avait touché quelque chose. Elle avait juste l'air de plus en plus furieuse, elle continua donc à balancer ses âneries. Il ignorait effectivement son histoire mais il ne fallait pas être une Langue de Plomb pour deviner qu'il n'y avait pas grand chose à savoir, probablement juste des histoires d'adolescentes.

Son agacement revint instantanément lorsqu'elle continua à parler. Est-ce qu-elle était sérieuse ? Est-ce qu'elle était en train d'essayer de retourner la situation contre lui ? Elle croyait avoir qui comme ça ?

"Tu veux juste qu'on te foute la paix ? Juste qu'on te foute la paix ?! Nan mais tu déconnes là. J'suis sur que t'es une gosse très intelligente, j'ai donc pas besoin de te dire à quel point la stupidité de ce que tu viens de dire me ronge les oreilles et me fait couler le cerveau par les yeux n'est-ce pas ? Tu comprends bien que si tu voulais qu'on te foute la paix tu pourrais déjà commencer par ne pas m'insulter et surtout ne pas m'emmener dans ton service à la noix là, éventuellement ?! Sérieux réfléchit trente seconde peut-être ?!"

Il n'en revenait pas qu'elle avait pu même penser à essayer de faire passer ça. C'était forcément à cause de la fureur sans borne qu'elle devait probablement ressentir genre la même que lorsque Brendon est sorti avec Leticia en 2e année de primaire, forcément.

Alors ça c'était la meilleure. Oui je l'ai insulté, et je l'assume pleinement, mais ça ne serait pas arrivé s'il n'avait pas ouvert sa bouche. Pourquoi n'était-il tout simplement pas parti vaquer à ses occupations ? Pourquoi fallait-il qu'il complique les choses ?

- Je ne t'aurai pas insulté si tu l'avais fermé bien gentiment. Mais apparemment c'est plus fort que toi !

J'étais en parti fautive parce que c'est moi qui l'avait entraîné là-dedans. Mais il aurait pu partir. Il aurait pu dégager son poignet de ma main. Et après le service il aurait pu déguerpir tout simplement. Mais non, évidemment non, Monsieur n'était pas de cet avis là !

- OK, voilà, je le dis : j'aurai peut-être dû te demander ton avis avant de t'entraîner là-dedans. Mais à ce que je sache t'as pas été séquestré dans cette foutue salle alors arrête de te plaindre comme un gamin de 6 ans !

Mes poings ne s'étaient pas déserrés. Mais ils ne bougeaient pas et restaient contre moi. Et c'était pour le mieux.

Je devais faire demi-tour et partir, je le savais. Mais mes pieds refusaient tout simplement de bouger. J'avais la désagréable impression d'être propulsé quelques années plus tôt, la première fois que j'avais tenu tête à Helena. Je m'en étais mordu les doigts, bien que ça ne m'avait pas empêché de recommencer.

Pitié, faites qu'il parte d'ici...