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23 déc. 2021, 13:16
Par-delà les Océans  SOLO ++ 
[Ce solo regroupera tous les moments durant lesquels Alyona a écrit/reçu ? ses lettres dans le cadre des échanges AMICO.]



— [é]changer —

Les commencements ont des charmes inexprimables.
Dom Juan, Molière


crédit œuvre : Philip Wakeham



9 DECEMBRE 2046, 19h07,
SALLE D'ETUDE, POUDLARD

Alyona, 17 ans


[PREMIERE LETTRE]


*Estefânia* Son nom tourne en boucle dans ma tête depuis quelques jours. Il se cogne contre les parois de mon crâne et résonne dans mes pensées, entraînant dans son ombre des nuées de questions comme d'affreux petits insectes cherchant à m'envahir. L'inconnu m'inquiète et m'attire irrésistiblement. Je ne sais à quoi m'attendre, qu'espérer et ce que je vais découvrir. Je bous d'impatience et de curiosité. J'ai le bout de mes doigts qui me pique depuis plusieurs jours quand je regarde ma plume et des nuages de questions au bord de mes pensées qui n'attendent que le bon moment pour s'échapper à travers mes mots et se graver à l'encre noire sur mon parchemin. Mais qu'attends-je ? Mon crâne se remplit petit à petit de toutes ces questions ; je me demande comment je vais pouvoir en choisir quelques-unes.
*Estefânia* Qui est-elle ? Qu'aime-t-elle ? Que veut-elle être ? À quoi ressemble-t-elle ? Quels sont ses rêves, ses envies, ses désirs, ses passions ? A-t-elle des secrets ? Quel est son niveau de magie ? D'où vient-elle ? Qu'a-t-elle déjà vu ? Connait-elle des choses que je ne connais pas ? *Certainement.* Pour quoi vit-elle ? A-t-elle un objectif dans la vie ? Est-elle travailleuse comme Anaë ? Est-elle hautaine comme Bristyle ? Est-elle mystérieuse comme Loewy ou ouverte comme Elowen ? Est-elle attachante comme Galina et imprévisible comme Alison ? Aime-t-elle le ciel ? les fleurs ? la découverte ? M'appréciera-t-elle ? Oh Merlin, faites que oui. Je brûle d'interrogations, consumée par mes espérances.

La salle d'étude est plutôt calme à cette heure-ci. Les autres élèves aiment dîner ou rejoindre leurs amis pour terminer de manière agréable leur journée. J'irai certainement plus tard dans la Grande Salle ; moins je passe de temps là-bas et mieux je me sens. Les quelques souvenirs marquants que j'ai de cette salle m'interdisent de l'apprécier, même si j'y ai dernièrement passé de bons moments. D'ailleurs, peut-être qu'Alison aimerait lire ma lettre avant que je ne l'envoie. Une étrange gêne se glisse dans mon esprit. Ce serait tout à fait normal de ma part que je lui montre puisque nous étudions ensemble le portugais mais... Une partie de moi aimerait garder cet échange juste entre Estefânia et moi. Est-ce égoïste ? Je n'en sais rien et ne l'espère pas. Pourtant, je dois me l'avouer : au fond, je n'ai pas vraiment envie de faire lire cette lettre et les suivantes à Alison. Je souhaite simplement que cela reste entre Estefânia et moi, n'est-ce pas un échange entre nous deux de toute manière ? Ah, je ne sais pas. Alison sera déçue si je ne la lui montre pas. Peut-être pourrais-je lui faire lire juste la première ? Elle comprendra si je ne lui fais pas lire les autres, non ? Je pourrais peut-être lui dire les réponses de ma correspondante sans lui faire lire ses lettres. Bien, alors c'est ce que je ferais. Je lui montrerai cette première lettre dès que je l'aurai écrite. Enfin, faut-il que je m'y mette un jour.

Mon regard s'accroche à ma plume reposant dans mon encre depuis quelques minutes. J'ai terminé mes devoirs pour demain et du temps devant moi. Je pourrais lire dans la bibliothèque, grimper dans la salle commune pour me laisser tomber dans un fauteuil, sortir dehors et contempler le coucher du soleil, m'entraîner à quelques sorts dans une salle vide ou jouer avec Ecco dans la cour de la tour de l'horloge. Je pourrais faire tout cela mais je pourrais également me saisir de ma plume pour commencer à rédiger cette fameuse première lettre. J'hésite. Est-ce le bon moment ? Et si je ne trouvais aucun mot ? Ah ! Terrible Circé, si je ne le fais pas maintenant, quand le ferai-je ?

J'attrape un nouveau parchemin ainsi qu'un livre sur les bases du portugais. En saisissant ma plume de paon, j'ai les doigts qui tremblent un peu — impatience ou peur ? — mais je parviens à tracer les premiers mots sans bavures ni traits hésitants. À quoi ressemble l'écriture de ma correspondante ?
Chère Estefânia,
Que dire ? Qu'ajouter ? *J'aurais dû y réfléchir avant, c'est complètement idiot !* Peut-être que se laisser aller est le plus important. Ne pas trop réfléchir me fait parfois faire des erreurs mais, si ce que j'écris ne me plaît pas, je pourrais toujours recommencer, ce n'est qu'un brouillon.
Je tremble un peu en t'écrivant ces mots. Je n'ai jamais échangé avec quelqu'un venant d'aussi loin. À quoi ressemblent ton école et ton pays ? J'ai lu quelques livres dessus mais je pense que tes réponses seront meilleures.
Il est vrai que j'en ai lu, des mots.
Pourquoi as-tu choisi d'entrer à Castelobruxo ? Pourrais-tu me présenter ton école ? Comment sont vos journées et qu'apprenez-vous ? Qu'y a-t-il de particulier à Castelobruxo ?
Castelobruxo, le Brésil, le portugais, la magie de là-bas : tout m'intriguait et m'intrigue encore, je n'y connaissais absolument rien. Il paraît que les plantes sont reines dans cette école et que la flore et la faune y sont très diverses. J'essaye parfois d'imaginer à quoi ressemble une journée normale dans cet autre continent. Comment est-ce, la vie au Brésil et au cœur de cette forêt si riche ? Irai-je l'année prochaine ? Oh Merlin, ce serait tellement fantastique ! Peut-être toucherais-je du bout des doigts leur cape qui les rend invisibles, peut-être même en porterais-je une ! Si je partais, comment serais-je reçue dans cette école ? Sont-ils comme les Britanniques ? Fait-il vraiment si chaud et humide dans cette partie du globe ?
Par Circé, les questions dégringolent par centaines dans mon crâne mais je n'avance pas dans ma lettre.

Dois-je me présenter ? Mais que dire ? Et si cela ne l'intéressait pas ? Enfin, ce serait tout de même étrange de ne pas être intriguée par une inconnue venant d'aussi loin. Alors, comment me présenter ? Je crois que certains élèves ont glissé une photo d'eux. Cependant, je n'en ai pas sur moi et je ne suis pas certaine qu'une photo de ma famille l'intéresserait. Dans ce cas, je lui enverrai une photo de moi la prochaine fois, quand j'aurais demandé à Grand-mère de m'en envoyer une pendant les vacances. Bien, cela ne résout pas la question de la présentation. Je fais glisser mes doigts le long de la bordure de ma cape. Que dire sur moi ?
J'aime apprendre, la botanique, les potions et la médicomagie, c'est pour cela que j'ai souhaité participer à cet échange. Et toi ? Qu'est-ce qui t'attire à Poudlard ? Es-tu déjà allée au Royaume-Uni ? En ce moment, il y fait assez froid mais cela ne me dérange pas.
Peut-être apprécierait-elle que je lui parle de Poudlard ? C'est une prestigieuse école, elle ne peut que se poser des questions sur celle-ci.
À Poudlard, nous sommes amenés par le Poudlard Express (c'est un train), puis nous sommes répartis grâce au Choixpeau dans l'une des quatre maisons : Poufsouffle, Serdaigle, Serpentard ou Gryffondor. Elles ont toutes des caractéristiques spéciales qui les distinguent. J'appartiens à la maison Serdaigle.
Satisfaite, je repose ma plume un instant dans mon encrier. De cette manière, je ne me présente pas en détails mais de toute façon, rien n'empêche Estefânia de me poser des questions — si elle en a. Quant à moi, je n'ai pas terminé mes interrogations. J'ai bien trop de choses à découvrir. Comment choisir lesquelles importent le plus ?
Qu'aimes-tu ?
C'est une question assez vague et large mais ainsi, j'aurais peut-être une réponse complète de sa part. Merlin, tout n'est que peut-être dans mon crâne, c'est un peu effrayant.
Que veux-tu devenir ? Peux-tu me parler de toi ? J'ai la tête pleine de suppositions et je suis curieuse d'en apprendre davantage.
Acceptera-t-elle de me donner des réponses ? Et si elle ne savait pas que dire, elle aussi ? Durant un instant, je l'imagine, assise quelque part, un parchemin face à elle et une plume dans sa main, la tête pleine de questions, comme moi. D'ailleurs, que fait-elle en ce moment ? À quoi ressemble l'autre bout du monde à dix-neuf heures trente ? Y fait-il nuit comme ici ? A-t-elle chaud ? A-t-elle froid ? Oh, j'ai l'impression d'avoir ouvert mes yeux sur un nouvel horizon ! Le monde me semble encore plus grand et plein de secrets. Pourrais-je un jour en connaître une grande partie ? Et Estefânia, que connaît-elle de plus que moi ? Peut-être est-il temps que je lui pose des questions sur sa magie et ses savoirs, je suis dévorée par mon idée d'en découvrir plus.

Ma plume de nouveau entre mes doigts, j'essaye d'écrire droit mais l'excitation me fait écrire un peu mal. Que pensera-t-elle si elle constate que je ne suis même pas capable d'écrire correctement ? Je dois me reprendre, les sentiments ne sont que des sensations.
Aimes-tu la magie ? Es-tu plus douée pour certains sortilèges que d'autres ?
Dois-je répondre ensuite à ces questions comme si elle me les posait aussi ? Non, je ne pense pas. Si elle veut connaître mes réponses, elle pourra me les demander.
J'ai très hâte d'apprendre à te connaître et d'en savoir plus sur ton école.

Au plaisir de lire ta réponse,
Alyona
Je pose ma plume à côté de ma lettre. Mes mains tremblent encore un peu mais un grand sourire s'étale désormais sur mes lèvres.

J'ai le cœur en ébullition. Des feux d'artifice de sensations explosent à l'intérieur ; je suis tantôt remplie d'excitation et de bonheur, tantôt d'impatience et de curiosité et tantôt d'appréhension et d'envie. Cela forme un énorme arc-en-ciel de couleurs au fond de moi. En temps normal, tout cela m'aurait fait peur — Merlin, comment me retrouver au milieu de cette panoplie colorée ? — mais aujourd'hui, je me sens bien, si bien que j'en rayonne. J'ai l'impression que je suis capable d'éclairer toute la salle d'études à moi toute seule. Je vais échanger avec une élève de Castelobruxo, sans me soucier des océans qui nous séparent, je vais apprendre le portugais avec Alison entre ces mêmes murs, je vais découvrir énormément à propos de tout ce qui me plaît cette année, je vais parvenir à maîtriser de nouveaux sortilèges et concocter de nouvelles potions ; je vais dévorer chaque petite parcelle de temps qui s'offre à moi pour la rendre unique et lumineuse. C'est ce que je veux, oui : profiter. Parce qu'il ne me reste que deux ans ici, parce que tout est beaucoup trop fragile, parce que j'ai peur de passer une année comme la précédente et parce que j'en ai profondément envie. J'en ai besoin, plus que tout. Que mes chimères de terreur se fassent emmener en Enfers ; cette année je ne les laisserai pas gagner.

Je me relève doucement, les yeux posés sur ma lettre. Elle s'envolera au-dessus des maisons, des villages, des villes, des lacs, des forêts, des montagnes et des océans. Et dire qu'elle atteindra le Brésil ! Cela me fait quelque chose dans le ventre, comme une sorte d'angoisse heureuse. J'ai le visage dévoré par mon sourire et les mains tremblantes. Cela semble si irréel, même dans un rêve je n'en espérerais pas tant. *J'ai tellement de chance !* Je pourrais exploser en étincelles si je n'avais aucune enveloppe corporelle. Merlin, le Brésil et Castelobruxo ! Je n'ose toujours pas y croire. C'est tellement grand, immense. Je ne parviens pas à le réaliser, cela me semble incroyable. Pourtant, c'est vrai. Ma lettre et ma jonquille seront déposées face à une inconnue *Estefânia* dans un pays inconnu. C'est tellement magique. De nouveaux horizons se dévoilent à moi et je crève d'envie de plonger tête la première vers eux.


Reducio
Image



@Alison Morrow, tu es mentionnée dans le troisième paragraphe.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

27 févr. 2022, 15:09
Par-delà les Océans  SOLO ++ 
JANVIER 2047, MATIN
COUR DE LA TOUR DE L'HORLOGE, POUDLARD

Alyona, 17 ans

lettre reçue



Tremblement de terre, tremblements de corps. Fondations chancelantes, ébranlées, vacillantes ; pensées et émotions fragilisées, fissurées et instables. Tout n'est que secousse, à croire que quelque chose cherche à sortir, à grandir, à exploser à la surface. Quelle surface ? Je perds l'équilibre et me rattrape au dernier moment. Certains jours je me lève et certains jours je tombe, parfois à la renverse, parfois amoureuse, parfois de Charybde en Scylla, parfois de haut. Peut-on tomber amoureux de sensations ? Il me semble que cela m'arrive, rarement mais assez pour que je puisse posséder un avis sur la question. Aujourd'hui, je crois que je tombe à la renverse. À moins que je ne m'élève ? Comme Icare, vers les Cieux ! Toujours plus haut, vers les sommets, grimper jusqu'au Soleil, frôler les nuages, caresser les oiseaux, prendre appui sur les teintes célestes ! Je m'élève et je chute. Je chute vers l'enthousiasme qui m'élève vers les cieux. Étrange, non ? Enfin, est-ce vraiment moi qui grandis, croîs, pousse, déchire les contours et perce les surfaces ? Je crois que non. C'est plutôt à l'intérieur de moi. Dans mon ventre ou ma poitrine ? Quelque part entre les deux. J'ai un Icare dans le corps ! Un Icare à qui on a donné des ailes. Un Icare qui — Merlin je l'espère — ne tombera pas à cause de son idéal. Un Icare qui tambourine si fort dans mon corps qu'il en bouscule tous les membres.

Ma main tremble sans que je ne puisse l'en empêcher. Mon cœur bat frénétiquement, à une vitesse plus rapide que d'ordinaire. Mes pieds frappent le sol à un rythme régulier et plus fréquemment. Mon visage est dévoré par un sourire affamé. Mes doigts sont serrés autour de la lettre que Miss Montmort vient de me donner. Et dans ma tête, tout va trop vite.
*Merlin, Merlin, Merlin...* Il ne faut pas que je l'abîme, elle a traversé des océans, a été écrire par une plume et sur une table situées à l'autre bout du monde, a été touchée par une élève n'ayant peut-être jamais mis un pied en Grande-Bretagne et a été entourée par un environnement bien différent de Poudlard. Elle est plus fragile, précieuse et riche en émotions que bien des objets. Elle est unique et apporte dans ma vie tant de nouveautés. Elle est la paire d'ailes — ou la part d'Elle ? — qui était nécessaire pour faire s'envoler mon enthousiasme. Toujours plus haut, vers les Sommets, grimper jusqu'au Soleil ! Je me sens pousser des ailes de bonheur.

Par Circé, c'est ma première lettre ! Je me suis pour l'instant retenu de la lire mais je sais qu'une fois assise, je ne parviendrai pas à tenir bien longtemps. Il faut dire que les questions ricochent dans ma boîte crânienne sans s'arrêter. À quoi ressemble l'écriture d'Estefânia ? A-t-elle tendance à écrire en petit ou en grand ? Que va-t-elle me répondre ? Est-elle plutôt froide ou ouverte ? M'a-t-elle envoyé des photos ? À quoi ressemble-t-elle ? Me parlera-t-elle d'elle ou de sa famille ? Je voudrais pouvoir tout connaître à l'avance, des nuances que prennent ses cheveux sous le soleil aux personnes avec lesquelles elle aime passer du temps. Cependant, je sais que c'est impossible. La découverte se fera progressivement, pas après pas, lettre après lettre. Serai-je à un moment déçue ? Et si je l'étais dès aujourd'hui ? Je ne le souhaite pas mais le doute ne peut s'empêcher de glisser dans mes pensées. Je me demande également ce qu'elle a pensé de moi et de ce que je lui ai dit. J'espère que je n'ai pas été trop directe ou trop écrasante. Quand la curiosité me saisit, j'ai tendance à vouloir tout écraser pour la satisfaire. Il faut bien avouer qu'elle jaillit hors de moi avec une telle puissance, torrent déchaîné, qu'un rien me pousse à l'exposer et à chercher à la satisfaire. Ma curiosité est un poison insaisissable. Estefânia est-elle également curieuse ? Plus je pense à elle et plus les questions sont nombreuses dans ma tête ; c'est un voyage sans arrivée et sans départ.

Je m'assieds dans les escaliers, les yeux rivés sur ce papier scellé par un nœud de fibres végétales. Cette seule vision parvient à me faire sourire, c'est fantastique et inquiétant. Je suis complètement emportée par mes sentiments. Une secousse se répercute comme un écho et un tremblement se répète partout dans mon corps. Je suis la Terre qui s'ébranle et l'océan qui s'agite. Un souffle de vent et je m'envole, emportée. Un mot et je retombe brusquement sur le sol pour me briser les ailes. Où cette lettre m'emportera-t-elle ? Loin, je l'espère ; je ne demande qu'à m'échapper de ce lieu le temps d'une lecture.

Mes doigts desserrent délicatement les liens que je pose à mes côtés. Mon cœur bat assez vite ; je crois qu'il est aussi impatient et anxieux que moi. Et si ce n'était pas la lettre d'Estefânia ? Non, non ; cela ne peut être qu'elle. *Estefânia...*

Une écriture ronde et resserrée se dévoile devant mes yeux grands ouverts.
__
Chère Alyona,

Je suis contente de pouvoir partager cette opportunité avec toi, c'est une première pour moi aussi.
__

Une étrange chaleur bouillonne dans mon ventre. Je ne laisse rien transparaître, mais j'ai le cœur qui s'envole très haut.

*Estefânia...* Souriait-elle en écrivant ces mots ? D'ailleurs, à quoi ressemble son sourire ? Je me pose beaucoup trop de questions, je le sais, mais c'est tellement excitant ! Et terrifiant ! Et merveilleux !

Sa remarque sur mon écriture permet enfin à mon sourire de se glisser sur mes lèvres. Moi aussi j'apprécie la sienne, elle est plutôt lisible, or, je connais des personnes écrivant bien plus mal. Enfin, je parviens sans difficulté à déchiffrer ses mots traduits par le sortilège de traduction. J'essayerai d'étudier la version en portugais cette semaine pour lui répondre et m'habituer à en lire. Je veux être capable de bien savoir traduire, sans problème, le plus tôt possible. L'apprentissage d'une langue est complexe et long, mais je suis certaine que j'en suis capable.

__
Je pourrai te parler de mon pays et mon école pendant des pages et des pages ! Castelobruxo est un lieu extraordinaire, nous vivons au cœur de la nature, et c'est pour cela que j'ai demandé à y faire mes études. J'ai grandi sur le bord de l'Amazone et j'ai toujours été fascinée par la forêt luxuriante et pleine de vie. Ici à l'école, dès que nous posons un pied dehors, nous somme dans la forêt Amazonienne, libre de nous y promener. Comme tu peux l'imaginer c'est le lieux idéal pour apprendre mille choses sur la botanique.
__

L'Amazone... C'est une rivière, non ? Plutôt un fleuve, je crois. Irai-je un jour dans ma vie ? Je sais que Maman a déjà été près de cette partie du monde avec Papa, mais je ne veux pas leur poser des questions dessus, je veux pouvoir découvrir par moi-même, avec les descriptions d'Estefânia. Je veux juste voyager grâce à ses mots. J'ai tellement de mal à m'imaginer une vie entourée par une dense, chaude et humide forêt. N'ont-ils donc jamais d'hiver ? Je pense que Chioné me manquerait un peu si je devais vivre à Castelobruxo, mais en même temps, être libre de se déplacer dans une forêt luxuriante et pleine de plantes passionnantes, cela doit être tellement génial ! À côté de cette forêt, nos serres paraissent vraiment... superficielles. Là-bas, tout est naturel et une grande majorité de la végétation a poussé sans avoir été installée au préalable. Cela ressemble à un lieu idyllique décrit ainsi ; j'aimerais tant y aller au moins une fois dans ma vie ! La forêt Amazonienne, l'Amazone, toutes ces plantes... Merlin ! Cela paraît être si loin, et en même temps si proche grâce à cette lettre.

Je souris en lisant la suite de la lettre d'Estefânia. Ainsi, elle n'a jamais quitté l'Amérique du Sud, et parmi toutes les autres écoles, c'est Poudlard qui l'intrigue le plus. Je pense que je comprends. Ici, notre enseignement doit lui paraître bien différent. Cela ne peut que l'attirer, je tâcherai de satisfaire au mieux sa curiosité.

__
Votre école semble bien différente de la mienne, peux tu me parler de ta maison Serdaigle ?
__

Je pourrais également formuler cette idée, tant je suis d'accord avec son contenu. Poudlard et Castelobruxo semblent être si différents ! Poudlard nous enseigne une plus grande diversité de matières, mais nous ne sommes pas non plus situés dans un lieu merveilleux. Je crois que si je le pouvais, j'échangerais bien le Lac Noir avec cette forêt Amazonienne qui semble être bien plus accueillante. Pourtant, jamais je ne voudrais changer de maison ou quitter le château. Ici, je suis chez moi. J'ai trouvé ma place, mon utilité, et je me plais à évoluer dans ces escaliers surprenants et déstabilisant, aux côtés de ces tableaux et de ces élèves bavards. À Poudlard, je suis bien, même si cela m'est déjà arrivé de ne pas m'y sentir en sécurité. Cependant, Castelobruxo doit être synonyme de tellement de changement ! La forêt humide, la chaleur permanente, la langue, la faune et la flore... Ce doit être passionnant de vivre là-bas ; passionnant et déstabilisant pour une écossaise comme moi.

Serdaigle ! Je crois que moi aussi, je pourrais parler de ma maison et de mon école pendant des heures. Le seul fait d'y penser me plonge dans un bassin abyssal de bonheur, de bien-être, de passion et d'attachement. Car, quoi qu'on en dise, Poudlard est pour moi une deuxième maison et Serdaigle une deuxième famille.

__
Merci pour cette fleur, j'ai fais des recherches, elle pousse dans vos forêts c'est cela ?
__

Ainsi, la jonquille l'a intéressée... Je m'en doutais un peu, c'est une fleur qu'on ne peut pas observer en Amérique du Sud. Je ne sais ce qu'elle va en faire, mais j'espère qu'elle a apprécié le cadeau. J'ai craint en glissant la fleur dans ma lettre qu'elle ne comprenne pas sa présence et ne s'y intéresse pas, mais heureusement cela n'a pas été le cas.
Merlin, je me sens si bien ! Je crois qu'Estefânia et moi avons des chances de bien nous entendre, et je trouve cela fantastique. *Moi, discuter avec une élève vivant à l'autre bout du monde...!*

Je laisse tomber ma tête en arrière et mon sourire s'étend jusqu'à mes yeux. *Par Circé !* C'est tellement fantastique et merveilleux à la fois. J'ai presque du mal à y croire. Je me sens pousser des ailes. Un Tournesol prêt à s'envoler pour danser et tournoyer dans le ciel. Mon bonheur s'échappe de partout, je le sens même exploser dans mon ventre avec délicatesse et chaleur, petites bulles de soleil.

Je ferme les yeux et me laisse emporter.
Merlin, j'ai reçu ma première lettre ! Combien y en aura-t-il d'autres ? Qu'apprendrai-je ? Je veux tout savoir, tout découvrir, tout comprendre. Et tout ressentir ! Je veux ce soleil dans le cœur à chaque ouverture d'une lettre, ce bonheur dans la poitrine qui semble être capable de brûler pour toujours, ce sourire grand comme un croissant de lune sur le visage. Je veux tout et je veux être pleine de tout cela ! Ressentir, savoir et penser jusqu'à déborder ! Plus jamais je ne connaîtrai cette peur qui vous dévore les entrailles, ces remords et ces regrets qui vous tordent jusqu'à ce qu'il ne reste que quelques gouttes de vous, cette tristesse douloureuse qui teint vos pensées de rouge et rend votre corps trop étroit et inapproprié. Plus jamais je ne veux ressentir cela, à partir de maintenant je ne vivrai que de bonheur. Je veux m'en nourrir jusqu'à ce que mes veines et mes pensées en soient pleines. Et ensuite, je le laisserai couler hors de moi pour qu'il puisse plonger vers les autres.
Du bonheur, ma Magie, des savoirs, des découvertes, que désirer de plus ?


Par Merlin, il faut absolument que je montre cette lettre à Alison, ou qui que ce soit d'autre. Je ne pourrai jamais tenir toute la journée sans l'avoir fait lire et avoir transmis tout ce que je ressens à une autre personne. J'ai terriblement besoin d'extérioriser ce qui explose en feux d'artifice dans ma poitrine.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

01 mai 2022, 12:00
Par-delà les Océans  SOLO ++ 
9 AVRIL 2047, 21h21
DORTOIR DES FILLES, POUDLARD

Alyona, 17 ans

deuxième lettre reçue

*

[TROISIÈME LETTRE]



Une journée difficile et chargée traîne comme une ombre derrière mes pensées et sur mon corps, faisant s'affaiblir mes paupières et rendant lourds mes membres. *Merlin...* Je suis plus fatiguée que je ne me l'avoue, mais je sais désirer ardemment l'approche des vacances, même si celles-ci rimeront ce mois-ci et pour la première fois avec déménagement. En temps normal, je profiterai de la soirée qui se glisse devant moi pour lire ou travailler — ou les deux —, mais je me sens prise en tenaille par mon manque de motivation et d'envie. Je ne souhaite rien, seulement un peu de repos et de jolis et légers moments qui viendront flotter dans mes souvenirs comme un sourire sur mes lèvres. Cependant, je me dois de rester éveillée, Ecco ne m'a pas suivi dans les dortoirs, comme il lui arrive de faire, et je me dois de l'attendre pour être sûre qu'il passera la nuit ici. Oh, je sais bien que ce n'est pas grave s'il dort dans les couloirs ou dans la salle commune, mais je préfère l'avoir près de moi, il me fait du bien.

Assise sur mon lit et appuyée contre la tête de lit, j'observe mes camarades agir, plongée dans mes pensées. J'aimerais être capable de faire quelque chose qui me soit utile sans que cela ne nécessite beaucoup de temps de ma part — je ne veux pas fixer le plafond et ne rien faire en attendant Ecco —, mais je ne sais comment m'occuper. Mon regard grimpe et s'écrase dans la pièce, partant à la recherche de quelque chose d'utile et de rapide à faire.

Et soudain, il s'arrête sur la commode à côté de mon lit sur laquelle est posée une grande feuille exotique. *Une feuille de philodendron...* Un sourire m'éclaire le visage lorsque je l'aperçois. Les lettres d'Estefânia sont de petits soleils qui illuminent tous les deux mois mes journées, et y penser fait revenir les sentiments qui m'animent quand je les reçois et les lis. Je n'ai pas encore répondu à ma correspondante. Peut-être pourrai-je m'en charger maintenant afin de lui envoyer ma lettre avant mes vacances ? Je me redresse sur mon lit pour plonger vers ma commode, saisir la feuille de philodendron et ma baguette afin de faire venir à moi tout ce dont j'ai besoin pour répondre à Estefânia. Après plusieurs lancers de sorts, je retrouve face à mes yeux la fameuse feuille, un parchemin, une plume, de l'encre, la lettre, un manuel emprunté il y a quelques semaines et mon carnet de notes. Je sais qu'écrire dans un lit n'est pas pratique, mais au moins, ici je suis au calme.

Après avoir calé l'encre pour ne pas qu'elle se renverse, relu la lettre et ouvert mon carnet à la page de mes notes sur le portugais, je plonge ma plume dans le liquide noir, prête à écrire.


__
Chère Estefânia,
__


Merlin, le simple fait de lui adresser quelques mots me fait sourire. Elle est alors si loin, mais si proche de moi ! C'est comme si ses mots étaient un petit bout d'elle qui m'était offert. Je peux les lire et les relire pour apprendre à découvrir davantage Estefânia. Elle les a écrits sur ce parchemin en Amérique du Sud — par Circé, que cela me semble loin ! — et les voici devant moi, petits bouts d'elle envoyés dans l'inconnu. À coup sûr, contrairement à moi, elle ne se préoccupe pas de ce type de détail. Elle doit certainement être très curieuse et impatiente de lire mes lettres. Je crois que cette attente entre deux lettres fait partie de ce que je préfère dans cet échange. Je sens alors mon enthousiasme exploser quand j'aperçois la sous-directrice se diriger vers moi avec cette enveloppe si particulière. Et dire qu'un jour peut-être, je partirai au Brésil pour rencontrer Estefânia pour de vrai ! C'est si excitant et presque incroyable. Franchir autant de frontières et découvrir une nouvelle école de magie... Par Circé, je crois que j'ai toujours du mal à réaliser qu'une telle possibilité m'est offerte.

Je rattrape mes pensées qui divaguaient et s'échappaient de mon esprit pour me reconcentrer sur ma lettre et le portugais. Mes yeux font des allers-retours entre le manuel de langue et la deuxième lettre d'Estefânia, sautant de l'un à l'autre comme des acrobates accomplis.

__
Je te comprends. Ton école a l'air vraiment fantastique ! C'est vrai qu'ici, les plantes sont petites et peu nombreuses et les animaux se font discrets. À Poudlard, il y a des deux dans les serres de Botanique et la zone des créatures magiques.
__


Merlin, plus je tente d'imaginer ma vie à Castelobruxo, et plus elle me plaît. Je rêve encore et encore, tentant d'échapper à ces dortoirs qui me laissent enfermée entre quatre murs, cherchant à me perdre dans mes visions imaginaires pour le plaisir que cela me procure. Castelobruxo et sa forêt tropicale, ses cours d'eau, ses animaux que je n'ai certainement jamais vus, ses plantes exotiques, sa douce chaleur... Poudlard me paraît si terne à côté de toutes ces couleurs qui se dessinent dans ma tête quand je m'imagine cette autre école de magie ! Ici, nous avons certes un château immense, des escaliers capricieux, des tableaux bavards et des fantômes théâtraux, mais nous n'avons pas cette touche d'exotisme et de féerie que je m'imagine à Castelobruxo. Peut-être suis-je également trop habituée à vivre à Poudlard. Peut-être ai-je envie de découvrir autre chose. Je n'en sais rien ; mais derrière mes paupières, comme collée au plafond de mes pensées, l'image que je me fais de Castelobruxo se dessine petit à petit, gagnant des détails et du réalisme.

__
Je n'ai jamais été dans un pays chaud comme le Brésil. Tu me donnes envie d'y aller ! J'espère le pouvoir un jour.
__


Un mouvement attire brusquement mon attention, quelques secondes avant qu'une petite présence douce et chaude ne se faufile contre ma cuisse. *Ecco !* Je souris et glisse un doigt le long du dos de mon rat, réconfortée à l'idée de le savoir près de moi.

Cela me fait sourire quand je me rends compte qu'il est arrivé juste avant que je ne commence à écrire à son propos dans ma lettre. Il semble l'avoir anticipé et être apparu au bon moment exprès, même si je sais que c'est impossible.

__
Ecco est comme mon compagnon de vie. Il passe du temps avec moi. Alors, personne n'a d'animal à Castelobruxo ?
__


Cela doit être étrange, et les couloirs doivent sembler bien vides. Pourtant, j'imagine assez aisément des serpents de couleurs vives comme on en voit ici se balader dans mes jardins imaginaires de Castelobruxo. Merlin, qu'est-ce que je donnerai pour pouvoir passer ne serait-ce que quelques heures quand je le souhaite dans une forêt tropicale pleine de couleurs !

Plus j'avance dans l'écriture de ma lettre et plus je me rends compte qu'écrire et apprendre une autre langue est complexe. Je n'ai pas de mauvais souvenirs de mon apprentissage du russe, mais j'étais jeune et les connaissances semblaient s'ancrer bien plus aisément dans mon esprit. Désormais, je dois sans cesse vérifier le vocabulaire à ma disposition, me renseigner pour savoir si ma conjugaison est la bonne, fouiller toutes mes notes pour relire mes leçons de grammaire et m'appliquer quant à ma rédaction. Cela me fait douter et hésiter, je me sentirais honteuse si je faisais une grosse faute. Cependant, le portugais est vraiment plus complexe que ce que je ne pensais. Il n'y a presque aucun mot ressemblant au russe ou à l'anglais. Tout est à réapprendre, et l'oral est bien plus difficile. Je me réjouis de pouvoir disposer de toutes mes grandes vacances pour avancer dans cet apprentissage, j'ai bien trop peur de devoir parler en face-à-face avec Estefânia et de ne parvenir à trouver aucun mot et à ne former correctement aucune phrase.

__
C'est intéressant de se regrouper ainsi. J'ai des amis dans presque toutes les maisons mais je passe plus de temps à Serdaigle.
Je suis curieuse aussi ! J'essaye de lire tous les livres traitant des sujets qui me plaisent comme la médicomagie et la botanique. Y a-t-il des livres que tu me recommandes ? J'aimerais percer tous les mystères de la botanique et des potions !
Si des sujets étudiés dans mon école t'intéressent, je peux te partager ce que je sais à leur propos.
__


Je suppose qu'il y a une grande bibliothèque dans toutes les écoles de magie et que celle à Castelobruxo doit être remplie de livres merveilleux et inexistants à Poudlard. Oh Circé, il faut vraiment que je m'améliore en portugais et que je puisse aller à Castelobruxo, le fait même de m'imaginer feuilletant des livres que je n'ai jamais vus fait bouillir mon envie qui explose alors dans tout mon corps. Des livres de botanique que je ne connais pas ! Des savoirs supplémentaires à disposition, des sujets d'étude sur lesquels je ne me suis jamais penchée, des plantes dont je n'ai jamais entendu parler... L'inconnu prend encore tellement de place dans ma vie, mais je ne cherche qu'à tout découvrir, comme si savoir était mon oxygène.

Je fais une pause dans ma rédaction, hésitante. Je déborde tellement d'envies que je crains d'écraser celles d'Estefânia avec les miennes et de ne pas lui laisser la possibilité d'apprendre de nos échanges. Elle doit elle aussi certainement chercher à découvrir de nouvelles choses grâce à moi, et si je lui en demande trop, peut-être hésitera-t-elle à exposer ses envies. Mais je suis bien incapable de continuer à lui envoyer des hiboux sans lui faire part de mes désirs ! Je veux tout lire et tout savoir sur la botanique. Je veux pouvoir étonner mes parents, mes grands-mères et mon professeur ; je veux pouvoir apprendre de nouvelles choses en permanence.


__
Accepterais-tu de m'envoyer une photo de la forêt de Castelobruxo ? J'essaye de me l'imaginer !
__


Tandis que j'écris les dernières lignes de ma lettre, je ne peux retenir les doigts de ma main gauche qui viennent alors caresser tout doucement la feuille de philodendron, comme si elle était un trésor inestimable. Elle est si grande, si belle et si différente des feuilles présentes à Poudlard ! Et cette couleur ! Ces contours si gracieux ! Merlin, que j'aime plonger dans l'inconnu pour apprendre à percer ses mystères !


__
Merci pour ta feuille ! Elle me fera aussi penser à toi. Je vais me renseigner sur ces végétaux dont tu m'as parlé.


À bientôt,
Alyona
__


Il faudra que je revérifie plus tard, mais je suis certaine qu'Estefânia m'a partagé des noms de végétaux qu'elle apprécie. Je ne connais pas vraiment le philodendron, et j'ai vraiment envie d'en savoir plus à propos de cette plante. Je garde une sorte d'herbier depuis quelques années dans lequel je classe toutes les plantes que je connais après avoir fait quelques recherches à leur sujet. Alors, il me faudra parcourir la bibliothèque ou demander à mon professeur pour acquérir de nouvelles connaissances à propos de ces plantes exotiques. Oh, l'odeur environnante doit être si différente là-bas ! Et les couleurs ! Et les sons ! Y a-t-il beaucoup d'oiseaux au Brésil ? J'imagine que s'il y en a, ils ne sont pas semblables aux nôtres. Mais il doit bien en avoir pour peupler ces grandes forêts ; alors à quoi ressemble leur chant ? Et leur plumage ? Si je pars un jour à Castelobruxo et au Brésil, j'essayerai de ne pas oublier de prendre avec moi quelques plumes d'oiseaux.

La tête penchée en arrière et Ecco sur le bas de mon ventre, je laisse mes pensées m'entraîner, incapable de leur résister correctement. Ainsi, je divague, me laisse balancer par les flots et emporter ailleurs par mes vagues. Le fil de mes pensées m'échapperait presque, comme s'il allait trop loin et était parcouru trop vite pour moi. L'odeur d'Écosse me remplit les narines, avec sa terre humide, ses pins, ses fleurs, et toutes ces autres odeurs colorées. Et dire qu'Estefânia n'a jamais senti cela ! D'ailleurs, à quoi ressemble l'odeur du Brésil ? Les fleurs sauvages et exotiques sentent-elles bon ? Sont-elles semblables à celles que l'on peut trouver dans la serre tropicale ? L'odeur est-elle également proche ?

Merlin, tant de questions sans réponse ! *Un jour, je saurais !* Mais en attendant, je me fais emporter par mon imagination vers des terrains inconnus. Après tout, peut-être Estefânia apprécierait-elle de découvrir les odeurs d'Écosse ? Mais comment s'y prendre pour les enfermer dans une lettre ? Je pourrai essayer de parfumer celle-ci. L'ai-je déjà fait ? Je crois, mais les souvenirs restent vagues. Cependant, peut-être pourrai-je réessayer cette fois-ci ? Ce ne doit pas bien être compliqué, et le résultat doit être surprenant !
Un peu d'Écosse au milieu du Brésil... Un peu de moi dans mes lettres de velours, à jamais envoyées à l'autre bout du monde.

*Les océans ne peuvent plus nous arrêter.*


(Il n'y a jamais trop de mots.)

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

28 juin 2022, 16:11
Par-delà les Océans  SOLO ++ 
19 JUIN 2047, 06h43
PARC, POUDLARD

Alyona, 17 ans

troisième lettre reçue

*

[QUATRIÈME LETTRE]




Le soleil se lève si tôt quand la fin d'année approche ! J'ai beau me lever plus tôt que la plupart des autres élèves de ce château, quand j'arrive, il fait déjà jour. Oh, cela ne me dérange pas tellement, j'aime me réveiller et sentir le soleil caresser ma peau. Cependant, une part de moi est toujours un peu déçue de ne pas avoir pu assister à son lever. Hélios est d'une beauté éclatante quand il renverse la nuit pour s'imposer dans le ciel, et j'aime apercevoir sa puissance et le spectacle qu'il m'offre, je me sens presque privilégiée.

Assise en tailleur et dos à l'astre lumineux, j'observe les différents objets qui me font face. Encre noire, parchemin, plume, enveloppe, carnet et lettre : tout y est. Depuis quelques semaines, la rédaction des différentes lettres que j'envoie à Estefânia est devenue presque comme un rendez-vous, tout comme la réception de ses lettres. Désormais, quand je les vois arriver dans la Grande Salle, un sourire me percute avant même que la lettre ne soit entre les mains. Il faut dire que j'ai appris à reconnaître ce papier, ces couleurs, et tous ces autres signes annonciateurs qui vous murmurent que votre journée va s'illuminer brusquement. Avec le temps, j'ai presque réussi à prendre conscience du fait que je discutais avec une personne habitant et respirant à des milliers de kilomètres de moi, même si c'était compliqué. J'ai du mal à croire que l'année prochaine, j'irai peut-être la voir dans son pays, et elle à Poudlard. Cela me semble impossible, comme un rêve. Je ne fais que l'imaginer, mais si un jour cela devenait réel ! Ce serait tellement merveilleux ! J'aurais tant à lui dire ! J'ai d'ailleurs du mal à l'imaginer. À quoi ressemble-t-elle ? De quelle couleur sont ses yeux ? Et ses cheveux ? Est-elle grande ? Tout est flou et incertain, mais que j'ai hâte de pouvoir la voir, elle, son école, et le Brésil ! Oh Merlin, j'ai bien trop de mal à y croire. N'est-ce finalement pas qu'un rêve ?

Je cligne des yeux, bien décidée à chasser pour le moment ces images qui ressemblent à des illusions. Avant de m'imaginer rencontrer Estefânia en vrai, j'ai encore bien trop de choses à lui dire ! Et, par Circé, cette photo qu'elle m'a envoyé ! Elle est là comme pour me prouver que tout ceci est bien réel ; elle fait s'exciter mon cœur et mes pensées, emballés par cette vision qui semble tout droit sortie d'une vieux livre.

Mes yeux papillonnent une dernière fois avant de venir se poser sur le parchemin posé sur mes genoux. A-t-elle, elle aussi, hâte de venir me voir à Poudlard ? Je ne sais pas, j'ai parfois presque du mal à croire que tout cela est bien vrai. Je pense que finalement, je ne suis pas parvenue à prendre totalement conscience du fait que j'échange avec une personne vivant à des milliers de kilomètres de moi.

__
Chère Estefânia,

Je comprends ta curiosité. À Poudlard, nous avons une serre tropicale, une méditerranée, une du désert, une froide et une de feu. Si tu viens à Poudlard, je te les ferai visiter ! Nous avons même un buisson ardent et un arbre anti-pesanteur !
__


Je passe tellement de temps dans ces serres, à tout étudier attentivement, à regarder, à lire, parfois juste à faire quelques devoirs ou à apprendre des cours. Ces serres sont pour moi aussi importantes que la Bibliothèque, voire davantage. Depuis que je suis à Poudlard, je crois qu'il ne s'est pas passé une journée sans que je n'y sois entrée, ou que je ne sois passée devant. J'ai si hâte de pouvoir les faire visiter à Estefânia ! Oh, je pense qu'elles lui plairont beaucoup. Devrai-je lui envoyer une photo de ces serres ? Peut-être que cela lui fera plaisir. Cependant, je préfère garder la surprise. Les serres de Poudlard doivent être bien différentes de la forêt de Castelobruxo, et j'avoue avoir un peu peur qu'elles déçoivent Estefânia. À moins que je ne sois trop habituée aux serres de Poudlard et impressionnée par la forêt de Castelobruxo pour comparer les deux objectivement ? Peut-être, mais c'est parfois si compliqué d'être objective !

Avant de débuter un nouveau paragraphe, je stoppe brusquement le mouvement de ma plume vers l'encrier. Ne devrai-je pas tenter d'écrire un paragraphe entier en portugais ? C'est si difficile ! Pourtant, depuis le début de l'année, je me suis beaucoup améliorée avec Alison. Cependant, suis-je prête à écrire tout un paragraphe dans cette langue ? Il y aura certainement beaucoup de fautes... Mais tenter est intéressant et instructif, alors je le ferai.
Je plonge ma plume dans mon encrier, mon carnet de notes désormais bien ouvert face à mes yeux.

__
Il est ami aussi avec d'autres élèves. Parfois il va sans moi mais toujours il revient. Je prends soin de lui. J'aime prendre soin de lui et être utile. C'est pour cela aussi j'aime les plantes, mais Ecco pour moi est plus important.
__


Par Merlin, que c'est complexe ! Les sourcils froncés, je ne cesse de faire des allers-retours du regard entre les notes que j'ai prises, la dernière lettre d'Estefânia et celle que je suis en train de lui écrire. Néanmoins, cela m'amuse un peu. C'est comme un défi que je me lance, et même si je n'ai pas pu écrire un paragraphe entier en portugais, je sais que j'en suis capable, et qu'un jour je le ferai. Après tout, si je continue à travailler comme je le fais et à apprendre, je finirai par écrire parfaitement cette langue. Du moins, c'est ce que j'espère.

Quand mes yeux viennent s'écraser sur le titre du livre qu'Estefânia m'a dit apprécier, je ne peux m'empêcher de me reprocher de ne pas avoir encore cherché à me le procurer. Je veux apprendre ! J'ai besoin de tout savoir, de tout découvrir, j'en ai terriblement besoin. Or, si ce livre peut m'aider à acquérir de nouvelles connaissances, alors je trouverai un moyen de l'avoir. Et puis, les ptérydophytes sont des plantes intéressantes !

__
J'ai lu beaucoup de livres botanique, j'essayerai d'en sélectionner pour toi. Ce ne sera pas facile ! Notre art de guérison utilise aussi bien des sortilèges que des plantes, mais je m'intéresse beaucoup aux bienfaits des plantes. Je trouve cela fantastique que des végétaux qui semblent simples puissent être aussi utiles que la magie dans certains cas ! Cela me passionne.
__


Saisissant ma plume, je trace un petit trait d'encre sur mon poignet afin de ne pas oublier de passer demander ce livre à la Bibliothèque. Je crois qu'il me faut également rendre quelques livres et en emprunter d'autres. La dernière fois, j'ai aperçu un livre sur les Streptophyta que je n'avais pas encore lu, je dois vite remédier à cela avant de retourner chez moi pour les grandes vacances — Merlin, je n'en ai tellement pas envie... Les examens viennent de se terminer, et avec eux ma sixième année à Poudlard m'échappe doucement. Et dire que dans un an, je préparerai mes bagages pour partir définitivement ! Je ne veux pas y croire, c'est trop douloureux. J'ai bien trop envie de rester encore ici des années, entre ces murs si rassurants et dans ces lieux que je connais par cœur. Ailleurs, le Savoir m'attend, ce qui est follement excitant, mais je ne pourrai plus jamais retourner à Poudlard comme maintenant. Cela me fait un peu peur ; que deviendront ceux à qui je tiens ? M'oublieront-ils ? Je préfère ne pas y penser pour l'instant, cela me plonge dans une étrange mélancolie douloureuse. Toutes ces réflexions seront pour plus tard ; aujourd'hui je dois me concentrer sur la rédaction de cette lettre et décompresser un peu après les examens.

__
Merci pour ta photo ! Il est magnifique ! Je rêve de voir une forêt comme ça, les plantes doivent y être merveilleuses ! Y en a-t-il qui t'impressionnent ? Tu as des plantes préférées ?

À Poudlard, nous venons de terminer nos examens. En as-tu ? Pouvez-vous apprendre à transplaner ? Je l'ai fait cette année, et j'ai obtenu mon permis de transplanage !
__


Les questions naissent dans ma tête si promptement que je dois me retenir de ne pas toutes les poser à Estefânia. J'ai tant à apprendre d'elle en si peu de temps. Continuerons-nous à échanger après Poudlard ? Cela aurait quelque chose de fantastique. J'espère sincèrement pouvoir me rendre au Brésil un jour, la description que ma correspondante m'en fait me porte à croire que c'est un pays rêvé. Les plantes doivent y être si différentes de celles de Poudlard ! Et si grandes ! J'ai même du mal à imaginer le climat qui doit régner là-bas, même si je l'ai étudié et que j'ai déjà passé du temps dans la serre tropicale. Une chaleur et une humidité permanentes... L'Écosse est bien loin de ce climat ! Si je devais me rendre là-bas, je crois que les différences des milieux me choqueraient beaucoup.
J'ai tant à apprendre de cette correspondance. Plus j'écris et plus je souris. J'ai l'impression de plonger dans un monde de découvertes constantes. Cela pourrait faire peur à certains, mais moi cela me fascine. J'ai la possibilité de poser tellement de questions et d'apprendre ce que je n'aurais peut-être jamais appris à Poudlard. Et mon cœur bat un peu plus fort quand j'y pense. Je veux tout savoir. Je veux découvrir. Je veux être utile au monde. Cela ressemble peut-être à des rêves futiles, mais je ne peux m'empêcher d'être guidée par eux.

Mes yeux restent fixés un moment sur la photo qui me plonge au cœur de cette forêt lointaine. Si seulement je pouvais voyager directement là-bas, en un claquement de doigts. Je cligne des yeux... Et rien ne se passe. Je reste enfermée avec mes espoirs et mes illusions, si proche du savoir, et pourtant si loin.

__
À bientôt,
Alyona
__



Quelques minutes plus tard, la lettre d'Estefânia rangée et le parchemin plié entre mes doigts, je laisse mes pupilles se promener vers l'horizon. Est-ce que je regarde dans la direction d'Estefânia lorsque je regarde par là ? J'ai tellement envie d'aller plus loin que ce que je vois ; j'ai tellement envie d'aller au-delà de ces océans qui nous séparent, au-delà de ces livres que j'étudie en sixième année, au-delà de mes connaissances en botanique et de celles des autres personnes étudiant à Poudlard ; au-delà de tout. Ce n'est plus une simple envie, c'est un besoin qui me ronge l'intérieur du crâne. Tout est là, face à moi, presque accessible. Il me suffit de tendre la main pour balayer les apparences et m'enfoncer vers les profondeurs. Et, je le sais tout au fond de moi, je suis née pour m'enfoncer dans les profondeurs et en ressortir plus grande. Le ferai-je ? Certainement. Du moins, j'essayerai de toutes mes forces.

Je baisse brusquement ma tête vers le sol pour regarder mon sac qui ne semble attendre que moi. Peut-être est-il temps que je termine ce livre que je dois rendre prochainement, il ne me reste plus beaucoup de pages. D'ailleurs, puisque mon carnet et ma plume sont déjà sortis, cela me facilitera la tâche. Et puis, il faut bien que je travaille un peu avant d'aller manger. Les premières heures du jour sont propices aux apprentissages.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

30 sept. 2022, 19:38
Par-delà les Océans  SOLO ++ 
29 JUILLET 2047, 8h01
6, AVENUE B. MULDOON, GODRIC'S HOLLOWe

Alyona, 17 ans

réception de la quatrième lettre



Godric's Hollow n'est jamais silencieuse. Les gens se bousculent toujours dans ses rues, comme une nuée de petites abeilles ne sachant pas comment s'arrêter de bourdonner. Cela grouille, cela déborde, cela s'agite de partout, on ne peut pas trouver une seule rue calme et vide ; c'est comme si les sorciers avaient complètement envahi cette ville. Et moi, je me sens mal à l'aise ici, un peu perdue, pas encore à ma place, loin de ce qui apaise mes pensées, dans un environnement qui m'angoisse et m'attaque de toutes parts. Quand je sors, je me sens presque étouffée, j'ai la sensation de n'être qu'une sorcière parmi tant d'autres, pas bien différente, à peine remarquable, je me fonds dans la masse et disparaîs. Je ne suis personne ici, je n'ai ni nom, ni histoire ; je ne sers à rien ici, je n'y ai pas ma place, et peut-être que je ne l'aurais jamais.

Alors, je ne sors que très rarement dans les rues de Godric's Hollow. J'ai convenu avec mes parents que je resterai au minimum jusque début août avec eux, dans notre nouvelle maison bien trop grande pour trois personnes. Je me tiens à ce que j'ai promis, mais j'attends secrètement de pouvoir retourner là où je me sens bien, là où je me suis toujours sentie bien. J'attends de pouvoir partir chez ma Grand-Mère maternelle, de retrouver cette liberté qui me manque tant à Godric's Hollow — non pas que je ne sois pas libre dans cette capitale, plutôt que je m'y sente enfermée, prise au piège, étouffée —, j'attends de pouvoir respirer de nouveau le parfum des végétaux, des champs, des parchemins sur lesquels j'emprisonne quelques mots qui constituent mes études. Merlin, que j'ai hâte de pouvoir quitter cette capitale pesante et dérangeante !

J'ai placé dans ma chambre plusieurs fleurs et plantes pour m'y sentir bien. Ma fenêtre reste en permanence ouverte pour laisser rentrer l'air. Ecco n'est pas encore très à l'aise avec la ville, alors il dort sur mon lit tandis que moi, allongée sur le sol dans une de mes salopettes bleu marine, je lis ces livres empruntés il y a quelques jours — l'avantage d'une capitale comme celle-ci est certainement l'accès fantastique qu'elle offre à la culture, alors j'en profite —, prenant des notes sur un carnet tout juste débuté.
Je griffonne, noircissant les pages, déversant mes pensées et mes réflexions concernant ma lecture actuelle. Les Faboideae m'ont toujours intéressé, mais c'est un des premiers livres que je lis qui se concentre réellement sur leurs bienfaits sur le corps, ce qui me plaît bien plus. Je dois prendre des notes, je dois retenir un maximum d'informations, je dois nourrir ce gouffre sans fond caché dans mon âme qui ne cherche qu'à savoir toujours plus. Alors je m'y attelle, les sourcils froncés, les lèvres pincées, le regard dévalant les lignes et les mots sans s'arrêter. Cela me fait un bien fou.

Et puis, soudain, des éclats de couleurs près de ma fenêtre détournent mes yeux pourtant bien concentrés sur ma lecture. Mon regard n'est qu'un papillon séduit par les fleurs les plus odorantes, que son attention soit retenue ou non, il se fait sans cesse attirer par les fleurs les plus intrigantes. Des éclats de couleurs dans cette ville si terne sont bien trop séduisants, alors il vient se poser délicatement dessus pour les...

*OH MERLIN !* Si je n'étais pas déjà à terre, j'aurais probablement défailli brusquement. Je cligne des yeux pour m'assurer que ceux-ci ne me trompent pas, qu'ils ne se sont pas perdus sur une image fantôme. Est-ce réel ? Ce que je vois est-il vraiment face à mon regard ? Un toucan toco est-il réellement posé sur le bord de ma fenêtre, une lettre dans le bec ? Je reste immobile plusieurs secondes, incapable d'agir, persuadée que l'illusion disparaîtra rapidement.

J'attends, et l'oiseau ne s'en va pas. Il reste à ma fenêtre, lui aussi immobile. On se regarde ; mon cœur bat plus vite, j'ai un peu peur que le toucan s'en aille. Le vois-je vraiment ? Puis il incline sa tête, me faisant sursauter.

Merlin. Il est vivant, et bien réel, bien trop réel.

Je me redresse lentement sur mes pieds, inquiète à l'idée que le volatile s'en aille, mais il semble assez déterminé à me laisser prendre cette lettre. Est-elle vraiment pour moi ? J'ai du mal à m'en convaincre. Un toucan cherche à me transmettre une lettre ! Mais d'où peut-il venir ? Qui enverrait un toucan me transmettre une lettre ? *Oh...* Je m'avance vers l'animal tandis que mes pensées s'amusent à former une première supposition. Se pourrait-il que...? Un sourire prend forme sur mon visage. L'oiseau ne bouge pas quand je le rejoins. Il me laisse attraper la lettre. Mon corps est secoué d'inquiétudes. Et si ce n'était pas ce à quoi je pensais ? Le toucan détache ses pupilles de moi pour regarder quelque chose dans mon dos, ce qui me pousse à me retourner brusquement ; et quand je souhaite reposer mes iris sur cet animal, il est déjà parti. À moins qu'il ne soit jamais venu ? Mon esprit se surprend à douter, mais le parchemin sous mes doigts ne permet aucune confusion. Merlin... Mon sourire est une lumière sur mon visage.

Je reconnais rapidement son écriture, les formes de ses lettres, leurs irrégularités, leur délicatesse. Tout est semblable aux lettres précédentes, si ce n'est ce toucan étonnant et ces nouveaux mots.

Cela me fait plaisir d'avoir des nouvelles d'Estefânia. Sa lettre m'intrigue et fait naître en moi mille questions. C'est étrange que des réponses à des questions ne fassent que développer d'autres questions. C'est étrange, mais cela ne me dérange pas. J'aime bien avoir le crâne bourré de questions, cela me donne des objectifs.

Après avoir lu la lettre, mon cœur est plus léger. J'ai oublié Godric's Hollow, j'ai oublié le poids qui m'écrasait, j'ai oublié le besoin de Poudlard, le besoin de nature.

Par Circé, je vais devoir lui répondre rapidement et je n'ai aucun livre de portugais ! Il me faut absolument remédier à cela !

Ainsi, je range délicatement la lettre d'Estefânia dans un de mes tiroirs, caresse rapidement Ecco, attrape mon sac et quitte ma chambre. J'ai des courses à faire. Je pars approfondir toute cette douceur.
Dernière modification par Alyona Farrow le 04 déc. 2022, 12:01, modifié 4 fois.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

30 sept. 2022, 20:08
Par-delà les Océans  SOLO ++ 
31 JUILLET 2047, 22h34,
6, AVENUE B. MULDOON, GODRIC'S HOLLOW

Alyona, 17 ans

[CINQUIÈME LETTRE]



Il est tard. Trop tard. J'ai quitté la table il y a quelques heures, inquiète et épuisée. Ma mère et mon père ont choisi de me parler concrètement de mon futur post-ASPIC. Ma mère et mon père ont exposé leurs doutes à propos de l'école que je vise et des incertitudes qui se présentent entre mon désir et moi à cause de mes notes. Mon père et ma mère se sont tendus, mon père et ma mère m'ont fait craindre leurs réactions. Puis ils sont retournés sur les sujets qui occupent tout leur temps et leurs pensées, à savoir l'astronomie et l'actualité qui concerne le Conseil, et moi, je suis retournée à mes rêves d'ailleurs.

Assise en tailleur sur le sol de ma chambre, j'ai posé à mes côtés de quoi écrire — un parchemin, une plume et de l'encre noire de qualité — ainsi qu'un manuel de portugais trouvé il y a quelques jours et la lettre d'Estefânia. J'aime bien l'idée de lui écrire de chez moi, j'ai la sensation que notre échange dépasse alors le cadre de Poudlard, celui d'une simple correspondance entre différentes écoles de magie du monde. Là, j'ai l'impression que c'est un peu comme une correspondance privée, juste entre Estefânia et moi. Je sens mon petit cœur qui se gonfle de plaisir, presque flatté, déjà bien réjoui. Ces échanges ne cesseront de me faire sourire !

J'attrape ma plume, la trempe dans l'encre et me penche vers mon parchemin, installé sur un vieux livre posé sur mes genoux.

__
Chère Estefânia,
__


Mes yeux reviennent s'accrocher à la lettre reçue il y a quelques jours, imbibant mes pensées des mots écrits pour pouvoir y répondre plus aisément. Ensuite, ils naviguent vers ce manuel de portugais, s'accrochant aux expressions et au vocabulaire retenus, gravant l'orthographe exacte dans mon crâne. Que c'est doux de se replonger dans nos échanges, mais que cela peut être complexe !

__
Un toucan m'a apporté ta lettre ! J'avais jamais vu, c'est magnifique. Cela me donne vraiment envie de voir ton école !
__


Je me demande ce qui apportera ma lettre à Estefânia... Un animal particulier ? Ou alors, juste un hibou ? Peut-être me le dira-t-elle ? Cependant, je suis certaine que ce ne sera pas aussi merveilleux que d'apercevoir un toucan avec une lettre à sa fenêtre ! Un toucan, par Merlin ! J'ai encore du mal à le réaliser, je me sens redevenue enfant quand je pense à ce que j'ai aperçu. Les toucans ne sont peut-être pas rares au Brésil, mais ici, ils ne sont tout simplement pas là, alors en voir un pour du vrai... !

Je décide de chasser le volatile de mes pensées pour me reconcentrer sur ma rédaction. Ai-je commis une faute...? Je relis ce que j'ai écrit rapidement. Il me semble que non. Très bien, alors il me faut poursuivre.

__
Effectivement, faire le tour de nos serres, c'est presque comme faire le tour du monde ; il ne manque que quelques animaux pour les rendre plus vivantes ! Je te ferai visiter avec plaisir !
__


J'aime bien cette expression qu'elle a utilisée, « faire un tour du monde en quelques pas ». Je n'avais jamais pensé aux serres de Poudlard de cette manière-là, mais cela me les fait aimer davantage. Que j'ai hâte de les retrouver ! L'odeur des plantes et des fleurs me remonte déjà à la tête comme un parfum entêtant. Certains sont ivres d'alcool, et moi je suis ivre de la douceur de mes souvenirs ; je m'en abreuve et m'en saoule sans limites. Les serres de Poudlard et toutes les sensations qui leur sont associées font partie de ces souvenirs que je chéris.

__
L'arbre anti-pesanteur flotte au-dessus du sol et se ré-enracine la nuit pour récupérer les nutriments qui lui sont nécessaires. C'est un arbre très intéressant.

Merci. C'est vrai que j'aime prendre soin de ce qui m'entoure, cela me rend heureuse.
__


Prendre soin... Cette expression résonne aussi doucement en moi en anglais qu'en portugais. Cela me touche qu'Estefânia ait remarqué ce détail sur moi. J'ai la sensation de pouvoir lui faire confiance, de la comprendre comme elle me comprend, d'être presque proche d'elle, alors que tant de kilomètres et de régions silencieuses nous séparent. Je me demande à quoi elle ressemble, de quelle couleur sont ses yeux, quelles émotions parvient-elle à faire passer à travers son regard, quelles habitudes a-t-elle au cours de sa journée, quelles valeurs sont les siennes, quelle douceur peut révéler son sourire. Ces interrogations me saisissent parfois tant qu'elles me rendent impatiente, presque avide de savoir, de propositions infondées. J'ai envie de retourner à Poudlard, envie de savoir si nous pourrons nous voir, envie d'échanger avec Estefânia encore et encore, envie de la comprendre, envie de lui parler en face à face, envie de la faire entrer dans mon quotidien. Par Circé, je suis si pleine d'envies et d'espérances ! Le temps passe parfois désespérément lentement.

Je me reconcentre sur la lettre d'Estefânia, bien décidée à partager avec elle mes pensées et à lui écrire mon soutien. Et puis, des questions naviguent dans mon crâne à propos de la Scutumi largiflora et du Hura crepitans perniciosa depuis qu'elle m'a appris des choses à leurs sujets. Que veut-elle dire quand elle m'explique qu'on peut utiliser ces plantes comme certains utiliseraient des sorts ? Les plantes ont-elles un pouvoir autre que leurs propriétés magiques utiles dans les confections de potions, de baumes ou de filtres ? Comment une plante peut-elle permettre de se défendre ? Je veux tout savoir, chaque détail, chaque explication. J'ai besoin de savoir, apprendre est mon oxygène.

__
Je suis d'accord. Les plantes sont plus utiles que ce qu'on pourrait penser. Un sorcier ne s'y intéressant pas passe à côté d'un monde passionnant et important.
Mais, que veux-tu dire quand tu écris que ces plantes peuvent permettre d'attaquer ou de protéger comme un sort ? À Poudlard, nous n'apprenons pas à nous défendre à l'aide de plantes, nous étudions surtout leurs propriétés. Tu me rends curieuse !
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Oh, quand j'y repense... Apprendre à se défendre à l'aide des plantes... Merlin, que cela me paraît fascinant ! J'ai terriblement besoin d'en savoir plus à ce propos. C'est comme une démangeaison que je ne parviendrai pas à calmer, une sensation désagréable que je ne pourrai pas changer, un besoin que je ne pourrai pas assouvir. J'ai besoin de savoir comme certains ont besoin de se dépenser ou de s'exprimer ; j'ai besoin de savoir comme j'ai besoin de respirer. C'est primordial, c'est important, cela me touche le cœur et la peau.

Une grimace apparaît sur mon visage quand je relis la lettre de ma correspondante. Ses mots sont en anglais, mais cela ne m'empêche pas de grimacer. Elle est heureuse de me lire en portugais, certes, mais que cette langue est complexe ! J'essaye de m'améliorer pendant ces vacances et notamment de m'améliorer à l'oral... Merlin, que c'est compliqué ! Je crois que je ne parviens pas à le faire correctement, je bute sur mes mots, je manque de vocabulaire, j'hésite, je me trompe dans la prononciation... Je suis bien loin de pouvoir parler cette langue à l'oral. Mais je sais que j'en suis capable ! Je suis plutôt douée dans l'apprentissage des langues, et Circé sait que j'arriverai à maîtriser le portugais, peu importe le nombre d'heures que cela me prendra. J'y arriverai.

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Le portugais pas facile est. Je vais essayer de m'améliorer pour peut-être te parler un jour dans cette langue !
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Ne souhaitais-je pas ajouter quelque chose de supplémentaire ? Tout m'échappe en ce moment, j'ai la sensation que le monde est un liquide trop fluide que je ne peux pas retenir entre mes doigts. Tout m'échappe, j'oublie tout. À moins que... Mes yeux s'écrasent sur une des lettres d'Estefânia. Oh, cela me revient désormais ! Elle m'avait recommandé un livre — que je viens de réussir à me procurer — et j'avais promis de réfléchir afin de lui en conseiller un ! Ce ne fut pas une recherche facile. Généralement, tous les livres que je lis me passionnent, alors choisir un livre à recommander, un livre qui surpasserait les autres... Non, que Merlin m'en soit témoin, ce n'est décidément pas simple. Il me faut retrouver le titre des livres qui m'ont marqué, ce qu'ils m'ont appris, leur sujet principal et les informations qu'ils transmettent. Heureusement, ma bibliothèque reste toujours bien rangée. De plus, mon récent déménagement m'a permis de faire le tri dans mes possessions, et principalement dans mes livres, même si je ne suis pas parvenue à me séparer d'eux, juste à les ranger de manière plus organisée.

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J'ai réfléchi à un livre à te recommander. J'ai finalement choisi un de mes préférés : Étude des propriétés médicinales des lichens d'Europe, de Neil Thomson. Le connais-tu ?
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Ce livre m'avait marqué pour sa précision dans les explications et le chant de réflexion qu'il ouvrait. Les réponses n'étaient pas toutes écrites mais les questions, si. Il m'avait donné envie de lire davantage de livres au sujet des lichens, d'apprendre à mieux les connaître et les discerner, ne faire quelques recherches et expérimentations sur eux. Oh, cela fait bien deux ans que j'ai lu ce livre, mais je crois que ce qui y ai dit me fait encore réfléchir. J'espère qu'il intéressera Estefânia... Je ne sais pas vraiment si tout l'intéresse en botanique, mais je me doute qu'elle ne doit pas connaître beaucoup de choses sur les lichens d'Europe, et c'est en partie pour cela que je lui ai recommandé ce livre. Je ne veux pas juste échanger avec elle pour que nous partagions nos connaissances, je veux aussi lui être utile à quelque chose, l'aider à mieux comprendre ce qu'elle ne connaît pas, lui faire découvrir des aspects de la botanique auxquels elle ne s'était peut-être pas encore intéressée. Je veux pouvoir lui apprendre ce que je sais, je veux pouvoir parler avec elle de ce que j'étudie et de ce que j'aime. Je veux qu'elle me comprenne.
Peut-être que je veux trop. Parfois, j'ai des difficultés à mettre des limites à mes pensées. Elles m'entraînent dans un élan irrésistible et me voici, chutant dans mes envies, dans mes désirs, incapable de réprimer les volontés qui me font rêver. Je sais qu'Estefânia ne comblera probablement pas toutes ces envies et désirs, je sais que je l'imagine trop au lieu de la considérer telle qu'elle est, mais je pense que je suis incapable de ne pas pousser sur elle toutes mes envies. Que Merlin m'en soit témoin, je m'efforce pourtant de résister à ces désirs irréalistes ! Rêver est trop puissant, et je suis trop tentée.

Après mes dernières phrases, je conclus ma lettre en signant de mon nom. Quelques minutes me suffisent pour relire le tout et vérifier que je n'ai commis aucune faute, même si je sais que je passerai probablement à côté de certaines expressions mal dites et erreurs en portugais. Je plie soigneusement le parchemin, inscrit l'identité d'Estefânia sur l'enveloppe et glisse la lettre dedans.

J'ai du mal à m'imaginer que ce petit bout de parchemin traversera les océans. Quel long voyage ! Je me demande où Estefânia entrepose ses lettres et ce qu'il se passera cette année pour nous, si nous réussirons à nous voir. Je l'aimerai tant ! Mon esprit navigue dans un océan de pensées colorées et apaisées quand je pense à notre échange et à ce qu'il deviendra. Je pense que, peu importe ce qu'il se passera, je continuerai à écrire à Estefânia. Nous avons encore beaucoup trop de choses à partager, beaucoup trop de mots à écrire, beaucoup trop de questions à poser. Peut-être que nous ne pourrons pas nous voir, peut-être que nous ne nous entendrons pas une fois l'une en face de l'autre, peut-être que nous ne nous parlerons plus après ces échanges. Je ne sais pas. Je sais juste que je suis pleine d'espoir, d'envies, de rêves et de douceur. Mon cœur est un de ces nuages qui flotte dans le ciel, naviguant, progressant dans cette mer de bleu, traversant les océans en quelques mots.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique