Bon, il était temps. Elle y avait pensé, repensé et rerepensé. Elle en avait discuté avec Léonie. Elle avait fait le décompte de ses économies et analysé les revenus de la boutique. Mis le tout en commun avec ceux de sa meilleure amie. Regardé les logements disponibles dans les différents secteurs sorciers et trouvé quelque chose de raisonnable qui lui plaisait. Bref, elle était prête. Et la dernière étape, celle qu'elle redoutait le plus restait à venir : convaincre ses parents. Depuis qu'elle était toute petite, c'était toujours cette partie du plan qu'elle craignait le plus. À douze ans, elle comprenait encore, mais à 21, avoir besoin de l'approbation de ses géniteurs n'étaient plus vraiment d'actualité. D'autant plus qu'elle ne s'était jamais vraiment bien entendu avec eux, préférant passer le plus de temps possible chez Léonie dès qu'elle le pouvait. Et pourtant, elle sentait que pour cette décision, elle voulait leur soutient. Et puis, dans le pire des cas, sa décision était faite, elle partirait sans leur accord et tant pis.

Rentrant après un souper à Pré-au-Lard avec sa meilleure amie, elles avaient décidés qu'il était temps pour que leur projet se réalise, déménager ensemble dans un petit appartement à Londres. Et ce, dès qu'elles le pouvaient. Et pour ce faire, elle allait devoir parler à ses parents le soir même.

-Salut, j'suis rentrée !, dit-elle en ouvrant la porte principale.

Comme à son habitude, c'est sa mère qui descendit la première de l'étage, fraiche et magnifique comme si elle venait tout juste de sortir d'un bon bain.

-Bonsoir Annaëlle, comment va Léonie ?, s'enquit-elle par politesse. Ses parents avaient toujours apprécié la petite blonde, comment ne pouvaient ils pas ? Mais elle avait toujours eu l'impression que ses bonnes notes et sa constante politesse avait quelque chose à voir là-dedans.

-Bien mère, elle va bien. Est-ce que papa est là, j'ai quelque chose à vous annoncer qui concerne justement Léonie.

Et comme elle mentionnait mon père, celui-ci descendit à son tour, ses habituelles lunettes sur son nez ainsi qu'un livre à la main. Elle n'en pouvait plus d'attendre après eux ! La rouquine se dirigea sans attendre vers la table de la cuisine, là où ils pourraient discuter calmement. Comprenant que c'était un sujet assez sérieux (la jeune femme ne prenait jamais le temps de s'assoir pour dire une nouvelle, toujours impatiente de voir leur réaction), mais cette fois, elle voulait bien faire les choses.

-Alors, dit-elle afin d'attirer l'attention de ses parents. Vous savez sans doute que la librairie se porte bien et que l'argent commence à rentrer lentement mais surement et que Léonie a maintenant un emploi comme potionniste dans une boutique assez réputé, non ? Elle reprit son souffle, leur laissant du temps pour tout digérer. Et comme depuis la fin de notre septième année, nous avons toujours voulu habiter ensemble mais que le moment n'est jamais venu, nous pensons que maintenant serait parfait ! Elle analysa le visage fermé de ses parents, essayant de deviner ce qu'ils pensaient de son projet. Alors, qu'en dites-vous ?

Silence. Un énorme silence suivi sa déclaration. Habituellement calme et sure d'elle, la jeune femme se trouva à mordiller sa lèvre inférieure, seul signe de nervosité détectable chez elle. Allait-il refuser et dénigrer sa décision ? Ou l'accepter et la soutenir ? Un soupir franchi les lèvres de sa mère, comme excédé par les idées folles de sa fille et la regarda avec condescendance.

-Penses-tu vraiment être prête ? C'est une grosse décision Annaëlle, pourquoi ne pas attendre encore un peu, peut-être que l'envie te passera ?

La voilà, la réaction qu'elle attendait. Ses espoirs s'évanouissant, ses épaules s'affaissèrent et une moue déçu pris place sur son visage. Elle en avait assez de se faire infantilisée par ses géniteurs, elle n'était plus mineure et sous leur tutelle, elle était adulte et avait besoin de son indépendance.

-Ta mère a raison, penses-y bien avant de prendre ta décision.

Et comme ma mère ouvrait de nouveau la bouche afin de prendre la parole, je la coupai immédiatement.

-Ma décision est prise, je suis venue vous en informer, pas demander votre avis. Je pars, et dès que la paperasse sera réglé avec Léonie.

Elle avait été ferme, excédé que ses parents remettent en doute sa moindre décision parce qu'elle avait tendance à être parfois impulsive. Elle se leva de la table, la discussion terminé. Ou plutôt l'annonce. Partant dans sa chambre la tête haute, elle commença le grand ménage, histoire de jeter tout ce dont elle n'avait plus de besoin. Elle avait tellement hâte d'être finalement libre de la pression que ses parents mettaient sur elle.