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12 janv. 2022, 04:10
{ La Bleue teintée d'Ivoire }  + 

< Thème musical : Claude Debussy | La Mer >




Il est très difficile, quand on vit dans la familiarité bourrue de la mer, de ne point regarder le vent comme quelqu'un et les rochers comme des personnages.

Victor Hugo

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Hannah, 14 ans
25 Décembre 2046 [Aube]
Ashurst


Il est tôt ; trop tôt. Je ne comprends pas très bien ce qu'il se passe quand quelqu'un — qui, assurément, va le regretter, si c'est bien Aristid — tire violemment ma couverture alors que la lumière ne toque pas encore à mes volets et que le Noir emplit encore ma chambre ; c'est ce qui m'empêche de distinguer la personne qui m'a tirée si violemment de mon sommeil. J'étais en plein dans un rêve fabuleux où je Dansais avec Swann dans l'immensité de la Nuit, foulant l'herbe de mon jardin d'un pas léger, si léger que mes pieds ne touchaient qu'à peine le sol ; en somme, nous volions. Et de ce rêve je sors par la force, et je la moue qu'esquisse mon visage est évocatrice du mécontentement qui m'envahit.

« Allez, debout ! »

Je me suis trompée : c'est mon père. Je ne pourrais donc pas manifester mon agacement comme je l'aurais voulu, et de toute façon la surprise me saute à la gorge et occupe mes pensées. A l'accoutumée, mon père n'est pas du genre à se lever particulièrement tôt — et c'est un euphémisme — alors pourquoi me réveille-t-il en sursaut avec une voix pleine d'entrain ; comme si tout était parfaitement normal. Une pensée me traverse ; j'rêve encore ?. Mais bien vite, je prends conscience que non, je ne dors pas. Alors je me lève péniblement, avec tout de même une petite pointe de curiosité ; c'est Noël, après tout.

Une fois lavée et habillée comme me l'ont demandé mes parents — ma surprise croissant — je me retrouve sur la banquette arrière avec Aristid, qui a l'air aussi ahuri que moi. Que se passe-t-il ? Si les mines des parents n'étaient pas aussi souriantes, on aurait sacrément pris peur. Dans ma poche gibecière, j'ai pris le temps d'enfouir mon carnet pour que je puisse écrire le déroulement des événements ; car je suis extrêmement troublée par ce qu'il se passe. Je ne sais ni où nous allons, ni ce que nous allons y faire. Je n'ai rien demandé pour Noël ; ce serait donc un cadeau pour Aristid ? Mais tout cela lui ressemble bien peu. Ce n'est pas le genre de personne qui demande une telle chose. Ou alors, il aura le droit à mon petit coup de gueule tout à l'heure car je suis réellement énervée ; j'étais avec Swann et paf ! me voilà dans une voiture sans savoir ce que nous allons faire.

Nous démarrons. Je ne demande même pas quelle est la destination ; je sais, au vu du visage de mon père, que je n'aurais pas de réponse précise. Les kilomètres me semblent extrêmement longs, cette impression est sûrement due au fait qu'au fond de moi, je meurs d'envie de découvrir ce qui nous attends. Mais bien vite, la fatigue me rattrape. Mes paupières sont lourdes et...

Quelques minutes plus tard, Calshot beach


Une portière s'ouvre ; la mienne. Je mets du temps à ouvrir les yeux, et soudain je — *!!!* La Mer, bon sang, la Mer ! Celle que j'ai tant lue dans les livres, si belle et terrible, si vaste et si petite, si proche de moi sans que je ne l'aie jamais vue ! Je vois enfin l'étendue du Royaume de Poséidon ; mes yeux s'échouent sur chaque vague, caressent l'écume, battement de cils, et le cycle recommence. Ce que j'apprécie tout de suite, c'est l'éternelle vie qu'il y a dans ce cycle ; les Vagues renaissent après être tombées. Cela me rappelle bien des choses, tout ça. Et je regarde Aristid, complètement alpagué lui aussi par ce fascinant spectacle.

On est beaux, face à l'Immense.

« Putain. C'est beau. »

Je n'ai pas les mots ; plus les Mots. Ce que je ressens est bien trop fort.

Une Plume désireuse de Valser sur un fond de bleu et d'albâtre ?

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