La journée avait été longue comme tous les mercredis. En descendant les trois étages qui me séparaient de la grande salle je ne pensais qu'à une seule chose : Manger. Lorsque j'arrivais dans la Grande Salle pour le repas, c'est donc avec une grande impatience que je m'apprêtais à retrouver mon assiette.

En m'avançant vers la table des professeurs quelque chose, ou plutôt quelqu'un attira mon regard. Une jeune fille aux belles boucles brunes était attablée seule dans son coin à la table des Serpentard. Elle ne semblait pas très heureuse alors c'était décidé, il fallait que j'aille la voir. J'avais peut-être fini ma journée mais je ne pouvais pas la laisser seule comme ça. Tant pis pour le repas, ça attendra.

Alors que je gagnais mon ancienne table, je me suis assise juste en face d'elle en souriant.
"Salut ! Je sais que les adultes de sont pas sensés s'assoir avec les élèves mais tu n'avais l'air dans ton assiette... Je sais que ça ne me regarde pas mais est-ce que tu est souvent seule ? Tu veux peut-être en parler ?"
Bien que certains préfèrent rester seul, je n'ai jamais vraiment compris ça. J'ai toujours aimé être entourer des autres et être le centre de l'attention, il était vraiment dur pour moi de concevoir que quelqu'un rester seul de son plein gré même si mes études de psychomagie m'ont aider à mieux les comprendre.

@Erza McGowan

Assise à ma table, je triture dans mon assiette sans bruit. Il y a un *je-ne-sais-quoi* qui me coupe l'appétit et m'empêche de manger comme d'habitude. La tradition de la galette des rois, j'adore, mais la courrone m'intéresse moins. Je ne vois pas l'intérêt de montrer à tout le monde que j'ai eu une fève. *Fève*. Ce n'est qu'une forme — et encore. Le fait que ce soit devenu une célébration plutôt qu'une tradition m'importe peu : je ne m'intéresse qu'à la galette. Maussade, je regarde les haricots qui restent dans mon assiette en soupirant. L'année a plutôt bien commencée, mais je suis tout de même choquée par certaines choses. Maman et Calum, mon anniversaire qui approche, ma subite réconciliation avec Zoey, ... Je crois que tout va mieux, mais ce n'est pas *parfait*. Est-ce que j'en demande trop ? Sûrement, puisque ça ne se passe pas souvent comme je le voudrais.

Les Autres mangent salement et bruiyament, ce qui commence à me courir sur le haricot mais je préfère me taire plutôt que de leur faire la leçon. Je suis dérangée par une voix qui m'interpelle soudainement. Je lève la tête le regard exaspéré, mais je remarque alors que c'est Miss Miller, la psychomage. Je l'ai vue dimanche, quand je l'ai aidée à faire des galettes. Je crois que j'ai fait bonne impression, peut-être que c'est pour ça qu'elle vient de s'assoir en face de moi ? *Tu veux peut-être en parler ?* Parler de quoi, il y a tellement de choses dont je devrais parler, mais ici, au milieu de tous ces Autres je n'ai qu'une envie, fuir loin d'ici. Ma tête se met à tourner comme les anneaux de Saturne, mais je me ressaisie. Me rendant compte que je n'ai toujours pas ouvert la bouche, je répond finalement :

— Euh bonsoir Miss... dis-je sans cacher ma surprise. — C'est que... j'sais pas, y a pleins d'personnes autour de nous. Et puis, c'est vrai que tout ce qu'on vous raconte reste entre vous et la principale concernée ?

Je préfère vérifier avant de parler, je ne veux pas risquer de dévoiler mon intimité et mes pensées à tout le monde.

J'avais mieux reconnu la jeune Erza McGowan lorsque je m'étais approchée d'elle. Elle avait aidé les elfes à préparer des galettes dans les cuisines sous ma supervision et j'avais d'ailleurs été bluffée par ses talents de pâtissière. Peut-être avait-elle l'habitude en dehors de murs de Poudlard de cuisiner ? Je n'ai jamais vraiment cuisiner et cela ne m'attire pas spécialement d'ailleurs. Depuis petite je suis habituée à ce qu'on me prépare mes repas ou alors je les achetais tous prêts quand je n'allais pas au restaurant.

La jeune fille semblait surprise et il y a de quoi, ce n'est pas tous les jours qu'un adulte viens s'assoir parmi les élèves. Elle avait raison, en regardant à nouveau autour de nous j'ai pu constater qu'en effet nous étions bien entourées par les autres élèves, ce n'était vraiment pas le bon moment pour ça...
"Et bien, je vois que tu es bien renseigné Erza. En effet je ne divulgue aucune information sans le consentement de mes patients à moins que l'on traite un sujet d'une gravité extrême comme une personne en danger. Tu as raison, ce n'est pas vraiment le bon moment en vu du nombre de personne qui nous entoure."

Je ne pouvais quand même pas la laisser comme ça, seule avec ses émotions. Il faudrait que je fasse quelque chose, ma présence n'a pas l'air de la déranger. Peut-être que je pouvais manger avec elle ?
Y-aurait-il quelque chose que je puisse faire pour que tu ailles mieux ?

En attendant la réponse de Miss Miller je mords dans une cuisse de poulet en essayant de ne pas m'en mettre partout : je suis tout de même en présence d'une adulte. Je n'ai jamais vraiment parlé avec Miss Miller, mais malgré tout je l'aime bien. Par contre... Je ne comprend vraiment pas ce qu'elle fait ici. Je veux dire, à la table des élèves.

Miss Miller me met tout de même en confiance en me confirmant le fait que personne ne sera au courant, à part elle et moi. Alors que j'ai l'impression qu'elle va lâcher l'affaire et me laisser manger tranquille, la psychomage revient à la charge en me proposant son aide. *T'façon personne peut m'aider*. Je me retiens de faire quelque chose que je pourrais regretter, et je jette un coup à droite et à gauche, afin de vérifier que mes voisins sont bien happés par leur discussion, et non par moi. Je reporte alors mon attention sur Miss Miller.

— J'sais pas... C'est juste que j'me pose des questions, par rapport à quelque chose... de perso.

*Est-ce possible d'aimer les filles quand on est une fille* ? J'ai si peur de poser la question. Je crois que c'est interdit. Normalement, les filles aiment les garçons et inversement. *J'suis pas normal, mais bon c'est pas nouveau*. J'ai peur. Si quelqu'un m'entend, qu'est-ce que je pourrais bien faire ? *T'as juste à parler*. Alors je pose enfin la question qui me taraude l'esprit depuis longtemps déjà.

— Est-ce que... est-ce que c'est possible d'aimer les filles... quand on est une fille ?

J'ai parlé si bas qu'il se peut qu'elle n'ai pas entendu, mais j'espère qu'elle a pu entendre ma question, parce que je ne la répéterai pas, c'est certain.

Bien que l'un de mes petits patients m'avait rapporté des faits très grave à son sujet je me devais d'être neutre et impartial malgré l'injustice qu'avait eu cette situation. Et puis Erza est encore jeune et peut très bien changer, peut-être même que c'est déjà le cas ? Quoi qu'il en soit je me dois d'être présente pour toutes les personnes qui parcourent le château, quoi qu'ils aient pu faire.

Elle me confia qu'elle se posait des questions sur quelque chose de personnelle, j'en fus très intrigué. Elle finit rapidement par me poser la question qui lui brûlait les lèvres. Je n'ai pas pu m'empêcher de rire, non pas que je me moque d'elle mais car je ne m'attendais pas du tout à cette question. Reprenons notre sérieux.
"Excuse-moi, je ne m'attendais pas à cette question. Bien sûre que c'est possible, pourquoi est-ce que ça ne le serait pas ? Tu es libre d'aimer qui tu veux. Et puis, rien n'est impossible. C'est juste un peu moins courant qu'un garçon et une fille mais beaucoup de personnes aime quelqu'un du même genre. Regarde Miss Loewy par exemple."

Il fallait la rassurer, je suis sûre qu'elle me parle d'elle et même si je n'ai jamais vécu personnellement cette situation je considère qu'on est libre d'aimer tout simplement. Bon, même si c'est de notoriété publique, exposer ainsi Kristen n'était peut-être pas l'idée du siècle.

Je me retiens de fermer les yeux lorsque j'attends sa réponse. J'ai simplement peur qu'elle me regarde bizarrement, ou qu'elle se moque de moi, ou pire, qu'elle hurle devant tout le monde ce que je viens de lui dire. J'aurais du me taire. Elle rit. D'un rire qui semble sympathique mais elle rit. Elle rit, elle rit, elle rit ! Je veux mourir. Je serre les poings et me retiens de faire quelque chose que je regretterai sévèrement. Finalement, elle finit par reprendre son sérieux, en me répondant. *C'est normal. C'est moins courant mais normal*. Normal, normal, normal. Je desserre lentement mon poing, même si l'allusion à Loewy me plait moyen. Me dire que je suis *comme elle* n'indique rien de bon. Je reste un moment silencieuse, avant d'hésiter à poser une seconde question. Je poursuis à voix basse :

— C'est pas drôle. Mais j'ai une autre question : est-ce que si on a fait quelque chose d'horrible mais qu'on essaye de se racheter par tous les moyens, ça veut dire qu'on est une meilleure personne ?

Je n'entre absolument pas dans les détails, pas question qu'elle pose plus de questions. De toute façon, si elle ne me répond pas je m'en irai. Je ne veux pas prendre de risque. J'ai déjà parlé à Elena. Et Lily-Rose. Et Eugène. J'aurais préféré éviter Lily-Rose c'est certain. Elle m'a blessée dans ma fierté plus que je n'aurais voulu l'accepter.

"Je m'excuse, loin de moi l'idée de te vexer. J'ai juste était surpris."
Je ne voudrais pas qu'elle se braque et qu'elle se vexe, si les gens se mettent à penser que la psychomage se met à juger et à se moquer des autres, je suis mal. En plus il n'y avait rien de bien méchant mais je peux quand même comprendre sa réaction. En y réfléchissant mieux, j'aurais très probablement agit comme elle. Son autre question me laissait un petit peu perplexe.

"Oh et bien. Je dirais que cela va dépendre de la situation et de la façon dont la personne va tenter de se racheter. Par exemple si je fais quelque chose de mal et que je tente absolument de me racheter mais que mes actions ne sont pas sincères, que je le fais pour bien me faire voir ou parce que quelqu'un m'a dit de le faire là non ça ne ferait pas de moi une meilleure personne. En revanche si je le fais dans l'optique d'être réellement une personne meilleure et que je regrette mes actes là oui, ça ferait de moi une meilleure personne. Est-ce que tu vois la différence ?"

Bon j'espère que mon monologue ne l'a pas trop assommée et qu'elle arrivera à voir plus ou moins où je voulais en venir. La différence dépend essentiellement de l'intention.