Isaac avait bien réussi son sortilège mais il avait juste oublié que Locomotor ne fonctionnait pas sur les être vivants, mais quel stupide, violemment stupide, on pourrait se faire emprisonner pour avoir été aussi stupide. Prendre un sort qu'on venait d'apprendre marchait seulement si réussissait, sinon ça paraissait juste comme du fayotage ou quoi. Il avait tout de même réussit l'épreuve et la professeure avait eut l'air satisfaite, mais tout de même...

En plus aucune des trois matières semblait avoir "gagné", tous les élèves avaient plus ou moins aussi bien réussi leur sorts. Pour résumer : ça avait été une bonne belle perte de temps. Il aurait pu avoir passé ce temps dans la Salle sur Demande, ou en train de lire un bon livre, que ce soit un roman ou un livre sur la magie. Dans tous les cas ça aurait été plus utile que ça.

"De toute façon la Métamorphose c'est juste des sortilèges, ça devrait même pas être une matière différente..."

Le serpentard n'avait pas pu s'empêcher de marmonner ça, et il était trop déçu pour en avoir quoique ce soit à faire de toute façon. Et puis en même temps il avait raison, la Défense Contre les Forces du Mal et la Métamorphose utilisaient des sortilèges, comme dans la matière du même nom. Encore la DCFM on apprenait à les utiliser pratiquement dans des vraies situations, enfin d'après ses expériences en première et deuxième année, mais la Métamorphose c'était juste un autre cours de Sortilèges en plus. La moitié du temps les sorts qu'ils étudiaient n'étaient même pas intéressants de toute façon, enfin ils le seraient si ils avaient le droit à plus de détails sur comment ils fonctionnent fondamentalement et quel est le processus pour les créer. Mais non, les cours comme ça avaient tendances à être rares, sinon c'était pas drôle.

C'est donc perdu dans ses pensées qu'Isaac continua distraitement à marcher.

Janvier 2047
Salle de cours — Poudlard
6^ème année


Les sourcils froncés par la concentration, je range mes affaires. Repasse en boucle dans mon esprit ce qu’il vient de se passer. Je ne pense pas à ma propre expérience, évidemment — une réussite, comme je l’avais prévu. Mon sortilège, parfaitement bien lancé ; le résultat, exactement ce que je recherchais. Nul besoin de faire des étincelles pour parvenir à son but, l’objectif était de s’occuper de ce lutin de Cornouailles, je me suis occupée de ce lutin de Cornouailles. Non, je repense plutôt au passage des autres élèves devant la créature. Personne ne s’est spécialement démarqué des autres selon moi mais ils ont tous plus ou moins réussi leur sortilège. Même si je dois avouer que certaines techniques m’ont laissé perplexe. Utiliser un Lumos, par exemple, n’était pas l’idée la plus censée de la séance, et que dire du Locomotor ? Enfin, cela ne m’étonne qu’à moitié. La plupart du temps, les élèves savent lancer les sortilèges mais ne comprennent pas réellement leur utilité ou toutes les possibilités qui s’offrent à eux avec ledit sortilège. Ils se contentent de répéter ce qu’ils ont appris sans réfléchir. C’est ce qui différencie l’élève moyen de l’élève douée — donc moi.

Je lance un regard en direction de Priddy avant de me diriger vers la porte : elle est l’une des raisons pour lesquelles j’ai accepté de participer à cette mascarade. Je me fiche comme de mon premier chaudron que les trois professeurs se tirent dans les pattes pour savoir laquelle de leur matière est la plus utile face à un lutin — m’est avis que les trois le sont à part égale. J’étais plutôt intéressée par l’idée de me confronter à ce défi, tout simplement, défi que je pense avoir parfaitement bien relevé même si je doute que les trois adultes ressortent de cette salle avec une réponse à leur question. Priddy est une femme et une professeure douée, j’aime sa façon de penser et de voir le monde ; et qui plus est, elle n’hésite pas à agir comme bon lui semble, sans se soucier de ce que pensent les autres, ce qui est loin de me déplaire. Je l’apprécie, sans doute est-ce pour cela que j’ai décidé de représenter sa matière et non celle des autres.

Mon sac sur l’épaule, ma baguette pendant négligemment au bout de mon bras, je m’apprête à quitter la salle puisque je n’ai rien d’autre à faire ici. C’est sans compter ce morceau de phrase que j’entends en passant près du garçon ayant lancé le fameux Locomotor. Un cinquième année dont le nom m’échappe qui sort une aberration plus grosse que lui ? Mon visage affiche un rictus agacé et avant même d’avoir le temps de songer qu’intervenir serait inutile, je m'arrête près du Serpentard et interviens effectivement :

« Oui bah bien sûr, rétorqué-je d’une voix moqueuse, mélangeons toutes les matières, comme ça les élèves comprendront encore moins les effets des sorts qu’ils lancent ! »

Déjà que la plupart d’entre eux sont incapables de comprendre que le cheminement intérieur pour réaliser un sortilège et une métamorphose n’est pas sensiblement le même, comment voudrait-il qu’ils se débrouillent sans faire exploser le château si les matières n’étaient pas précisément séparées ? Ces abrutis prendraient des métamorphoses pour de simples sortilèges, ne visualiseraient pas comme il faut et se plaindraient comme des enfants : « mais pourquoi ça ne marche pas ? pourquoi mon sortilège ne fonctionne pas ? », mais parce que tu es con, voilà tout.

Et je reprends ma marche après avoir jeté un regard ironique au Serpentard et secoué la tête de droite à gauche. Et bien ! les idiots ont de ces idées, parfois…

En tout cas maintenant que c'était fait, il pouvait retourner vaquer à ses occupations. Rien que penser à tous les cours qui lui restait jusqu'à la fin de la semaine le déprimait, pourquoi ne pouvait-on pas juste le laisser faire des trucs intéressants à la place ? Il avait envie de–

« Oui bah bien sûr, comme ça les élèves comprendront encore moins les effets des sorts qu’ils lancent ! »

Non mais qui ? Isaac se tourna dans la direction de la voix. Ah c'était elle. Comment les gens l'appelaient déjà ? Dompteuse de Mngwi ? Il n'avait jamais fait trop gaffe à elle mais il ne pensais pas qu'elle allait être de ces gens pris par célébrité. Elle se croyait assez au-dessus de tout le monde pour se permettre de le remballer comme s'il avait sorti la plus grosse énormité jamais proférée depuis la création de Poudlard.

Non mais quel culot n'empêche, il n'avait rien dit d'assez idiot pour se prendre une remarque avec un ton aussi sarcastique quand même. Enfin c'est vrai, la Métamorphose n'étaient que des sortilèges, ça ne servait à rien de faire comme si c'était différent. C'était justement ça qui allait perdre les élèves.

"Ouais t'a raison, c'est vrai que quand on lance le sortilège d'Apparition d'oiseaux, on pourrait confondre et pas se rendre compte qu'on allait faire apparaître des oiseaux."

Elle voulait se la jouer sarcastique, ce qu'elle n'avait pas prévu c'est que l'écossais s'y connaissait également pas mal en sarcasme.

Je m’arrête avant de passer la porte, interrompue par le garçon qui rajoute une couche de bêtise sur la bêtise qui l’enveloppe déjà complètement. Évidemment, je ne peux pas laisser passer ceci. Non pas que je souhaite particulièrement remettre cet abruti à sa place — si je voulais remettre tous les idiots à leur place j’en aurais pour une éternité et moi, mon éternité, je compte bien la dédier à quelque chose de plus grand et de plus intéressant que l’éducation des moins intelligents. Disons que puisque les bêtises ont la fâcheuse tendance de se répandre aussi facilement que les rumeurs dans ce château, mieux vaut les étouffer dans l’œuf si je ne veux pas me retrouver entourée de moins que rien. Déjà que ce n’est pas fameux… J’aimerais bien passer l’année et demi qu’il me reste dans cette école sans avoir à supporter de demi-veaudelune qui ne savent rien faire de mieux que bâiller. Voilà pourquoi je reviens sur mes pas et que je me poste devant le Serpentard pour rectifier les choses.

Et puis si je regardais les choses en face, ce que je ne vais évidemment pas faire puisque ça se saurait si j’avais changé en l’espace d’une nuit, je me serais avouée que ça me plait bien à moi de faire remarquer à un idiot incapable de choisir un bon sortilège que ce qu’il dit est complètement faux. Et surtout très inutile. Et que ça n’a absolument aucun sens. Et que c’est vraiment, mais vraiment vain de vouloir essayer de défendre une position qu’il ne comprend de toute manière pas.

« T’es con ou quoi ? l’apostrophé-je sur un ton las. La question c’est pas d’connaître le résultat d’un sort, ça tout le monde en est capable, même toi qui pensais pourtant qu’utiliser le charme de locomotion serait utile contre un lutin de Cornouailles… »

C'est particulièrement méchant et gratuit, j’en ai conscience et je ne culpabilise même pas. Parce que c’est vrai, quoi ! Ce n’était pas très futé de sa part, que le sortilège ait réussi ou non ! De toute façon, tout le monde pense toujours qu’il faut préserver les plus stupides de leur propre stupidité. Moi je ne suis pas d’accord. Pour moi, il faut le faire remarquer lorsqu’une personne fait une erreur ou un truc particulièrement peu intelligente devant nous. Comment s’améliorer, sinon ?

« Le plus important se passe avant. Concentration, visualisation… Ça t’dit rien ? Parce que tu crois que là-dedans — d’un doigt, je tapote ma boite crânienne — il se passe la même chose quand on lance un sortilège ou quand on réalise une métamorphose ? »

Question purement rhétorique, évidemment. Bien sûr que non, il ne se passe pas la même chose ! Il faudrait être complètement déluré pour croire le contraire ! La Métamorphose permet de changer, de métamorphoser donc, la nature même d'un objet ou d'un être vivant ; les sortilèges fonctionnent tout à fait différemment et le résultat recherché n'est absolument pas le même. Et si nous n'apprenions pas cela dès notre plus jeunes âge en suivant des cours bien distincts, nous serions incapables de réaliser ces sortilèges correctement.

Elle l'insultait carrément ? Le peu d'estime qu'Isaac aurait pu encore avoir pour elle venait de disparaître aussi vite que de l'or de farfadet. Tellement sûre d'elle, elle devait penser que tous les autres étaient violemment stupides, que seule elle était intelligente parce qu'elle avait réussi il ne savait quelles prouesses probablement très insignifiantes. C'était très possible que tout le monde n'ait fait qu’exagérer ce qu'elle avait réalisé et que, satisfaite de sa nouvelle popularité, elle n'ait rien fait pour démentir ces rumeurs qui caressaient fortement son ego.

La mention du sort de Locomotion qu'il avait utilisé coupa instantanément la réponse bien sentie qu'il comptait sortir. Il ne savait pas que ça marcherait pas, il n'avait jamais appris le sortilège en cours. Enfin c'était vrai qu'il avait voulu impressionner la professeure en utilisant un sort qu'il n'était pas encore censé connaître et qu'il n'aurait peut-être pas dû mais ça n'avait aucun rapport avec ce qu'il disait juste avant et ça ne faisait aucunement avancer la discussion. C'était bas de l'attaquer sur un échec voire humiliation devant huit autres élèves et trois profs au lieu de répondre avec un argument convainquant, est-ce qu'elle savait même ce qu'elle disait ou était-ce juste par esprit de contradiction ?

« Le plus important se passe avant. Concentration, visualisation… Ça t’dit rien ? Parce que tu crois que là-dedans il se passe la même chose quand on lance un sortilège ou quand on réalise une métamorphose ? »

C'était quoi cet argument à deux balles ? Effectivement sa théorie se confirmait, elle ne devait avoir aucune idée de ce qu'elle disait et essayait juste d'avoir raison.

"Évidemment qu'il se passe pas la même chose. Mais t'a raison, faudrait séparer les matières : avoir un cours d'Accio, un cours de Immediatem Pointus, un cours de Failamalle, parce que forcément, là-dedans —" Le serpentard imita son geste ridicule. "— il se passe pas du tout la même chose."

Il aurait accepté une discussion calme, il aurait même été content de discuter magie avec quelqu'un d'autre, mais non, elle avait choisi le conflit sans même y réfléchir deux fois. Les gens comme elle n'avaient vraiment aucun intérêt.

Mes lèvres s'amollissent, ma mâchoire du bas s'affaisse légèrement. Merlin... Est-il donc réellement idiot ? Il doit l'être, ce n'est pas possible. Ou s'il n'est pas idiot, il est en tout cas très peu futé. Il n'en faut pas plus pour dégringoler tout en bas de la chaîne alimentaire pour moi, malheureusement. C'est tout ce qu'il a trouvé à me répondre ? Un cours pour chaque sortilèges ? Mais cela n'a absolument rien à voir avec la conversation ! Je suis en train de lui expliquer pourquoi et comment les Sortilèges et la Métamorphose sont intrinsèquement différentes et lui, lui il me sort une aberration encore plus grosse que lui.

« Ça servirait pas à grand chose de faire ça..., » rétorqué-je en levant un sourcil dubitatif, l'air de dire : tu es complètement à côté de la plaque, mon pauvre — ce que je pense effectivement.

Une partie de moi est déterminée à tourner les talons après avoir laissé échapper un petit rire surpris — si peu d'intelligence, cela me surprendra toujours — mais j'en suis évidemment incapable. Quelque part, je crois que j'aime ça, apprendre des choses à des gens. Non pas que cela me passionne, évidemment. J'aimerais bien, pour une fois, discuter avec une personne censée et intelligente capable de suivre le cours de mes pensées sans le moindre mal... Une Thalia qui n'est pas Thalia, quoi. Mais ça n'existe pas, ça. Peut-être devrais-je dme faire à l'idée que je suis la seule qui a de telles ambitions dans le château...

Je prends une profonde inspiration qui me fait gagner un centimètre de taille avant de tout relâcher dans un soupir. Ma main s'accroche inutilement à la lanière de mon sac. Je sens que la conversation va être longue. Je prends une seconde pour formuler ma pensée dans ma tête et lorsque je la prononce tout haut, c'est d'une voix presque détachée :

« La Métamorphose est une branche bien particulière de la magie. Tu t'imaginerais lancer un Avis, un Avis, des animaux vivants, comme tu glacerais un lutin de Cornouailles ? » J'ouvre grand les yeux pour bien montrer qu'il y a quelque chose à comprendre dans cette phrase, quelque chose de grand et d'important. « Le procédé n'est absolument pas le même, les conséquences non plus ! »

Je secoue la tête de droite à gauche pour montrer à quel point cette affaire n'est absolument pas cohérente pour moi. Ça remue quelque chose tout au fond de mon corps. Mon coeur palpite, ma peau s'échauffe et mes yeux brillent — je crois que c'est ce que certain nomme la passion. Oui, je suis passionnée par la Magie, par ses procédés, ses engrenages, son fonctionnement. J'en viens, pendant un instant, à oublier qui j'ai en face de moi pour ne penser qu'à cela, à mon coeur qui bat joyeusement.

« La visualisation dépend effectivement de chaque sort qu'on lance, c'est logique, mais sa nature change en même temps que le sort. Et c'est pas tout, l'intention n'est absolument pas la même, » indiqué-je, la mine concentrée. Puis, en plongeant mes yeux dans les siens : « Qu'est-ce que tu mettrais comme intention si tu devais lancer un Avis, par exemple ? Et qu'est-ce que tu visualiserais ? »

Je me suis rapprochée durant mon discours, montrant ainsi, mais c'est assez inconscient, que je suis prête à rester un petit peu en sa compagnie pour l'éduquer, peu importe comment je le fais. Mais cela ne compte guère, finalement. Je suis prête à décortiquer la magie pour et devant n'importe qui. Tant qu'il s'agit de Magie, ne reste ne m'importe que peu.

La condescendance d'Aelle me fera m'étouffer, un jour ! Pauvre Isaac. Et dire que les deux auraient pu si bien s'entendre ! Ils ont certaines choses qu'ils considèrent tous deux comme importantes en commun !

Elle n'avait pas l'air d'avoir capté le sarcasme d'Isaac, ironique considérant qu'elle n'en était pas exempt elle-même. Évidemment que ça ne servirait pas à grand chose, c'était justement pour lui montrer que ce qu'elle disait avait aussi peu de sens que ça. C'est pas parce qu'il fallait visualiser quelque chose de différent que ça méritait d'avoir une matière complètement différente.

Isaac fronça les sourcils et regarda ailleurs pendant un moment, c'était bas de l'attaquer sur sa mauvaise connaissance du sortilèges qu'il avait lancé. Oui il c'était trompé, est-ce que c'était la peine d'enfoncer le couteau dans la plaie ? Non absolument pas. Enfin il pouvait peut-être voir ou elle venait en venir : un Avis agissait sur des êtres vivants, contrairement à un Locomotor qui n'agit que sur de l'inerte. C'était peut-être ça le lien ? Les Sortilèges semblaient plus "mécanique" à utiliser alors que la façon dont les sorts de Métamorphose changeaient la forme d'objets semblait plus "organique".

La sixième année continua avec son histoire de visualisation, puis lui posa une question comme s'il était un élève devant une professeure. L'écossais détourna les yeux, mal à l'aise.

"Je visualise un Avis comme tout le monde visualise un Avis. J'dois t'avouer que j'ai pas compris le rapport entre la visualisation et la différence entre les deux matières."

Enfin Isaac n'était mauvais dans aucune des deux matières, il avait même été sélectionné par Mr. Lynch pour savoir s'il méritait le titre de Futur Jeune Espoir de la Métamorphose⁽¹⁾ et pourtant il ne sentait pas de différence de nature dans la visualisation des deux types de sortilèges, ou alors c'était quelque chose qu'il avait intériorisé inconsciemment. Enfin il était aussi très probable, vu son comportement jusqu'à maintenant, qu'elle essaie juste de le faire tourner en bourrique en racontant n'importe quoi juste pour le contredire. Le cinquième année continua cependant :

"Dans tous les cas, même si j'ai raté quelque chose et qu'il y a une différence fondamentale dans la visualisation des sorts de ces deux matières, et je serai très intéressé de savoir quoi, les deux restent des sortilèges qui suivent, par conséquent, les règles des sortilèges, et devraient donc être enseignés en temps que sortilèges." Il ajouta ensuite, pour éviter de paraître trop buté : "Mais sinon oui, je peux voir une petite différence dans la façon dont les sorts se lancent, juste je vois pas comment c'est assez pour justifier une autre matière."

C'était comme en divination, il y a plusieurs types de divination : les feuilles de thé, le tarots, etc, et pourtant ils étaient tous coincés dans la même matière. Isaac se réfréna de donner cette exemple à voix haute car il n'avait jamais fait de divination et il n'avait pas envie de se faire ridiculiser en peut-être racontant n'importe quoi.

Et puis, pour en revenir aux sortilèges, c'était pas comme si en métamorphose ils n’utilisaient pas la baguette mais un autre catalyseur, là le changement de matière serait compréhensible. Enfin bon, avec sa chance, les deux interlocuteurs pensaient tout les deux la même chose mais ils le disaient pas de la même façon et se débat ne se finirait jamais. Ou alors elle était juste têtue et ne se laisserait jamais convaincre, ou quelque chose comme ça. Au moins elle avait arrêté le sarcasme et semblait vouloir discuter sérieusement.

Je note qu’il n’a pas répondu à la plus importante de mes questions. Mais le fait qu’il avoue ne pas avoir compris quelque chose attise suffisamment ma curiosité pour que j’en oublie ma frustration, et surtout mon envie de lui répliquer qu’il ne risque pas de comprendre grand chose s’il n’écoute pas ce qu’on lui demande. Je suis assez étonnée qu’il avoue son propre échec ; je le pensais superficiel et buté, incapable de reconnaître qu’il est en tort. Mais il semble que je me sois trompée parce qu’avouer que l’on ne sait pas quelque chose, c’est faire un premier pas vers la compréhension, paraîtrait-il. Et cela me plait. En plus de me faire me sentir plus importante — puisque moi je sais, contrairement à lui. Tout cela apaise mon agacement, je me détends pour commencer à réellement m’intéresser à ce qu’il dit.

Les sourcils légèrement froncés, la tête penchée sur le côté, le regard non pas braqué dans le sien mais perdu quelque part au niveau de son épaule droite, je l’écoute en hochant vaguement la tête même si je suis loin d’acquiescer à ses paroles. Ce qu’il dit montre bien qu’il lui manque quelque chose d’important dans la compréhension des sortilèges et plus largement de la Magie. Je veux bien avouer ne m’être jamais posé cette question à propos des matières, sans doute est-ce pour cela que je trouve son point de vue si aberrant.

Un bruit en fond de salle attire mon regard. La plupart des élèves sont partis, ne reste plus que les professeurs et leur malheureuse créature, victime de nos expérimentations. D’un geste du menton, je désigne la porte à mon camarade vert.

« Viens, on continue en marchant. »

Et sans l’attendre, je prends la direction de la sortie. Une fois dans le couloir, je me retourne pour l’attendre puis prends la direction du hall. Où qu’il aille, moi je me rends à la bibliothèque. De toute façon, le chemin de sa Salle Commune est le même alors cela ne devrait pas lui poser de souci. Je fais quelques pas, imposant un rythme lent à notre marche — un rythme parfait pour les conversations. Cela me rappelle, à mon plus grand malheur, les quelques conversations que nous avons eu avec Sangblanc. Sur le même rythme, nous cheminions parfois ensemble jusqu’à ce que nos chemins se séparent ; quelques minutes nous voyaient patienter à un carrefour, le temps que la discussion s’épuise. Penser à Sangblanc me fait songer à Nerrah ; et songer à Nerrah ne me fait pas plaisir — je l’évince donc de mes pensées et me concentre sur l’autre Serpentard ; il a certes le charme d'un bubobulb comparé à Nerrah mais il a le mérite d'être moins agaçant.

« En fait, le truc c’est que tu comprends pas que le moteur de la magie, c’est l’intention. C’est pour ça qu’à Poudlard ils divisent l’apprentissage en matières différentes. Regarde, dis-je en me tournant vers lui sans cesser de marcher, tous les sortilèges qu’on apprend en Défense contre les Forces du Mal, tu dois sûrement te dire qu’on pourrait les apprendre en Sortilèges, non ? En soit, c’est pas faux, sauf que comment tu veux apprendre à bien te servir d’un sort si t’apprends pas la raison de le lancer ? Sans intention, la magie c'est du vent. »

Sauf qu’il y a des défauts dans l’organisation de l’apprentissage à Poudlard, je le pense depuis des années et j’ai mon avis sur la question. Mon avis qui ferait frémir la plupart des professeurs et des élèves de cette école, m’enfin bon, ce n’est pas comme si j’avais l’intention de le formuler à voix haute. Du moins, pas devant les mauvaises personnes.

« En Défense, on nous apprend à attaquer et à nous défendre. Ils ont donc choisi de rassembler en une matière les sorts qui nous permettront d’attaquer et de défendre. Logique jusque là, non ? Ce que je voulais te dire c’est que les sortilèges de Métamorphose sont plus compliqués, plus complexes. Il faut comprendre la Métamorphose pour réussir une métamorphose. Dis-moi ce que tu visualises quand tu lances Avis, » répété-je en lui lançant un regard en biais, l’air de dire : ce n’était pas une question pour faire joli.

À cette heure-ci, les couloirs ne sont pas totalement vides. Nous rencontrons maints élèves de toutes maisons confondues, des jeunes et des plus vieux, des groupes et des solitaires. Je me rapproche légèrement du garçon dont je ne connais toujours le nom histoire qu'il ne perde pas le fil de ce que je lui raconte. Je prends cependant garde à ne pas le frôler ou le toucher. Être proche tout en gardant une distance nécessaire.

« Ah et évidemment que tu pourrais utiliser un sortilège de Défense pour faire totalement autre chose que te défendre ou attaquer, évidemment, continué-je sur le même ton. Mais regarde, en arrivant à Poudlard à onze ans, la plupart des gosses connaissent rien à la magie. Si on leur disait : voilà, dans cette matière qu’on va appeler “Sortilèges”, vous allez apprendre absolument tous les sortilèges, de tous les styles différents, sans aucune logique ni organisation. On se retrouverait avec des gamins incapables de comprendre ce qu’il se passe réellement quand ils transforment un rat en verre. Ils se diraient tous : la magie n’a pas besoin d’être comprise, il suffit d’envoyer des sorts et pof ! ça marche. »

Un ricanement m’échappe, je suis bien incapable de le contrôler et je n'en ai de toute manière aucune envie. Bordel, et dire qu’il existe réellement des gens comme ça, incapables de comprendre. Pour eux, il suffit de prononcer une formule, d’agiter sa baguette magique, de se concentrer un peu et voilà que la magie agit comme par magie, comme disent les Moldus. Et c’est ainsi que nous allons nous retrouver un jour avec une génération d’abrutis qui détruiront la Magie et ce qu’elle représente réellement. Heureusement qu’il existe des personnes censées qui comprennent comment tout cela marche.

Le regard que je porte sur le garçon qui m’accompagne est éloquent : j’ai bien peur qu’il fasse partie de cette catégorie de personne que j’exècre. Mais pour le moment, il semble intéressé et il veut comprendre, je lui laisse donc le bénéfice du doute.

« Alors, la réponse à ma question ? » insisté-je.

La sixième année décida spontanément, après qu'il ait fini de parler, de quitter la salle et de continuer à discuter en marchant. C'était une décision complètement logique, pratique et un peu évidente quand on y pensait, mais le fait qu'elle l'imposa sur Isaac sans même lui proposer, avec une simple question par exemple, et en partant sans regarder s'il la suivait l'agaça encore un peu plus. Elle transpirait de confiance, d'arrogance même peut-être.

Le fait qu'elle se soit mise ensuite à lui parler comme s'il était l'élève et elle la professeure alors qu'ils avaient un an de différence n’arrangea absolument pas les choses. L'écossais ne dit cependant rien car, bien qu'il avait du mal à l'admettre, il y avait des chances qu'elle puisse tout de même dire quelque chose d'intéressant et s’énerver inutilement contre elle ne servirait à rien, surtout que maintenant ils risquaient de croiser plus de gens.

*Je comprends parfaitement que le moteur de la magie c'est l'intention.* pensa Isaac. Le problème ne venait pas de là, mais plutôt de pourquoi la différence entre sortilèges normaux et sortilèges de métamorphose était plus grande que celle entre deux sortilèges qui n'ont aucun rapport genre Reparo et Flambios. Encore la DFCM c'était compréhensible parce qu'on pouvait vouloir ne pas faire cette matière dans les années suivantes et les utilisations qu'on faisaient des sortilèges appris dans cette matière étaient assez différentes pour nécessiter une autre filière. Cependant c'était plus compliqué de voir une distinction aussi forte entre Sortilège et Métamorphose.

Et pourquoi est-ce qu'elle insistait sur sa visualisation d'Avis, rien que le fait qu'elle reposait la question lui donnait moins envie d'y répondre. Elle risquait de le juger s'il répondait quelque chose qui ne lui plaisait pas, ou s'il s'avérait qu'il lançait mal ce sortilège de puis qu'il l'avait appris. Enfin le cinquième année voulait n'en avoir rien à faire de l'opinion de cette fille mais pourtant il se retrouvait à très peu vouloir répondre.

Bon, la poufsouffle avait quand même beaucoup plus parlé que nécessaire pour ne pas ajouter grand chose. Essentiellement elle le prenait pour probablement pour un idiot et reformulait ce qu'elle avait déjà dit avec plus d'exemple comme si son problème venait de sa capacité à comprendre l'anglais. Pourquoi était-elle si agaçante en fait ?

"Je visualise d'abord exactement l'effet que je souhaiterais avoir : des oiseaux qui sortent de ma baguette. Après ça dépendrais de l'utilisation que je voudrais faire du sort mais essentiellement c'est ça. Je dois t'avouer ne toujours pas avoir compris pourquoi cette question."

Dans quel contexte voudrait-on visualiser autre chose que l'effet que l'on souhaiterait obtenir d'ailleurs ? Ça semblait beaucoup moins pratique de faire autrement, même si ça resterait probablement possible.

Tout de même l'écossais avait terriblement envie de répondre à ce qu'elle disait mais il vaudrait mieux la laisser finir ses arguments d'abord. En fait est-ce que ça serait même intéressant au final ? Il avait peur que cette conversation le fatigue plus qu'autre chose.

« Évidemment que t'as pas compris, dis-je sur un ton neutre, vu que tu penses que tous les sortilèges sont les mêmes et se lancent de la même manière. »

Je ne comprends pas pourquoi je suis la seule à saisir cette particularité de la magie. Pourquoi la plupart des élèves sont-ils si peu intéressés par ce qui fait d'eux des sorciers ? Pourquoi se contentent-ils de croire que secouer une baguette est suffisant pour faire de la magie ? Les gens de mon âge, et même les plus âgés, ne réfléchissent pas au pourquoi du comment. Ils sont sorciers et cela leur suffit. Ils avancent sans comprendre le chemin que leurs pieds foulent. C'est franchement agaçant et déconcertant.

Si j'ai compris que ce garçon est capable d'un minimum de réflexion puisqu'il a avoué, deux fois de suite s'il-vous-plait, qu'il ne comprenais pas, je le pense néanmoins dénué de l'intelligence nécessaire pour saisir l'essence même de la Magie, la magie brute qui est merveilleuse sous toutes ses formes. Une fois acceptée cette information, l'échange devient beaucoup plus facile : je parle à un être plus idiot que moi, c'est désormais à moi de savoir si je veux le mettre sur la bonne voie ou non. Et vu que je n'ai toujours pas quitté sa compagnie, j'imagine que mon choix est déjà fait.

Je passe les doigts dans mes cheveux emmêlés pour me débarrasser des mèches qui trainent devant mon visage.

« Les sortilèges de métamorphose agissent sur le monde. Avis crée une nuée d'oiseaux, ça tu le sais. En visualisant, tu imagines tout ce qui fait un oiseau, un oiseau vivant ; c'est tout à fait différent que de visualiser... J'sais pas, moi. Une peluche, par exemple. »

Qu'il est triste d'imaginer que pour certaines personnes tout ceci n'est pas naturel ou simple. Triste de me dire que j'aurais pu naître sans avoir cette compréhension intelligente de la magie.

Mon chemin se retrouve séparé de celui du Serpentard pendant quelques secondes, le temps qu'un groupe enjoué de première année traversent bruyamment le couloir. Je retrouve naturellement ma place près du garçon en prenant soin de ne pas le frôler. C'est à peine si je le regarde, partant du principe qu'il me suivra quoi qu'il arrive. Notre cheminement se poursuit, de même que mon explication :

« Pour qu'un sortilège soit parfaitement réussi, c'est essentiel de comprendre comment il marche. Si tu lances Avis comme tu voudrais faire apparaître un objet, tes oiseaux manqueront de consistance et de force. Tu comprends ? insisté-je en tournant brièvement les yeux vers le jeune homme. Si la Métamorphose n'était pas une matière à part entière, tu n'aurais pas appris durant cinq ans en quoi consiste la métamorphose, tu aurais seulement appris à lancer des sortilèges. Tu peux me croire : tes sorts auraient beaucoup moins d'effet. »

Loin de moi l'idée de vouloir défendre la Métamorphose qui est une matière bien moins passionnante que les sortilèges mais il s'agit de magie et la magie, pour moi, mérite toujours qu'on s'intéresse, peu importe le sortilège en question. Chaque étincelle de magie peut apporter de la compréhension au sorcier qui l'observe.

Aelle baragouine tellement.
Mes excuses pour le retard !