Ces derniers jours n'avaient pas été simples. Ellana se sentait mal depuis le 31 Octobre, mais avec en plus, la bagarre sur le Stade de Quidditch entre les Jaunes et les Rouges qui avait éclatée, la fillette ne se sentait vraiment pas bien. Elle regrettait amèrement d'être allée à ce match, et elle s'était fait la promesse de ne plus retourner en voir. La bruit de la foule et la tension présente avaient brisé le verre. La jeune fille s'en était retrouvée fragmentée, alors qu'elle était déjà détruite par la colère qu'elle ressentait à l'égard de Miles. *Je te hais* Ces mots qu'elle avait eu envie de lui cracher à la figure étaient restés coincés. Elle n'avait pas réussi à les sortir, mais depuis, ils la hantaient. De simples mots qui revenaient à longueur de journée. Mais des mots qu'elle pensait sincèrement.

Depuis dix jours, la fillette s'était renfermée sur elle-même, et elle n'avait plus le cœur à rien. Elle était en train de sombrer dans l'abîme du désespoir, et même les cours, qui, autrefois lui paraissaient intéressant, lui semblaient maintenant ennuyant. Elle n'arrivait même plus à ressentir de la joie en regardant sa petite chatte, qui pourtant l'aidait depuis qu'elle l'avait eu, à surmonter son désespoir, et à admirer la joie. Et même Lojae, qui d'habitude était toujours très excitée, semblait comprendre le mal-être de sa petite maîtresse et paraissait semblable à une feuille morte. Ellana était entrain de couler. Elle n'arrivait plus à respirer depuis un moment, et maintenant, les profondeurs abyssales l'attiraient. Et la fillette continuait de couler, s'éloignant encore plus de la surface.

Après une longue semaine de cours qu'elle avait passé à la bibliothèque, essayant de lire des documentaires sur la magie entre les cours, Ellana avait décidé de se rendre à la salle de répétition, pour voir si faire un peu de musique la rendrait heureuse, même si elle avait rechigné à se rendre en début de semaine. Finalement, elle poussa le battant de la première porte du quatrième étage, pour entrer dans la salle. Elle se dirigea ensuite vers le piano, et déposa le sac qu'elle avait emporté à ses pieds. La brune sortit alors un cahier de partition, et son regard commença à se promener sur les lignes de la portée, déchiffrant le morceau.

La fillette commença alors à appuyer sur les touches. Les blanches et les noires, les plus aigus et les plus grave. A chaque fois qu'elle appuyait puis détendait la pression sur la touche, un son emplissait l'air, agrémenté d'une petite touche d'espoir, de peine, de désespoir, de mélancolie et de tristesse. Ses doigts commencèrent à danser, sur les touches. La jeune fille appuyait, noir ou blanc, et un son s'échappait.

*Chuis le noir ou le blanc ?* Ellana n'avait pas de réponse. Elle ne savait pas si elle était le noir, ou si elle était le blanc. *Ptetre que chuis le gris ?* Mais elle ne savait pas. En cet instant, le noir semblait plus la symboliser, mais plus ses doigts partaient sur le piano, plus elle se sentait blanchir.

La petite se reconcentra sur les touches et la partition. Elle ne voulait plus penser. Elle voulait se faire happer par la mélodie. Elle ne voulait plus penser à Miles, ni au Quidditch. Elle ne voulait penser qu'aux notes, points noirs sur ou entre des lignes noires, sur du papier blanc. Et elle continua la valse, qu'elle avait commencé. Elle continua le chant du bonheur, oubliant ses tourments, oubliant la vie. Elle voulait se peindre un monde meilleur. Alors, elle jouait. Des accords, des notes conjointes, des octaves. Elle jouait, essayant de déceler de la magie dans la musique. Non. Elle ressentait déjà la magie de la musique. *J'aurais dû v'nir plus tôt*

"Si la musique nous est si chère, c'est qu'elle est la parole la plus profonde de l'âme, le cri harmonieux de sa joie et de sa douleur."

Romain Rolland

La semaine était terminée. Enfin. Aux yeux de Lyam, elle lui avait paru interminable. En effet, elle était trop chargée. Il avait dû jongler entre divers devoirs complexes et des cours les plus ennuyants possible. On aurait presque pu croire que les professeurs s'étaient donnés rendez vous pour faire vivre une semaine atroce à leurs élèves. Le jeune blond n'avait pas arrêté de travailler, à part pour se rendre aux fabuleux repas que les elfes de Poudlard leur concoctait. En Botanique, ils avaient dû faire un exposé sur les propriétés du Filet du Diable, un plante que Lyam trouvait extrêment dangereuse. Ensuite, en Histoire de la Magie, ils avaient reçu un devoir comportant plus de vingt cinq questions.

Le Gryffon savait pertinement qu'il avait besoin de penser à autre chose, qu'il avait besoin de se relaxer, de s'apaiser. Mais il n'avait aucune idée de comment. Pile à ce moment là, il passa à côté de la salle de répétition et entendit une douce mélodie qui s'échappait voluptueusement de la salle. La musique était extraordinaire, et Lyam reconnu le son inimitable du piano, cet imposant instrument aux touches noires et blanches. La musique commençait dores et déjà à s'emparer de lui, et il ne pu s'empêcher de s'approcher de la porte. Qui donc pouvait jouer d'un instrument avec une telle grâce, en réalisant un si beau son ? Il ne gênerait pas la personne s'il poussait doucement la porte pour y jeter un coup d'oeil... C'est ce qu'il fit sans attendre, attiré par cette mélodie apaisante.

Lyam ne reconnu pas directement la personne qui se trouvait assise sur le siège du piano. Ce dernier était d'une couleur de jais éclatante. Il repoussa la porte et s'adossa contre le mur, toujours silencieusement. La fillette qui faisait courir ses mains délicates sur les différentes touches en faisant sortir cet incroyable son n'était autre qu'Ellana.

Ellana déchainait ses émotions sur le piano. Chaque touche appuyée la libérait d'une pensée. Une pensée qui s'envolait, haut dans le ciel, vers les Etoiles. La jeune fille voulait se perdre, au milieu des notes. La labyrinthe, bien qu'éclairé et paisible, était tortueux et le chemin s'avançait vers l'inconnu. La brune voulait emprunter ce chemin ensoleillé, et laisser sa douleur, sa tristesse, sa haine et ses remords derrière elle. Dans l'Ombre.

Néanmoins, malgré l'attention que l'Aiglonne offrait aux notes, une pensée revenait toujours en boucle, assortie d'un visage. *Miles* Ce prénom déchirait la soyeuse étoffe qu'avait faite la musique. Ce simple prénom suffisait à produire une Eclipse. Et dans le noir, la fillette se sentait perdue. La lumière des Etoiles ne l'atteignait plus. Ces dernières s'étaient éteintes, sous la haine, la colère et la tristesse que ressentait Ellana à l'égard de Miles. Une haine due au fait qu'il l'avait abandonnée. Il avait voulu fuir. Et la Bleue ne lui pardonnait pas. Et elle ne pensait pas pouvoir lui pardonner. Elle avait découvert une autre façade de sa personnalité. Ou alors, jusqu'à présent, elle avait refusé de l'admettre. Mais elle ne pouvait continuer de l'ignorer. Miles était trop impulsif, trop pressé. Il avait besoin de connaitre des réponses qu'elle ne pouvait lui fournir. Et Ellana ne supportait pas le fait qu'il préfère sûrement qu'elle lui dise des mensonges que la vérité. La colère envers le sorcier était aussi due au fait qu'il l'ait délaissée, seule, au milieu d'une foule. Il savait sûrement qu'elle détestait les endroits avec plein de monde, mais il l'avait laissée. Il était parti. En lui déclarant un mensonge. Et la brune était en colère car elle n'aimait pas les mensonges qui ne servaient à rien, juste à approfondir les brisures du Monde. La tristesse, elle, venait après. La fillette se sentait déchirée de toute part, meurtrie par les nombreux coups qu'on lui avait infligés. *J'en ai marre de la douleur*

La musique continuait de s'envoler dans l'air, et le moral de la petite Duchêne semblait s'améliorer. Elle continuait de presser les touches, rapidement, ou plus lentement. Son regard se décolla de la partition pour aller sur les touches. Elle avait envie d'improviser un peu. Elle avait envie de se perdre dans le dédale des notes, qui sonnaient à ses oreilles. Envie d'oublier le Monde qui lui faisait tourner la tête, rien que le temps d'un instant. Alors, elle continua de poser les doigts sur les touches, continua la danse de ses doigts, essayant d'oublier le tumulte de son esprit.

Ellana remarqua alors un jeune garçon blond, adossé contre le mur. Un garçon qui la regardait. Lyam. Elle replongea son regard dans les profondeurs des touches. Elle jouait, sur les touches noires ou sur les blanches. Elle se laissait emporter par la musique. Elle ne voulait plus penser. Elle savait qu'elle aurait dû venir plus tôt se détendre ici, mais l'idée ne lui avait pas effleuré l'esprit. Alors, elle le faisait maintenant. Elle entrelaçait harmonie, notes, colère, amertume, détresse avec ses pensées. L'Entrelac ressemblait au ciel étoilé, des milliers de petits points sur un immense tableau.

Ellana. Le retour des sentiments. Des sentiments forts. Mais des sentiments incertains, vague, imprécis. Des sentiments accentués par la puissance de la mélodie, la puissance de la musique. Celle-ci avait un don. Le don de pouvoir exprimer des émotions, mais sans parler. Juste avec des sons. Et Lyam trouvait cela fantastique. La musique permettait de déclarer des choses que l'on ne pouvait dire dans la vraie vie, que l'on ne saurait décrire autrement. La musique avait en même temps deux facettes. La première était enthousiaste, joyeuse et avait le pouvoir d'ammener la bonne humeur, de rendre quelqu'un content et de s'amuser. La deuxième facette de la musique était plus triste, plus humble. Elle incarnait le côté dramatique et nostalgique de la vie en elle même. C'était ça, la nostalgie.

Lyam voyait défiler de nombreux paysages dans son esprit. Les grandes rues de sa ville natale, les panoramas extraordinaires d'Écosse, les côtes verdoyantes d'Irlande, le soleil étincelant d'Italie. La nostalgie lui apportait tout ça, sans qu'il n'ait besoin de bouger le moins du monde. Il était là, tranquille, adossé contre le mur de cette salle de répétition, le piano trônant dans toute sa splendeur au centre de la pièce. Il était là, mais il voyageait. La musique le faisait voyager, visiter des endroits qu'il n'avait jamais vu, des endroit qu'il imaginait dans son esprit, en s'inspirant d'idées ou d'images. Le Gryffon voyait les magnifiques cerisiers de l'empire soleil levant en fleurs. Il voyait gambader des antilopes à travers la savane africaine. Il pouvait même apercevoir les imenses lacs du Canada et les vues enneigées de la Suède. La musique était incroyable, elle permettait tellement de choses... Ella avait chassé tant de soucis en quelques minutes déjà.

Le rouge avait vu du coin de l'œil qu'Ellana était au courant de sa présence. Lyam ne voulait pas la déranger. Elle semblait tellement à l'aise et apaisée qu'il ne voulait pas l'embêter. En plus, Lyam savait qu'Ellana était sensible et il ne voulait surtout pas la couper, ou prendre la parole. Comme le Silence, la Musique l'avait envoûté.

Les notes continuaient de s'enchaîner. Elles continuaient de se déverser dans l'atmosphère, elles continuaient leur valse sans fin. Une valse pleine de sentiments et de pensées. Une valse, telle un entrelac de tout ça. Ellana ne voulait s'arrêter de jouer. Elle n'avait aucune envie d'arrêter d'entendre les sons apaisant qui sortaient de l'instrument. Elle n'avait aucune envie de se reconcentrer sur le présent. Et aucune envie de se souvenir du passé. Et le futur, elle préférait ne pas y penser. Alors, elle entrait dans une dimension parallèle. Une dimension flamboyante, mais éteinte. La vie n'avait plus cours. Mais la fillette ne voulait pas vivre. Pas en cet instant. Elle voulait oublier sa vie, sans pour autant aller vers la mort. Elle voulait rester entre les deux. Mais les remords et les tourments du passé ne cessaient de reprendre face. Alors, il fallait les oublier. Et la jeune brune les noyait sous les sons, espérant ainsi ne plus les voir.

L'apaisement envahissait le cœur de la petite Aiglonne. Cette dernière n'avait plus envie de lutter contre les douleurs. Elle voulait se faire emporter par la joie et le bonheur. Elle voulait vivre, sans se soucier du monde, sans se soucier de la vie qui la déchirait. Elle voulait vivre avec les étoiles. Vivre dans le ciel, hors de portée de la douleur et des tourments. Elle voulait pouvoir s'envoler, dans le ciel, mais la souffrance la maintenait à terre, et lui coupait ses Ailes. Et la jeune fille n'arrivait plus à voler, emportée par le vent de la joie. Mais là, Ellana n'avait pas envie de voir le monde sous cette face. Elle n'avait pas envie de voir une facette parmi les plus obscures de la vie. Elle avait juste envie d'oublier. Tout.

La colère, le mal-être et la tristesse qui l'avaient anéantie ces derniers jours étaient partis, emportés par une vague d'apaisement. La musique avait fait s'évaporer les tracas d'Ellana. Et la jeune fille se sentait plutôt bien. Elle aimait voir ses doigts danser sur les touches, noires et blanches, elle aimait sentir les mélodies s'envoler dans l'air, stagner, puis redescendre. Elle ne pensait plus ; ne voulait plus penser. Elle voulait se laisser emporter par la joie et le bonheur, l'espérance.

Lentement, sa danse prit fin. L'improvisation s'arrêtait là. Ellana aurait pu continuer encore longtemps, mais quelqu'un était là, dans un coin de la salle, à la regarder. La brune détacha son regard des touches pour le planter dans les yeux du jeune homme. Elle essayait de voir ce qui l'avait amené là, dans la salle de répétition, de déchiffrer son visage. Ses yeux se noyèrent dans les profondeurs obscures des siens. L'Aiglonne en oublia le temps. Ce dernier s'était arrêté. Les aiguilles de la montre avaient arrêté de tourner. Soudainement, la petite détacha son regard de celui de Lyam. Et elle lui murmura un mot, espérant qu'il l'ait entendu.

- Salut.

Puis, la jeune fille reposa son regard sur la partition, qu'elle avait délaissé quelques instants plus tôt. Ses yeux se baladèrent sur les notes inscrites, et finalement, Ellana recommença à appuyer doucement sur les touches. Une autre mélodie s'en échappa, plus joyeuse, pleine de vie. Une mélodie rapide et forte. *J'veux être comme elle* Une dernière pensée. Qui se fit emportée par le flot des sons, des accords et de la force.

La mélodie s'emparait de lui. Elle le clouait sur place, il ne pouvait plus bouger, obsédé par cette musique incroyable qui sortait du bel instrument. Lyam était en extase totale. Chaque moindre note traversait la salle et venait se loger au creux moelleux de son oreille. Lyam était épanoui devant la beauté de la mélodie. Cette fois ci, la mélancolie s'en était allée vers de nouveaux horizons morcelés, tandis que l'émerveillement avait prit sa place dans le cœur et l'esprit du garçon.

Désormais, il voyait des visages familiers qui lui étaient chers, qu'il gardait bien au chaud dans le fin fond de son cœur. Il revoyait le visage boudeur de sa petite sœur, le grand sourire sur les lèvres d'Alex. Il visualisait ses parents qui le félicitaient et qui riaient tous ensemble. Il voyait Anselme qui s'étalait de tout son long et son rire envoûtant. Enfin, il voyait le visage d'Ellana. Pas le visage malheureux qu'il avait pu voir lors de leur première rencontre dans la cour de la tour de l'horloge. Non. Le visage rayonnant de la fillette qui appuyait avec délicatesse sur les touches bicolores du piano. Et même s'il fermait les yeux pour savourer la mélodie, il la voyait.

Le piano. Un magnifique instrument. Celui de la salle de répétition était d'un noir profond mais éclatant. Les touches s'enfonçaient légèrement et le son qui en sortait était tout aussi léger et harmonieux. Tout, dans cette salle, était en Harmonie. Ellana, le piano, la mélodie, Lyam, Ellana. Une boucle. Interminable. Exceptionnelle.

Une pause. Un silence. Le Silence. Le revoilà, installé. Tout à l'heure, Ellana s'était arrêtée de jouer. Elle l'avait salué. Après avoir planté ses yeux dans les siens. Et Lyam s'était senti libre. Il s'était envolé. Mais il ne savait pas à quoi tout cela rimait, cette liberté, ces sentiments. Et le revoilà, le Silence. Superficiel cette fois ci. On aurait presque pu le briser en tendant la main, de ce qui paraissait. Et Lyam laissa s'échapper quelques mots de sa bouche.



Ils étaient partis, volant de leurs propres Ailes, ces Mots. Libres, eux aussi. Lyam saisit rapidement les pupilles d'Ellana, au tournant d'un regard. Il les fixa. Les quelques mètres qui les séparaient ne lui paraissaient plus si grand, maintenant. Lyam se perdit dans les profondeurs des yeux d'Ellana.

@Anselme Beyer pour la petite mention

Son morceau touchait à sa fin. La partition s'arrêtait là. Ellana aurait aimé qu'elle soit extensible, elle aurait aimé ne plus jamais s'arrêter de jouer. Mais elle savait que ce n'était pas possible. Le bonheur a une fin, et la fin du bonheur était proche. La fillette le regrettait. Elle aurait voulu continuer de jouer du piano, d'oublier le temps. L'Aiglonne en avait marre du temps, qui revenait, avec son battement régulier. Elle avait marre de sa pulsation. Elle voulait la détruire. Mais pas avec des coups. Avec des mélodies. Elle voulait oublier la pulsation du temps, qui serait enfouie sous une autre, la pulsation de la musique. Elle voulait oublier le temps, ne plus penser, ne plus ressentir. Elle voulait danser avec les étoiles, loin du monde et de la terre. Elle voulait trop de choses. Mais la petite voulait continuer d'espérer. *Encore*

Elle détacha son regard du piano, pour aller le planter sur le garçon, qui se tenait là. Un tournesol regardant le soleil. Il était le soleil, rayonnant de bonheur. Et elle, l'ombre de souffrance, ne pouvant regarder ailleurs que la lumière. Des phrases s'échappèrent de la bouche de Lyam. Des Mots, s'envolant dans le Vent, pour rejoindre les Etoiles. Ellana voulait l'imiter mais elle n'y arrivait pas. La tristesse les aurait maintenu au sol, les empêchant de prendre leur envol fugace.

- Salut ! C'est très joli ! Comment tu fais pour jouer comme ça ?

La petite Duchêne rougit, l'écarlate peignant ses joues et contrastant avec sa peau pâle. Il l'avait saluée ; lui avait dit que c'était joli ; lui avait demandé comment elle faisait pour jouer comme ça. Y avait-il une réponse ? *Non. Le monde n'est qu'une série de questions, sans autant de réponses.* La Bleue n'avait pas de réponse. Mais elle voulait en trouver une. Elle ne voulait pas se laisser emporter par le manque de réponses, à toutes ses questions. Une idée germa dans sa tête. Une petite pousse voulant sortir de terre. Ellana la libéra, et les Mots s'enfuirent. Elle avait réussit.

- Merci. J'sais pas comment j'fais. Tu...

Elle s'arrêta là. Les Mots restaient coincés dans sa bouche, n'arrivant pas à se libérer de l'étreinte des chaînes qui les retenaient. La petite voulait continuer. Elle voulait briser les chaînes, comme celles-ci l'avaient brisée. Alors, la brune abattit sa colère et sa tristesse qui l'avait emplie ses derniers jours sur les faibles maillons de fer des cordes. Celles-ci cédèrent. Se brisèrent, sur le sol. Ellana avait réussit à libérer les Mots, et maintenant, ils voyageaient en Haut.

- Tu voudrais essayer ?

La fillette l'invita d'un signe de tête, et se leva du siège.

Lorsqu'il avait parlé, il avait vu la fillette rougir. Pourtant, il n'avait pas fait exprès de la féliciter, c'était sincère. Pourquoi fallait il toujours qu'il remette en question ses faits et gestes ? A chaque fois, il avait l'impression de regretter ce qu'il venait de faire pour une raison ou une autre, toutes plus bêtes les unes que les autres ! Ellana n'avait pas l'air de savoir comment répondre à sa question. Au final, Lyam savait qu'il n'y avait pas de vraie réponse à cette question. Et puis, qu'est-ce que c'était une "vraie réponse" ? Cela n'existait pas.



Un moment de pause. Comme pour l'encourager à continuer, Lyam laissa filer un petit sourire sur ses lèvres.



Alors Ellana se leva et fit un petit signe de la tête, pour l'inviter à venir près du piano. *Euh... moi ? Essayer le piano ? Mais j'y connais rien !* La famille de Lyam n'avais pas du tout ce côté musical que peuvent avoir certaines familles. Il y avait juste son grand père qui jouait parfois des petits airs à la guitare, sans plus. Pour le coup, c'était lui qui n'arrivait pas à trouver une réponse. Il ne pouvait pas refuser, cela ne se faisait pas. *On peut toujours faire des choix. On a toujours le choix.* La voix de sa mère résonnait dans sa tête. Pourtant, à ce moment là, Lyam n'avait pas envie de faire un choix. Il voulait se laisser guider par la musique.



Le blond s'approcha donc de l'instrument et de la brune mais ne s'assit pas sûr le siège. Il n'avait aucune, mais alors aucune idée de comment il fallait s'y prendre pour faire quelque chose. Bon, à part appuyer sur les touches pour faire du son, ça il avait compris. Lyam n'avait pas envie de se ridiculiser en enfonçant au hasard les touches du clavier. Alors il prit la parole.



Cette fois ci, il n'était pas gêné de poser cette question, qu'il trouvait légitime. Il ne savait pas du tout comment se débrouiller. En même temps, il était profondément attiré par le bel instrument et par la musique en général et avait envie de savoir comment tout cela fonctionnait. Non, fonctionner n'était pas le bon mot. On ne pouvait pas définir la musique et Lyam l'avait bien compris. La mélodie allait elle à nouveau tisser un lien, comme elle l'avait fait auparavant quand Ellana jouait ?

Ellana s'était levée. Elle avait laissé le piano, la musique. Elle avait abandonné la chose qui lui avait fait naitre un sourire. Ou alors, elle l'avait seulement laissé à son Soleil. Elle avait simplement voulu que Lyam essaie, non pas pour se moquer de lui, mais seulement pour lui montrer que ce n'était pas très difficile. Néanmoins, il ne savait pas comment faire. Ou du moins, il ne savait pas comment faire sortir une mélodie qui serait jolie.

Ellana entortilla une mèche, autour de son doigt, se demandant par quoi elle allait commencer. Elle n'avait jamais pris le temps d'expliquer la musique, de se poser des questions dessus. Pour la brune, la musique, c'était comme les étoiles. Une petite lueur dans le ciel noir, qui, assemblées, formaient un beau tissage de lumière. La musique était similaire. Chaque note était une petite mélodie. Il fallait juste les assembler.

La fillette fit quelques pas vers le piano, réduisant la distance qui la séparait de cet instrument, et du garçon. Elle tendit alors la main, vers le piano, et appuya sur une touche. Le son se répandit dans l'air. Alors, elle appuya sur une autre touche. Le son qui s'échappa était différent. Enfin, elle appuya sur une dernière touche. Le dernier son sortit, voulant sans doute s'évader du piano. Ellana retira ses doigts des touches blanches. Elle n'avait pas touché aux noires, décidant de ne pas embrouiller le jeune sorcier qui se tenait là.

- J'ai joué le do, le mi et le sol. Tu pourrais essayer de les refaire, seulement à l'oreille ?

La jeune fille plongea son regard dans le sien. Elle voulait lui dire que ce n'était pas grave s'il n'y arrivait pas, que ce n'était pas grave, s'il se trompait. Elle souhaitait l'aider, mais elle ne savait pas comment faire. Elle espérait juste, au fond d'elle-même, que Lyam n'allait pas se dégonfler et abandonner. *Ne sois pas comme moi*

Ellana se perdit, dans le regard du garçon. Ces derniers jours, elle avait perdu pied. Le torrent d'émotions était trop puissant, elle en avait été bouleversée. Ou elle avait sombrée, dans les profondeurs abyssales. Le Noir l'avait emportée, tout comme la Nuit l'avait délaissée. Mais, là, debout à côté du piano, elle n'avait plus mal. L'instrument avait quelque chose qui l'avait apaisée.

Excuse-moi pour ce retard

La curiosité envahit entièrement le corps du garçon. De la curiosité et de l'impatience. Il voulait tout de suite essayer ce piano, voir comment tout cela fonctionnait, en harmonie avec le musicien. Ellana avait éveillé sa curiosité, sa soif de savoir, son désir d'apprendre. Cette envie incessante lui tenaillait l'esprit, mais il la retint, considérant plus sage l'idée d'attendre les explications de la deuxième année. Il ne pouvait pas faire grand chose d'autre d'ailleurs. Il n'allait pas s'asseoir en face de l'instrument et, comme ça, soudainement, ce mettre à jouer comme Apollon !

Ellana s'approcha alors du piano, à côté duquel il se trouvait. Sans parler, elle apuya sur une touche, puis, avec un autre doigt, elle enfonça une autre touche, et enfin, une dernière. Les trois sons qui étaient sortis du piano étaient différents. Alors que Lyam ne s'y attendait pas du tout, l'Aiglonne prit la parole.



Do, ré, mi, fa, sol, la, si, et do encore une fois. Au moins il connaissait les notes. Pour lui, juste savoir ça et il croyait en connaître beaucoup, mais il se trompait totalement. Ellana lui demandait donc de rejouer ces notes et il acquiesca, de manière à dire qu'il avait compris. Lyam se rappelait de l'emplacement de la première touche sur laquelle elle avait appuyé et savait qu'elle en avait sauté une à chaque fois. Il se lança donc, enfonçant la touche avec le bout de l'index, une par une. Ellana n'avait pas touché aux touches noires pour lui faciliter la tâche et cela le rassura. Elle n'allait pas y aller trop fort. Perdu dans ses pensées, il rata de peu la dernière note, le sol et ôta rapidement son doigt de manière à appuyer sur la touche voisine. Quasiment sûr de la réponse, il se tourna vers Ellana.



La musique, c'était plus facile à écouter se dit-il. Heureusement, Ellana semblait bonne pédagogue et ce cours improvisé pouvait s'avérer intéressant.