Oxy avait récupéré sa baguette en essayant de ne pas ressembler à un niffleur fonçant sur un trésor, manquant de déchirer les mains de son professeur. Elle se retint du mieux qu'elle pu et s'en saisit en marmonnant un bref merci peu convainquant. Merci de me la rendre, certes mais pas merci pour cet exercice pour le moins déconcertant.

La Gryffondor, observait Akela sous toutes ses coutures, comme si Miss Priddy avait pu lui faire le moindre mal. Elle la caressait et la consolait. Ou se consolait ? Sa baguette avait-elle aimé la main assurée de son professeur ? Une partenaire plus sûre d'elle, avec de l'expérience, pouvant lui faire faire des sorts qu'elle ne connaissait même pas.

Le doute s'insinua en elle. Elle fit un bond de trois années en arrière quand elle croyait ne pas mériter sa partenaire. Elles avaient pourtant bien progresser ensemble ! Elles communiquaient, performaient même en sortilèges, à part les sortilèges mineurs mais par chance ils étaient suffisamment rarement demandés pour que cela passe inaperçu.

Alors d'où lui venait cette drôle de boule au ventre ? Elle s'apprêta à lancer un nouveau sort, juste pour se rassurer mais Miss Priddy mettait fin au cours. Ce serait pour plus tard.

" ...Cela dit, sachez que même si ce sont des objets particuliers, les baguettes restent des objets. Ils peuvent se briser, se perdre, s'user..."

Se briser, s'user.

Le souffle manqua à la préfète. Ses doigts se crispèrent sur sa partenaire.

Se perdre, se casser.

Elle ne pouvait plus bouger, plus penser.

Des objets.

Akela était tellement plus qu'un objet ! Elle était... Akela ! C'était son amie, sa confidente, son aide, son soutien, sa force. Sa moitié.

Son instinct de survie poussa ses poumons à se remplir d'oxygène, chassant les étoiles noires qui dansaient devant ses yeux. Elle sortit de sa transe pour voir ses camarades quitter la salle. Elle se leva et dirigea son attention vers la professeur de Sortilège.

La main toujours serrée autour de sa baguette, elle ne pu sortir de son corps contracté à l'extrême qu'un :
"Madame ? Non ?"

Non, ce n'était pas possible. Non elle avait forcément tord. Non, elle ne pourrait pas vivre sans elle.

Et voilà, une séance de plus de terminée. Sarah aimait ses petits instants de discussions autour de la magie. Elle aimait surprendre les élèves en leur proposant des activités un peu inattendues. Le petit défi d'aujourd'hui n'avait surement pas plu à tout le monde mais Sarah ne pouvait pas ne pas les mettre en garde. La perte de sa baguette magique était une chose douloureuse et ne pas l'envisager la pire chose à faire. Il ne fallait pas le craindre chaque jour évidement mais en avoir conscience, quelque part dans un petit coin de la tête. Elle se souvenait elle même comme elle était fusionnelle avec sa propre baguette à leur âge. Aujourd'hui, elle aurait surtout aimé apprendre à faire de la magie autrement, pourquoi pas sans baguette ? Mais c'était un autre chemin et les livres qu'elle avait parcouru sur le sujet ne lui donnait que trop peu d'informations à ce jour. Elle comptait bien continuer à s'informer cependant.

Sarah tout en réfléchissant, saluait d'un sourire les élèves qui quittaient la salle. Enfin quittaient... certains fuyaient plus qu'autre chose. Les pauvres. Elle les avait traumatisé pour le reste de la journée au minimum.

"Madame ? Non ?"

Les sourcils de Sarah se hissèrent tandis que la jeune femme se retournait. La jeune Oxy Wright, préfète de sa maison se tenait là, toute tremblante et un peu pâle.

" Miss Wright ? Vous vous sentez bien ? Que cherchez-vous à dire ? Je ne suis pas sûre de comprendre. "

A vrai dire, Sarah ne comprenait rien du tout. Non quoi ? Par précaution, la Galloise posa une main sur l'épaule de la Gryffondor. Ce n'était pas le moment qu'elle s'effondre ou un truc dans le genre. De son autre main, elle sortit sa baguette pour éventuellement lancer un sort au besoin.

Oxy regardait fixement son professeur sans la voir pour autant. Elle sentit la main se poser sur son épaule mais son regard fut attiré par l'autre. Celle qui sortait une baguette. Elle se focalisa dessus, laissant les paroles de l'adulte passer le coton qui embrumait son esprit.

"Vous... Tout à l'heure..."

Elle n'arrivait pas à détacher son regard. Un objet. Un simple morceau de bois.

"Non. C'est... c'est..."

Elle fit un effort pour relever la tête et chercher les yeux de Miss Priddy. Il fallait qu'elle comprenne, qu'elle lui fasse passer le message. Si elle ne trouvait pas les mots, peut être que... Elle ne savait pas trop mais elle tenta de faire passer ses émotions dans la connexion qu'elle tentait de maintenir

"Je ne comprends pas. Enfin si, je comprend mais... non. Il doit bien y avoir un moyen, non ? Je veux dire..."

Elle baissa ses yeux sur Akela. Sa main était tellement crispée dessus qu'elle n'arrivait pas à détendre son index pour la caresser. Elle observa un instant ses jointures qui blanchissaient sous la pression. Elle remonta tout son bras, tant chaque articulation était tendue, pour montrer sa partenaire à son enseignante :

"C'est... Elle est tellement plus qu'un objet. Je ne veux pas la perdre, je ne peux pas la perdre"

Puis la digue lâcha. Elle se mit à faire mille et une promesse pour que jamais on ne lui enlève cette partie d'elle-même. Comme si elle pouvait négocier avec le destin.

"Je ferais tout ce que vous voudrez ! je la prêterais si vous voulez. J'apprendrais à travailler avec celle d'un autre, ou je m'en achèterais une deuxième si c'est nécessaire, mais..."

Le reste de ses paroles sortit en un murmure tant sa gorge se nouait à nouveau, alors qu'elle baissait à nouveau les yeux, la tête, ses épaules, comme si un poids incommensurable avait été posé sur elle.
"Ne m'enlevez pas ma baguette."

"S'il vous plait."

Mais de quoi parlait-elle ? Sarah était de plus en plus perdue dans les bégaiements de la jeune Gryffondor. Ses sourcils se froncèrent et elle jeta un regard rapide vers la porte. Tout le monde semblait sorti et il était peu probable que quelqu'un ait lancé un sort à la petite brune. Soudain, à force d'écouter les mots à priori dénué de sens, tout s'illumina. La préfète était à la limite d'une crise de panique à cause des paroles de son enseignante. Non d'un botruc ! Elle était fragile tout de même.

Sarah pointa sa propre baguette vers la porte qui se ferma aussitôt puis fit s'assoir l'adolescente sur les coussins toujours au sol. Ainsi, si elle tombait, elle tomberait de moins haut.

" D'abord, vous allez fermer les yeux. Respirez profondément et soufflez doucement. Je vous promets que je ne vais pas vous prendre votre baguette. Calmez-vous. "

Sarah accompagna la jeune fille un instant en inspirant et en soufflant de façon exagérée à ses côtés pour lui donner un rythme et l'aider à se calmer.

" Je n'ai nullement l'intention de vous prendre votre baguette et je vous souhaite de la garder le plus longtemps possible. Vous n'allez pas la perdre puisque vous en prenez soin et que de toute évidence vous tenez à elle. "

Sarah fit une petite pause quelques instants.

" Vous êtes calmée ? Si c'est le cas, je pourrais vous expliquez mes propos. Mais seulement si vous êtes vraiment calmée. "

Oxy se laissa guider vers le bas, vers un coussin et si laissa tomber, ramenant sa baguette contre son giron, comme pour la protéger. Elle entendait sa professeur de Sortilèges lui parler, la rassurer et tenta de s'accrocher à sa voix.

Elle obéit à ses instructions, comme elle avait l'habitude de le faire et se calma doucement. Elle suivit le bruit de respiration de l'adulte pour y caler la sienne, un peu trop rapide. Elle sentit ses main s'arrêter de trembler. Elle n'avait même pas pris conscience que c'était le cas avant que cela ne cesse.

Elle se redressa, peu à peu et rouvrit les yeux pour les plonger dans ceux, plus clairs de la jeune femme. Elle sentait une masse grouillante d'émotions dans sa poitrine, prêtes à sortir mais avala péniblement une ou deux fois pour les contenir. Maman avait parlé d'hormones ou elle ne savait quoi pour expliquer ses "sautes d'humeurs" comme elle disait. C'était tellement nul de grandir ! Quand son corps ne la trahissait pas en tombant parce qu'il n'avait pas vu qu'elle avait pris 1 centimètre ou deux, elle se mettait à pleurer, persuadée que le monde prenait fin.

Honteuse, elle écouta les paroles de l'adulte et hocha la tête de haut en bas.

"Je oui, pardon, je suis calmée."

Puis elle tenta de se justifier, elle en avait marre de passer pour une... elle ne savait même pas quoi.

"C'est juste que quand vous avez dit que..."

Sa voix se brisa. Non, ça n'allait pas recommencer ! Elle se racla la gorge et reprit, les yeux baissés sur Akela.

"Oui, je tiens beaucoup à elle, et quand je me suis imaginé la... perdre, je me suis peut-être un peu emportée. Je suis désolée. Je m'excuse. Je suis prête à vous écouter."

La Gryffondor semblait avoir du mal à retrouver son calme. C'était une réaction plus ou moins normale pour une sorcière de son âge. Sarah sourit... les adolescents avaient une manie de se mettre dans des états de panique ou d'euphorie pour tout et pour rien.

" Bien. Alors je vous explique mes propos. "

Elle fit une petite pause pour être sûre que la jeune fille n'allait pas se remettre à paniquer puis reprit.

" La plupart du temps, les sorciers gardent leur baguette, toute leur vie MAIS... ce n'est pas toujours le cas. Il arrive que le changement de baguette soit volontaire car même si aujourd'hui votre baguette et vous êtes en parfaite adéquation, il se peut qu'un jour, vous... changiez. La baguette ne changera pas radicalement mais vous, vous pouvez le faire par conviction ou par obligation. Il arrive alors que la baguette ne convienne plus à son sorcier et que celui-ci décide d'en acquérir une autre. Dans certains cas, c'est aussi l'opportunité qui pousse à ce changement. On se retrouve avec une baguette particulière à sa disposition et on se rend compte qu'elle nous correspond parfaitement, bien mieux que celle qu'on possédait jusque là. Vous voyez ce que je veux dire ? "

Sarah fit une nouvelle pause pour que l'adolescente puisse enregistrer les informations et poser des questions si elle le souhaitait. Ensuite elle passerait aux autres cas, ceux où la séparation n'était pas volontaire. Les yeux de la professeure de Sortilèges se durcirent légèrement un instant avant qu'elle ne se reconcentre sur son élève.

Oxy resta concentrée sur les paroles de son professeur de Sortilèges, cherchant à tout saisir, sans, cette fois s'imaginer le pire. Bon déjà, elle était normale, sans rien de particulier, donc elle garderait sa baguette toute sa vie. Le reste, c'était comme un cours d'Histoire de la Magie. Une série d'information à connaître mais qui étaient éloignées d'elle. Elle allait garder cela en tête et tout irait bien.

Oxy n'arrivait pas à imaginer ne plus s'entendre avec Akela, et décider de s'en séparer mais après tout, les autres avaient leurs propres vies. Tout était possible. C'était même intéressant de savoir que c'était possible. Qu'en cas de besoin, un sorcier pouvait, s'il le souhaitait, changer de baguette. Mais qu'arrivait-il alors à la première ?

"Oui, je comprends. Mais pourquoi la baguette ne change pas avec le sorcier ? Je veux dire on est une équipe. On a notre première baguette à 11 ans et vous avez dit que dans la majorité des cas, on la gardait toute notre vie. C'est bien qu'elle évolue avec nous. Personne n'est semblable à ce qu'il était enfant. Et la baguette abandonnée. Elle devient quoi ? Elle peut retrouver quelqu'un ou elle est juste, laissée comme ça"

Ce serait triste. Si c'était vrai, il faudrait qu'elle trouve quelque chose pour les aider. Elle regarda celle se son professeur. Oserait-elle...

"Votre baguette. C'est la vraie ? Votre première ? Celle que vous aviez à votre rentrée à Poudlard ?"

Oxy tenta de s'imaginer l'adulte lors de sa première rentrée mais échoua. Les adultes naissaient adultes, c'était plus simple.

" Les baguettes évoluent également mais jusqu'à certaines limites. Les baguettes abandonnées sont également parfois défaillantes et ne peuvent plus servir. Parfois, elles sont en excellent état et peuvent retrouver un nouveau sorcier. Il n'est pas rare que la baguette choisisse d'ailleurs un sorcier de la même famille. "

Sarah posa ses yeux sur sa propre baguette un instant avant de répondre. La Gryffondor lui offrait là une parfaite transition sur les autres cas mais la professeure n'avait pas vraiment prévu de les aborder sous cet angle.

" Non, ce n'est pas ma première baguette celle-ci a été fabriqué en Louisiane par les Beauvais, des fabricants de baguette de la Nouvelle Orléans. Ma première baguette a été... volée et brisée. J'ai beaucoup souffert de cette perte notamment parce que jamais, je ne m'étais imaginé qu'une telle chose soit possible. Voilà pourquoi je vous en parle. "

Elle s'abstint de préciser que la souffrance était légèrement accentuée par le fait qu'elle était terriblement seule avec un cinglé à l'autre bout du monde. Ces détails ne regardaient pas la jeune fille et après tout, c'est elle qui s'était mise seule dans cette situation dramatique. Elle soupira.

" Car malheureusement, ça arrive qu'une baguette soit brisée volontairement ou non. Ma baguette actuelle me convient bien mais elle est différente de la première. Elle réagit à certains types de sort de façon plus puissante. Elle est plus changeante aussi. Finalement, je crois qu'elle me correspond mieux suite à ce que je suis devenue après cette période sombre mais j'ai mis du temps à l'accepter. Je suis toujours celle que j'étais alors mais plus seulement. "

Est ce que l'adolescente comprenait ce qu'elle essayait de lui dire. Finalement il arrivait que la perte soit inéluctable car nécessaire et/ou bénéfique au sorcier.

Jusqu'à certaines limites. Elle pouvait concevoir. Et puis elle avait bien dit que c'était souvent des opportunités qui faisaient qu'on en changeait. Sinon, peut-être qu'on ne se rendait même pas compte qu'on était moins lié qu'à une époque. Mais l'idée qu'une baguette puisse devenir défaillante la gênait. Qu'est-ce qu'il fallait lui faire subir pour qu'elle en arrive à ce stade ? La jeune fille frissonna et se mit à passer la main le long d'Akela, comme pour la rassurer. Ou se rassurer.

Les yeux de la préfète s'écarquillèrent aux paroles de son professeur. Elle passait de la baguette, la deuxième donc, à l'adulte, ne sachant pas quoi lui dire. Elle leva une main pour la poser sur son genou, en signe de réconfort mais arrêta bien vite son geste. Elle n'était pas bien sûr que cela se fasse.

"Comment ? Qui peut faire..."

Elle ne trouvait pas les mots. Qui pouvait faire ce genre de chose ? Elle serra sa partenaire contre son cœur.

"C'est aussi à ça que servent vos cours ? Si nous aimons notre baguette, on n'osera pas faire du mal à celle des autres ? C'est pour ça que vous êtes venue enseigner ici ? Pour éviter que cela se reproduise ?"

Elle stoppa ses questions dès qu'elle se rendit compte à quel point elles sortaient sans aucun filtre. De quel droit les posait-elle ?

"Pardon, je ne voulais pas..."

Elle tenta de changer de sujet immédiatement, trop inquiète de sa réaction à ce genre de questions personnelles.

"Est-ce qu'on peut avoir deux baguettes ?"

Cela avait dû être si dur. La perte. Puis apprendre à vivre avec une autre. Accepter même que cette autre pourrait convenir, n'était-ce pas trahir la précédente ? Elle regarda la femme, la tête légèrement penchée sur le côté. Son admiration pour elle grandissait. Elle ne pensait pas qu'elle aurait eu la force de... Qu'elle en aurait eu la force.

La jeune Wright semblait réellement touchée par ce témoignage et Sarah lui offrit un sourire de remerciement.

" Malheureusement, tous les sorciers de cette terre ne sont pas bons et bienveillants. "

La réflexion de la jeune fille posa question à l'adulte. Pourquoi était-elle devenu professeure ? A la base principalement parce qu'il lui fallait un gagne-citrouille et qu'elle voulait changer un peu de domaine, découvrir autre chose, s'enrichir de nouveau non pas financièrement mais intellectuellement. Cependant, peut-être y avait-il d'autres raisons qu'elle avait elle même ignorées volontairement ou non. Peut-être que son histoire passée avait joué sur cette décision. La Gryffondor changea soudain de sujet mais Sarah prit malgré tout le temps de lui répondre.

" Je ne saurais vous dire les raisons exactes qui m'ont poussées à devenir professeure car elles sont multiples. Mais je pense que vous avez en partie raison, je souhaite transmettre à tous mes élèves l'amour de la magie, de la connaissance et le respect de l'autre. Ce sont des valeurs qui me tiennent à cœur. "

Elle fit une petite pause avant de reprendre sur un thème plus classique.

" On eut effectivement avoir deux baguettes. En général on se sent plus à l'aise avec l'une d'entre elles. Il arrive que certains sorciers achètent ou héritent d'une deuxième voire d'une troisième baguette. Ils ont souvent une baguette de cœur et des baguettes secondaires qui ne servent que peu mais peuvent dépanner dans l'urgence. "

Sarah avait elle même une deuxième baguette. Une baguette qu'elle haïssait mais qui étrangement lui obéissait parfaitement alors elle la gardait. Mieux valait avoir cette baguette là sous la main plutôt que rien du tout si un jour elle venait à perdre de nouveau celle qu'elle utilisait chaque jour.