En ce dimanche après-midi, Deryn se baladait en solo ou presque car Tim était comme à son habitude assis dans son col, plus ou moins à l'abri derrière l'écharpe jaune et noir aux couleurs de la maison Poufsouffle. Deryn s'était, en ce jour libre de cours, attribuée une mission de la plus haute importance, faire le plein de cloportes.

La plupart des moldus et même certains sorciers ne comprenaient pas le pourquoi de cette activité qui occupait régulièrement l'irlandaise. Mais son compagnon, le petit botruc était plus que friand de ces petits crustacés terrestres et Deryn tenait à lui faire plaisir. Le problème c'est que les bestioles avaient tendance à se faire rare en hiver. En cette fin d'après-midi, l'obscurité avait déjà commencé à assombrir un peu les couloirs et pour repérer ses proies, Deryn finit par sortir ses billes runiques pour éclairer les murs convenablement.

Alors qu'elle commençait à désespérer avec dans son sac en bandoulière un bocal seulement à moiti rempli (et encore, en le regardant rapidement) elle aperçut un porte qui raviva tous ses espoirs ; les toilettes abandonnées. Sous les dalles mal jointes et derrières les pierres amovibles ou presque, elle allait sûrement trouver son bonheur ou du moins celui de Tim. C'est donc pleine d'entrain qu'elle posa sa main sur la poignée de la porte.

Au moment où elle allait l'ouvrir, une voix résonna soudain à l'intérieur. Deryn fronça les sourcils. Elle avait clairement entendu une formule. Pas un sort qu'elle savait lancer mais tout de même, tout le monde connaissait le sortilège du Patronus de nom. Cependant, la présence d'ennemis ou de détraqueurs dans les toilettes lui semblait assez improbable.

Avec prudence, la Poufsouffle poussa la porte et aperçu aussitôt une silhouette... comme pour le sortilège, on ne peut pas dire qu'elle connaissait cet élève mais elle avait déjà eu l'occasion de le rencontrer ou d'entendre parler de lui. Deryn s'empressa de rattraper ses billes runiques pour ne pas aveugler le lanceur de sort présumé avant de prendre la parole sans cesser d'observer le reste de la pièce à la recherche du potentiel ennemi.

"Salut."

N'hésite pas si quelque chose ne va pas !

Un souvenir heureux.

Un souvenir heureux, un souvenir heureux... Ils en demandent beaucoup, je trouve, tout de même. Pour tous les autres sortilèges de toute la grande histoire des sortilèges, le seul sentiment suffit, qu'importe s'il est lié à la visualisation d'un souvenir ou non. Pourquoi, pour ce sortilège en particulier, cela ne fonctionnerait pas ? Et puis... Comment voulez-vous que l'on se concentre à la fois sur la visualisation de l'animal spectral et sur le souvenir heureux ? Et puis... Comment voulez-vous que l'on visualise l'animal spectral si on ne sait justement pas quelle forme il aura avant de l'avoir lancé ? Et donc, comment on le dirige jusqu'aux éventuels détraqueurs si on ne sait pas quelle forme il aura ? Merlin, je ne comprends strictement rien à ce sort : cela doit réellement être le seul sortilège qui sort totalement de la manière qu'on nous enseigne afin de lancer un sortilège. Je comprends pourquoi il est réputé si complexe et élitiste...

Bon. On va commencer par essayer, expérimenter. Après tout, on apprend bien mieux en testant des trucs et en réadaptant nos futurs essais en fonction des erreurs précédemment faites. Et puis je n'ai pas choisi les toilettes abandonnées pour rien : ainsi, je suis sûr que personne ne sera là pour juger ma piètre performance pour un sortilège. Parce que oui, même si ce n'est pas n'importe quel sortilège, le simple fait d'échouer à lancer un sort me fait grincer des dents.

Bon, eeuh... La visualisation. On va commencer par faire les classiques type l'animal de ma maison, celle de la maison de July et... C'est déjà bien, pour commencer. J'improviserai par la suite par la magie du feeling.

Un serpent spectral, donc. Voyons : je prends le temps de me concentrer sur mon lien avec ma précieuse baguette. Je visualise un serpent fantomatique sortir de cette dernière en laissant une traînée de magie blanche derrière lui. Je réalise un cercle vers la gauche de ma baguette. Et je suis heureux : Miss Valerion a totalement reconnu mes capacités et a dit qu'elle m'aiderait à apprendre ce sortilège ! Si ce n'est pas une excellente raison d'être heureux, ça... !

— Spero Patronum !

Mon sentiment de joie disparaît instantanément lorsque je vois ce qui sort de ma baguette : rien. Rien du tout. Pas même quelques volutes de fumée blanche ou ne serait-ce qu'une petite étincelle. Il ne s'est genre jamais autant rien passé que maintenant. Je me sens cracmol. Argh, quelle abominable sensation !

Or, je n'ai pas le temps de débriefer plus que ça sur mon échec cuisant : une voix s'élève derrière moi.

Je ne prends pas même le temps de me retourner pour voir à qui appartient cette voix et dirige vivement ma baguette vers le livre de défense contre les forces du mal de niveau six que j'ai laissé grand ouvert à la page du fameux Patronus, appuyé sur un coin de mur à peu près sec. En un « Wingardium Leviosa. » à peine articulé, il s'est retrouvé fermé. Pfiouf. Je me sens déjà moins cracmol.

Je me décide alors à me tourner vers la nouvelle arrivante en me dirigeant vers le manuel, l'air de rien :

— Salut.

Ah, c'est la fille du club de sortilèges. Ah, il y a des chances qu'elle ne m'apprécie pas énormément étant donné mon comportement lors du club... Oups ?

— Ahem... Désolé pour mercredi. Je m'en veux, sincèrement...

Il vaut mieux ne pas trop trop aborder le sujet si je tiens à entretenir une relation à peu près correcte avec elle. Surtout si elle est dans l'équipe des Hel's et qu'elle n'a donc qu'un mot à dire à Delphillia pour qu'elle aille me faire la peau.

— Tu cherches quelque chose ? Je peux t'aider ?

Je m'empare du livre de niveau six en prononçant mes dires, toujours l'air de rien.

Et voilà qu'il recommençait à être bizarre... déjà l'autre jour, il était bizarre. Et là, il était même louche. Deryn ne pu retenir un petit haussement de sourcils, se demandant ce que le Serpentard essayait de cacher tout en repensant aux paroles lâchées par Ginger quelques jours plus tôt ; Un truc à propos de Dale et de son honnêteté. Cela dit, Deryn se posait vraiment des questions. Pourquoi fallait-il toujours que les gens dans ces toilettes fassent des choses étranges. La première fois, il y avait cette fille qui plongeait la tête d'Autumn dans la cuvette, l'année dernière Violette qui chantait à tue-tête sur ses toilettes et les deux autres qui parlaient à... leurs mains et aujourd'hui... Edmund Dale. Est ce qu'il n'y aurait pas un truc étrange dans ce lieu ? Un flux un peu différent peut-être ?

— Ahem... Désolé pour mercredi. Je m'en veux, sincèrement...

Deryn allait répondre mais le Serpentard reprit la parole immédiatement. Deryn se mit à rire en répondant au Serpentard. Il fallait bien avouer que la situation était plutôt grotesque. Lui il planquait un truc louche et paraissait bizarre et elle cherchait des cloportes et de toute évidence, allait sembler très bizarre aussi.

"Hum... je suis pas sûre que tu ais très envie de m'aider en vrai. Je ramasse des cloportes pour mon botruc."

Comme s'il savait qu'on parlait de lui, la petite brindille pointa le bout de son nez, se glissant hors de l'écharpe en observant les lieux. De toute évidence, lui aussi sentait que l'endroitétait prometteur. Deryn s'accroupit et posa le botruc sur le sol le laissant chercher sa pitance avant de reporter son attention sur le sorcier présent dans la pièce.

"Tu arrives à lancer le sortilège du Patronus ou tu essayes ? J'ai cru entendre la formule en entrant."

Qu'il sache lancer un tel sort lui paraissait peu probable car d'après ses calculs, Dale devait avoir un an de plus qu'elle grand maximum mais après tout c'est bien la formule qui avait résonné un instant plus tôt.

"Et t'inquiète pas pour mercredi. C'était un exercice un peu... surprenant. Tu n'étais pas le seul à être un peu... gêné."

Bon il était tout de même le pire de tous, celui qui semblait au bord de la crise de panique aigue mais ça, Deryn le garda pour elle. Elle n'allait pas remuer la baguette dans la plaie. Quoique, le sujet l'intriguait tout de même beaucoup.

"Tu as récupéré la baguette de qui toi pour faire l'exercice ?"

— Oh ?

Un botruc ?

Activité fort peu commune. Mais fichtre, un botruc ?

Comme pour prouver la véracité de ses dires, ledit botruc sort sa tête de l'écharpe de sa propriétaire.

Mais quooi ? Ce ne sont pas des créatures qui ne sont pas autorisées à Poudlard ?

Mais, de toute manière... Le botruc se fondait tellement bien dans son écharpe. Une créature aussi petite, surtout si elle est aussi bien cachée, passe tranquillement la direction. Après tout, on ne fouille pas les élèves un à un de fond en comble pour voir s'ils n'ont pas quelque chose de non-autorisé sur eux. Sinon, on ne confisquerait pas autant de trucs au cours de l'année.

— Mais tu n'as pas peur qu'on...

Qu'on quoi ? Les objets interdits, on les confisque. Mais les animaux interdits, on en fait quoi ? Ce sont des êtres vivants, on ne peut pas les "confisquer".

— ... Qu'on te sépare de lui ? Il me semble que les seules créatures magiques autorisées sont les boursouflets.

Je ne cache pas mon inquiétude en suivant du regard le petit botruc parti voguer tout seul en quête de ses cloportes. J'aurais trop peur qu'il aille se promener entre les jambes d'un professeur, à sa place. Mais comment retenir un botruc ? Et, surtout, à quoi bon retenir un botruc ?

Mon visage se tord en une grimace lorsqu'elle fait mention du sortilège que j'essayais de lancer quelques temps plus tôt. Alors, comment dire...

— J'essaye.

Mais c'est admirable d'essayer à mon âge, hein ! Ça ne fait pas de moi un nul en sortilèges pour autant, même bien au contraire !

— Mais bon, il ne faut pas se faire d'illusion...

Voilà quoi.

— Tu n'étais pas le seul à être un peu... gêné.

Ah ?

J'avoue que, sur le moment, j'étais peut-être un peu trop occupé à m'horripiler de la sensation de la sueur de la baguette que j'avais en main pour vérifier si les autres élèves étaient aussi dérangés que moi. Erk. Mais ça va, si je n'étais pas le seul dans cet état. Ça me rassure un peu, en un sens.

Bigre, je me rends compte que j'étais tellement irrité de l'exercice que je n'ai même pas fait attention à qui était mon autre voisin, trop occupé à fixer noirement le visage d'O'Connors. Mais quel idiot je fais...

— Eeuh...

C'était quelqu'un de ma promotion. Adaline ou Celia, il me semble. Non mais non : Adaline était à côté de la prof' et il y avait quelqu'un entre nous.

— Je crois que c'était celle de Celia Fournier... ?

... Ou je confonds avec le cours de Miss Valerion autour du sortilège Protego ?

— Je sais plus. Pourquoi ?

Tout en papotant, Deryn avait sorti sa baguette de sa manche. Elle suivait la conversation mais détourna les yeux un instant au moment où elle soulevait une pièce du carrelage. Le sol était dans un état dans cette pièce. Aussitôt, deux petits crustacés apparurent et tentèrent de fuir.

"Immobulus"

Les deux bestioles s'immobilisèrent aussitôt et Deryn les fit léviter rapidement dans son bocal en veillant à ce qu'aucun des captifs ne tentent de fugue. La magie avait quand même du bon. Cette technique, développée au cours de l'année écoulée, simplifiait grandement ses chasses aux cloportes.

"J'ai flippé au début pour Tim. Mais il ne voulait plus rester dans le parc. Il s'accrochait à moi à chaque fois. Et je peux te dire, qu'un botruc qui s'accroche c'est pas un cadeau. j'avais des griffures sur toutes les mains. J'ai demandé l'autorisation à Miss Field assez rapidement. Elle... n'a pas dit non. Tant qu'il ne fait pas de bêtise, tout va bien. Dans le fond, c'est un résidant. Il habitait Poudlard avant moi, je ne l'ai pas vraiment apporté ici."

Un sourire malicieux était apparu sur le visage de la Poufsouffle. Cette phrase elle la tenait de Maddie et elle était tellement vraie et pratique à la fois... Le botruc poussa un petit cri ravi dans la pénombre mais Deryn n'y fit pas attention.

"Ouais. Je crois qu'il est chaud ce sort. Visiblement même certains adultes n'y arrivent pas. Il paraît qu'il faut vraiment un état d'esprit particulier."

Et une bonne puissance magique aussi songea t-elle mentalement mais elle ne fit pas de remarque là-dessus. Après tout, le Serpentard savait sûrement ce qu'il faisait.

"Pourquoi ? Euh comme ça... En fait..." Elle regarda sa propre baguette magique une seconde avant de relever la tête. "Tu lui fais confiance à ta baguette ?"

La question semblait un peu bizarre comme ça. Mais Deryn avait retourné l'exercice de Sortilèges dans tous les sens et les réactions de ses camarades, particulièrement celle d'Edmund lui semblaient vraiment étranges. Elle avait bien envie de valider sa théorie.

Je n'arrive pas à contenir un sourire lorsque je la vois immobiliser les deux petits animaux. La plupart des élèves que je connais auraient, hélas, couru comme des moldus après eux au lieu de simplement penser à les arrêter. On a beau être dans une école de magie, des fois, j'ai bien l'impression que les personnes ont des réactions plus moldues qu'autre chose. Mais non, pas elle.

Décidément... Peut-être faudrait-il que je mette Poufsouffle sur un piédestal, et non pas Serdaigle. Mes rencontres depuis que je suis à Poudlard ont généralement été bien plus agréables du côté des blaireaux que du côté des aigles. C'est triste, ce que je dis, mais c'est vrai.

Je hausse les sourcils à sa curieuse explication de sa rencontre avec "son" botruc :

— Je vois... Du coup, en un sens, ce n'est pas ton "animal de compagnie" mais plutôt ton "ami".

Elle n'en est pas propriétaire mais amie. C'est hyper mignon, fichtre !

— Eet... Tu fais régulièrement visiter ta maison à ton "ami" ?

Certes, il habite Poudlard. Mais rien n'empêche de passer quelques vacances chez une amie. Je me demande d'ailleurs comment il doit le vivre si elle l'emmène chez elle, séparé de ses amis botrucs. Vit-elle déjà en ville ou en campagne ? Se sent-il désolé face au manque de nature des villes lorsqu'il y va, s'il y va ? Ce petit "Tim" m'intrigue.

Eet oui. En effet, même certains adultes n'y arrivent pas. Mais tu verras : moi, je vais réussir à lancer ce sort. Et avant la sixième année, j'y tiens. C'est d'ailleurs pour ça que je m'y prends aussi tôt !

Je me contente de hocher la tête avec un demi-sourire en simple réponse à ses paroles en resserrant ma prise sur le manuel de niveau six. Peut-être un niveau un peu trop élevé pour moi mais il ne le sera plus l'année prochaine. J'y tiens.

Elle semble prise au dépourvu lorsque je lui demande innocemment pourquoi elle m'a posé la question... Avant de me demander si je faisais confiance à ma baguette.

Mes sourcils se froncent bien malgré moi : quelle drôle de question !

— Eeuh...

Certes, c'est une question fermée et ma réponse est claire et limpide mais j'ai l'impression qu'elle attend autre chose derrière cette question. Je ne vois simplement pas quoi.

— Oui ? Enfin, je...

... Je suis pas sûr de comprendre ce qu'elle attend de moi par là.

— Je... La magie, les sorts plus spécifiquement, c'est tout pour moi.

Ce n'est peut-être pas le seul domaine dans lequel j'excelle étant donné mes multiples talents mais c'est, de loin, le domaine que je trouve le plus noble et le plus beau magiquement parlant. Il permet après tout de compenser tellement de choses avec tant d'élégance...

— Tant que je n'aurai pas appris à lancer de sorts sans catalyseur, je suppose qu'elle sera mon bien le plus précieux.

Je serre les dents en me ressassant la première fois qu'on m'a retiré ma baguette. J'ai dû monopoliser la baguette de Maman durant facilement une semaine avant que le sentiment ignoble de vulnérabilité qui s'était emparé de moi ne s'évapore.

— ... Et toi ?

Je me demande ce qu'elle a à dire sur la question. Elle qui a abordé le sujet d'une telle manière, elle doit avoir une réponse plus qu'intéressante.

La définition proposée par Edmund pour la relation qui la liait à la petite brindille lui plaisait bien. Elle sourit en répondant au garçon.

"Oui, on peut dire ça. A Poufsouffle il y est presque tout le temps. Et chez moi chez moi... L'été dernier il est venu en Irlande et à Noël chez mon frère. J'ai bien essayé de le laisser dans le parc mais j'ai l'impression qu'il se doute de quelque chose. Je crois qu'il me prend vraiment pour son arbre en fait. Je reste généralement à Poudlard pour les vacances de printemps donc Tim aussi."

Dire à voix haute qu'il la prenait pour son arbre était étrange mais c'était pourtant la réalité. Espérons qu'il ne vienne à personne l'envie de la transformer en baguette comme les arbres à botrucs.

La question qu'elle avait posé sembla perturber Dale plus qu'elle ne l'aurait songé mais elle écouta la réponse avec attention. Elle réfléchit à son tour à ce qu'elle allait répondre. Elle avait répondu plusieurs fois ces derniers jours à cette interrogation mais avec la réponse qu'elle venait de recevoir, un nouvel éclairage s'allumait.

"Je lui fait totalement confiance. Je me dis que c'est un peu comme Tim. Je ne sais pas vraiment pourquoi il a choisi de venir avec moi mais si c'est son choix, il n'y a pas de raison pour qu'il en change d'un coup d'un seul. Je pense que ma baguette c'est pareil. C'est une amie."

En parlant, Deryn faisait rouler l'amie en question entre ses doigts. Quelques instants plus tard, le botruc fit son apparition. Il semblait renifler autour de lui et s'arrêta soudain devant un carreau de carrelage mal scellé en poussant des petits cris. Deryn sourit et pointa sa baguette pour faire léviter l'objet. Aussitôt le botruc plongea et ressortit avec un cloporte dodu entre ses longs doigts tandis que des craquements satisfaits résonnait. C'était étonnant de voir le volume sonore que ce petit corps arrivait à produire.

"Je crois que je n'arriverai plus à vivre pleinement sans ma baguette. A chaque fois qu'il faut la laisser à la gare... Je déteste ça, ça me fait hésiter à partir des fois, je trouve ça horrible alors qu'on ne les utilise pas nos baguettes chez nous mais... je sais pas. J'aime bien l'avoir avec moi. J'ai l'impression que c'est un peu mon lien ultime avec la magie et j'aime tellement ça."

Elle souriait en songeant à ce que la magie lui offrait, toutes les possibilités et les moments de bonheur qu'elle éprouvait en pratiquant, en s'entrainant... Vraiment les pratiques de ce nouveau gouvernement étaient immondes. Deryn reporta son attention sur le Serpentard avant de reprendre le sujet qui la tracassait depuis le mercredi précédent.

"Mais du coup, si tu lui fais confiance à ta baguette, pourquoi tu étais si embêté de la prêter un instant ?"

Oui, c'était bien la le nœud du problème. Le truc qu'elle n'arrivait pas à comprendre.

Un soupir amusé m'échappe. Être prise pour un arbre à botrucs... Ça, c'est une situation des plus loufoques et des plus amusantes.

— Tu dois avoir un potentiel magique bien plus puissant que celui de certains arbres, écoute !

C'est une bonne explication.

Curieux, pour un botruc, tout de même, de ne pas avoir le "mal du pays" chez les sorciers. De ce que j'en entends, du moins.

Tout ce que je me contente de faire est de contempler silencieusement ma baguette en fronçant les sourcils. C'est... Vraiment profond, ce qu'elle dit. Ça se sent qu'elle a vraiment médité à la question au préalable. Une amie ? M'oui, peut-être. J'aurais peut-être parlé de quelque chose de plus profond. Une âme sœur ou un truc dans le genre. Je sais pas, je... Elle est trop ancrée en moi et en moi seul, personne d'autre, pour que je puisse la considérer comme simple amie.

Un sourire naît sur mes lèvres lorsqu'elle mentionne son lien avec la magie et sa baguette.

— C'est exactement ça. Lorsqu'on me l'a retirée pour la première fois, je me suis juste senti...

C'est très étrange dans ce contexte mais c'est le mot qui définit le mieux ce que j'ai ressenti.

— Nu. À découvert. Vulnérable. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai gardé sans en avoir nécessairement besoin la baguette de ma mère durant une semaine. Afin de garder un lien avec cette "partie de moi" qu'on m'a retirée.

Je baisse nerveusement la tête en un soupir amusé lorsque je déblatère cette anecdote. Oui, bon, voilà, quoi.

Je la réhausse cependant lorsqu'elle me pose sa question :

— Ce n'est pas que je ne lui fais pas confiance. Bien au contraire. En revanche, toi...

Aïe aïe aïe, on va attaquer le point compliqué.

— Je suis vraiment désolé. Et t'as l'air sympa, hein ! C'est juste que... Je ne te connais tout simplement pas en dehors du Quidditch. Tu aurais pu l'abîmer, la maltraiter voire même la casser ou... Je sais pas, moi ! Juste je laisse pas ma baguette, une partie de moi, entre les mains de n'importe qui.

Je me garde bien de préciser que je ne donnerai, de toute manière, cette partie de moi à personne. Même pas Jenna. Peut-être Maman. Elle n'a pas à le savoir.

L'explication du Serpentard sur le choix de Tim la fit sourire. C'était une belle comparaison à ses yeux. Elle se demandait si c'était le cas de Dale et même s'il était sincère. Elle avait entendu des trucs à son propos mais, elle refusait de juger sans savoir. C'était sa bonne résolution de l'année. Ne pas finir comme les adultes, sots et violents.

Ainsi donc il partageait son point de vue sur la confiscation des baguettes. Deryn savait que c'était le cas de la plupart des élèves de l'école. Il n'y avait bien qu'Ali pour se réjouir d'une telle chose. Quelle chance ils avaient cela dit, les enfants de sorciers, de pouvoir se réconforter avec leur famille. Peut-être que maintenant, les choses seraient un peu différentes... elle allait pouvoir passer ses étés dans le bureau de Grand-mère à respirer la magie. Si ça se trouve la baguette de grand-mère était cachée quelque part dans ce fourbi.

La conversation sembla soudain devenir plus grave mais au lieu de se renfrogner, Deryn éclata d'un rire franc.

"Non de non. Jamais je ne confie ma baguette à quelqu'un que je ne connais que comme joueur de quidditch en dehors d'un cours, impossible."

Elle ne faisait tellement plus confiance à certains tricheurs. La Poufsouffle reprit rapidement son sérieux.

"Je peux comprendre mais ça risquait rien là. Je veux dire Priddy était là pour surveiller et... Ouais... si, je crois que je vois ce que tu veux dire... Mais je ne vois pas les choses comme toi. En fait je..."

Comment expliquer son point de vue ? Deryn s'appuya contre le mur juste derrière elle et se remit à faire tourner sa baguette entre ses doigts.

"Si je te la passais là, tu pourrais la briser en deux évidement mais... quelque chose me dit que tu ne le ferais pas et que de toute façon, ma baguette me reviendrait d'une façon ou d'une autre. Pendant le cours, je me suis dit la même chose. Ginger aurait pu vouloir me faire mal juste... juste parce qu'elle n'aime pas qu'on les accuse de triche par exemple mais... il faut le vouloir quand même non ? Il faut une sacrée volonté pour briser volontairement la baguette d'un autre sorcier. Ou alors une colère immense ? Tu pourrais faire ça toi ?"

Deryn ne se voyait clairement pas faire une chose pareille. Quoique... si quelqu'un s'en prenait à certaines personnes ou à Tim par exemple. De quoi serait-elle capable ? C'était une question étrange qu'elle se posait là.

Surprise ? Soulagement ? Perplexité ? Enchantement ? Quelle émotion ai-je ressenti lorsqu'elle a ri aux éclats alors que tous mes dires poussaient à se braquer ? Probablement un mixte de toutes ces émotions. Même si la surprise a dû être l'émotion dominante sur le moment.

Cependant, c'est moi qui me braque lorsqu'elle enchaîne sur son propre raisonnement : certes, Miss Priddy était là pour surveiller. Mais, quand l'action est faite, elle est faite. Notre professeure pourra donner toutes les sanctions possibles et inimaginables à l'élève, cela ne changera rien. Ma baguette sera toujours abîmée, voire brisée. Le mal sera déjà fait. Donc mieux vaut prévenir que guérir dans ce sens-là, la guérison étant tout simplement irréalisable dans le cas d'une baguette brisée.

Je me ravise cependant de déblatérer tout mon contre-argument lorsqu'elle reprend immédiatement sa pensée pour la préciser. Ce à quoi je réponds en... En fronçant les sourcils.

— Je...

Enfin... Je sais pas. Oui mais non mais. Je sais pas.

— Euh...

Je soupire profondément en m'appuyant moi-même contre le lavabo dans lequel j'avais posé mon livre quelques minutes au préalable, yeux au ciel. Est-ce que je serais capable de briser la baguette de quelqu'un ?

— Je dirais que ça dépend vraiment de la personne.

Par exemple, Wellhister, avec ou sans baguette, ça ne change rien à sa vie de moldu. Je doute même que ça lui fasse quoi que ce soit niveau émotionnel donc bon. En revanche, Kingson... Là, c'est un peu plus épineux. Je vois bien qu'il chérit sa baguette, lui. Mais est-ce que j'irais pour autant la lui casser, sachant qu'il en use aussi souvent ? Je ne sais pas. Je pense que j'aurais trop peur qu'il me le rende. Donc peut-être pas, non.

— Oui. Surtout dépendant de la personne et de sa relation avec sa baguette. J'aurais trop peur des représailles... Mais !

Mes yeux cessent de fixer le plafond délabré pour se reporter sur elle :

— Je ne parlais pas nécessairement du côté intentionnel de la chose. Les maladresses existent hélas, après tout. Tu aurais notamment pu t'asseoir dessus eeet. Et bah voilà. Et puis... Moi, j'ai peut-être une certaine morale mais ce n'est pas le cas de tous. Quand on voit les atrocités qu'ont commis certains sorciers en cours d'Histoire...