Ce matin tu avais reçu une lettre de ta mère que tu n'avais pas encore eu le temps d'ouvrir. Tu avais passé la matinée dans les cachots en cours de potions, et ça avait été insupportable : oui, tu n'arrivais toujours pas à apprécier ne serais-ce qu'un tout petit peu cette matière ! Heureusement, les matinées de potions étaient toujours suivies d'une heure de vol. Oh bien sûr, tu trouvais que c'était peu ! Mais tu n'avais pas la chance de pouvoir posséder ton propre balai et donc de voler quand bon te semblait...

La tête encore pleine de joie suite à ce cours revigorant, tu t'étais dirigée vers la cour pour lire la lettre reçue ce matin. Assise au bord de la fontaine, un sourire radieux sur le visage, tu déchiras l'enveloppe pour en sortir le papier plié en quatre : pliage typique de ta mère. Puis en le dépliant, tu reconnus sa douce écriture. Tu posas tes yeux sur les premiers mots :

Ma chérie,
J'espère que tout va bien pour toi à l'école et que tu travailles bien, même si je ne me fais pas trop de soucis de ce côté. Et tes amies, elles vont bien ? Tu as pu reparler avec cette jeune fille que tu as rencontrée au bal le mois dernier ?

Tu plissas les yeux, suspicieuse. Pourquoi ta mère te reparlerais d'une fille que tu as croisé il y a presque un mois ? Vous aviez échangés des lettres depuis, et jamais elle n'en avais refait mention... Ton sourire s'était évaporé bien vite, et tu t'inquiétais de la suite de cette lettre. Tu connaissais ta mère, et qu'elle s'étale ainsi sur des choses aussi lointaines était mauvais signe.
Les questions de ta mère s'enchaînaient sur le papier, et tu étais de moins en moins rassurée. Elle essayait de retarder quelque chose. Mais quoi ? La réponse ne tarda pas à venir.

Au fait, j'ai reçu un appel du bureau. Je ne retournerais pas travailler, j'ai été virée. Mais c'est super, je vais avoir du temps pour ranger un peu la maison et déplacer quelques meubles ! D'ailleurs, tu veux que je réarrange ta chambre ? Ou tu préfères le faire toi-même quand tu referas la déco ? Tu sais, j'avais pensé à mettre ton lit.....

Puis de nouveau un flot de mots. Elle avait essayé de noyer l'information capitale et dramatique de son message pour que j'y prête moins d'attention. Mais c'était loupé. Qu'est-ce qu'il s'était passé pour qu'elle soit virée ? C'était... Injuste ! Elle bossait comme une dingue, et encore plus depuis que je suis dans ce château ! Comment pouvaient-ils virer leur rédactrice-en-cheffe sans scrupule, comme ça ? Et pourquoi ?

La colère grimpa en flèche. Tu te levas et traversas la cour d'un pas rapide.

- Fais chier !

Des regards se tournèrent vers toi, mais tu n'en avais rien à faire. Tu bouillonnais sur place. Tu entras dans le château et filas droit vers la tour d'astronomie, bousculant quelques personnes au passage qui râlèrent après toi. Puis tu t'installas au bord, les pieds dans le vide. A défaut de pouvoir voler, tu avais ça. Ce n'était pas la même sensation bien sûr, mais c'est la seule alternative que tu avais trouvé. Tu restas ici tout le reste de l'après-midi, sans bouger, sans rien faire. Tu regardais juste l'horizon, les pieds dans le vide. Puis le soleil se coucha, mais tu ne bougeas pas non plus. Ce n'est que lorsque ton estomac réclama bruyamment d'être nourri que tu te décidas à descendre, la tête perdue dans un flot d'émotions.