Cheryl n'avait pas l'habitude d'aller dans la salle d'études. À vrai dire, les lieux calmes comme celui-ci ou encore la bibliothèque l'ennuyaient. Cependant, cette fois-ci elle n'avait rien à faire, quitte à travailler, autant le faire avec d'autres personnes.

La Serpentard monta les marches des escaliers en trainant des pieds. Heureusement, sa moyenne scolaire montrait que ses efforts étaient récompensés. Si elle travaillait sans résultat, cela l'aurait sans doute mis dans tout ses états. Cheryl atteignit enfin le deuxième étage et entra dans la salle d'études. Comme la première fois où elle était venue, le calme régnait. Tout ce qu'on entendait, c'était le son des plumes grattant le parchemin.

Elle soupira et s'assit à côté d'une fille. Vu sa robe, elle devait venir de Serdaigle. Elle avait les cheveux châtains, attachés en queue de cheval ; celle-ci avait l'air réellement concentrée. D'ailleurs, elle n'avait pas l'air d'avoir remarqué la présence de Cheryl. La jeune fille était en train de faire un devoir. La rousse se pencha alors pour voir sur le parchemin comment s'appelait la Serdaigle. "Elizabeth Le Gall", lit-elle.

Cheryl était persuadée d'avoir entendu ce nom quelque part, où ça ? Tout ce dont elle se souvenait, c'était que la personne portant ce nom est une née-moldu.

-T'as besoin d'aide pour ton devoir ? Une aide de quelqu'un qui a du sang sorcier est toujours utile pour les gens comme toi, dit Cheryl d'une voix sarcastique en souriant.

@Elizabeth Le Gall à toi

Elizabeth ouvrit la porte de la salle, s'assit à une table inoccupée et aligna ses affaires devant elle, le tout en faisant le moins de bruit possible pour ne pas déranger ses camarades. La jeune fille profitait de sa journée de libre pour faire un devoir de Potions, plutôt long. Elle déroula son parchemin, et trempa sa plume dans l'encre pour tracer son nom en lettres rondes. Alors qu'elle s'attaquait à la première question, une mèche de cheveux tomba devant ses yeux, troublant sa concentration. La Serdaigle posa donc sa plume, en faisant attention de ne pas faire goutter de l'encre sur le papier, et noua ses cheveux en une queue de cheval bien nette à l'aide d'un ruban blanc trouvé dans ses poches. Maintenant que plus rien ne pouvait troubler sa concentration, elle s'attaqua à son devoir avec une ardeur renouvelée. Elle ne prêta aucune attention à la personne qui s'était assise à côté d'elle, jusqu'à ce qu'elle lui adresse la parole.
Elizabeth tourna la tête vers la jeune fille et s'apprêta à refuser poliment son aide, mais la suite lui fit perdre son sourire.

Les gens comme moi ? Du sang sorcier ? Au secours.

Malgré les intentions hostiles qu'Elizabeth percevait, son interlocutrice n'avait eu aucune parole désobligeante et était restée très polie. Peut-être qu'elle voulait bien faire, et s'était juste mal exprimée ?

- Non merci, ça va, répondit donc Elizabeth sur un ton prudent. Je n'ai pas de souci pour faire mes devoirs - surtout la théorie, c'est très facile.

Et, persuadée que sa réponse sonnait la fin de la conversation, la Serdaigle reporta son attention sur son parchemin.

Perdu ! Essayez une autre lettre.

La Serdaigle lui répondit alors d'un ton poli qu'elle n'avait pas besoin d'aide, mais la remercia tout de même pour sa proposition. Cheryl avait perçu la réponse de son interlocutrice comme insolente, même si celle-ci ne l'avait sans doute pas fait exprès. Après avoir répondu, Elizabeth avait très vite retourné son visage vers le parchemin, ignorant la présence de Cheryl. La Serpentard haussa alors les sourcils et cligna deux fois des yeux, l'air ébahi, avant de se mettre à sourire légèrement.

-Je sais que c'est la honte de demander de l'aide, mais je te propose la mienne alors profites-en, engagea des nouveau Cheryl. Et puis, une aide de la merveilleuse Cheryl ne se refuse pas. Encore moins par une née-moldu.

Elle avait rajouté la dernière phrase d'un ton hautain et assez désagréable. Celle-ci avait passé son enfance à se prendre pour une petite princesse, plus intelligente, plus forte, plus belle que les autres. Évidemment, c'était son point de vue ; elle n'avait jamais été objective. Lors de sa scolarité en primaire, elle considérait ses camarades moldus comme inférieurs. Et d'ailleurs, elle considérait toujours les nés-moldus comme inférieurs, étant donné qu'ils avaient des parents Moldus.

À vrai dire, Cheryl ne les détestait pas. Elle pouvait même avoir des amis nés-moldus. C'est juste qu'elle jouait de leur statut, et se trouvait définitivement supérieure à eux.

Elizabeth grinça des dents quand l'autre fille lui adressa la parole à nouveau, son ton sarcastique cette foisefranchement perceptible. Bon sang, qu'est-ce qui cloche chez cette fille ? Pourquoi elle ne me laisse pas tranquille ? Mais Elizabeth savait pourquoi. Elle était une née-Moldu. Et pour ces insupportables Sangs-Purs, c'était la honte.
La Serdaigle sentit la colère monter en elle. Elle ne tenta même pas de la maîtriser. À ses yeux, le racisme n'avait pas d'excuse, et puis de toute façon, c'était peine perdue.
Elle leva les yeux au ciel, posa sa plume - il était clair qu'elle n'allait pas se remettre au travail de sitôt - et se tourna vers Cheryl.

- Premièrement, siffla-t-elle, ce n'est pas la honte de demander de l'aide. Ça veut juste dire que tu n'es pas suffisamment stupide pour rester sur tes échecs. Deuxièmement, je n'ai pas besoin qu'on m'aide. J'ai une moyenne d'Optimal en Potions, je te ferai dire. Ce qui me pose des difficultés, ce n'est pas ma famille, c'est une certaine vipère qui s'est levé du mauvais pied ce matin et qui a décidé de m'empêcher de travailler !

La fillette serra les dents. Elle n'avait pas eu l'intention de dire tout ça. Ses notes, en particulier. D'abord, ça ne regardait personne d'autre qu'elle, et ensuite, elle avait toujours l'impression de se vanter quand elle parlait de ses bonnes notes.
Ceci dit, elle n'avait pas menti. Les potions, c'était facile, il suffisait de suivre les instructions. En revanche, les lancers de sorts lui posaient un peu plus de problèmes, à cause de ses émotions débordantes - et elle venait de montrer une fois de plus son incapacité à les gérer. Mais bien sûr, ça, pas question de le dire à cette Cheryl.

- Et pour terminer, ajouta-t-elle d'une voix doucereuse - comme si ça ne suffisait pas déjà comme ça -, si j'avais besoin d'aide, ce n'est pas à toi que je demanderais.

Zébu - Ahtcaielm

Cheryl fut stupéfaite de la réponse de son interlocutrice. Celle-ci, qui semblait si calme aux premiers abords, avait haussé le ton et avait été très franche dans sa manière de parler. La rousse n'avait pas l'habitude d'être contredite, critiquée. Elle lança alors un regard mauvais à Elizabeth et leva les yeux au ciel.

Elle se leva alors brusquement, frustrée qu'une personne ait osé lui parler de cette façon, et remarqua que la plupart des élèves de la salle avait la tête levée et regardait les deux jeunes filles. Elles avaient sûrement du hausser la voix sans s'en rendre réellement compte.

-Quoi ? Vous voulez ma photo ? dit-elle d'une voix forte.

Sans dire un mot, ils baissèrent tous la tête et continuèrent leur travail. Ils sont humains ces gens ? se demanda-t-elle intérieurement. Aucun mot ne sortait de leur bouche et ils étaient collés à leur parchemin et leur manuel.
Cheryl reporta de nouveau sa concentration à Elizabeth et lui lança un regard mauvais.

-En même temps, les potions c'est très simple. Si t'avais besoin d'aide dans cette matière ça aurait été critique, rétorqua la Serpentard en souriant faussement. M'enfin, ça m'aurait pas étonné, après tout, la magie c'est tout nouveau pour toi, ajouta-t-elle tout en souriant.

Cheryl saisit alors son sac rouge qu'elle avait déposé plus tôt sur la chaise d'à côté et s'apprêta à s'en aller. C'était maintenant certain pour elle : la salle d'études et la bibliothèque regorgeaient de gens bizarres.

Elizabeth observa son adversaire se lever d'un coup - Elle s'en va ? Allez, s'il-te-plaît, va t'en - et aboyer sur les autres occupants de la salle - Parfait, si jamais on n'était pas déjà en train de se faire suffisamment remarquer, comme ça c'est fait... -, avant de se rabattre sur elle.
La Serdaigle rougit et pinça les lèvres face à la pique. Elle l'avait atteinte plus douloureusement qu'elle ne voulait bien l'admettre.
J'ai des bonnes notes dans les autres matières aussi ! tenta-t-elle de se réconforter, mais le mal était fait : sa fragile assurance avait volé en éclats.

- Oui, eh bien, malgré le fait que la magie, c'est tout nouveau pour moi, je me débrouille très bien, rétorqua-t-elle en essayant lamentablement de rassembler sa verve des minutes précédentes.

Elizabeth observa la Serpentard, debout face à elle. Elle n'aimait pas le tour que prenait cette conversation - bien que le terme d'affrontement aurait sans doute été plus proche de la réalité. Même leurs postures étaient équivoques : Cheryl la dominait de toute sa taille, tandis qu'elle devait lever les yeux. Malgré tout, elle ne fit pas un geste pour se lever, ni pour rompre le contact visuel. La Serdaigle porta sa main gauche à sa bouche et commença à mordiller la pulpe de son pouce. Elle se détestait de ne pas savoir comment réagir, alors même que les persiflages anti-nés-moldus n'étaient pas une nouveauté pour elle.

Alors que Cheryl s'apprêtait à partir, la Serdaigle rétorqua qu'elle pouvait très bien se débrouiller même en étant née-moldue.
La rousse s'arrêta dans son élan et se retourna. Elle ne s'attendait pas à ce que Elizabeth continue à parler.
Elle pensait qu'elle allait juste replonger dans son travail, comme le font tous les élèves présents ici, et ne pas se défendre.

La Serpentard n'avait pas daigné imaginer que Elizabeth allait défendre son statut à ce point. À vrai dire, cela ne lui déplaisait pas.
Les personnes qui subissaient juste ses dires l'ennuyaient profondément. Alors, elle haussa les sourcils, assez étonnée.

Cheryl, toujours debout, regarda son interlocutrice de haut. Celle-ci avait l'air à la fois déterminée à se défendre, mais aussi terrifiée à l'idée de se disputer avec la rousse, dans une salle d'étude. En effet, cette situation était assez... délicate. Ce n'était clairement pas l'endroit idéal pour se disputer avec quiconque.

-Tant que t'y crois... murmura Cheryl avant de lui lancer un sourire indéchiffrable.

Ce sourire était-il hypocrite ? Était-il sincère ? Personne ne pouvait le savoir. Cheryl cachait une sensibilité derrière une façade confiante et assurée. Elle voulait que tout le monde se souvienne d'elle comme une personne qu'il ne fallait pas embêter.

La Serpentard pouvait être très paradoxale : elle critiquait et lançait des pics à tout ce qui bougeait mais dès qu'elle voyait des personnes attristées, elle avait ce besoin de les consoler. Enfin, Cheryl était un véritable paradoxe.



@Elizabeth Le Gall

Cheryl se retourna pour regarder Elizabeth qui venait de parler. La Serdaigle cru déceler une drôle d'expression dans son regard. Il lui semblait que l'agressivité qui caractérisait auparavant ses traits s'était un peu allégée. Cheryl lança une phrase énigmatique, accompagnée d'un sourire non moins sibyllin. Elizabeth fronça les sourcils, perplexe, mais ne dit rien. Elle n'était pas certaine de la réaction à adopter.
En réfléchissant à ce qu'elle voulait dire, elle s'aperçut qu'elle n'était plus en colère. Pourtant, Cheryl avait insulté indirectement sa famille et suggéré que sa naissance déterminait automatiquement sa valeur - en mal. C'était tout à fait le genre de préjugé infondé et réducteur qui la mettait hors d'elle habituellement. D'ailleurs, en y réfléchissant, ça la révoltait toujours autant ; mais elle n'était pas en colère contre Cheryl. Cheryl n'était pas un préjugé, elle était une personne, avec des sentiments, une histoire, des opinions (certes intolérantes et archaïques, mais enfin). La Serdaigle se demanda comment Cheryl avait acquises de telles pensées.

- Comment est-ce que tu… euh, ahem, je veux dire… enfin, euh… Comment tu vas ?

Heureusement, elle avait réussi à s'empêcher au dernier moment de poser la question ; elle n'aurait pas voulu paraître moralisatrice ou condescendante, et relancer involontairement les hostilités. Malheureusement, elle avait dit la première chose qui lui passait par la tête pour se rattraper, et elle avait maintenant l'air complètement incohérente.

Super, voilà qui va définitivement me condamner à ses yeux, c'est sûr… Espérons qu'elle ne le prenne pas mal.

Voilà un retournement de situation intéressant
Désolée pour le retard !

Cheryl regarda d'un air estomaqué la Serdaigle. Elle lui avait soudainement demandé comment elle allait. Pourquoi ? Pour quelle raison ? Il y a à peine une minute, elle semblait emportée par la colère et, quelques secondes plus tard, elle lui demandait comment elle allait. Qu'elle était étrange. Cheryl souffla légèrement du nez et battit des paupières.

La Serpentard n'ignora pas pour autant Elizabeth. Au contraire, la réaction inattendue de son interlocutrice la laissa en suspens pendant de longues secondes. Elle se disait que cette fille n'avait sûrement pas l'habitude de hausser le ton et, ayant constaté ce qu'elle avait fait, elle tentait de se rattraper. M'enfin, Cheryl n'était pas du tout bouleversée par ce que lui avait dit la Serdaigle, bien au contraire.

-Je vais bien. Et toi ? Comment vas-tu ?

La rousse se prêta au jeu et décida de changer d'humeur en trois secondes. Pourquoi pas après tout ? Elle avait répondu d'une voix calme, normale, pas surjouée. Elle avait répondu comme si les deux élèves ne s'étaient pas adressées la parole plus tôt. C'était une situation bien étrange.

En réalité, si Cheryl avait été réellement remontée contre la jeune fille, elle n'aurait sûrement pas agi de la même manière. Cependant, Elizabeth ne l'avait pas énervée ou autre. Elle lui avait juste répondu de façon brusque et inattendue.



@Elizabeth Le Gall Désolée pour le retard !

Cheryl sembla soufflée par le retournement de veste d'Elizabeth ; cette dernière la comprenait très bien, elle en était elle-même surprise. Cependant, la verte ne parut pas s'en formaliser plus que ça et répondit sur un ton très cordial.

- Ça va bien, merci, répondit à son tour la Serdaigle.

Elle considéra son interlocutrice. Cette conversation était vraiment lunaire. Les deux filles, qui se montraient les crocs la minute précédente, s'échangeaient à présent des banalités.

Cette pensée fit prendre conscience à Elizabeth qu'elle avait baissé sa garde ; en un battement de cil, elle se retrancha à nouveau derrière ses réserves, bien qu'aucun changement ne fusse perceptible dans son attitude.
Ce n'était pas par méfiance ni par rancune qu'elle prenait du recul ainsi. Elizabeth était très timide, et chaque échange qu'elle avait avec des inconnus était marqué qu'une cordialité et d'une prudence extrême, par crainte de froisser son interlocuteur. La jeune fille, mal à l'aise en public et peinant à masquer ses émotions, se montrait souvent maladroite. Cette mise à distance était un moyen de limiter les élans incongrus. Et puis, un surcroit de politesse ne faisait jamais de mal.

- Hum, donc... poursuivit-elle sur un ton incertain, sur quoi es-tu venue travailler, aujourd'hui ?

Encore une fois, c'était la politesse qui dictait ses paroles. La conversation, rendue encore plus inconfortable par son début agressif, épuisait rapidement la jeune Serdaigle. Il lui semblait avoir déjà épuisé ses réserves de sujets tout prêts, et elle aurait aimé retourner à la quiétude solitaire de son devoir. Mais vaille que vaille, elle continuait à afficher un sourire engageant et à poursuivre la conversation. De plus, elle se souvenait que Cheryl avait été extrêmement vexée quand Elizabeth avait osé supposer que la conversation était terminée sans y avoir été invitée.