Il était temps qu'elle se décide. Lumah lui en avait parlé, l'avait conseillé de le faire, mais elle n'avait toujours pas osé. Même avec l'avis de Lyam qui, lui aussi, était d'accord avec sa meilleure amie. Ses amis en général, ceux qui la connaissait suffisamment pour savoir que depuis presque deux ans maintenant, elle n'arrivait pas à dormir. Enfin, si elle dormait, mais la plupart de ses nuits accueillaient dans ses rêves une série d'horreur. Toujours les mêmes, certaines s'ajoutant au fur et à mesure des événements traumatisants qu'elle vivait.

Ça avait commencé par une simple Ombre, transpercée de tout part par des flèches de jais. Fin de deuxième année, la terrible soirée qui avait vu partir le corps professoral pour une autre école en hâte, et le décès de Dai Hong Dao. L'Ombre.
Les vacances d'été étaient arrivées peu après et pour remédier à ses premiers cauchemars, ses parents lui avaient offert une peluche. Ce qui avait plutôt bien fonctionné au début, éloignant les mauvais rêves plusieurs jours de suite.
Puis ça avait repris en début de troisième année, avec l’apparition de l'urne et son corbeau dans la Grande Salle et sa voix affreuse et terrifiante. Ces nouveaux acteurs avaient bien vite pris place dans ses cauchemars, les relançant ainsi et réduisant presque à l'impuissance son doudou. Elle se retrouvait avec une Ombre pleine de flèches la poursuivant, et un corbeau volant dans sa direction en tenant une urne noire dans ses serres, et celle-ci lui criant des cruautés ou des phrases incompréhensible.
Ensuite, l'arrivée des colliers de ronces aggrava son cas. D'autres sujets de cauchemars apparurent, cette fois la mettant en scène avec un proche, et tout les deux se rendant compte du collier qui leur serrait le cou et qui les piquait à cause des épines. Un soir, elle avait même fini sa nuit dans le lit de Lumah avec celle-ci, après ce cauchemar avec sa meilleure amie. Elle était d'ailleurs sortie de sa salle commune une autre nuit pour la même raison, rencontrant Aliosus avec qui elle avait parlé de son cauchemar.
Pour finir en beauté, la soirée du Dominion et la retransmition des batailles là-bas ne l'aida pas, et maintenant en plus de l'Ombre, du corbeau et des colliers, elle se voyait aussi assistant au bataille des autres élèves dont le visage c'était changé en ceux de ses amis et de sa famille.

C'est donc pour essayer de faire cesser tout ça, parce qu'elle vivait avec depuis bien trop longtemps, que ce jeudi matin, alors que les autres élèves de sa promo étaient en Histoire de la Magie, cours qu'elle n'avait pas dans sa filière, elle se rendit au bureau de Miss Miller.
Élicia toqua donc timidement à la porte du bureau, attendant une invitation à entrer, et se demandant si elle ferait pas mieux de fuir avant.

La journée venait tout juste de commencer. Ayant eu une panne de réveil, j'avais mangé quelques fruits à la hâte avant de venir mais je n'avais avalé rien de plus. A peine installé depuis quelques minutes que j'entendis quelqu'un toquer à la porte, je suis donc allée ouvrir pour savoir de qui il s'agissait. La journée commençait bien, il était plutôt rare d'avoir du monde à cette heure-ci. La porte s'ouvrit sur une chevelure rousse qui m'étais encore inconnue. Enfin, je l'avais bien croisé une fois ou deux dans les couloirs mais je ne la connaissais pas pour autant. Il faudrait d'ailleurs que j'apprenne à mieux connaitre les élèves du château, même s'ils n'ont pas forcément besoin de mon aide. Ils auraient peut-être moins de mal à venir me voir par exemple. Cela éviterait de voir des élèves comme cette jolie rousse qui ont presque envie de fuir en venant ici. Pourtant je ne mords pas.

"Bonjour, tu peux entrer si tu veux. Est-ce que tu souhaite une tasse de thé ? J'étais entrain de m'en faire, ça m'aide à bien démarré la journée." Je suis retournée à côté de mon bureau où m'attendait la théière fumante, attendant de savoir ce qu'elle allait faire. Allait-elle entrée ? Ou faire demi-tour en trouvant un prétexte ? J'avais réellement besoin de cette tasse de thé mais elle me servait aussi parfois de prétexte pour essayait de briser un peu les barrières en partageant un moment avec eux, à les mettre en confiance.

La porte s'ouvrit presque immédiatement sur la psychomage. Tellement vite que la jeune fille n'eut pas le temps de tourner les talons, ce qui était, on ne va pas se le cacher, plutôt une bonne chose. Si Élicia n'était encore jamais venue dans son bureau, et ne lui avait encore jamais parlé, elle connaissait Miss Miller pour l'avoir croisé de nombreuses fois au détour d'un couloir, ou même dans la Grande Salle. Pourtant, elle n'aurait jamais penser avoir assez de courage pour venir la voir d'elle-même...
Mal à l'aise, elle se tordit les doigts avant de répondre.

Je veux bien une tasse de thé oui, s'il vous plaît.

Autant avoir un petit remontant durant la discussion qui allait suivre. Et puis, la tasse lui permettrait de savoir quoi faire de ses mains, ce qui n'était pas le cas pour le moment.
Élicia entra dans le bureau sans enthousiasme, et ferma la porte derrière elle pour éviter de se retrouver droite comme un piquet au milieu de la pièce. Bouger, il lui fallait bouger, ou au moins faire quelque chose pour ne pas ressasser la raison de sa venue.
Était-ce finalement une bonne idée de venir ici ? Maintenant qu'elle y était, elle n'en était plus aussi sûre.
Pour remplir le silence qui s'était installée, elle se racla la gorge, puis demanda tout en désignant un fauteuil devant le bureau :

Je peux m'asseoir ?

Elle allait avoir besoin d'être posée pour parler, sinon son anxiété prendrait le dessus et qui sait, peut-être s'enfuirait-elle en courant...

La jeune fille semblait plutôt mal à l'aise. Elle accepta une tasse de thé alors je lui souris avant de faire léviter une deuxième tasse jusqu'à mon bureau. La théière étant magique, elle servit d'elle même le thé à la rose. Je tendis ensuite une tasse en porcelaine rose assez vintage décorée de quelques dorures en direction de ma patiente qui attendait ma permission avant de s'assoir dans l'un des fauteuils.

"Oh oui pardon ! J'en oublie mes manières, assis-toi je t'en pris. Comment est-ce que tu t'appelles au fait ? Fait attention la tasse est assez chaude, j'espère que tu aimes le thé à la rose." Je me suis ensuite installée confortablement en face d'elle avant de prendre la tasse restante, encore fumante. "Est-ce que tu vas bien ? Tu m'as l'air assez nerveuse. Bien entendu je suis à l'écoute, tu peux tout me dire. J'imagine que tu n'es pas venue jusqu'à mon bureau pour une simple visite à une heure aussi matinale."

J'ai soufflé sur ma tasse de thé en attendant sa réponse tout en continuant de l'observer. J'espérais qu'elle se détendrais un peu, que ce soit grâce à mes paroles ou grâce au thé. Ce n'est jamais évident de se confier ainsi à quelqu'un que l'on ne connait pas alors je sais que ça peut paraitre assez intimidant, surtout au début.

Miss Miller faisait tout pour la mettre à l'aise, c'était indéniable. Peut-être cela faisait-il un peu effet, mais pas de beaucoup : Élicia était toujours aussi nerveuse, malgré le joli sourire de la psychomage.

La jeune fille regarda les tasses léviter jusqu'au bureau, puis la théière les servir. C'était fascinant, mais pas autant qu'elle voulait le faire croire. Elle essayait simplement toutes les combines possibles pour ne pas penser à la raison de sa venue.

Lorsque Miss Miller l'invita à s'asseoir, la Poufsouffle ne se fit pas prier. Elle s'installa sur le fauteuil fasse au bureau, et posa ses mains l'une sur l'autre, sur ses genoux croisés.

- Je m'appelle Élicia. Élicia Caldin, je suis en quatrième année à Poufsouffle.

Il n'était sûrement pas nécessaire d'en dire autant, alors elle se sentie d'autant plus mal à l'aise. C'était certainement une habitude de se présenter de cette manière.
Elle fixa son regard sur la tasse fumante : une délicieuse odeur de rose s'en dégageait.

- Euh... Oui, oui, je crois que j'aime bien. Enfin je ne sais pas vraiment... je crois que je n'ai jamais goûté encore.

Cela se voyait-il tant que ça, son mal-être ? Semblait-elle si nerveuse ? A en juger par les douces paroles de Miss Miller, oui, cela crevait les yeux.
C'était si difficile. A l'instant même où elle pensait à son cauchemar, il lui revenait dans son intégralité : l'ombre qui la poursuivait, sa course poursuite, puis le corbeau qui se mettait à la poursuivre également, l'urne dans ses serres avec sa voix si effrayante. Si glaciale. Sans même parler de la personne qui l'accompagnait, et qui changeait chaque nuit : Brett, Lumah, Lyam, Raphael, Aliosus,... Chaque nuit, l'un de ses amis se retrouvait à porter cet affreux collier de ronces.

La jeune fille frissonna, et attrapa la tasse de thé, afin de sentir sa chaleur rassurante contre ses paumes.

- Ce sont mes...mes amis qui m'ont conseillés de venir ici...

Elle n'y arrivait pas. Elle n'arrivait pas à parler de son cauchemar. Mais il allait bien falloir, elle n'était pas venue dans le bureau de la psychomage pour rien.