C'est le grand jour pour Chaussette. Monsieur le Chat va bientôt célébrer ses deux ans, je le trouve très sage, très raisonnable, une boule de poil on ne peut mieux éduquée. J'ai donc décidé de l'emmener rendre visite aux chouettes et aux hiboux de la volière, parce que je trouve ça dommage qu'il connaisse les grenouilles, les rats, les serpents, mais pas les rapaces. L'heure est venue pour lui de découvrir le monde, il en est capable.

Sildnir n'est pas de mon avis, elle considère que voir des plumes s'agiter dans les airs rend dingos les matous, elle a même osé dire que Chaussette ne savait pas se tenir, qu'il sauterait sur un hibou dès qu'il en aurait l'occasion. Je suis certaine qu'elle se trompe, et je compte bien le lui prouver, mon chat est parfaitement responsable et il ne ferait pas de mal à une mouche. Je suis en bon chemin pour le faire devenir végétarien, si ça ce n'est pas une preuve suffisante je ne sais pas ce qu'il lui faut.

Accompagnée de mon fidèle destrier, je grimpe les marches qui mènent au refuge des piafs du courrier. Les oreilles de mon petit minou sont dressées au dessus de sa tête, il flaire la piste de quelque chose. Une fois en haut des escaliers, il s'immobilise, aux aguets, regarde à gauche, à droite, et puis ses yeux arrêtent de s'agiter. Ils sont plongés dans ceux d'une minuscule chouette brune posée sur le sol. Elle piaille, s'envole, et Chaussette bondit à sa suite.

Je regarde la scène, amusée, je sais que ma bestiole est toute douce, elle ne fait que jouer et essayer de se faire des copains. Le siamois saute sur ses pattes arrières, il essaie de serrer les serres des rapaces qui lui passent au dessus de la tête, mais aucun d'eux ne semble vouloir lui rendre son salut. Alors, le chat escalade les nichoirs.

Toujours à l'entrée de la volière, je le réprimande en souriant, complètement aveuglée par la mignonnerie de mon animal.

« Chaussette, tu embêtes pas les oiseaux hein ! On a dit que tu restais sage, tu te souviens ? Si jamais tu n'arrives pas à réprimer ton instinct, tu n'oublies pas, tu fermes les yeux et tu récites les dix premières runes de l'alphabet. On a revu ça ensemble hier, fais travailler tes méninges ! »

Aujourd'hui n'est pas le jour de la lettre hebdomadaire pour mes parents, pourtant me voilà en train de monter laborieusement les marches vers la volière. Point de missive à confier à Grimro aujourd'hui, je souhaite simplement lui rendre visite à lui et ses congénères. Me voilà donc presque arrivé, les poches pleines de Miamhibou pour satisfaire toutes les petites créatures qui voudraient me saluer. Ca a l'air particulièrement agité aujourd'hui, j'entends tout un tas de piaillements et ululements, étrange pour des créatures majoritairement nocturnes. A la fois inquiet et intrigué, je presse le pas et arrive finalement en haut des marches : là-haut, une scène étonnante me cloue sur place, une créature féline attaque sauvagement les innocents rapaces, tentant de s'en approcher toutes griffes sorties et allant même jusqu'à escalader leurs nichoirs pour essayer de les attraper. Sans aucun doute, le félin a décidé que c'était l'heure de son quatre-heures.

J'ai déjà vu ce chat dans la salle commune, le propriétaire doit être un Serdaigle : je le cherche du regard et aperçoit Livingstone avec un air tout aussi stupide qu'à l'accoutumée. Evidemment. Elowen Livingstone, qui d'autre ? Je secoue la tête avec désapprobation, lâchant un « désolant. » entre mes dents serrées.

La Serdaigle semble totalement captivée par sa créature démoniaque pourtant elle ne fait rien pour arrêter le carnage. Je me plante entre ces deux-là, coupant la vue de Livingstone sur son affreux félin mais la forçant à priori à porter son attention sur moi.

« Elowen Livingstone, dans quel univers cela te semble-t-il être une bonne idée d'emmener ton chat ici et de le laisser martyriser ainsi les pauvres oiseaux ? Arrête-le tout de suite. »

Hors de question que je touche à sa créature, je suis allergique aux poils de chat et celui-ci a l'air particulièrement féroce, je tiens à la vie des habitants de la volière mais aussi à la mienne.

Et voilà qu'un grand dadais tout maigre et tout blond pénètre dans mon champ de vision. Il vient s'interposer entre mon merveilleux chat et moi, je suppose donc qu'il s'approche pour me saluer. Drôle de technique d'approche mais enfin j'ai vu pire. J'espère simplement qu'il n'est pas là pour me faire la cour, je n'ai plus le temps pour ce genre de chose, je suis une femme accomplie et j'ai déjà une vie bien remplie. Poliment, je lui souris et essaie de faire un pas sur la droite pour mieux voir mon chatounet.

Chaussette joue toujours allègrement, le voilà qui sort sa langue, il a l'air de s'être pris d'affection pour un joli hibou et de le considérer comme un membre de sa famille. Je l'entends ronronner et approcher sa gueule du rapace pour le lécher, et je sais que pour ma bestiole, faire la toilette d'un autre animal, c'est un immense signe d'affection. La scène, aussi adorable soit-elle, ne semble cependant pas convenir à mon camarade de fausse-maison, qui hausse le ton et me réprimande. Il scande mon prénom, je lui réponds, ne notant pas du tout son ton agacé.

« Coucou Coco ! »

J'ai à peine le temps de refermer la bouche qu'il a enchaîné, accusant mon chat d'être un tortionnaire sanguinaire coléoptère et tout ce qui finit par "air".

« Mais non, regarde, Chaussette joue ! Il est trop mignon, t'inquiète, ça risque rien, il est presque végétarien en plus ! Tiens, approche, tu verras, il est pas méchant. Il est super copain avec le rat d'Alyona dans notre dortoir ! »

Je fais un pas en avant.

« Puis en plus, je lui fais découvrir le monde, pourquoi est-ce que tout le monde me demande toujours de me cultiver et quand moi j'essaie de cultiver mon chat on me le reproche ? »

Je ne comprends décidément rien aux coutumes de ce monde. Un peu vexée par cette approche, je me referme, rabats mes bras autour de mon corps, fronce légèrement les sourcils, on a vu plus chat-leureux comme façon de dire bonjour à une camarade !

Chaussette, qui a compris qu'on parlait de lui et qui adore être au centre de l'attention, redresse la queue, saute de son perchoir, et s'approche lentement. Il se roule par terre, trop heureux d'avoir rencontré autant de nouveaux copains en si peu de temps !

@Alyona Farrow mentionnée dans le RP !

La stupidité de cette fille est étonnante, à chaque fois que je crois avoir à peu près saisi son fonctionnement, elle m'étonne à nouveau de bêtise. Si je l'évitais comme la peste auparavant -allant jusqu'à quitter mon douillet fauteuil dans la salle commune pour instaurer une plus grande distance entre cet exubérant individu et moi, je suis désormais dans une sorte de flou la concernant. Difficile de haïr une personne qui a subi des choses affreuses -de plus, il ne serait pas étonnant qu'elle soit traumatisée suite aux événements de l'année dernière. J'ai lu quelque part que chez certaines personnes, il n'était pas rare de voir une gestion des traumatismes basée sur une dissociation et une perte de contact avec la réalité, d'où peuvent découler des comportements étranges et inexplicables que j'interprète certainement comme de la stupidité dans son cas. Quoi que même avant les événements du Dominion, Livingstone n'était pas une flèche. Elle a peut-être subi des choses difficiles pendant l'enfance.

Tout en m'improvisant psychanalyste, je garde un œil sur le fauve, baguette magique désormais sortie au cas où il faudrait que j'intervienne moi-même pour arrêter la créature. Je ne toucherai pas la boule de poils allergène mais avec un sortilège bien choisi, je peux toutefois l'immobiliser.

Inutile cependant, puisque le prénommé Chaussette se roule désormais par terre, pile dans les fientes de rapaces mais les épargnant de ses griffes aiguisées. Je baisse donc ma baguette mais la maintiens toutefois fermement dans ma main, au cas où il faudrait réagir avec rapidité.

« Tu es étrange, Elowen Livingstone. » dis-je avec lassitude.

Je pose à nouveau mon regard sur la Serdaigle. Elle est à peine plus jeune que moi et pourtant, elle a tout d'une enfant. Quoi qu'en fait, on me voit peut-être comme un enfant aussi. Mais Livingstone, Livingstone... est spéciale, tout de même.

« Ici, c'est le lieu de repos des oiseaux. Ils viennent là pour dormir, se reposer et manger. Je ne sais pas où dort ton chat mais admettons qu'il ait aussi son petit nid ; tu ne crois pas qu'il aurait peur si une grosse bestiole inconnue débarquait dans un lieu où il est censé être en sécurité, pour le courser et tenter un rapprochement forcé ? » tenté-je de lui expliquer doucement, tout en glissant de nombreux regards vers le félin -je t'ai à l'oeil Chaussette, essaie donc de croquer une chouette et tu auras affaire à moi.

Étrange, moi ? Mais carrément, mon petit monsieur ! Et tu n'as encore rien vu ! Je le prends comme un énorme compliment, je détesterais ressembler à tout le monde, cette masse grouillante d'individus mous ancrés dans une réalité déprimante, non, vraiment, je suis mieux perchée là-haut dans le ciel, sur mon nuage en barbapapa violet poulpe. Je tire une petite révérence en réponse à sa flatterie.

« Merci. Et toi tu es gentil ! »

Me dire que je suis étrange, décalée, différente, illuminée, je crois que ce sont les compliments que je préfère. Ils m'emplissent d'un immense sentiment de joie, me transportent, et alors, là, comme à chaque fois que je reçois ce genre de remarque, je souris et j'ondule des épaules, c'est ma petite danse de la joie discrète.

Quand le Serdaigle commence à me donner des explications sérieuses je me dépêche de m'accroupir sur le sol, de sortir un carnet et de noter tout ce qu'il baragouine pour ne rien oublier. Ce qu'il raconte est important, il ne faudrait vraiment pas que ça se perde dans les méandres de mon cerveau. Le ton de l'adolescent est bienveillant, il a l'air très gentil malgré ses airs renfermés. Ça me donne encore plus envie de sourire tout ça. J'ai fait s'ouvrir un introverti, sortez le champagne !

« "... pour le courser et tenter un rapprochement forcé." Oui d'accord, j'ai tout ! Rapprochement, ça s'écrit "AN" ou "EN" ? J'ai un doute ? »

Je me relève et pars chercher mon chat, que je cale dans ma capuche. Mon matou a bien grandi, il ne tient plus dans mes poches le sagouin, et il faut bien que je le mette quelque part si je ne veux pas qu'il reparte galoper après les rapaces.

« Hops-là, voilà Chaussette, tu as entendu, les hiboux ont un peu peur alors on va les laisser tranquilles. Mais ne te vexe pas, promis c'est pas de ta faute, tu es un chat génial ! C'est juste eux qui... euh... aiment bien ronchonner. »

Je passe ma main derrière ma tête à l'aide de quelques acrobaties pour caresser les poils soyeux de mon chat, puis je regarde le sixième année et reprends notre conversation comme si de rien n'était.

« Merci Coco... humm... Noix de Coco ! Merci Noix de Coco ! Tu permets que je t'appelle Noix de Coco, dis ? En tout cas, merci, je saurai maintenant, et je suis désolée, et Chaussette aussi il est désolé, on refera plus peur aux zhiboux. »

Je me rapproche du garçon, l'air profondément peiné, mes intentions n'ont jamais été mauvaises, je pensais vraiment que les hiboux étaient plus joueurs que ça. La chouette de ma famille, Maïwenn, elle aime bien mon chat, des fois je les surprends à jouer aux cartes tous les deux - enfin, je leur mets des cartes entre les pattes et les serres et je les regarde les fixer, l'oeil incrédile, et comme ils ne partent pas je considère qu'ils jouent -, je pensais que tous les rapaces étaient comme elle. Faut croire que le mien est spécial alors !

« Tu savais que Chaussette savait jouer au Tarot comme un pro ? »

Cette fille a définitivement un grain. Il n'y a rien qui va dans ses réactions -d'abord, l'étrange carnet qu'elle sort pour noter mes indications comme s'il était réellement nécessaire de retranscrire notre conversation.« -ENT, ça se termine avec ENT, les terminaisons en ANT c'est souvent les adjectifs et le participe présent » glissé-je tout de même parce que même si elle est étrange, elle mérite d'écrire avec une orthographe correcte. Ensuite, le surnom fort étrange qu'elle souhaite m'affubler et enfin, ses propos incohérents à propos de son chat qui jouerait au tarot.

Quel étonnant individu, elle ne semble pas méchante pour autant, c'est définitivement un drôle de spécimen et un objet d'étude pour le moins intéressant. Moi aussi je prends parfois des notes suite à mes interactions sociales, mais ce n'est pas par peur de l'oubli des propos de mes interlocuteurs : c'est purement pour décrire puis analyser le comportement d'autrui afin d'assurer une meilleure fluidité des échanges ensuite et une intégration plus complète pour moi dans cette société complexe.

« Elowen Livingstone, je me nomme Lest Noestlinger. Tu dois m'appeler Lest Noestlinger, je conçois qu'il soit plus simple de m'appeler Noix de coco mais ce n'est pas mon nom. Note-le si tu as peur de l'oublier. » lui dis-je en l'observant longuement.

Définitivement un excellent objet d'étude, cette Serdaigle perchée. Mon cousin Blaze Rosenberg n'est lui-même pas très futé mais sa mémoire est toutefois excellente et ses propos généralement cohérents, bien que souvent irrespectueux et puérils. Ce n'est pas le cas de Livingstone où je note surtout une tentative de fuir la réalité en s'enfermant dans un imaginaire illusoire et probablement idéaliste -le tout associé à des pertes de mémoire, mon diagnostic est sans équivoque : cette fille est complètement traumatisée.

Tout en remerciant intérieurement mes parents de m'avoir offert un livre de psychologie pour Noël, je range ma baguette magique -les rapaces sont hors de danger, et sors moi aussi de mon sac un petit carnet.

« Dis-moi Livingstone, » commencé-je en saisissant mon crayon, prêt à prendre des notes sur l'individu pour continuer mes analyses extérieurement. « Tes problèmes de mémoire, quand est-ce que ça a commencé ? »

J'ai déblatéré mon monologue, sans laisser trop le temps à mon interlocuteur d'en placer une. Quand il me conseille de noter sa véritable identité, je m’exécute, il n'a pas l'air d'être de très bonne humeur et je ne voudrais pas qu'il m'arrive malheur simplement parce qu'il est frustré. N'empêche, je ne le trouve pas très amical.

« Par contre, moi, c'est juste Elo. Toi aussi tu peux le noter, si jamais c'est aussi comme ça que tu fonctionnes ! »

Je lui donne ce conseil à mon tour, le voyant sortir un petit calepin pour noter le fruit de ses observations. Rares sont les gens qui notent ce qu'on leur dit, qui ont besoin de rédiger pour canaliser leurs idées, activer leur mémoire. Ça me fait plaisir de croiser un autre énergumène de mon espèce, nous sommes trop rares dans ce château. Je suis simplement déçue qu'il soit si... antipathique.

Le garçon m'interpelle, je papillonne des yeux, intriguée par ce qu'il va me dire.

« Oui ? »

Sa question me laisse pantoise. Je n'en ai pas, où veut-il en venir ? J'ai plein de soucis, d'attention par exemple, mais de mémoire, ça, je ne suis pas au courant. Ou alors je l'ai su et je l'ai oublié ! Penser cela m'amuse, je souris en coin.

« Mes problèmes de ? Mémoire ? Euh, jamais, enfin, ça n'a pas encore commencé ? C'est quand on est vieux ça plutôt. Tu es en train de faire quoi, là ? Tu ressembles trop à un docteur quand tu es comme ça. Tu veux pas plutôt venir faire un jeu avec moi ? »

Je note scrupuleusement chaque information fournie par la jeune sorcière, que ce soit dans ses mots ou ses actes -étant passé à l'analyse fine de chacun de ses mouvements jusqu'aux mimiques de son visage.

« Evidemment que tu n'as pas de problèmes de mémoire, excuse-moi. » lui assuré-je en hochant la tête. D'après mon livre de psychologie, il peut être bon de contrarier le patient de temps à autre afin de l'amener à une remise en question, mais seulement après avoir établi un lien de confiance. « Bien sûr qu'on peut jouer ensemble, Elo. » Je lui adresse mon sourire le plus amical. J'ai aussi lu que de nombreux psychologues mettent en place des jeux avec leurs patients afin d'observer leur fonctionnement, motricité et divers choix opérés de manière plus inconsciente. C'est un très bon exercice alors j'ai hâte de voir ce que Livingstone va me proposer.

« Peut-être juste ailleurs que dans la volière, non ? Je sais que ton chat est gentil, mais j'ai peur que les oiseaux ne soient pas tranquilles tant qu'il est là. On peut peut-être aller dans le parc, si tu as fini ce que tu as à faire ici ? » Tant pis pour ma visite, de toute façon j'ai déjà repéré Grimro du coin de l'œil et ce dernier semble profondément endormi, il n'a pas bougé une seule plume quand plus tôt le chat grimpait dans les nichoirs. « Tu aimes jouer à quel genre de jeux ? » enchaîné-je avec enthousiasme. J'espère juste qu'elle ne me proposera rien de dangereux : il paraît que certaines personnes éprouvent le besoin de revivre les événements traumatiques à travers des situations de la vie quotidienne, que c'est une autre manière d'apprendre à gérer les souvenirs douloureux.

Il revient sur ses propos, voilà qui me rassure, j'étais à deux doigts de le prendre pour un benêt d'âne. J'accepte mes excuses en hochant la tête, tout sourire. Je le pardonne aisément, le pauvre, il a l'air de chercher de l'affection, je ferai mon possible pour lui en donner le temps que nous serons ensemble. Mais j'ai une amoureuse qui me demande beaucoup de temps et d'énergie, alors j'espère qu'il ne s'attend à rien de moi, je ne vais pas pouvoir lui consacrer plusieurs heures tous les jours pour lui donner de l'amour.

Quand Noix de Coco accepte que l'on joue ensemble, je suis super contente, j'émets un "hiii" bruyant et sautille sur place, impatiente. Je manque de lui sauter au cou mais me retiens, j'ai conscience qu'il ne faut pas qu'il se fasse d'illusions.

« Non non, la volière c'est très bien, et puis comme ça tu verras que Chaussette est vraiment bien élevé. Hein mon chat ? Tu restes dans ma capuche, tu as compris ? Gouzigouzi, oui mon chat, ouiii tu as compris, moh t'es vraiment le meilleur ! Regarde, Lest, Chaussette s'est endormi, il n'y a rien à craindre ! En plus, pour le jeu que j'ai en tête, on va avoir besoin des hiboux. »

J'ai toujours rêvé de jouer à ce que je m'apprête à lui proposer. Mon nouveau copain a l'air un brin coincé alors j'espère qu'il ne va pas rejeter l'idée trop rapidement.

« Moi je joue à un peu tout ! Chat, cache-cache, jeux de ballons, blagues, cartes, prédictions d'avenir, mais là je veux faire un truc très spécifique. En gros, on sort nos carnets et on écrit chacun une carte débile et bizarre. Et après, on l'attache à la patte d'un hibou et il la livre à son propriétaire. Et après, c'est toi qui vois. Soit on signe pas, soit un signe le nom de quelqu'un d'autre. Soit, si t'as assez de cran, tu signes ton vrai nom. Mais je te parie deux vers frétillants à la menthe que t'en es pas capable ! »

C'est reparti pour débiter un flot de paroles à une allure impressionnante... Et encore, pour une fois, ce que je dis est plutôt sensé !


1. Ils sont vraiiiiment pas sur la même longueur d'onde.
2. Ce RP me fait beaucoup trop rire !
3. Si tu es ok, on taggera les propriétaires des hiboux qui recevront vraiment une petite carte inRP ?

Evidemment, la proposition de jeu qui en découle est à la hauteur de l'imagination débordante de ma jeune camarade. Je me glisse près de la sorcière pour mieux apercevoir le féroce félin et vérifier que ses deux yeux sont bien clos et la créature parfaitement imperturbable, fronce légèrement les sourcils devant l'affreux spectacle que représente cette créature démoniaque endormie puis sentant un éternuement arriver, je m'écarte tout aussi vivement. La voie est libre, la bête dort bel et bien.

Stupide idée. Qui fait ce genre de plaisanterie inutile, vraiment qu'y a-t-il de drôle là-dedans ? Autant pour la personne qui rédige la carte que pour celle qui la reçoit, l'intérêt frôle le néant, et si j'utilise le terme frôler c'est parce que je considère qu'il y a une catégorie en-dessous encore du néant ; au-delà du vide, c'est par ici que se trouve l'intérêt que me suscitent les idées d'Elowen Livingstone. « C'est parfait Elo, j'adore, je n'aurais pas trouvé mieux ! » Quelle perte de temps. « C'est très gentil de m'accorder de ton temps pour jouer avec moi. » Je n'ai aucun entraînement dans l'art du mensonge, j'espère que ce n'est pas visible. Au cas où, j'offre un nouveau sourire à la Serdaigle.

Je me demande toutefois si je ne vais pas trop loin, ne souhaitant pas faire quoi que ce soit qui puisse porter préjudice à la jeune sorcière qui a déjà vécu suffisamment d'horreur pour toute une vie, mais je suppose que si de mon analyse ressort une idée concrète de thérapie l'aidant à améliorer à la fois sa gestion de ses traumatismes, ses évidents problèmes de mémoire et sa déconnexion avec la réalité, alors cela lui rendrait service. Il ne faut juste pas qu'elle croit que je lui porte de l'affection ou pire, que je souhaite être son ami.

J'ouvre une nouvelle page de mon carnet et la déchire proprement pour l'en extraire, prêt à commencer ce ridicule jeu. Il est plutôt évident que ce dernier a pour vocation d'attirer l'attention, la manœuvre de Livingstone est plutôt claire : elle a besoin qu'on s'occupe d'elle et qu'on lui apporte du réconfort et un soutien psychologique, et ne sachant pas l'exprimer clairement, elle emploie des moyens parfaitement stupides pour obtenir l'attention souhaitée. C'est puéril mais compréhensible pour une personne souffrante comme elle.

« J'ai hâte de voir ce que tu vas écrire ! » lui souris-je en commençant moi-même à rédiger ma carte de ma plus belle écriture. Chèr.e élève, ceci est une carte totalement dénuée d'intérêt dans l'unique et puéril but d'attirer ton attention, écris-je en prenant le temps de dessiner de belles lettres, permets-moi de t'adresser tout d'abord mes plus plates excuses pour ce qui suit. Je relève la tête vers Livingstone, curieux de voir ce qu'il en est de son côté.