Ce soir, j'ai mangé des champignons. Passionnant, me direz-vous ? En tout cas, ça l'est certainement moins que ce qui va suivre.

Pendant toute la durée du repas j'ai suivi des yeux la professeure de Défense contre les Forces du Mal. Elle me fait peur avec son allure squelettique, cadavérique, on dirait un cure-dent élancé avec deux petits yeux qui te transpercent l'âme. Cette femme a la possibilité de faire se liquéfier le plus méchant des méchants, sa prestance, son ton dur, froid, sa cruauté apparente ne laisseraient personne indifférent. Pour affronter son regard de pierre, j'ai glissé mon caillou porte bonheur dans ma poche, avec lui je ne crains rien.

J'ai une chose vraiment très précise à lui demander, aussi, quand elle sort de la Grande Salle après avoir mangé des champignons - comme moi, Ô surprise -, je la suis à pas feutrés. Je n'ai pas dit à Bad où j'allais, ce fou aurait été capable de m'espionner et de ruiner mes plans. J'ai confié Chaussette à Sildnir, exactement pour les mêmes raisons, mon chat m'aime trop, il m'aurait suivie en miaulant.

Miss Valou marche, droite, austère. Je peine à gambader discrètement derrière elle à son allure. Il ne faut pas que je la perde, je ne sais pas exactement où sont ses appartements et je ne veux pas me retrouver à frapper malencontreusement à la mauvaise porte, chez Miss Nenez par exemple. A chaque virage, je me cache derrière une colonne, derrière une statue, je recule, tourne à droite quand elle va à gauche, j'essaie d'avoir l'air le moins suspicieux possible.

Une petite rousse boutonneuse avait observé Sixtine durant tout le repas puis, elle l'avait suivi lorsque la professeure avait quitté la table pour rejoindre ses quartiers. Le bruit des talons de l'adulte résonnait dans les couloirs et pourtant, celle qui fut autrefois Auror, n'entendait que le souffle irrégulier d'une adolescente en manque de sport. Au début, la professeure avait supposé que cette adolescente souhaitait s'amuser ou observer de loin la professeure mais voilà maintenant plusieurs longues minutes qu'elle marchait et la rousse se trouvait toujours derrière elle. Hors de question pour Sixtine d'attendre plus longtemps pour avoir des réponses à ses questions.

Elle attrapa sa baguette qui était dans la poche intérieure de sa robe puis, elle se retourna vivement en visant la rouquine et en prononçant simplement "Dilludere". Ce sortilège qui plongeait la victime dans un décors choisi par le lanceur allait permettre à Sixtine d'en apprendre un peu plus sur la jeune fille. Ainsi privé de sa vue et de son environnement, elle avait hâte de voir comment cette petite boutonneuse allait s'en sortir. Mal, surement, puisqu'elle ne suivait pas les cours de la professeure et n'avait donc aucun moyen de s'en sortir, en théorie.

L'univers qu'elle avait imaginé était très simple, la rouquine devait maintenant voir devant elle un jardin aux milles fleurs. Des plantes colorés ou les papillons volaient à droite puis à gauche. En somme, il s'agissait d'un décors plutôt relaxant, apaisant.

- Pourquoi me suivez vous Miss... Dit-elle en attendant que l'élève donne son nom de famille.

Une seconde d’inattention m'a suffit pour me faire griller. Zut, je suis restée si discrète pendant tout ce temps et voilà que par la faute d'un de mes souliers qui vient de couiner je me retrouve, repérée, face à La Terreur ! Celle-ci ne prend pas la peine de s'interroger sur la situation, ses instincts primaires de chasseresse prennent le dessus, elle m'attaque, me propulse dans un autre univers sans que je n'aie le temps de réagir. J'ai peur de mourir et le douloureux souvenir de l'elfe noir refait surface dans mon esprit.

« Attendez, me tuez pas, je peux tout vous expliq -- »

J'interromps mon cri, je m'attendais à me retrouver au sol, prise au piège, à hurler de douleur, mais au lieu de ça j'erre dans un joli monde de papillons et de fleurs de toutes les couleurs. Je ne connaissais pas cette partie lumineuse de l'enseignante, je l'ai toujours trouvée morne. Aurait-elle un enfant caché en elle ? J'écarte les bras, désireuse de toucher les pétales mais tout n'est qu'illusion, mes doigts traversent les fleurs.

« Elo, Miss, je suis Elo ! Comment tu as fait ça ? C'est trop joli ? Et comment ça se fait que je ne te voie pas ? On t'a déjà dit que tu étais vraiment douée ? Je suis impressionnée, et je dis pas ça souvent, c'est un vrai compliment ! »

Je regarde devant moi en souriant, si moi je ne peux pas voir Miss Valou elle doit de son côté pouvoir percevoir les mouvements de mon visage, et je veux qu'elle puisse lire sur mes traits que je suis sincèrement fascinée par ce qu'elle vient de faire.

« Je... j'avais des questions sur le club Prodigium. C'est Badoo, mon meilleur ami, qui m'en a parlé, et je pensais que peut-être... je pourrais venir à la prochaine réunion ? J'ai plein de talents moi aussi ! »

En entendez la rouquine supplier la professeure de ne pas la tuer, Sixtine leva les yeux au ciels. Elle n'avait pas pour habitude de tuer des enfants. Si elle avait voulu faire du mal à cette adolescente en pleine crise elle aurait eu le choix des sortilèges mais non, elle avait préféré utiliser un sortilège bien plus complexe mais aussi bien plus beau. Le sortilège Dilludere était complexe par sa visualisation qui se devait d'être très précise et sans fausse note.

L'adolescente se présenta à la professeure comme étant "Elo". De nouveau, Sixtine leva les yeux au ciel en entendant le prénom de la jeune fille et non son nom, comme elle l'attendait. Et puis, autre chose, la fit avoir cet air désabusé, le tutoiement. Cette adolescente venait elle d'oublier à qui elle était en train de s'adresser ?

- Nous n'avons pas élevé les hippogriffes ensemble, Miss. J'attends que vous me donniez votre nom et non votre prénom et, je vous prie de ne pas me tutoyer.

Sixtine observa ensuite le visage stupide ou stupéfait, de cette gamine. Elle était en train d'écarter les bras, surement à la recherche de papillons ou de fleurs plus colorées. Elowen aborda ensuite la raison de son ... embuscade ratée. Elle souhaitait intégrer le club Prodigium ce qui fit sourire la professeure.

- Hors de question. Vous ne suivez même pas mes cours alors comment pourriez vous faire parti de mon club ou j'accueille des prodiges en DCFM ? Quand vous parlez de Badoo, vous parlez de Bad j'imagine ?

Élever les hippogriffes ? Ensemble ? Euh, non, effectivement, nous n'avons jamais fait ça. Perdue dans mon univers imaginaire, je peine à comprendre où veut en venir l'enseignante. Je cherche à droite, à gauche, mais aucune de ces bestioles ne semble vouloir apparaître dans mon champ de vision. Que diable viennent faire les hippogriffes dans cette conversation ? Je me garde bien de poser la question, comprenant que je ne suis pas vraiment en bonne posture.

« Elowen Livingstone, Miss. Je suis désolée, Miss. Je ne vais plus jamais recommencer. Miss. »

Je baisse la tête, ma joie de vivre à présent disparue. Je m'attendais à une conversation douloureuse, pénible, mais pas de si tôt ! Pas avant même d'avoir commencé à parler. Il va falloir que je m'empêche de la tutoyer, ça va être dur je le sais, je n'y suis presque jamais parvenue. Mais je ferai mon possible pour éviter de la vexer, et comme ça peut-être qu'elle va bien m'aimer ?

« Badoo, oui pardon, Mister Eaven - je toussote, bombe le torse, j'essaie de prendre un air sérieux, ça fait plus professionnel. Je suis curieuse d'apprendre. Et je suis douée en runes. Alors peut-être qu'en unissant nos forces, on pourra être encore plus forts ? Et puis aussi, je crois qu'on peut bien s'entendre, vous et moi, et donc ça pourrait être vraiment chouette que je rejoigne votre club, qu'est-ce que que t...vous en pensez ? »

Voilà que la rouquine boutonneuse se confondait en excuse. Sixtine se demanda pourquoi par Merlin elle ajoutait des Miss à chaque fois qu’elle reprenait son souffle. Heureusement, cette dernière ne semblait pas asthmatique et n’allait pas devoir reprendre son souffle toutes les secondes.

D’un coup de baguette, Sixtine dissipa l’illusion qui s’était formée dans les yeux de l’adolescente pour qu’elle puisse voir le visage de la professeure de défense contre les forces du mal.

- Vous êtes douée en runes ? Rejoignez donc un club de runes ou d’échec dans ce cas. Je ne suis pas là pour copiner avec les élèves, je suis là pour enseigner et faire en sorte que les élèves qui suivent mon enseignement s’en sortent.

Sixtine avait beau réfléchir, elle ne comprenait pas comment cette rousse là pourrait intégrer son club. Elle était soumise à un sortilège et elle n’avait même pas eu l’idée de sortir sa baguette. Pour Sixtine, c’était suffisant pour classer cette adolescente dans la case « sans espoir ».

- Prenez Mister Eaven par exemple, il est extrêmement doué en défense contre les forces du mal et il a tout à fait sa place dans mon club. Alors imaginez que vous, miss, je vous laisse en faire partie alors, pourquoi devrais-je refuser les autres ? Pourquoi je devrais vous donner l’accès à vous et pas à un autre élève ?

Il y avait pourtant pas mal de monde dans cette école qui pouvait avoir une chance de faire partie de son club de prestige mais pas cette fille là.

Un club de runes ? Mais enfin, la professeure vient de changer, c'est un peu prématuré ? Et puis, les échecs, ça demande de réfléchir, je n'ai pas le temps pour ce genre de chose, moi j'ai besoin d'action. Je ne sais pas ce qui a pris au Choixpeau de me répartir à Serdaigle, vraiment, j'ai le cerveau d'une huître paraplégique en plein coma éthylique. Les échecs, ça demande de la stratégie, et aussi beaucoup de patiente, deux choses que je n'ai pas et que je ne compte pas acquérir dans les mois prochains. Ce que je veux, moi, c'est devenir douée en Défense contre les Forces du Mal, combiner cet enseignement aux runes, devenir une sorcière douée, et ce sans baguette. Et en profiter pour souffler la Terre entière.

« Et est-ce que vous pourriez me former pour que je m'en sorte dans votre matière vous croyez ? »

Quand Miss Valou me compare à mon meilleur ami et m'expose en pleine face son intelligence, puis la compare à la mienne, qu'elle me fait comprendre que je ne suis pas douée, qu'il est de toute façon plus talentueux que moi, je ressens une profonde injustice. Les gens me rabaissent constamment. J'essaie de me convaincre que j'ai une autre forme d'intelligence. Que je ne suis simplement pas scolaire. Mais au fond de mon cœur, il y a un poids immense, je culpabilise d'être telle que je suis, j'ai même honte. C'est vrai, quoi ! Tous les autres sont doués et moi rien ne me réussit jamais. En cours, j'ai des notes catastrophiques. En amitié, les humains trouvent que j'ai de drôles de manières, peu cordiales, anormales, et que je suis une personne moyennement fréquentable. Fréquemment, j'entends des gens dire que je suis gênante dans les couloirs, et ça, c'est ce qui me fait le plus mal. J'en viens à me demander pourquoi Badoo est ami avec moi. Est-ce qu'il m'apprécie parce qu'il se sent supérieur, et que cette comparaison le rassure sur sa personne, sur ses capacités ? Est-ce qu'il est ami avec moi pour raconter mes mésaventures et se moquer de moi dans mon dos ensuite ?

J'essaie de serrer les dents et de ne pas montrer que j'ai les yeux mouillés.

« J'ai envie d'apprendre. J'ai envie de me prouver que... que je suis autant capable qu'une autre personne, Miss. Que vous me fassiez confiance. En fait, j'ai envie de rendre fière quelqu'un. C'est tout... Mais si vous pensez que je n'ai rien à faire dans ce club, alors... »

@Bad Eaven

La conversation venait de changer, le ton de la jeune fille n'était plus le même. Elle était passée de l'adolescente stupide et perdue à l'adolescente en manque d'une figure maternelle. Elle avait demandé à la professeure qu'elle lui fasse suivre une formation en défense contre les forces du mal malheureusement, Sixtine avait déjà un planning chargé et avait déjà une jeune fille à former en la personne d'Orphéa Cooper, elle ne pouvait pas se permettre de se rajouter encore du travail.

La professeure allait répondre qu'elle n'avait pas le temps et qu'elle pouvait toujours demander conseils auprès de Mister Eaven mais, elle n'eut pas le temps de dire tout ces mots car la rouquine aux yeux larmoyants, qu'elle essayait de cacher, en rajouta une couche. Elle titilla une corde sensible en parlant de la fierté.

- Vous êtes aussi têtu qu'un Niffleur en quête de mornilles.

Après un soupir puis un silence qui se voulait un peu trop long, la professeure reprit la parole en observant la rouquine.

- Lancez un sort. N'importe quel sortilège vu en défense contre les forces du mal et je verrais ce que je peux faire pour vous.

Sixtine avait décidé que, selon le sortilège que la rouquine allait choisir et bien sur, selon son niveau, elle pourrait peut être lui venir en aide et la faire venir aux cours particuliers qu'elle dispensait les mercredi et jeudi après-midi à Miss Cooper. L'adolescente de la maison Serpentard n'avait, pour l'instant, pas dessus Sixtine alors peut être que la rouquine devant elle était capable de miracle.

L'enseignante soupire et moi je vois tout espoir s'en aller, je la désespère et lui fais perdre son temps. Cependant, je ne prends pas mal sa remarque, être comparée à un Niffleur, la créature la plus mignonne et aimée de toutes les créatures de l'univers, ce n'est quand même pas rien. Est-ce que ce sont mes grosses joues qui lui ont inspiré cette comparaison ? Sans doute. En dehors de ça je ne vois pas vraiment ce que nous avons en commun.

Vient le moment que je redoutais. Celui de la preuve. Je dois montrer à Miss Valou que je suis talentueuse, que je mérite ma place dans son club, que je sais me défendre, que ma magie runique est aussi forte que la magie baguettienne de Bad.

« L'année dernière, avant mon entrée au Dominion, on m'a offert un artefact runique. Ma baguette ne résonne pas en moi. Ma magie s'exprime plutôt par ce stylet et dans le tracé des runes. La magie exprimée est la même, qu'elle sorte de ma baguette ou de mon stylet runique j'utilise la magie enseignée à Poudlard, et je ne maîtrise pas la magie enseignée à Albaldah par exemple, une école spécialisée dans les runes. En fait je n'utilise pas vraiment la magie runique, graver des runes et des symboles c'est juste ma façon à moi de faire sortir la magie de mon corps. Pardon, je m'embrouille. En gros, j'utilise une baguette différente de la vôtre, mais tout aussi efficace. Regardez. »

Je commence par reculer de quelques pas puis je me concentre, inspire un grand coup, je calme mon stress, et, d'un coup, je descends sur le sol et grave avec force ᚼ, Ior. Mon petit serpent blanc apparaît alors, fidèle à son poste, il me protège et regarde avec des yeux méchants la professeure.

« Si je le lui ordonne, il vous mordra et vous paralysera quelques minutes. Viens par là, Litchi. »

Mon serpent s'approche, grimpe le long de ma jambe, vient s'entortiller autour de mon cou, et moi, toujours à terre, je lui caresse la tête du pouce puis poursuis ma démonstration. J'enchaîne avec ᛘ, Algiz. Un cercle d'un mètre de rayon se dessine autour de moi. Il grandit et forme peu à peu une bulle aux tons dorés autour de moi.

« Allez-y, attaquez-moi, vous verrez, je suis protégée contre les sortilèges de puissance moyenne et les projectiles. Algiz, cette rune, peut aussi me protéger de certaines Forces du Mal. »

Mes pieds ancrés dans le sol, mon point serré autour de mon stylet, je suis imperturbable et totalement dans mon élément. Je sens la bulle qui m'entoure stable, je suis fière d'avoir réussi à la faire apparaître sans trembler. En même temps, voilà un an que je m'entraîne, heureusement que ça marche du premier coup !

Sixtine avait laissé une chance à l'adolescente d'obtenir des cours avec elle mais voilà que celle-ci venait de gâcher toute chance de compassion en sortant un objet runique plutôt que sa baguette magique. Et, comme si cette humiliation ne suffisait pas, elle invoqua un serpent, bien plus petit que la moyenne des serpents lorsque les élèves de deuxième année utilisent Serpensortia.

- Ecoutez Miss, pour évoluer dans le monde dans la magie vous avez besoin d'une baguette magique. Votre objet il est bien pour quelqu'un qui n'a pas beaucoup de magie ou pour quelqu'un qui ne sait pas se servir de sa magie mais vous êtes élève à Poudlard et ici, j'enseigne la défense contre les forces du mal avec une baguette.

Elle s'approcha de l'adolescente qui avait lancé une rune de protection autour d'elle et soupira longuement. Une fois au niveau de la bulle de protection formée par la rouquine, elle s'était mise à observer, droit dans les yeux, la rouquine. Son regard était plein de compassion et de tendresse, elle esquissa même un sourire. Puis, elle passa la main à travers la bulle protectrice puis récupéra le serpent, le sortit de sa bulle, le caressa avant de lui lancer un sort.

- Vipera Evanesca. La façon dont vous utilisez votre objet runique est assez incroyable je dois dire. Mais, dans mon club, je ne peux pas accueillir une personne sans baguette. Prenez donc le temps de connaitre votre baguette, soyez en parfaite harmonie avec elle et vous verrez, vous ferrez des miracles.