Je suis assise à même le sol, dans un couloir peu fréquenté mais lumineux. Thémistocle, pantherophis guttatus d'un an et demi est à coté de moi, sur une pierre réchauffée par le soleil que je lui ai laissé. Le plus clair du temps, il dort tranquillement dans son terrarium, mais en fin de journée il se réveille et de temps en temps je l'emmène avec moi, ou je reste avec lui dans notre dortoir

Toutes les filles de ce lieu n'aiment pas mon animal pour diverses raisons, elle ont sûrement peur de se faire mordre ou que sais-je. Aucune maison, malheureusement n'est épargnée par l'ophidophobie. Elles ne sont pas assez intelligente pour comprendre que Thémistocle est un gros peureux paresseux, qui ne ferait jamais de mal à quiconque, sauf en cas de stress extrême.
Posséder un serpent a un grand avantage pour une personne aussi peu sociable que moi : quand je suis avec lui, on me laisse le plus souvent tranquille, ce qui me dispense d'une conversation inutile, mais c'est aussi la source d'inconvénients comme le fait que je dois sans cesse veiller à ce qu'il ne s'échappe pas, car peu de gens le connaissance, et que Poudlard est un grand château, ou encore, et j'y reviendrais plus tard, le moment de son repas.

Thémistocle est mon plus fidèle ami depuis le jour ou Hector me l'a offert, juste avant la rentrée scolaire. Cela a été tout une histoire pour trouver un compartiment qui l'accepte, mais Poudlard est autant sa maison que celle des chats ou des rats qui pullulent partout, sans cesse accompagnés de leur propriétaire. Dès mon arrivée à Poudlard, j'ai du expliquer à toutes les propriétaires de rats du dortoir que contrairement à un python, Thémistocle se contente de mus musculus et n'irait donc pas déguster leur familier. Je ne sais pas si il est conscient de la difficultés d'être sa responsable. Et dire que j'aurais pu avoir un hibou.

Il m'accompagne aujourd'hui car il va me falloir le nourrir. C'est une tâche qui me répugne, Thémistocle a de la chance que je l'adore. Ce petit mange des souris. Que je dois me procurer mortes. J'éprouverais toujours une certaine gratitude en repensant au moment ou j'ai été demander aux elfes d'ajouter des souris mortes à leur liste de produits à commander. Ils n'ont pas fait d'histoire et j'ai un arrivage régulier a raison de deux fois par mois de nourriture à serpent.

Pour en revenir à nos hippogriffes, il faut que je mange avant, parce que voir Thémistocle avaler ses "proies" coupe franchement l'appétit. Et si je veux déjeuner avec lui, je dois rester hors des lieux fréquentés. Quoi qu'il en soit, je me rend de moins en moins à la Grande Salle, trop remplie de gens devisant joyeusement comme pour me rappeler ma propre solitude.

Le menu du jour (pour moi) est un plat de riz accompagné de morceaux de feta, dans un contenant refermable. A coté de moi se trouvent les quelques livres emmenés pour passer le temps, délaissés au profit de mon serpent, que je caresse machinalement de la main gauche, tout en réfléchissant au travail sur Antigone que je dois envoyer à Mère. Rien de bien urgent, mais j'aime m'y prendre à l'avance.

N'ayant pas très faim aujourd'hui, je me suis contenté de quelques fruits et d'un morceau de pain avant de quitter la Grande Salle, soulagé d'échapper à l'effervescence des lieux un peu plus tôt qu'à l'accoutumée. Profitant de ce cours répit avant le couvre-feu, je décide de me promener un peu dans le château en discutant au passage avec quelques tableaux curieux des plumes qui parsèment ma chevelure, vestiges du cours de soins aux créatures magiques de l'après-midi. Me pensant dans un couloir infréquenté, je chantonne légèrement au rythme de mes pas, jusqu'à stopper net : à quelques mètres se trouve une personne qui prend son repas seule, accompagnée d'un serpent.

Cette sorcière, je la connais. Nous nous sommes croisés plusieurs fois et elle est celle qui m'a réconforté après le malheureux accident d'avant-hier. D'ordinaire, j'aurais ignoré cette situation mais puisque j'éprouve une singulière affection pour la Serpentard, je m'approche et m'assois à côté d'elle -du côté où il n'y a pas le serpent évidemment, même si je n'ai rien contre les reptiles je préfère qu'il y ait un obstacle entre nous.

J'adresse un sourire à l'obstacle en question, pour une fois pas mécontent d'être en compagnie humaine.
« C'est interdit de manger dans les couloirs, » la salué-je. « Si un préfet ou un professeur arrive, tu diras que tu as été la seule à manger et que je n'ai pas enfreint le règlement. »

Je penche légèrement la tête pour mieux observer le reptile. Un serpent avec une Serpent, c'est un tableau qui ne me surprend pas le moins du monde. J'adresse un sourire à l'animal et le salue d'un mouvement de la main.

« C'est un Serpent des blés, n'est-ce pas ? Il s'appelle comment ? » demandé-je à l'obstacle.

Initialement, je tenais surtout à la remercier pour l'aide apportée deux jours plus tôt, mais ne sachant pas comment m'y prendre, une discussion autour de la curieuse créature est toujours bienvenue. De plus, ce serpent me semble parfaitement charmant.

Quelqu'un chantonnait. Je l'ai entendu, certes, mais je n'ai pas réagi. Quelle utilité aurait eu cette action ? Un préfet ne chantonne pas, donc pas besoin de remballer ma nourriture, et les élèves ont le droit de passer ici, après tout. J'ai vraiment accordé de l'attention à ce passant quand il s'est assis à coté de moi.

Il avait des plumes dans les cheveux, et c'était Coelestin. De bonne humeur. Évidemment, il n'a peu s'empêcher de vérifier que mon activité "illégale" ne rejaillirait pas sur lui.
Je souvent prends ce genre de précaution moi même lorsque je passe a coté de quelque chose non conforme au règlement, mais je l'enfreins moi même de plus en plus, car si je n'aurais jamais osé manger dans les couloirs en première année, tétanisée par la peur de me faire prendre, plus les années passent, plus j'arrive à me détacher de ces alinéas futiles. Aucun risque de me faire prendre sur l'heure du repas, même les professeurs et les préfets ont un ventre.

- Ne t'inquiète pas, je sais parfaitement assumer les conséquence de mes actes fut ma réponse, énoncée avec un léger sourire. La salutation que le Serdaigle vient d'adresser à Thémistocle, je ne suis même pas sûre que mon serpent l'ai remarqué, mais j'apprécie le geste.

Je fais un grand sourire, comme à chaque fois qu'on parle de Thémistocle. Coelestin n'a pas l'air d'avoir peur des serpents, ce qui est un signe d'intelligence indéniable.
Je suis heureuse qu'il ai engagé ce sujet de conversation, parce que je ne saurais sinon pas trop quoi dire.

- Oui, exactement. Je te présente Thémistocle, pantherophis guttatus. Tu veux le prendre ? Il n'y a aucun risque, il ne ferait pas de mal à une mouche

Un mouche, oui. Peut être pas une souris. Cela pourrait être amusant de savoir à quel point Coelestin apprécie les serpents. Je sais bien que certaine personne peuvent bien aimer cet animal tout en ne voulant pas de contact physique avec leur écailles.

Je referme le couvercle de ma boite, et je ramasse mon serpent, en le portant soigneusement de mes deux mains, pour lui causer le moins d'inconfort possible. Qu'il ne s'inquiète pas, il sera bientôt reposé à sa place au soleil. Toujours assise, j’attends la réponse de mon interlocuteur.

« Bonsoir Thémistocle, je m'appelle Lest Noestlinger. Ravi de te rencontrer ! » me présenté-je naturellement au reptile. J'effectue malgré moi un discret mouvement de recul lorsque la distance entre nous se retrouve réduite d'un coup, le serpent se trouvant désormais enroulé autour des mains de la Serpentard.

Bien que je sache la créature inoffensive -et que sa propriétaire me l'ait reconfirmé, je ne suis pas complètement rassuré. Si la forte peur des serpents s'explique chez certains par l'ophiophobie, il n'en demeure pas moins vrai que la plupart des personnes, sans atteindre le stade de phobie, se montrent craintives face à ces reptiles -ceci résultant d'un simple instinct de survie. Entre nous, l'humanité a bien plus de chance de survie si on s'abstient de faire ami-ami avec tout ce qui rampe et qui contient des venins potentiellement mortels.

Mais puisque je sais mon comportement régi principalement par l'instinct et qu'il n'y a pas de réel danger, j'approche timidement une main de la créature. Même si je m'y attendais, la froideur des écailles m'étonne. Je le caresse plus franchement et rassuré, me surprends même à sourire. Bien sûr, ça a beau être la première fois de ma vie que je touche un serpent, j'ai tout de même déjà vu et approché bien plus effrayantes créatures pendant les cours de soins aux créatures magiques.

« Je veux bien le prendre quelques instants, » dis-je à la sorcière avec un sourire. Au passage, je jette un bref coup d'œil à sa boîte contenant des restes de repas. Maintenant que j'y pense, je ne crois pas l'avoir souvent aperçue dans la Grande salle dernièrement, pour les quelques fois où j'ai prêté attention aux éventuelles têtes connues des tables voisines. « Pourquoi ne manges-tu pas à la Grande Salle ? » m'enquis-je, curieux.

La présentation de Coelestin, ou plutôt Lest Noestlinger, me pose question. S’appelle t’il vraiment Lest quelque chose, ou s’agit t’il comme j’ai tendance a penser, d’un diminutif ? Mais au moment de décliner son nom, pourquoi prendre un diminutif et votre nom complet ? Un diminutif n'est t'il pas la version raccourcie d'un prénom, que l'on énonce seul ? Le fait que ce garçon se soit persuadé a tord que ce soit son véritable prénom est aussi une hypothèse envisageable, mais qui m’amènerait à reconsidérer mon opinion soit sur ses capacités de mémoire, soit sur celles d’auto-persuasion. A creuser. Plus tard.

Après avoir obtenu sa permission, je dépose Thémistocle dans les mains de Coelestin, pardon, Lest.
- Ne le fais surtout pas tomber, laisse le se mouvoir un peu, d'accord ?
Je suis assez maladroite en terme de conseil pour manipuler mon animal, mais malgré le singulier attachement que je porte à Lest, si jamais il laissait tomber mon serpent, je ne sais pas ce que je ferais.



Coelestin est un sacré curieux. Je peux le comprendre, mais était t'il forcé de poser cette question ? Bien sur que non.
Je m'en veux de ne pas avoir vu cela arriver. J'aurais pu enchaîner sur un autre sujet de conversation, et tout cela ne serait pas advenu.

En repliant mes bras machinalement sur moi même, comme pour me protéger, j'essaye de réfléchir. La transfert de Thémistocle m'a fait gagner du temps, mais je ne vois toujours pas d’échappatoire. Et je ne peux pas partir, il a mon serpent dans ses mains.
Merlin, que je déteste affronter les situations.
- Cela ne regarde que moi. Je pourrais m'arrêter là. Et c'est ce que j’aurai fait avec toute personne à Poudlard n'étant pas le Serdaigle.
Je crois me souvenir qu'il m'avait qualifié d'amie, mardi dernier. C'était bien entendu sur le moment, mais pourquoi n'essayerais-je pas de me comporter franchement avec lui ? J'en ai assez de ne parler qu'a Thémistocle. Mon interlocuteur est un humain, dans la capacité de prononcer des mots, d’émettre un avis. Peut être est-ce qui m’effraie. J'ajoute donc, comme quelqu'un qui se jette à l'eau : Manger tout seul au milieu de la cohue de gens parlant ensemble ne te dérange pas ?
Je suis plutôt satisfaite de ma phrase. Elle lui répond sans vraiment lui répondre. Au pire, il peut me juger, je m'en fiche. Son avis sur ma personne n'a aucune importance. Du moins c'est ce que je me répète. Je vais bien réussir par me convaincre moi même si je persévère.
J'y pense, c'est l'heure du repas pour tout le monde.
- Et toi, pourquoi n'es tu pas dans la Grande Salle ?

Si il me répond, je pourrais peut être lui demander si il a un animal. C'est un bon sujet de conversation, ça. Neutre et intéressant.

Aussitôt dit, aussitôt fait : au moment où je me porte volontaire, la Serpentard place son protégé entre mes mains, me laissant le tenir. Je réalise alors qu'il y a une différence fondamentale entre consentir à toucher du bout des doigts un serpent, et le tenir véritablement entre ses mains. Je suis partagé entre la fascination et le dégoût, et ne sait même plus où poser mon regard tant la créature glisse et meut partout le long de mes bras, me faisant manquer d'yeux pour la surveiller entièrement. Bien que ce type d'animal soit plus propre qu'un chat ou un rat, je me réconforte à l'avance à l'idée du doux Recurvite que je lancerai sur mes vêtements après la créature partie : j'ai horreur d'être sali.

Je suis tellement fasciné par la bestiole que j'en oublie presque sa propriétaire et accessoirement, le sujet de la conversation. Ainsi je mets un moment à comprendre de quoi elle parle, perdu dans ses histoires de cohue et de solitude, jusqu'à ce que les mots grande salle ravivent ma mémoire.

« Non, ça ne me dérange pas, » lui dis-je en toute honnêteté. Ce qui me dérange en revanche, c'est la foule et ce qu'elle implique, les bruits des couverts incessants, des chocs sur les assiettes, les dizaines de conversations qui se mêlent les unes aux autres le tout dans un brouhaha incessant, ceci en revanche m'est rapidement insupportable. Mais pour ce qui est d'être seul, techniquement je ne considère pas l'être : je suis toujours accompagné de mon assiette et de son contenu. Et, je saurais de toute façon incapable d'apprécier la présence d'un tiers, étant bien trop préoccupé par ma survie dans cet enfer sensoriel et par le contenu de mon assiette pour fournir ne serait-ce qu'une miette d'attention à autre chose.

« J'ai fini de manger, je n'avais pas très faim aujourd'hui. » D'un mouvement de menton, je désigne le couloir où nous sommes assis. « Et je voulais profiter un peu du calme pour me balader, comme je suis sorti très tôt de la Grande Salle. J'aime bien cette heure-là, c'est très reposant et ça me permet de me changer un peu les idées avant d'aller me coucher. »

Thémistocle qui de toute évidence s'est pris d'affection pour moi entreprend de remonter le long de mon bras droit et arrive au niveau de l'épaule, bien trop haut à mon goût. Je me fige et adresse un regard crispé à la sorcière.
« Je crois que Thémistocle et moi avons suffisamment fait connaissance, veux-tu bien le reprendre s'il te plaît ? »

C'est à la fois étonnant et normal que nous ne nous soyons jamais croisé. Tout d'abord, parce que cette phrase est peut être fausse, je ne regarde pas tous les gens que je croise, ensuite parce que je vais de temps en temps dans la grande salle, enfin parce que je passe sans cesse par le même couloir, alors que si Lest adopte une tactique opposée, les probabilités d’une rencontre diminuent.

Lui, cela ne le dérange pas. Il doit désormais me trouver étrange, mais passons. Vu la manière dont il était obnubilé par les mouvements de mon serpent, je ne suis pas sûre qu’il ai vraiment fait attention à mes paroles. Je ne sais pas si je dois m’en réjouir.
Thémistocle semble en confiance avec mon interlocuteur. Visiblement même un peu trop de l'avis de ce dernier, qui me regarde d'un air un peu ... Tendu. A mon humble avis, il est en train de paniquer doucement et ne semble pas se souvenir qu'il peut prendre mon serpent avec ses mains pour le déplacer. Ce commentaire fera peut être de moi un personne absolument insensible, mais je trouve la situation quelque peu ... amusante.
- Tout de suite. Étrange sensation, non ? Je t'assure qu'on s'habitue à la longue.
Avec un sourire - que j'espère plus rassurant que taquin -, je reprends Thémistocle dans mes mains, puis je le repose à sa place initiale, à ma gauche. J'ai hésité à attendre un peu avant d'agir, mais il y avait trop de risque que la situation dégénère. Au vu son attitude, le sorcier ne doit pas posséder de serpent. Un chat ou un hibou, peut être ? Je l'imagine très mal en compagnie d'un rat, encore moins d'un lézard. Un lézard. Quel intérêt à posséder cet étrange animal laissant sa queue derrière lui quand on peut avoir un serpent ?
En y réfléchissant, j’imagine bien le Serdaigle accompagné d’un boursouflet tout bleu. Je trouve cette boule de poil inutile un peu ridicule, comme un peluche pour enfant toute douce, idolâtrée par leurs propriétaires qui ont dépassés cet âge mais semble être y restés. En plus, elle n’ont pas la moindre capacité de se défendre, et sans les sorciers, elle n’existeraient pas.

- Thémistocle t'aime bien, alors que d’habitude, il n’est pas très à l’aise avec les inconnus. Tu as un animal ?

Je serais vraiment curieuse de savoir, parce que je ne crois pas qu’il aie beaucoup d’ami, et dans ces cas là un animal est ce qui s’en rapproche le plus – ou du moins est-ce mon expérience personnelle, corroborée par des scènes que j’ai pu observer d’anthropomorphisme flagrant de la part des élèves sur leurs animaux. Néanmoins, je ne me souviens pas de l’avoir déjà vu avec un animal particulier.

Je ne peux réprimer un léger soupir de soulagement lorsque le dénommé Thémistocle retrouve ses distances avec moi. Aussitôt et par réflexe, je sors ma baguette magique et un « Tergeo » fuse tout aussi rapidement motivé par ma détresse intérieure d'avoir potentiellement été souillé, geste que je justifie aussitôt par quelques explications bredouilles à base de « poussière là... » et de « vêtements délicats... » Non pas que le serpent paraisse plus sale qu'un autre animal, mais une propreté exemplaire est absolument essentielle pour mon bien être. Retrouvant mon confort habituel et désormais parfaitement rassuré, je range sereinement ma baguette et adresse un sourire à la Serpentard.

« J'ai un hibou oui, même s'il n'est pas vraiment à moi. Il s'appelle Grimro, mes parents me l'ont offert il y a deux et ma petite sœur s'en occupe aussi et lui confie son courrier depuis qu'elle est arrivée à Poudlard. Elle est en première année. » Je glisse un bref regard vers la cravate aux tons verts de la sorcière, évident rappel de sa maison d'appartenance.

« Tu l'as peut-être déjà croisée en salle commune, elle est à Serpentard. Petite -comme tous les première année, blonde et avec l'exact même nez que moi, » dis-je en posant un doigt sur mon nez et en approchant mon visage si près qu'il faudrait presque que la sorcière louche pour apercevoir ce dont il est question.
Me souvenant soudainement des règles d'espace vital -et me sentant moi-même en danger par une proximité qui m'écœure autant qu'elle m'effraie, je glisse légèrement sur le côté pour m'éloigner avant de reprendre mes explications sur la bête : « Mais ce sont à peu près les seuls points communs : elle court partout et crie tout le temps, il est probable qu'elle soit devenue amie avec la moitié de l'école et fasse un nombre incalculable de bêtises. » Pour sûr, Ame est un sacré phénomène et même si je l'adore, je suis heureux de ne pas l'avoir à Serdaigle : je ne supporterais pas de l'avoir constamment dans mes pattes. J'adresse un regard à la boîte de mon interlocutrice, qui semble intouchée depuis un moment. « Tu as fini de manger ? » demandé-je surtout dans mon intérêt -ma crainte d'être vu en compagnie d'une personne enfreignant le règlement ne s'étant pas encore dissipée.

Il y a bien trop de jeunes élèves blonds à Serpentard pour que je mémorise leurs visages. Je n'essaye même pas à vrai dire, c'est déjà assez de connaître tous ceux de mon année. De plus, je passe relativement peu de temps en salle commune. Coelestin ne tarit pas d'éloges concernant sa sœur, on voit qu'il l'apprécie beaucoup. Moi, je ne parle jamais des mes frères et sœurs, va savoir pourquoi. C'est amusant, car sa description me laisse percevoir une personnalité à l'opposée de celle de son frère. Quand je rentrerais ce soir, je chercherais à l’apercevoir, je suis curieuse de savoir ce qu'il en est réellement.

- Il est certain que nous nous sommes déjà vu, mais je ne me souviens pas d'elle

Ce qui m’intéresse le plus, c'est la façon dont il se sent obligé d'être propre. Ses explications timides et confuses ne m'ont pas convaincues, il y a anguille sous roche. Mais je ne sais pas si je vais essayer de creuser. J'ai peur de perdre le peu de crédit qu'il m'accorde. Je ne sais pas si cela vaut le coup.

- Oui, ne t'inquiète pas, je range ma boîte. Mais les surveillants ont aussi un estomac, tout le monde est à la Grande Salle.

Joignant le geste à la parole, je range la boite tout au fond de mon sac. Il a vraiment si peur que ça d'enfreindre le règlement ? Et pourquoi il n'arrive pas à ... Comment définir le terme ? Pourquoi il n'accepte pas d'être un peu sale. Je déteste ne pas me sentir propre. Mais j'arrive à ne pas considérer tout contact avec Thémistocle comme .. quelque chose de salissant.

- Pourquoi tu as toujours besoin d'être ... intouché, propre ?

On a qu'une vie, non ? J'espère juste que ma phrase n'aura pas trop de dégâts. Je fixe le point bleu de sa cravate. C'est plus facile à soutenir comme regard.

Alors que la Serpentard range les restes de son repas dans son sac, je pousse un léger soupir de soulagement. Me voilà débarrassé de tout risque d'être pris en flagrant délit de complicité pour le crime impardonnable d'un repas pris dans un couloir. En six ans de scolarité, j'ai toujours respecté le règlement de l'école, il serait fort dommage de commencer à l'enfreindre maintenant. Je hausse un sourcil en réponse à la question de la sorcière, surpris par cette dernière. Bien que mes justifications bredouillées à propos de l'utilité du sortilège n'aient probablement pas été très convaincantes, je ne m'attendais pas pour autant à ce que cela soulève des interrogations. La réponse me paraît pourtant évidente, si bien que ma réponse se fait courte.

« La saleté fait mal. Le contact fait mal. » dis-je simplement sans m'encombrer d'explications supplémentaires. Ce sont les mêmes raisons qui me poussent à porter constamment des gants : suffisamment fins pour apprécier les textures et les températures, mais solides et imperméables pour protéger mes mains.

J'adresse un bref regard auxdites mains gantées vêtues d'un tissu couleur bleu nuit, avant de porter à nouveau mon attention sur la Serpentard. Il me revient alors une question qui me trottait dans la tête depuis quelques jours.

« Dis-moi, je n'ai jamais pensé à te le demander, commencé-je avec hésitation, mais pour le devoir de potions où je t'ai aidé, tu as eu un Optimal ? » Le souvenir encore très frais de mon Acceptable étant douloureux, j'espère pouvoir puiser un peu de réconfort dans le fait d'avoir aidé quelqu'un à faire mieux que moi.

Au passage, je glisse un regard vers ma montre. 19h46, il reste un peu de temps avant le couvre-feu : cette information me rassure et je me détends légèrement.