Un énième repas de famille. Celui-ci était plus que gigantesque et, à vraie dire, je ne connaissais même pas la moitié des personnes ici. Cette situation était gênante... Certains semblaient me connaitre mais je n'en avais pas le souvenir, j'avais sûrement dû les voir quand j'étais plus jeune. Juste avant la venue des premiers invités, Mère était venue me voir affin que je n'oublie pas comment me comporter pendant cette soirée. Selon elle il est important de me faire un rappel car malgré l'habitude lassante de ces grands diners il semblerait que j'ai tendance à n'en faire qu'à ma tête. En même temps je ne suis pas une grande adepte du "sois belle et tais toi", je suis plus du genre à parler de tout, à étaler mes connaissances. Mère n'apprécie pas ce genre de comportement, il faudrait qu'elle évolue un peu. Nick et bien plus tranquille lui, déjà parce qu'il est un homme mais en plus il a une petite vie parfaite : marié, un enfant, possède une maison et un bon travail. Alors que moi je travaille certes mais je n'ai pas de maison à moi, j'habite chez mon frère avec ma fille que j'élève seule alors c'est un peu la honte pour mes parents. Ce n'est pas l'avenir qu'ils avaient imaginé.

Voulant fuir mes grands-parents Carter je me trouvais en direction de la porte d'entrée quand celle-ci s'ouvrit laissant apparaitre un couple et leur fille. C'est qui eux déjà ? Mince, je ne peux même pas faire demi-tour !

"Bonjour, soyez les bienvenues à cette immense réunion familiale. J'espère que tu ne t'ennuieras pas trop, la plus grande partie des conversations sont très... barbantes ici pour les plus jeunes d'entre nous. Sans vous offensez bien sûre."

Je me souviens qu'à son âge ce genre de réception m'ennuyait profondément, non en fait c'est toujours le cas actuellement.

Sinéad n'en pouvait déjà plus ; elle n'avait pas particulièrement l'habitude des repas de famille, mais, par expérience, savait qu'ils étaient absolument inintéressants. La seule chose qui pouvait potentiellement être intéressante était le repas en lui-même. Tout le reste, des discussions des adultes ou aux disputes des plus jeunes, avaient le don de chatouiller la jeune fille en une fraction de secondes. Toutefois, Sinéad espérait naïvement que ce repas de famille serait plus intéressant que les autres, quoiqu'elle n'y croyait pas vraiment.

Une jeune femme dont la robe était magnifique qui devait avoir la vingtaine semblait attendre devant l'entrée quand la petite famille entra. Elle accueillit celle-ci, avant d'ajouter une phrase tournée vers Sinéad, ce à quoi cette dernière répondit doucement, avec un léger sourire : « Ne t'inquiète pas pour moi, j'en ai souffert et j'en souffrirai d'autres ! »

La canicule commençait à guetter l'extérieur, la matinée s'achevant, Sinéad entra donc, suivie de près par ses parents, qui partirent bien vite discuter avec des gens inconnus de la jeune fille. A croire qu'elle était la seule à ne connaître presque personne ici. Certes, c'était a famille, mais il y avait sûrement ici le grand-oncle de la fille de la tante de sa mère, alors... C'était un tantinet difficile de s'y retrouver. D'autre part, Sinéad retrouverait potentiellement des fossiles intemporels, ayant réussi à perdurer jusqu'à ce jour, au sein des personnes présentes. Des arrière-grands-pères, peut-être plus encore, qui sait ? Mais il ne fallait pas penser des choses pareilles. Du moins pas tant que personne ne savait ce que Sinéad imaginait en cet instant.

La jeune adolescente était quelque peu désorientée, elle ne savait où aller, et était restée jusque là devant la porte d'entrée, désormais fermée, cherchant une issue, un lieu où se poser. Elle dévisagea la jeune femme qui se trouvait devant elle, ne sachant que rien.

Sa réponse me faisait sourire. C'est sûre qu'elle devait en avoir vu des repas de famille étant donné qu'elle est encore adolescente et que dans notre famille c'est monnaie courante ce genre de festivité. Enfin chez moi beaucoup, peut-être que chez elle c'est moins le cas. J'espère pour elle. Je mentirais si je disais que j'ai toujours détesté ce genre de grand repas. Adolescente je les appréciais plutôt bien mais tout à changer depuis un certain temps, depuis que lui n'est plus là. Les regards ne sont plus les mêmes. Je suis passée de la fille modèle, celle qui faisait la fierté de mes parents, à seule à élever une enfant dans une situation tout sauf stable. La dégringolade, le changement des regards se faisaient sentir, le jugement aussi.

Après avoir soufflé pour dissiper ces lourdes pensées, mon attention se porta à nouveau sur... la jeune fille rousse dont j'ignore toujours le prénom. Ses parents l'avaient délaissé pour rejoindre les autres adultes et elle était restée là, comme interdite ou peut-être intimidée.
"Tu t'appelles comment ? Moi c'est Angie. Désolée si ma remarque était un peu... brute tout à l'heure. C'est juste que je trouve ce genre de repas inutile et inintéressant, à titre personnelle en tout cas. La plus part du temps je finis par me réfugier dans le bibliothèque."
La dernière phrase était ponctué d'un petit rire.

Sinéad ne savait toujours pas où aller. Elle avait peur que la jeune femme devant elle pense qu'elle était là naïvement, n'ayant nulle part où aller ; pourtant, c'était, d'une certaine manière, le cas. Cela commençait à chatouiller l'adolescente, qui ne savait nullement où se mettre. Elle avait déjà envie de repartir, malgré la canicule ; de repartir de ce lieu pour ne plus en revenir. Ses parents l'avaient abandonnée là, la laissant seule devant une jeune femme presque inconnue, soi-disant de sa famille. Jeune femme magnifique qui se mit justement à parler. Sinéad écouta d'une oreille distraite, avant de répondre doucement : « Je m'appelle Sinéad. Ne t'inquiète pas, j'avais bien compris ce que tu voulais dire ; et je suis tout à fait d'accord, ces réunions de familles sont intemporelles, quand on y entre, on n'en sort plus. Et je ne pense pas qu'il y ait meilleure idée que celle de se réfugier dans la bibliothèque. Seule, du moins, j'aurai fait pareil. Le temps serait alors plus vite passé qu'au milieu de tous ces adultes qui discutent à longueur de journée, et ont le don de poser des questions auxquelles on ne souhaite pas répondre, ou de tout juger et remettre en question lorsque l'on n'a rien demandé ni personne. »

Seule, oui, car cela risquait d'être compromis par cette inconnue si Sinéad discutait longtemps avec elle. Or la discussion allait certainement perdurer jusqu'à l'heure prochaine du repas ; mais cette vingtenaire semblait de bonne compagnie, et cela ne dérangeait donc pas particulièrement Sinéad. De plus, il lui semblait bon de connaître les personnes de sa famille, et celle-ci en faisant partie, cela ne pouvait qu'être bénéfique de discuter quelques temps avec elle, et, peut-être, de faire connaissance.

Sinéad. Un prénom assez original que j'entendais pour la première fois mais je le trouvais magnifique. J'aime beaucoup ces prénoms moins courants, je trouvent qu'ils donnent plus de charme à la personne qui le porte. C'est l'une des raisons pour laquelle j'ai appelé ma fille Dakota, un prénom pas si courant autour de nous. J'étais rassurée de voir qu'elle n'avait pas mal prit mes propos. En fait elle semblait même en total accord avec eux. J'étais contente d'enfin trouver quelqu'un qui partageait son point de vu avec moi sur ces repas de familles plus que lassants. Elle partageait aussi ma passion de la bibliothèque. Et bien il semblerait que cette cousine, dont je ne me rappelais absolument pas l'existence il y a quelques secondes, partage de nombreux points communs avec moi. Au moins je ne serais pas toute seule cette année.

"Ravie de voir qu'on partage le même point de vu. Ah ça ! Les remarques et questions gênantes c'est une des pires choses. Crois moi j'en ai eu ma dose et c'est pas prêt de s'arrêter..."-lui dis-je en levant les yeux au ciel. Les remarques par rapport à Dakota ou encore ma séparation avec Caleb j'en avais eu et j'en entendrais probablement parler jusqu'à la fin. J'avais même entendu une grande-tante conseillé à sa fille de ne jamais suivre mon exemple.

"Viens, ne reste pas dans l'entrée. Je vais te montrer le reste de la maison, ainsi que la bibliothèque." Je me dirigeais vers les escaliers affin de me rendre à l'étage, il n'y aura, en théorie personne pour nous embêter. "Tu dois probablement étudier à Poudlard, ça se passe bien là-bas ? Je demande juste par curiosité hein, je m'en fiche de tes résultats scolaires." La dernière phrase encore ponctuée d'un rire en référence à la conversation quelques secondes plutôt.

Sinéad écoutait consciencieusement les dires de la jeune femme ; la future cinquième année était bien d'accord avec cette Angie avec qui elle venait de se découvrir un certain lien du sang. Cela n'était pas encore arrivé souvent à l'adolescente, mais n'allait sûrement pas tarder. C'était d'ailleurs aujourd'hui l'occasion pour les adultes d'attaquer une nouvelle cible, et la jeune Callaghan n'avait certainement pas envie d'en être à ce moment là. Elle préférait donc rester discuter avec Angie, qui semblait partager bien des points de vue avec Sinéad.

Cette dernière répondit : « Je comprends ! On te pose des questions sur ta vie privée, des remarques gênantes... Et il y a toujours des tantes et oncles presque inconnus qui jugent n'importe qui, n'importe quand, comme si on en avait quelque chose à faire de leur avis... »

Puis la jeune Callaghan suivit Angie dans les escaliers, attirée par l'idée de voir à quoi le reste de la maison ressemblait. Tout en continuant de marcher jusqu'à l'étage, l'adolescente répondit à la sympathique jeune femme : « Euh, ça se passe bien, globalement. Les cours sont intéressants, je ne m'ennuie pas trop. Après, je suis assez solitaire, en général, mais j'ai l'habitude. », acheva Sinéad en souriant à Angie d'une manière assez crispée, ne sachant quoi ajouter de plus pour achever ses paroles d'une manière plus positive.

Ah que c'est agréable d'enfin trouver quelqu'un qui partage mes points de vues sur ces horribles repas de famille ! Je suis bien contente qu'elle soit venue ce soir. Elle répondit à ma question sur Poudlard en m'indiquant qu'elle était assez solitaire.
"Tant mieux si tu les trouves intéressant, c'est un peu l'essentiel. Il n'y a aucun problème à être solitaire, je dirais même que parfois ça fait un bien fou. J'étais assez solitaire moi aussi, enfin surtout vers mes premières années."

Sinéad me suivit ensuite dans les escaliers. Dès que nous fûmes arrivées au premier étage, je me déplaçais silencieusement sur le vieux parquet affin de ne pas me faire repérer par mes parents qui me délogeraient aussitôt de mon QG. Une fois dans le couloir je me suis approchée d'une des épaisses portes en bois et j'ai actionné la poignet. La porte s'ouvrit sur une pièce de taille moyenne, au centre figurait un grand tapis rond de vert menthe au dessus duquel trônait un lustre en cuivre. Les murs étaient tapissés d'étagères remplis de livres en tout genre. Vers le fond de la pièce, en dessous d'une fenêtre, se trouvait un divan en velours dont la couleur rappelait celle du tapis. Je ne pus retenir un soupire de bonheur en entrant dans cette pièce. J'aimais cette odeur caractéristique des vieux libres.

"Et voilà ! Les livres sont rangés principalement selon leur genre, il y a un peu de tout et de rien. Tu as des comtes par exemple ou des livres sur la médicomagie vers le fond."