Cind heures. Cinq heures que j'ai gravit les escaliers menant à la volière. Cinq heures que l'enveloppe cachetée est dans mon sac. Fermée. Intacte. Cinq heures que je patiente pour l'ouvrir. Je la garde, avec moi, comme un trésor, précieux. Ou bien, je n'ai pas encore craquelé la cire rouge par peur... Peur des mots que je vais lire. J'ai reconnu tout de suite l'écriture de maman sur l'enveloppe. Ses grandes lettres avec des courbes. Des lettres qui sont peut être porteuses d'une mauvaise nouvelle. Ma mémoire est remplie des souvenirs des dernières vacances à la maison. Des cris à peines étouffés de papa et maman à l'étage. Des dîners assourdissant de silence. De gêne. De peine. Et de colère.

Alors oui, mes yeux semblent refuser de parcourir l'encre noire qui tatoue le parchemin. Pourtant, il faut que je sache. Que je lise. J'ai repoussé ce moment toute la soirée. Mon corps a parcouru les couloirs du château. Mes doigts ont feuilleté les livres de la bibliothèque. Mon ventre s'est rempli du dîner dans la grande salle. Ma peau s'est lavée dans la salle de bain.
Alors que mes camarades se sont glissées dans leur lit, moi, je me suis glissée, discrètement, hors du dortoir. Mes pieds nus laissent leur empreintes sur la pierre froide des pavés du château. Il fait sombre. Comme la nuit qui nous entoure. Noir.
Mes cheveux mouillés, noués en tresse, sont en train de tremper le haut de mon pyjama blanc. J'ai froid. Un frisson me parcourt le dos. Mais je m'en fiche. C'est peut être même un frisson d'appréhension. Ma main est serrée sur l'enveloppe.

Je fais quelques pas dans le couloir du cinquième étage. Il n'y a personne. Normal. L'heure du couvre feu est passée. Je m'adosse à un mur et me laisse glisser sur le sol. Les jambes repliées sous moi. Mon précieux parchemin posé sur les cuisses.
Doucement je déchire la cire, qui craque dans un bruit sec, comme quandon cassé la partie caramélisée d'une crème brûlée.

Alors que je m'attend à déplier une lettre, mes doigts se referment sur une seconde enveloppe. Une enveloppe ne laissant apparaître qu'un mot : "Loulou".
Un sourire immense naît sur mon visage. Miguel. Mon cœur bat plus vite, pressé de lire les mots de mon grand-frère.
A la hâte, je sors la lettre écrite à l'encre noire, révélant une petite écriture serrée.
Les mots défilent sous mes yeux bleus qui, petit à petit, s'emplissent de billes salées. Des petites gouttes qui roulent sur mes joues avant de se poser en tâches sombres sur l'encre noire...

Je voudrais être à des centaines de kilomètres de là, hors du temps. Temps qui s'est figé un instant. Pour moi. Mais par pour tout le monde à priori. Un bruit creux résonne un peu plus loin...

L'avantage à être de ronde, était qu'Oxy pouvait profiter de la salle de bain des préfets dans la soirée, avant de partir pour sa mission surveillance. Bon c'était plus une balade tranquille qu'autre chose mais apparemment elle ne pouvait pas dire que c'était une mission vadrouille, ça ne faisait pas très sérieux.

En attendant, ce soir là, elle sortait toute propre et pimpante de la salle de bain privée, ayant laissé ses affaires sales dans un bac prévu à cet effet sur place. Ça l'arrangeait bien de ne pas avoir eu à remonter dans son dortoir se changer. Sans parler du calme et de la joie de barboter dans les bulles, ce que les douches des dortoirs n'offraient pas.

Elle alluma sa baguette, avança et s'immobilisa. Elle avait rêvé ou... Elle se retourna et augmenta l'intensité de sa baguette. Non elle n'avait pas rêvé. Il y avait une fille en pyjama assise dans le couloir. Mais qu'est-ce qu'elle fichait ici ? Le couvre feu était passé ! Et puis il faisait bien trop frisquet pour se vautrer sur la pierre froide dans cape ou au moins une couverture !

Oxy s'avança vers elle prise d'un doute. Est-ce qu'elle pleurait ?

"Euh... salut ? qu'est-ce que tu... Enfin je veux dire ça va ?"

Son cerveau se mit à tourner à plein régime et enchaîna les hypothèse :
1. C’était un personnage de tableau qui s'était enfui de sa toile et était perdu. Peu crédible mais super intéressant.
2. Les copains lui avaient fait une mauvaise blague et elle s'était retrouvée hors de son lit pour atterrir dans le couloir elle ne savait pas trop comment. Beaucoup plus crédible mais bien moins drôle.
3. Elle s'était échappée de l'infirmerie de Mr D. et il devait la chercher partout. fort embêtant.
4. C'était un piège savamment orchestré et elle ne devait surtout pas prononcer le mot froid sinon elle serait maudite pendant 3 semaines, obligée de ne manger que des légumes. Complètement loufoque, mais elle se méfierai quand même.

Mes yeux ne cessent de parcourir les mots. Ma vision brouillée.
Pourtant le bruit creux se fait de plus en plus proche. S'accompagnant d'une lueur. De plus en plus intense. Il y a quelqu'un. Un prof certainement. Je nai pas le droit detre là a cette heure ci. Ça va bardé pour moi. Comme si j'avais besoin de ça. J'essuie m'a figuré d'un revers de main tout en reniflard de façon peu élégante.
Je lève les yeux pour voir qui se tient là, à quelques pas de moi. La lueur nest autre quune baguette allumée. Eblouissante. Je ne vois rien. A part une silhouette. Trop petite pour être un prof. Ouf, c'est sûrement un élève qui fait une balade interdite. Tant mieux !
Ou pas. Je mets ma main en visière au dessus de mes yeux pour me protéger de la luminosité de la baguette et pouvoir voir qui me fait face. Oups. La Préfète de ma maison. Je ne lui ai jamais parlé directement. Juste croisé quelques fois, et suivi à mon arrivée. Comment s'appelle-t-elle ? Rosie ? Roxy ? J'arrive pas à me souvenir. Aucune importance de toute façon. Elle n'est pas la pour faire la causette mais pour veiller à ce que le couvre feu soit respecté certainement. Ce que je ne fais pas. J'attends la pluie de réprimandes et la punition qui va avec.
Mais non. C'est une voix douce qui brise le silence. Douce et... inquiète ?
"Euh... salut ? qu'est-ce que tu... Enfin je veux dire ça va ?"

Je m'attendais pas à cette question. Est-ce que je vais bien ? Franchement, j'en sais rien.
Je me relève pour lui faire face en reniflant dans ma manche. Je ne sais pas trop pourquoi, peut-être pour excuser ma présence interdite ici, mais les mots fusent de ma bouche sans que je ne puisse les retenir...

- "Ça va. Pas trop en fait. J'ai reçu une lettre de mon frère et je voulais pas la lire dans le dortoir alors, je suis venue ici. Je suis désolée."

Un débordement d'émotions m'emporte alors que les larmes se remettent à couler, à flot.
Je begaie entre deux sanglots.
- "Il est loin. Il me manque et je ne sais pas quand je le reverrai. Cafaisait très longtemps que j'avais pas eu de nouvelles."

Je respire, essayant de retrouver mon calme. Honteuse de ma confession. Surtout qu'elle s'en moque très certainement.

- "Je ne sais pas pourquoi je te dis ça. Je sais que j'ai pas le droit de sortir après le couvre-feu. Promis je ne recommencerai plus. Désolée. "

Je me tais, et je la regarde, comme une enfant qui vient de faire une bêtise. Attendant ma punition...

La première se releva et regarda Oxy comme si elle était un bête curieuse. La préfète osa un regard furtif vers le bas. Ben non, tout allait bien, elle était vêtue normalement. Qu'est qu'elle avait à...

*Oh...

Elle baissa sa baguette tout en revenant à une intensité lumineuse qui ne les éblouirait pas. Elle fit un petit sourire d'excuse qui se crispa sur son visage quand la jeune Gryffondor répondit.

Ah zut, elle ne savait pas trop quoi faire. Elle s'était même remise à pleurer. Oxy se mit à se dandiner d'un pied sur l'autre. Elle aurait vraiment préféré que ce soit un personnage de tableau parti à l'aventure. Ça lui aurait fait super plaisir de l'aider à retourner chez lui ou à l'accompagner dans son exploration du château. Là, l'élève en détresse elle ne maîtrisait pas trop.

Elle la laissa finir de parler, les paroles étaient aussi dures à retenir que les larmes, avant de soupirer. Hypothèse 5, Elle avait fuit le dortoir en pyjama pour lire une lettre. Elle n'y avait pas pensé à celle-là.

Allons bon, qu'allait-elle faire d'elle. Elle ne pouvait pas trop la larguer dans leur salle commune dans cet état. Mais elle ne pouvait pas non plus la laisser là ou l'emmener avec elle dans cette tenue. Miss Miller consultait-elle le soir ?

"Bon déjà, prends ma cape" lui dit-elle avant de s'en dévêtir et de la lui tendre.

"Sinon tu vas attraper fr... euh, tu vas avoir fr..."

Non mais sérieux comment pouvait-elle finir cette phrase sans risquer la malédiction ? Elle regarda autour d'elle et rien n'indiquait qu'une bande de joyeux lurons était planquée au détour d'un couloir. Pourtant, elle n'osa pas s'aventurer dans ce piège un peu trop visible.

"Enfin bref, mets-là ! Crois-moi, la pimentine c'est plus drôle sur les autres que sur soi !"

Bon, l'histoire de la lettre et du frère maintenant.

"S'il t'envoie une lettre c'est cool, non ? Je veux dire, il est loin mais il pense à toi. C'est normal qu'il te manque. C'est fait pour ça les grands frères. Ça peut être casse pied au quotidien mais quand on se retrouve à Poudlard sans eux, ben... On les voudrait bien auprès de nous."

D'ailleurs, elle n'avait jamais parlé à Ennis de la présence de Mr. D. Elle devait être contente mais peut-être pas tous les jours.

J'attends la punition, mal à l'aise. Mais rien ne vient...
La Préfète me regarde, elle bascule sur ses pieds, encore plus mal à l'aise que moi à priori.
Elle doit réfléchir au nombre d'heure de colle qu'elle va me donner. Où si elle va m'envoyer dans le bureau de Miss Loewy. Ou bien peut-être qu'elle cherche une autre punition... Me faire récurer le château avec les Elfes ? M'expédier dans la Forêt Interdite ? Je sais pas trop ce qui est d'usage dans cette situation. C'est bien la première fois que j'enfreins le règlement. Alors jattend, les yeux baissés.

Mais lorsque que la brunette ouvre la bouche, aucun mots auxquels je pensais, ne franchit ses lèvres. Au lieu de ça, elle me tend ça cape en bredouillant une phrase qu'elle ne finit pas... *Hein ?* je mets quelques secondes à comprendre.
Je souris timidement à sa plaisanterie sur la Pimentine.
Puis j'enfile sa cape. Ça fait du bien. Elle est chaude, et elle sent bon le savon. Je la serre fort autour de moi, comme si je voulais me cacher à l'intérieur, comme pour me rassurer.

La Préfète aussi essaie de me rassurer. Je l'entend dans ses mots. Mais rien y fait. Au contraire. Même si elle a sans doute raison, je sens les larmes revenir. Il faut que je me calme. Que je respire. Alors c'est ce que je fais. Je respire profondément, en rejetant l'air dans un long filet. Je fais ça plusieurs fois avant de répondre à la Gryffone.

- Oui, il est loin. Je sais qu'il pense à moi. Mais c'est dur on a jamais été séparés et la il me dit qu'il ne reviendra pas en Angleterre. Il a trouvé du travail en Espagne. Je ne sais pas si je pourrais le revoir...

Je sens la boule bloquée dans ma gorge. Je sens la tristesse reprendre le dessus. Je sens que je vais de nouveau m'éfondrer. Il ne faut pas. Alors j'essaie d'occuper mon esprit autrement...

- Tu as des frère et sœurs toi ?

Opération sauvetage d'une gryffonne perdu sur la banquise, fait ! Au moins elle n'allait pas avoir à gérer un glaçon géant jusqu'au troisième étage. C'était une petite réussite mais une réussite quand même, et elle décida de s'en féliciter !

Opération gestion d'une inondation des couloirs par larmes salées, en cours ! Comment allait-elle s'y prendre ?
Option 1, un gentil camarade allait passer par là pile au bon moment, avec les mots parfaits pour lui redonner et le sourire et l'envie d'aller dans son lit douillet. Qui n'avait pas envie de son lit douillet ?
Option 2, Louisa décidait qu'il était temps d'aller se coucher
Option 3, elle se débrouillait pour la réconforter. C'était pas gagner. Aider, guider, informer, ça lui allait, mais réconforter...

La préfète regarda chaque extrémité de couloir, écouta tout ce qu'elle put mais non, pas d'intervention divine. Zut, raté pour l'option 1. Elle revint à sa camarde. On était loin de l'option 2 aussi. Oxy soupira. Elle s'assit au sol, près d'elle. Ça lui rappelait une situation analogue. Mais avec Ennis ça a avait été plus naturel.

Elle réduisit l'intensité lumineuse d'Akela pour les auréoler d'une faible clarté. Juste nécessaire pour se sentir présente, mais trop douce pour distinguer les traites de chacune. C'était souvent plus facile ainsi.

Oxy sourit à la mention de se fratrie.

"J'ai un grand frère et une sœur encore plus grande ! Je suis, comme qui dirait, la petite dernière."

Mais ce n'était pas d'elle dont il était question en cet instant.

"Tu sais, dans notre monde, les frontières ne veulent pas dire grand chose. On est tous assez proches les uns des autres. Le transplanage peut se faire sur de grandes distances. Et les portoloins sont assez courants."
C'était marrant comme elle réalisa alors que Mr Dole avait tenté de lui dire la même chose.

"C'est nouveau. Tu es ici et il te parait à des années lumières. Mais en vrai, tu tiens une partie de lui dans tes mains non ? C'est bien son hibou ? Et si pendant les vacances tu peux aller le voir, tu réaliseras que son "loin" ne l'est pas tant que ça. C'est juste un autre lieu. Ce n'est pas parce que tu ne le connais pas encore qu'il est inatteignable"