Elena passait ses doigts dans les brindilles d'herbe qui dansaient au vent. Perdue dans de longues réflexions, elle ne s'attarda guère de savoir depuis combien de temps elle était assise près du lac. La Gryffone regarda rapidement au loin et profita de cette vue idyllique. Le lac était certainement un de ses lieux favoris ; c'était un endroit si paisible.

Cela faisait à peine quelques jours que les élèves étaient revenus à Poudlard suite à l'épisode traumatisant du Poudlard Express. Elena n'était certes pas la plus à plaindre mais elle y pensait souvent, se disant que les choses auraient réellement pu mal tourner et s'interrogeait aussi de savoir quelles étaient les motivations - aussi horribles soient-elles - des mages noirs espagnols qui les avaient pris en otage.

Elena avait des remords. Elle aurait souhaité faire des choix différents et insister auprès des filles pour que toutes restent en sécurité, à l'intérieur du wagon. Au lieu de ça, elle les avait laissé jouer les héroïnes alors qu'elle avait eu un mauvais présentiment dès le départ. La rouquine savait également qu'elle avait eu une chance unique. Elle n'osait pas imaginer ce que ses amies avaient pu endurer ou voir sur ce pont de malheur.

Ses parents devaient être morts d'inquiétude si tant est qu'ils avaient été mis au courant de cette prise d'otage. Ils étaient déjà extrêmement distant vis-à-vis de la magie. Elena savait que, cette fois-ci, c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase.

D'un coup d'œil au-dessus de son épaule, elle remarqua une silhouette familière : Noémie. Un sourire timide se forma à la commissure de ses lèvres. Elle ne connaissait que de nom la Serdaigle avant leur rencontre soudaine dans le train. Pourtant, Elena avait l'impression qu'elle la connaissait depuis bien plus longtemps.

Une ballade, la petite brune appréciait ce calme. Le tulmute du château ne la réussissait pas depuis son retour à l'école. Elle se surprenait à sursauter à chaque petits bruits, qui la renvoyait à ce moment, accroupie, cherchant à échapper à une espagnole. Alors, le calme pour l'instant, c'est tout ce qu'il fonctionnait. Pour oublier. Ou du moins, ne pas laisser ces évènement ressortir et impacter son quotidien.

Elle avait tenté d'expliquer dans une lettre à sa mère ce qu'elle ressentait. Mais le parchemin avait fini froissé dans une corbeille. En la relisant, elle se rendait compte que les ressentis qu'elle expliquait serait incompréhensibles pour Cora. Elle n'y était pas elle. Noémie devenait jalouse de ce qui n'y étaient pas. Elle n'aimait pas ça. L'adolescente ne voulait pas devenir aigrie et jalouse de ceux qui avaient eu la chance de ne pas subir ça. De ne pas avoir ressenti cet effroi et cet terreur. Avoir ressenti toute perte d'espoir quand elle a vu les professeurs agenouillés, impuissants dans leurs wagons. Même sa propre impuissance. Non décidément, il fallait y être pour comprendre.

Ces pas allaient sans grands sens vers le lac, elle leur laissait faire leurs volontés. Après tout, elle n'avait prévu aucun itinéraire pour cette balade. L'aiglonne avait juste prévu de laisser son corps bouger, pour laisser son esprit vagabonder. Ces pieds s'arrêtèrent d'eux même quand elle croisa la griffonne. Elena. Noémie s'approcha d'elle. Parce qu'elle savait qu'elle elle pourrait comprendre. Parce que dans ce train, c'était sa main sur son épaule qui l'avait permit de rester dans la réalité, lui avait confirmé que ce n'était pas un simple cauchemar. Parce qu'au final, elles avaient beau n'avoir jamais échangé de mots avant ce jour là, elles avaient échangées bien plus pendant cet épreuve.

Un sourire sincère aux lèvres elle demanda:

"Ça te dérange si je m'assois à côté de toi?"

Elena restait traumatisée par cette prise d'otages. Elle avait ri à en pleurer et pleuré à en rire. Depuis leur retour, elle n'avait pas voulu en parler, à personne même pas à ses amis les plus proches parce qu'elle voulait simplement oublier cet évènement et passer à autre chose. Elle trouvait à présent du réconfort dans le tricot, dans les livres, dans le travail même.

Une voix féminine s'éleva derrière elle et Elena n'eut pas de peine à la reconnaitre. Noémie se tenait derrière elle, un sourire charmant aux lèvres.

« Non, pas du tout. Je voulais te parler en fait. » rétorqua-t-elle en désignant l'herbe.

La rouquine sentait les brindilles d'herbe lui chatouiller les mains et elle attendit que Noémie s'installe pour lui parler. C'était l'une des seules personnes avec qui elle souhaitait discuter de ça. Elena ignorait toujours ce qu'il s'était passé à l'extérieur du wagon. Mais elle était certaine que ça avait été éprouvant. De son côté, elle repensait sans cesse à son cœur qui s'était affolé, à cette boule dans son estomac si imposante qu'elle en avait eu la nausée et l'envie insoutenable de crier et de s'assurer que tout allait bien.

« Comment tu vas ? » demanda la Gryffone soucieuse. Noémie savait certainement quel sujet l'écossaise souhaitait aborder, c'était peut-être même la raison qui l'avait conduit jusqu'ici.

Sorry i'm late !

Quand la griffonne lui donna son accord, Noémie prit sa place, dans l'herbe, à côté d'Elena. L'endroit, le moment était calme. Trop. Ça lui rappela un peu le calme du Poudlard Express quand celui-ci s'était arrêté. Elle fit de son mieux pour ne pas y penser. Mais tout lui renvoyait à ces moments. Ça ne durait souvent pas longtemps, juste une pensée. Mais son esprit était remplie de petites pensées, par ci par là, du Poudlard Express. Parfois même, la nuit elle y repensait. Essayant de donner du sens à ce qu'ils avaient tous vécu.

Face à cette question, si banale en soi, l'aiglonne ne réussit qu'à hausser négligemment les épaules. Ses mains attrapèrent un brin d'herbe, jouant avec l'air de rien, son regard concentré dessus.

"Je sais pas pour être honnête. Tout est un peu bizarre.... Et toi?"

Ce retour au quotidien était effectivement étranges aux yeux de Noémie. Après être passé par des événements si surréalistes, le train-train quotidien du château faisait presque tâche. Le fait que tout était comme avant mais en même temps si différents, comme si quelque chose s'était déréglé. La deuxième année essayait sans cesse de mettre le doigts sur ce petit truc qui était en décalage mais elle n'y arrivait pas, c'était un mystère.

Enfin, elle osa retirer ses yeux du brin d'herbe qui avait été inconsciemment déchiqueté, regardant sa camarade. Le ressentait-elle aussi? Ce petit décalage? Ce petit truc qui n'était plus à sa place?

Un sourire ironique au coin des lèvres, elle rétorqua une réponse à peu près similaire.

« "Bizarre" oui, beaucoup. Je ne sais pas trop non plus... »

L'urne, le dominion et maintenant ça. Peut-être que ces évènements étaient liés, peut-être que non. Mais quoi qu'il en soit, Elena espérait que quelqu'un pourrait y mettre un terme. Elena observa sa camarade jouer avec les brindilles d'herbe ; la Serdaigle ne savait pas par où commencer mais la Gryffone, elle, n'hésita pas.

« J'suis désolé. » elle rompit le silence.
« Je-je me suis dégonflé et j'ai même pas pu venir vous aider. J'entendais Kelly crier et y'avait ce gars avec ses fichus outils, Sybille et je- je savais pas quoi faire. » expliqua-t-elle la gorge nouée. Elle était à nouveau prise par cette panique. Les propos de Jacob Tramontane lui revinrent en mémoire soudainement, il le lui avait dit lors d'un repas houleux dans la Grande Salle. " "A ce compte-là Elena tu ne fais ja-mais ri-en. Nom d'un Gryffondor courageux, réveille-toi.".

La rouquine ne savait toujours pas ce qu'il s'était passé à l'extérieur. Elle n'avait pas eu l'occasion de voir Argentella ou son amie pour obtenir des explications aussi vagues soient-elles ; la seule chose qu'elle souhaitait c'était de pouvoir soutenir au mieux ses camarades. Chose qu'elle n'avait pas pu faire dans le train.

Noémie eut un petit rire triste face à la similarité de leur réponse. Un silence commençait à se faire sentir, qu'Elena stoppa. L'aiglonne la regarda surprise. Pourquoi diable s'excusait-elle? D'avoir prit la bonne décision? Non. Heureusement qu'elle est restée à l'intérieur. Qu'elle n'ai pas fait la même erreur qu'elle.

"S'il te plait dis pas ça. Tu regrettes d'être restée dans le train? Je regrette d'en être sortie et d'avoir laissé les autres me suivre. D'avoir découvert cette fenêtre. "

Un frisson l'a prit en y repensant. Jamais n'avait-elle osé mettre des mots sur cette culpabilité. Encore moins la dire à d'autres. L'adolescente renfloua ses larmes. Et au fond, tu aurais pu faire quoi dehors? Personne ne pouvait rien faire. Tu aurais été aussi impuissante que nous. Pourquoi t'excuses-tu? Tu as été celle qui fut raisonnable. Il ne serait pas juste que je t'en voudrais de ne pas nous avoir suivi dans notre stupidité.

"J'ai aussi fui... quand on est tombé sur les mages noirs. Je suis passée sous le train pour m'enfuir. Je leur ai dit de me suivre..."

Elle déglutit. Dire tout ça, ça prenait sur sa fierté. Qui semblait être aux ordures depuis quelques jours.

"Mais j'ai pas pu les convaincre non plus. Comme quoi..."

Ce qu'il s'est passé ce jour là, personne n'en avait eu l'image complète. Chacune avaient eu des pièces de puzzle. Maintenant que la panique et l'urgence était passée. Peut-être était-il temps de savoir?

"Raconte moi ce qu'il s'est passé de ton côté?"

Elena fut touchée par le soutien de la préfète mais elle savait que malgré ses paroles rassurantes, elle s'en voudrait encore longtemps. Noémie semblait tout aussi terrifiée, les frissons qui la parcouraient indiquaient un grand traumatisme. Elena posa simplement sa main sur la sienne. Un geste futile mais qui allait peut-être rassurer sa camarade.

La Gryffone écarquilla les yeux devant les révélations de son interlocutrice. La rouquine en eut presque les larmes aux yeux ; elle aurait tant voulu les aider. Elle avait réussi à échapper aux mages noirs et Elena était persuadée qu'elle n'aurait jamais pu trouver assez de courage pour faire cela.

« Pas très longtemps après que vous soyez sorties, un vieil homme est entré dans le wagon. C'est là qu'il m'a parlé des mages noirs espagnols et que j'ai su que j'aurais dû insister pour que vous restiez... On a discuté pour trouver une solution et à un moment y'à cet énorme pilier qui est apparu. Mais entre nous, je doute que ça soit l'œuvre des mages noirs. Je ne sais pas qui était dans ce compartiment mais c'était quelqu'un qui avait accès à la magie. » elle ajoutait des gestes à ses paroles.

Elle marqua une pause, sa voix se faisant plus tremblante à chaque instant. Cela était à la fois un soulagement et une torture de lui raconter tout ça.

« Le pont a commencé à trembler puis on a essayé - avec l'homme - d'élaborer un plan pour sortir les élèves et c'est là qu'une espèce de serpent avec des ailes est apparu. Je n'avais jamais vu quelque chose d'aussi beau et d'aussi curieux à la fois. C'était la voix de Sybille et elle nous a dit qu'elle était envoyée par Miss Montmort pour venir nous sauver. J'étais à la fois rassuré de ce sauvetage et totalement terrifiée parce que je savais que vous étiez toujours à l'extérieur. Eh puis tu es arrivé et tu connais la suite... »

Désolé pour le retard, le brouillon était prêt depuis un moment

Noémie pu elle aussi observer les différentes réactions de la rouquine, détaillant les petits écarquillements d'yeux, les fluctuations dans la voix. Il semblait qu'heureusement pour elle, ce fut une interlude beaucoup plus calme que la sienne. La bleue et bronze écouta, silencieuse, c'était le moment d'Elena. C'était leur petit moment. Elles avaient fini cette... chose, toute les deux. Elle n'avait pas revu Kelly et Argentella, et ne saurait comment leur parler. La sensation qu'elle les avait lâchement abandonné était tenace. Kelly elle au moins avait fait face, stupidement selon la deuxième année, mais elle ne s'était pas laissée démonter.

"Au final l'évacuation c'est bien passé, c'est que ce que t'as fais était utile."

Prenant une grande inspiration, elle fit de son mieux pour se dire qu'elle devait garder ce souvenir de sérénité, ici. Elena ne la jugerait pas, elle le savait, après tout elle était dans la même situation. Supidement, entre un trop plein d'émotions, Noémie aurait voulu reprendre la main d'Elena dans la sienne, comme elle l'avait fait dans le train. Une sorte de promesse. Un merci, merci que par la force des circonstance tu étais là. Mais elle n'en fit rien. Au lieu de quoi elle fixait leurs mains.

"J'aimerais envoyer un hibou à Sybille pour la remercier. Tu serais pour?"

Passer à autre chose, mettre ses ressentis sous le tapis, repasser à du concret, à quelque chose à faire. Ne pas scruter sa colère contre le conseil, les mages, sa honte d'avoir agis ainsi, cette peur qui restait avec elle à chaque instant depuis, tout ces choses qui lui collait à son esprit depuis. Du concret, un hibou, une lettre, de la reconnaissance.

Elena haussa les épaules peu convaincue. Noémie essayait de la rassurer mais l'évènement était peut être trop frais dans son esprit pour que la gryffone arrive à prendre du recul. La serdaigle n'arriverait sans doute pas à défaire Elena de sa culpabilité. Elle se demandait même comment ses camarades ne pouvaient-elles pas lui en vouloir amèrement. Elle se sentait si lâche. Cela faisait écho à ses premières années au château où elle doutait de son appartenance à la maison des braves ; comment ne pas donner raison à cette jeune Elena ?

« Merci Noémie. » elle esquissa un sourire sincère. Elena avait bien envie de l'enlacer pour que toutes les deux arrivent à souffler un peu, peut-être même sangloter légèrement et laisse l'émotion s'échapper.

« Je trouve que c'est une bonne idée. Elle est venue tous nous sauver après tout. » admit Elena.

Elena était admirative du courage de la jeune femme. Elle avait su rester si calme. Sans aucun doute parce que c'était une adulte et qu'elle avait dû avoir à faire moultes fois à des situations dangereuses mais ça n'en restait pas moins impressionnant. Sybille avait par ailleurs mentionné leurs attaquants, les Sepulva ou quelque chose du genre ; Elena n'avait pas eu le temps d'écouter avec attention. Peut-être mènerait-elle une investigation plus poussée une autre fois...

« On devrait demander à Argentella et Kelly de l'écrire avec nous, tu ne crois pas ? » demanda-t-elle.

@Noémie Claire-Cornwell désolé pour ce retard.

Noémie ne put qu'hausser les épaules au merci, ça ne semblait pas mérité. Avant de hocher la tête face à l'approbation d'Elena à son idée. Sa main timidement attrapa la sienne dans un besoin de réconfort, la laissant légèrement ouverte si jamais la rouquine voulait récupérer sa main précipitamment.

"Je les connais pas bien.... Kelly et Argentella. Et toi?"

Elena c'était différent, elles avaient finis ce cauchemar ensemble, main dans la main vainquant leur peurs, Kelly et Argentella... Merlin sait ce qui leur est arrivé. Alors, comment aborder le sujet? Comment ne serait-ce que leur parler? Impossible de faire comme si de rien n'était, mais de quel côté le prendre? C'était bien avec les méchants? Vous avez passé un bon moment? Ça vous a rapproché comme pour Elena et moi? Non ça n'irait définitivement pas.

Ses yeux évitèrent ceux de la gryffone, prenant leurs temps pour redécouvrir ce paysage, qui semblait trop normal. Pas de ronces, pas de pont qui s'écroulaient, juste le calme de la nature. Tellement calme que ça en devenait étrange, comme si la deuxième année découvrait ce lac pour la première fois. De sa main libre, elle prit un petit caillou avant de le lancer dans l'eau, pour s'assurer que c'était réelle. Ce que les ondulations se dispersant du point d'entrée du corps se dépêchèrent de prouver. T'es en sécurité ici. T'es à Poudlard. tenta-t-elle de se rassurer.