Lyria était assise au bord du lac. Elle écrivait. En fait, elle écrivait depuis déjà une bonne trentaine de minutes et commençait à manquer d'inspiration. Elle regarda la surface ondulée du lac. C'était calme, les vaguelettes s'échouaient à quelques dizaines de centimètres de ses pieds en un murmure à peine audible. Lyria s'approcha de l'eau. Si seulement elle pouvait être si sereine qu'elle. Malheureusement ce n'était pas le cas.

Poufsouffle. C'était ce que le Choixpeau avait décidé pour elle. Poufsouffle. Lyria était incapable de démêler les sentiments qui s'étaient élevés et qui s'élevaient encore en face à cette nouvelle inattendue. Elle se souvenait de son père lui disant : "Tu verras, Serdaigle t'ira à ravir. " Tu parles, elle était bien loin de cela. Elle n'était pas une Serdaigle brillante qui aurait fait la fierté de son père, elle était juste une Poufsouffle qui son paternel jugeait décevante. Lyria shoota dans un cailloux qui atterrit dans l'eau en produisant une gerbe d'éclaboussure.

Lyria sentit des larmes lui piquer les yeux. Non, elle ne devait pas pleurer. Elle devait sourire et montrer sa joie d'être chez les Poufsouffle. C'était ce qu'elle était de toute façon donc à quoi bon plaindre son sort si elle pouvait se réjouir. Se réjouir, comme c'était un verbe ridicule quand on savait que le sourire qu'elle abordait maintenant pour s'empêcher de craquer était factice. Un bruissement la fit tourner la tête. Une autre fille s'asseyait près du lac. Une Serdaigle. Lyria se forçait à détourner le regard mais elle n'arrivait pas à se détacher de ce petit emblème arroché à la robe de la fille. Ce petit emblème qu'on lui avait refusé. Elle sentit une vague de jalousie d'emparer d'elle...

A toi, j'espère que ça t'a plu !

La deuxième année venait seulement de commencer, à vrai dire, je m'étais presque endormie sur la répartition des nouveaux. Je n'avais rien contre eux mais j'avais parfois l'impression qu'ils étaient trop nombreux.. La maison Serdaigle avait délaissée pour mieux acceuillir, c'est sûr que pour un premier année, cette soirée est vraiment exaltante, mais elle peut parraitre longue vue des années supérieures.
Tant qu'il faisait beau dehors - avant l'automne quoi - j'étais partie profiter de la faible lumière que le soleil nous offrait encore. Il faisait froid, je ne me baladais pas avec la seule chemise et cravate que la maison nous offrait, j'avais déjà sortie l'uniforme standart, la robe noire dont je n'étais pas si attachée, même si le pull aurait suffit, je ne voulais pas être la seule à porter un vêtement différent. Je m'asseyai près du lac, sentant étrangement un regard pesant posé sur moi, lequel ? Je n'étais point seule. Peut-être le rouquin gryffondor au fond ? Ou la jeune poufsouffle assise là-bas ? Pourquoi me regarderais t-elle ? Je me leva - alors que je venais de m'assoir oui - et me dirigea vers ladite fille, la toisant étrangement..



Aux simples couleurs jaunes je savais qu'elle était de la maison des loyaux, mais je n'avais jamais vu sa tête auparavent, j'en déduisait donc que c'était une première année.

La jeune Serdaigle qui venait de s'asseoir, se releva et marcha d'un pas résolu vers Lyria. Cette dernière, comprenant que son attitude avait été remarquée fit toute de suite mine de s'intéresser aux algues qu'elle voyait danser au fond du lac. Elle s'empêchait de rougir ou d'agir d'une manière qui serait inappropriée. Quelle idiote tout de même ! Lyria pesta intérieurement. Pourquoi avait-il fallu qu'elle soit si envieuse de ce fichu emblème qu'elle savait impossible pour elle ?



Lyria releva la tête avec un étonnement simulé. Son interlocutrice la regardait de haut d'un air vexé. Toujours dans son jeu, Lyria sourit. Même s'il était tout à fait faux, la jeune fille était si habituée à sourire tout le temps que même un oeil avisé aurait du mal à voir l'imposture de ce dernier. Ce rictus qu'elle portait tout le temps, heureuse ou non, était si travaillé qu'il était presque impossible de discerner le vrai du faux.

- Bonjour, je suis Lyria, Lyria Jones. Et toi ?

La question paraissait innocente. Pourtant, malgré le ton doux et agréable que la jeune élève prenait à la perfection, une forme de colère pulsait au fond d'elle. Et Lyria l'empêchait de sortir. Hors de question qu'elle s'énerve. Lyria n'était pas une Serdaigle brillante comme son père l'aurait voulu, mais elle était la jeune fille gentille qui ne froissait jamais personne comme les autres le voulaient. Il fallait qu'elle soit agréable, souriante, qu'elle soit cette personne qui, peu importe son état, sera là pour vous aider, vous remonter le moral, ou simplement vous écouter, qui gardera votre secret, tout ce qu'il faut pour que vous l'apprécier. Quitte même à s'oublier elle-même. Elle devait être cette amie, cette connaissance qui irrémédiablement sourira et vous fera voir un monde plus positif.

Lyria gardait donc ce sourire et tendait la main en un signe de rencontre amicale alors qu'au fond d'elle, elle n'avait qu'une envie : celle de déchiqueter ce maudit Choixpeau qui lui causait tant de soucis.

Je ne savais pas trop, j'étais sceptique, elle n'avait pas l'air honnête avec elle même, sa voix sonnait faux : A quoi pensait-elle et pourquoi me toisait-elle ainsi il y avait quelques instants ? Je la regardais, et me presentai à mon tour :



Ça me faisait sourire intérieurement, je m'appelais Kimberly, mais finalement je n'utilisais jamais ce prénom avec les autres, c'était Kim et rien d'autre, ou alors Harlez avec certains, mais Kim me convenait très bien ainsi, c'était mon prénom. C'est rapide et facile à retenir, alors les gens préfèrent, et moi aussi. Mais je rentrais rapidement dans le vif du sujet :



Elle paraissait souriante, alors je laissai échapper un léger sourire - D'ironie peut être, je n'avais aucune idée de où il provenait - en voyant sa tête mélangée de frustration et de bonheur, c'était drôle à voir je l'avoue. Je me demandais comment ses pensées se menaient bataille, surtout que je ne savais pas pourquoi, si nous nous étions rencontrés avant peut être ?
J'avais la fabuleuse facultée à lire sur les gens, ce n'était en rien un don, mais des exercices psychologiques que ma mère m'avait demandé d'analyser, de lire, ou autre conneries de ce genre. Maintenant je peux vous dire que chaque haussement de sourcil, virement de voix ou position de détente est un signe caractériel, et je devais avouer que seule le ton de la jeune fille, cette petite vrille qu'elle avait fait inconsciemment au bout, n'y était pas innocente.

Lyria sentit immédiatement que la jeune Serdaigle savait qu'elle mentait. Elle ne saurait guère expliquer vraiment comment elle le savait mais ça se voyait. Elle scrutait chacun de ses moindres mouvements et paraissait bien trop attentive à ses expressions pour ne pas avoir remarqué la tromperie. Lyria fronça les sourcils. D'accord, elle mentait, c'était mal. Mais pourquoi cette fille était-elle si observatrice ? Lyria n'était pas méfiante par nature, elle avait même plutôt tendance à être naïve mais elle était si furieuse que tout prenait des allures de complot à ses yeux. Elle ne démordait cependant pas de son sourire parfait.

- Oh, excuse-moi si je semblais te regarder bizarrement. Ce n'était pas intentionnel. J'observais juste ton emblème, poursuivit Lyria en désignant rapidement la robe de la sorcière. Tu as de la chance d'être à Serdaigle, en tout cas.

Lyria se rendit alors compte qu'elle avait ouvertement dénigré sa propre maison : Poufsouffle. Elle se retint de soupirer devant sa bêtise. Elle s'était promise de ne pas laisser voir sa déception à quiconque et sous aucun prétexte. Elle espérait que faire semblant d'apprécier sa maison aiderait son père à accepter qu'elle n'était pas comme lui. Elle espérait aussi sans vraiment se l'avouer que cela l'aiderait elle-aussi à ne pas être si dépitée en enfilant tout les jours le jaune des Poufsouffle. Elle n'avait rien contre la maison en elle-même, ce n'était seulement pas du tout celle dans laquelle elle s'imaginait.

De la chance ? J'en avais en quelque sorte une sur quatre.



Ça devait être la même chose pour elle ? Alors pourquoi elle semblait si jalouse de l'emblème que je portais fièrement ?



Serdaigle était une maison assez prestigieuse je pouvais l'admettre, les érudits, les créatifs, de plus, même notre code était une énigme, nous étions connus pour hanter les bibliothèques - Je n'y allait jamais personnellement -.
Je me demandais moi même pourquoi j'étais arrivée à Serdaigle, je n'aimais pas travailler et à part le piano, l'art n'était pas fait pour moi. Mais j'y étais parce que mon cœur en faisait partie, et qu'est-ce que ce fut drôle, les fois où on se retrouvait enfermé en dehors de notre salle commune parce que l'on arrivait à trouver la réponse à l'énigme, que cela était reposant, la pierre, la brique froide de la tour des Serdaigle, le dortoir aux couleurs de la nuit, accompagné de ce bleu rassurant.. Me voyais-je dans une autre maison ?
Non.
Sans aucun doute, je me sentais bien, parce que je n'étais pas loyale, courageuse ou rusée, j'étais Serdaigle.

Ni de chance, ni de hasard. Elle avait probablement raison. Serdaigle ne lui allait peut-être pas. Elle était pourtant travailleuse et créative, tout ses passe-temps consistait à créer, des mots, des traits, des sons. Musique, dessin, écriture, elle partageait son temps entre ces trois activités. Lyria soupira. En ce moment, elle était partagée entre des émotions contraires.

Kim lui demanda ensuite si elle aurait aimé être à Serdaigle. Elle eut un rire sans joie et shoota dans un autre malheureux cailloux qui s'enfonça dans le lac. Elle suivit le cailloux de regard et laissa ses yeux vagabonder sur l'eau. Oui, évidemment qu'elle aurait préféré Serdaigle à Poufsouffle. Tout le monde aurait préféré pour elle qu'elle soit une petite Aiglonne brillante. Lyria hésita un instant entre mentir une nouvelle fois en prétendant le contraire ou admettre. Elle replaça une mèche de cheveux distraitement. Mentir c'était plus simple mais après tout, elle se devait d'être un peu honnête. Lyria ne voulait pas être ce tissu de mensonge évident.

- C'est peut-être indigne, mais oui. J'aurais aimé être à Serdaigle. Enfin... Je pensais, j'étais convaincue, d'aller à Serdaigle... Tout le monde était persuadé de ça. Ce n'est pas ce que le Choixpeau à décider. Je suis... enfin, peu importe. Désolée, ce n'est pas ton problème.

Lyria n'aimait pas expliquer ses problèmes. Elle préférait les écrire, en silence et avoir pour seul confident le papier. Les dire à haute voix, à quelqu'un, lui donnait l'impression de déranger. Elle releva un instant le regard vers Kim avant d'observer à nouveau la surface striée du lac.

Je ne le cachais pas.
Je la jugeais très sérieusement.
Même si elle aurait aimé être à Serdaigle, cela justifiait-il de renier sa maison ainsi ? Si elle était à Poufsouffle c'est parce que cette maison lui correspondait le mieux, et on ne remet pas en cause le jugement du choixpeau, alors oui, je la jugeait ouvertement.



J'avais l'impression de faire la morale ou de gronder un gosse qui ne comprenait pas pourquoi les autres voulaient qu'il soit une souris et lui compris alors que finalement un meneur avait décidé que ce soit un chat. Comme un jeu finalement, on ne pensait pas être désigné mais on l'est, alors on fait tout, on se bat pour être le meilleur.

Lyria se sentit d'abord très male. Kim n'avait pas l'air de la comprendre vraiment. C'était sans doute normal, Lyria avait elle aussi du mal à se comprendre parfois. Elle écouta la Serdaigle pensivement. Elle avait encore une fois probablement raison. La jeune fille ne pouvait nier qu'elle avait des qualités de Poufsouffle mais... Elle voyait encore l'écriture crispée de son père lors qu'il avait répondu à sa lettre. Il pensait sans doute que la jeune fille ne le verrait pas mais Lyria avait suffisamment de logique pour comprendre qu'il était clairement déçu. Il ne considérait pas Poufsouffle comme une maison favorable à la réussite. Il l'avait déjà sous-entendu de nombreuses fois. A part Serdaigle, seul Serpentard trouvait grâce à ses yeux. Il considérait que l'ambition était une qualité primordiale. La loyauté ou le courage pour lui étaient des valeurs humaines qui ne se mêlaient pas à la réussite. Lyria hésita à mieux s'expliquer. Elle en avait peut-être besoin, sans doute. Kim n'en avait probablement rien à faire, elles se connaissaient à peine.

- Je... je sais que le Choixpeau n'a pas fait une erreur. Je... J'ai des traits de Poufsouffle, je le reconnais. Et je sais que je ne devrais pas être déçue, ni jalouse, ni même frustrée.... Je sais tout ça. Je suis ridicule car je le sais mais je ne peux m'en empêcher. J'essaie. Vraiment. J'essaie de me dire que Poufsouffle est ma Maison, que c'est ma place. J'essaie. Mais... peu importe mes efforts, on me rappelle que j'ai déçu. Je... ça ne t'intéresse probablement pas et je dois sans doute d'agacer à te raconter mes problèmes... Je suis désolée. C'est juste que... si j'étais seulement déçue, seulement moi, j'arriverais à accepter, ce n'est pas un drame, je sais. Mais... on voulait que je sois à Serdaigle. Je m'en fichais un peu moi, mais pas mes parents. Pas mon père. Chaque fois que je commence à apprécier Poufsouffle, je reçois une lettre qui me rappelle que je ne suis pas Serdaigle. Et... Enfin, peu importe, je m'embrouille et ce ne sont pas tes affaires...

Lyria tremblait un peu, imperceptiblement. Elle avait essayé de maintenir une voix calme et mesurée mais elle savait qu'elle avait du vibrer. De même, ces propos devaient manquer de clarté. Elle avait déjà trop parlé. C'était étrange. Elle s'était confiée sans vraiment connaître. Elle aurait peut-être une réponse, elle ne savait guère si ça lui plairait ou non mais cela changerait du silence irrémédiable du papier.

Si tu veux que je sois honnête avec toi, je n'avais rien contre cette pauvre fille, mais un vent d'ironie s'emparait de moi, j'avais presque envie de lui sourire, alors que la situation ne s'y apprêtait en rien.
Une nouvelle fois, je la regardais de haut, avant de soupirer, il faut dire que je me demandais qu'elle image elle avait de moi :



Parce que je me posais bien la question.



Je me pris rapidement le faciès entre les mains, ça allait sûrement me donner une migraine ce soir, toutes ces prises de tête. Je la regardait une dernière fois.



Je pense qu'il était grand temps pour moi de partir, rester ici ne ferais qu'aggraver les choses non ? Je lui adressa un petit sourire et un à peine audible "au revoir". Et en tournant sur mes talons je marcha rapidement vers le château.