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17 juil. 2022, 22:34
Au Nord, bien plus au Nord  Islande 
Hólmavík, Islande.
Juillet 2044

[Les phrases en italique coloré correspondent à des dialogues prononcés en islandais (en français dans le texte pour question de facilité pour les lecteurs et pour la Plume)
Les mots soulignés sont ceux pour Au fil des Mots ]

Les deux mains à plat sur la vitre, encadrant son visage dont le front était appuyé sur le verre froid, la petite fille regardait à l'extérieur avec de grands yeux émerveillés. En silence, les azurs suivaient le va-et-vient des vagues visibles depuis le point d'observation. Parfois, ils remontaient vers le ciel nuageux, avant d'être à nouveau happés par le bleu profond de l'océan. Le vent balayait l'herbe coupée court, entraînant les nuages dans sa course. Par moments, un rayon de soleil s'invitait dans le paysage, éclairant çà et là un bout de verdure, un morceau de toit, un fragment d'écume. Alors, tel un tournesol, les deux yeux se tournaient vers cette tâche lumineuse, s'élevaient le long du faisceau, et se perdaient dans les cieux cotonneux qui venaient d'avaler le Lumineux.

La famille avait beau entreprendre chaque année le voyage, l'intérêt de la petite fille pour le paysage qui s'offrait à la vue depuis la fenêtre de la pièce à vivre ne s'amenuisait pas. Souvent, d'un regard attendri, les adultes se contentaient de la laisser dans sa rêveuse contemplation. Mais parfois, comme aujourd'hui, l'un d'eux venait poser sa main sur l'épaule de l'enfant. Quand elle se détachait, à regret, de l'extérieur pour se tourner vers l'importun, ce dernier accueillait son air égaré par un sourire. Comme aujourd'hui.

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-Veux-tu sortir un peu, mon Astrid? On te propose d'aller faire un tour à la plage, avec ton papi.
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D'un bond, la jeune Keaty quitta son perchoir pour se dresser face à sa grand-mère, éveilleuse du jour. Les yeux pétillants, elle sautilla, son air agacé bien vite remplacé par l'excitation.
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-Oui! Oui! La plage!
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La main de la vieille femme vint ébouriffer les cheveux de la fillette alors que son sourire s'élargissait devant l'enthousiasme de l'enfant.
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-Je vais chercher ton papi, on profitera de Sól* tant qu'il est de sortie.
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Un hochement de tête plus tard, Astrid se précipita vers l'entrée, mit rapidement ses chaussures, puis son manteau. L'été islandais n'avait rien à voir avec les étés plus chauds de son île natale, sans compter ceux du continent. Avec ses 15° au milieu de l'après-midi, au moins n'avaient-ils pas à se plaindre des canicules que les amis d'école d'Astrid contaient au retour des vacances.

Une fois habillée chaudement, elle s'assit devant la porte, attendant patiemment que ses grands-parents soient prêts à partir. Les coudes sur les genoux, ses mains en coupe accueillaient son menton pendant qu'elle détaillait les murs l'entourant. Profitant de ces quelques minutes de solitude silencieuse, elle s'imagina la petite plage où ils allaient souvent, ses galets lisses et, là-haut, un visage jaune écartant le drap de nuages pour les regarder avec bienveillance.

Elle n'eut pas à attendre ses grands-parents longtemps, et bien vite le trio s'engagea dans l'air frais extérieur. Une main tendue à chacun de ses accompagnateurs, Astrid prit joyeusement le chemin vers le petit coin de mer non-officiel situé non loin de la maison. En chemin, elle bavassait gaiement, racontant aux deux islandais comment c'était chez elle, en Irlande. Elle évoquait l'école, ce que faisaient ses amis pendant ces mois de repos, le hamster qu'elle avait demandé à ses parents d'adopter (et, avec une pointe de tristesse, qu'ils avaient dit non). Hrólf et Idda l'écoutaient avec attention, la félicitaient même quand elle décrivait les dessins qu'elle avait faits avec son père. Alors la petite reprenait de plus belle, et expliquait comment les murailles de Londonderry étaient les meilleures d'Irlande, obligé puisque c'étaient les seules encore intactes sur l'île. Fièrement, elle relatait leur construction au XVIIe siècle, comme elle l'avait appris à l'école cette année.

Et puis, elle se tut. Là, devant eux, reposaient les premiers galets. Lâchant les mains de ses aïeux, la petite courut alors vers l'eau, sous le regard attentif des grands. Elle s'arrêta avant de l'atteindre, et resta là à regarder l'eau s'approcher de ses bottes en caoutchouc bleues, léchant presque leur extrémité, avant de se retirer dans son lit. La plage n'était pas grande, à l'instar d'Hólmavík et ses 400 habitants, ni aménagée pour le tourisme. Mais c'était leur plage. Astrid pouvait raconter comment ce galet avait été fissuré (ce n'était d'ailleurs pas sa faute!), pourquoi ce trou n'avait pas été rebouché (bon, celui-là, c'était elle) ou encore d'où venait le petit arbre qui poussait à la lisière de la forêt minérale.

Alors qu'elle était figée dans sa contemplation de l'océan agité sous le souffle de Njörd**, sa grand-mère vint poser sa main sur son épaule. Ensemble, elles laissèrent le silence et la complainte marine emplir les lieux. Puis, l'enfant avoua enfin, d'une petite voix:

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-Amma***… J'ai peur.

*Sól: personnification du Soleil dans la mythologie nordique
**Njörd: dieu nordique de la Mer et des Vents
***Amma: "mamie" en islandais.

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Deuxième année RP
#873636 | | | | Marraine-origami

15 avr. 2024, 17:30
Au Nord, bien plus au Nord  Islande 
La pression sur son épaule se fit un peu plus forte. L'enfant sentait la chaleur de ce contact à travers son pull en laine, se répandre dans son corps comme pour l'envelopper d'un cocon protecteur face aux éléments extérieurs. Le silence se prolongea encore quelques minutes, et le fracas de la mer sur le rivage résonnait dans les oreilles d'Astrid.

-C'est les vagues qui te font peur?

La fillette fixait l'étendue bleue couverte d'écume, ne parvenant pas à se détacher du spectacle. Elle avait toujours aimé cette petite plage, mais quand les eaux s'agitaient, elle se sentait toute petite et si fragile face à l'immensité déchaînée. Elle se contenta de hocher lentement la tête pour répondre à sa grand-mère. Celle-ci posa sa main libre sur l'autre épaule de sa petite-fille, et serra doucement, comme pour lui rappeler la présence, et lui assurer qu'elle la protégerait s'il devait arriver quelque chose.

-Tu sais qu'on est sur une île, reprit l'adulte. Tu sais comment nos ancêtres sont arrivés jusqu'ici?
-Avec les bateaux.

Idda sourit tendrement, et acquiesça.

-Oui, avec les bateaux. Ils ont bravé les vagues qui font si peur. Ils étaient très courageux tu sais. La mer a longtemps fait peur à beaucoup de peuples, mais pas eux. Tu sais pourquoi?

La petite secoua négativement la tête. Elle se dit que peut-être c'était parce qu'ils étaient plus courageux que les autres peuples, plus forts, puis intelligents même. Sa maman était très courageuse, et elle n'avait peur de rien. Et son papa était très intelligent, et il savait tout expliquer.

-Ils n'avaient pas peur, parce qu'ils se sont attirés les faveurs de Njörd. Tu te souviens de Njörd?
-C'est le monsieur dans l'eau.

Un petit rire dénué de tout jugement s'éleva de derrière l'enfant.

-Si tu veux, oui. Le territoire de Njörd c'est la mer et l'océan, mais aussi le vent qui forme les vagues. Tu n'as pas à avoir peur des vagues, tant que Njörd te protège.

Astrid fixa encore un moment les flots, s'imprégnant des mots de sa grand-mère. "Tant que Njörd te protège." Tant que le dieu serait de son côté, elle n'aurait pas à avoir peur. Tant qu'il veillerait sur elle, les vagues ne lui feraient rien.

-Pourquoi il y a encore des grosses vagues alors? Elle détourna enfin le regard, et leva la tête vers sa grand-mère, les yeux dans les yeux. C'est parce qu'il est pas content?

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