Dimanche 1 er Septembre 2047
En compagnie de @Matthew Serid

De cet air nonchalant que l'on me connait si bien, j'arrive sur le quai où déjà milles petits chapeaux et robes noirs se trémoussent d'impatience. Une vieille valise aux cuir usé dans les mains, j'affiche une tête d'enterrement. A croire que le saut d'eau qui a fait office de réveil, n'a pas suffit à me sortir la tête des choux...

Ainsi étranger de toute cette agitation et déjà las de tous ce chahut, je m'écroule, valise sur les genoux, sur un banc traînant aux abords de la voie. Regardant les aiguilles de l'horloge rouge, qui pendu au mur semble me narguer, je lâche un long bâillement. Assez long du moins pour qu'un dentiste puisse voir la rangée de petites dents de lait qui peine à céder son tour.

Mais moi, contrairement à ma dentition je commence à céder... à Morphée. Le regard vide, les pupilles ne demandant qu'à lever le voile noir, je sens ses mains s'agripper avec délicatesse sur mes oreilles et sur mes yeux. Et puis il faut dire qu'il y a cette gravité qui se fait plus insistante. Cette gravité qui appelle mon front à rejoindre le dessus de ma valise. J'aimerais bien y résister mais franchement... flemme.

C'est donc dans une position, des plus bizarres (mais confortable croyez le ou non), que le paresseux que je suis s’endort. A 10 minutes du grand départ de la locomotive rouge....

La petite famille Serid avait roulé sur les quelques kilomètres qui les séparaient de Londres avec une appréhension mêlé d'excitation pour le jeune sorcier. Ça y est, il allait à Poudlard ! Cette école si mystérieuse peuplé de sorciers tout aussi mystérieux.

Arrivés à Kings Cross, la famille se sépara devant le mur entre les voies 9 et 10, comme le leur avait demandé le professeur Valerion, et après plusieurs étreintes et avertissements anxieux du policier mêlé aux encouragement positif de Stan, Matthew marcha vers le mur en traînant sa valise. Essayant de dissimuler la peur du ridicule de se prendre le mur en pleine face si jamais on lui avait menti.

Mais il n'en fut rien et le brun arriva soudainement de "l'autre côté" face à une immense locomotive rouge ! Dans cette foule de robes noires et autres bizarreries, Matthew se félicita d'avoir pensé à enfiler son uniforme avant de partir. Au moins, il n'attirerait pas trop l'attention sur sa personne. Il s'apprêtait à avancer vers le train lorsque son regard se posa sur une tête toute aussi rouge.

Quelqu'un, d'aussi petit que Matthew s'était comme effondré sur un banc, le visage caché entre ses bras et sa valise qui lui servait de coussin. Est-ce qu'il dormait ? Ou peut-être qu'il se sentait mal à cause du bruit et de la foule...

Un coup de sifflet strident retenti, suivi d'une voix indiquant que le train allait partir et que les derniers élèves devaient vite monter. Matthew hésita une demi seconde. La personne rousse semblait jeune et portait lui aussi un uniforme. C'était donc forcément un élève, pourtant, il était totalement seul sur son banc. Aucun adulte ni personne pour lui dire de se dépêcher.

Avant même que Matthew eût le temps de réfléchir plus, il était déjà à côté de l'élève et posa une main sur son bras.

- Hey ? Tu vas bien ? Le train va partir, tu sais ?

Et devant la presque non-réaction de l'élève, il poursuivit.

- Tu dois bien aller à Poudlard aussi non ? Tu ne te sens pas bien ?

Noyé dans mes rêves et dans ce royaume qu'est l'inconscience, je suffoque de plaisir ou du moins de paresse. Le temps semble être un concept bien abstrait qui m'échappe. Combien de minutes sont passées depuis ? Je ne sais plus...

Dans cet océan de noir, j'aurais pu y rester une éternité si un contact ne m'avait pas ramené à la réalité. Une réalité pour le moins bien fade, où le front collé à ma valise, j'ai de la bave qui coule sur le coin de la bouche.

« Hey ? Tu vas bien ? Le train va partir, il faut y aller. »

Je lâche un grognement inaudible. Approbation, refus de partir... Même moi je ne saurais le dire. Mais toujours était-il qu'il ne fut guère très polis de parler à quelqu'un le front collé à sa valise. Alors affrontant cette lumière journalière que je cherche tant à fuir, je fais la rencontre d'un visage. Peuplé d'une crinière noir indomptable et de deux pupilles où l'on pourrait s'y baigner, il me faut quelques secondes d'intense réflexion pour assimiler ses mots.

« Tu dois bien aller à Poudlard aussi non ? Tu ne te sens pas bien ? »

Hagard, la manche de ma robe rejoignant les plis de ma bouche pour y essuyer les quelques traces de baves, je me frotte les yeux.

« ... Si ...Si ... tout va bien ... merci beaucoup...»

Les cernes qui marquent mon visage disent pourtant le contraire. De même pour les baillements incessants qui s’extirpent de ma bouche. Mais voilà... Je ne veux pas déranger plus que ça mon réveil humain.

Alors, désireux de ne pas rester plus longtemps en sa compagnie, je me lève du banc, valise en main. Et claudiquant ainsi en direction des convois au peinture de sang, les jambes aussi mal accordées qu'une guitare entre les mains d'un débutant et les paupières aussi fermées qu'un rideau en une chaude après midi, il ne tarde pas longtemps avant que je ne rejoigne le sol. Mon agresseur ? Inutile de chercher bien loin. Il est là : le poteau que j'ai pris de pleine face.

Allongé au sol, un goût de sang dans la bouche, je ne bouge pas. Je fais le mort....
J'attends...
Quoi ?
Je ne sais pas...
Mais encore un peu et je pourrais presque me rendormir...


@Matthew Serid

Matthew regarda l'espèce de zombi ambulant à qui il venait de parler. Lui qui avait déjà vu son père rentrer du travail après 3 jours de planques et une trop faible quantité de café se dis que finalement... On pouvait toujours trouver pire dans le monde.

Il entendit le garçon qui semblait avoir son âge marmonner dans sa bave tout en l'essuyant d'un revers de manche. Une sorte de merci qui aurait du être rassurant, mais qui alarma encore un peu plus Matthew. Il s'écarta un peu lorsque le rouquin fit mine de se lever. De toute évidence, il ne voulait pas être aidé plus que ça.

Matthew reprit sa valise en main et marcha vers le train sans se retourner, se disant que voilà, il avait fait sa bonne action de la journée. Lui, qui avait promis à ses pères de se faire discret et de surtout rester méfiant envers les sorciers, préférait faire comme si de rien était. C'était sûrement ce que son premier père aurait voulu.

Puis alors qu'il s'éloignait, et que le quai se vidait de plus en plus, il entendit un énorme fracas dans son dos. Il n'eut besoin que d'un rapide coup d'œil pour voir que le rouquin s'était pris un panneau en pleine poire et gisait maintenant sur le sol.

Suite à cette vision, Matthew fit ce qu'il faisait souvent. Il arrêta de réfléchir et se précipita vers le garçon qui semblait près à se rendormir. Il s'accroupit près de lui pour l'aider à se relever.

- Ça va aller ? Viens, je vais t'aider, c'est pas le moment de dormir.

Le sol est froid et bizarrement il n'y a pas ces petites étoiles qui dansent devant mes yeux. Celles que l'on voit dans les bandes dessinées... Non. Rien de tout cela. Juste un mal de crâne et un liquide rouge gluant qui perle mes lèvres, résultat de ma paresse habituelle.

Autour de moi, les gens passent. Pressé de prendre leur train ou de ne pas manquer les adieux annuels, ils m'ignorent. Eux et leur égoïsme en personne. Je ne leur en veux pas, j'aurais probablement agis de même.

Alors voilà. Par terre. Mis en K.O technique par un poteau immobile, j'attends. Une petite pensée pour ce petit train rouge qui partira sans moi. Une autre pensée pour mes parents qui se coltineront une année de plus mes ronflements...

« Ça va aller ? Viens, je vais t'aider, c'est pas le moment de dormir. »

Cette voix...
Il est encore là. Mon réveil humain et maintenant mon brancardier. Le garçon aux mille mains pense-je alors que je sens son bras me relever debout.

« Ça va.. Ça va aller merci beaucoup... »

Debout, bien malgré moi, je cherche du regard ma valise. Elle est là au sol. Manquant de tomber une deuxième fois par terre, je la ramasse fébrilement avant de me relever et dévisager avec embarras la panthère noir aux yeux bleus.

« Tu... veux bien m'accompagner jusqu'à ...»

Je ponctue ma phrase d'un signe du doigt vers la locomotive à vapeur.
Même si cela me dérange de demander l'aide de quelqu'un, je devais reconnaître que, dans mon état, j'étais bien capable de me prendre un deuxième poteau.

Ou même de finir sous le train...

Matthew Serid

Le rouquin ramassa sa valise d'un geste bien peu assuré avant de se retourner vers Matthew. Il planta ses yeux dans les siens même si ces derniers semblaient ne demander qu'à se refermer pour retourner au pays des rêves. Matthew soupira tout en ne pouvant empêcher un sourire. La situation était tout de même assez comique non ?

Quand le rouquin lui demanda de l'aide pour l'accompagner, Matthew avait déjà attrapé sa valise de son autre main pour se caler à la droite de son futur camarade. Son bras gauche autour des épaules de l'autre pour l'empêcher de s'effondrer à nouveau, il repris sa marche vers le train.

Un adulte en costume rouge souffla une énième fois dans son sifflet pour annoncer le départ du train au moment où ils arrivèrent devant la porte d'un des wagons. Le rouquin passa en premier, Matthew l'aidant à monter sa valise, avant de le suivre avec la sienne.

Encore un sifflement, celui-ci coupé dans sa lancée par la fermeture de la porte du wagon. Comme étouffé par le bois du train. Matthew se redressa un peu, un grand sourire sur les lèvres. Ils étaient dans un couloir assez large vu l'âge du train. Des fenêtres côté quais et une rangée de portes de cabines de l'autre, d'où s'échappaient des voix d'élèves surexcités.

Le voilà parti, Poudlard n'attendait plus que lui ! Et lui, n'attendait plus que Poudlard.