« Oh Alfred, ça fait trois jours que je ne suis pas venu te voir. Désolé, est-ce que je t'ai manqué ? Tu dois te sentir un peu seule ici, et il n'y a pas beaucoup d'autres plantes dans cette serre... » déploré-je en tapotant tendrement la terre à côté de mon amie. Il est vrai que cette serre n'attire pas beaucoup de visiteurs ni d'habitantes végétales et si c'est une bonne chose pour moi qui apprécie peu la compagnie humaine, je regrette cependant de ne pas pouvoir offrir meilleur environnement pour ma plante.

Oui, j'ai tendance à la personnifier. Donnez une plante verte à un garçon solitaire qui n'a pas ou peu d'amis, laissez-le en compagnie de cette même plante quelques jours alors qu'elle tend vers une santé déclinante à cause des mauvaises conditions dans lesquelles elle a évolué auparavant, puis offrez à ce même adolescent et son amie un environnement où peu d'âmes se promène -bonheur des solitaires et bonne terre pour la sansevière, il est normal que je m'y sois attaché et que je lui rende visite plusieurs fois par semaine.

Mais aujourd'hui, nous ne sommes pas seuls. Il y a une jeune fille posée en face de la rose des montagnes à l'autre bout de la serre, j'ai déjà vu ce visage dans la salle commue -une première année il me semble, je n'en sais pas plus. Sa présence me rend curieux : je connais plutôt bien la plante après deux mois à la saluer plusieurs fois par semaine et surveiller l'humidité de sa terre, mais c'est la première fois que je vois à quoi ressemble ce que je devine être sa propriétaire.

« Dis-moi, » dis-je assez fort pour être entendu malgré la distance. « C'est ta plante, la Greenovia dodrentalis ? Comment s'appelle-t-elle ? »

Depuis que j'avais déposé ma plante, au retour des vacances de Noël, dans la serre n°6, je venais la voir 2 à 3 fois par semaine.
Voir Rosalia me faisait penser à ma famille, du coup, je m'étais mise à lui parler, comme si mes parents étaient là, devant moi.
Venir à Poudlard, j'en rêvais depuis longtemps, mais l'année ne s'était pas passée aussi bien que je l'avais imaginée : mon année idyllique à Poudlard n'était qu'une douce utopie.
J'avais été choquée par l'attaque du Poudlard Express, au retour des dernières vacances... Maman dit toujours que je suis outrageusement naïve, trop gentille pour mon propre bien... Je commence à changer... Ca s'appelle grandir aussi...


Ainsi, je trouvais du réconfort auprès de ma plante... Elles sont globalement moins cruelles que les humains... Et en général, attaquent pour une bonne raison...
Occasionnellement, j'avais remarqué que la terre dans le pot était plus humide qu'elle devrait être, comme si elle avait été récemment arrosée... Quelqu'un s'occuperait-il de ma Rosalia ? Si c'était le cas, cela veut dire qu'il y a une personne qui aime autant les plantes que moi.
En fait, ça ne devrait pas être si compliqué de trouver "qui", si ce n'est pas le professeur de Botanique, il ne peut s'agir que d'un des élèves qui a déposé également sa plante dans la serre...Et vu les espaces bien vide, on n'était pas si nombreux que cela.

La voix d'un élève me fit sortir de mes réflexions. C'était un grand garçon aux cheveux blonds et bouclés. Un serdaigle que j'avais déjà croisé dans la salle commune, mais aussi à la bibliothéque. Mais il était beaucoup âgé que moi, je n'avais jamais osé lui adresser la parole.

- Euh... Rosalia..., répondis-je d'une petite voix, un peu impressionnée qu'un "grand" me parle. J'sais que c'est pas une rose...mais elle y ressemble beaucoup, alors...j'l'ai appelée comme ça...

Puis, en montrant la plante aux longues feuilles pointues, j'ose demander.
- C'est vrai que la tienne pousse dans les pays où il y a des mangues ?, dis-je en rougissant.

L'enfant est bien la propriétaire de la plante. C'est agréable de pouvoir enfin mettre un visage sur la détentrice du végétal, si je n'avais déjà pas mes fesses bien plantées dans le sol et un courage manquant pour me redresser, j'irais la voir pour papoter un peu avec la prénommée Rosalia. Je comprends ce qu'elle veut dire pour la ressemblance ; c'est aussi de là que vient le nom commun de la plante, je crois. J'avais fait quelques recherches sur elle après l'avoir aperçue pour les premières fois dans cette serre. Les feuilles tendent à me faire plutôt penser à celles des choux, avec le côté charnu caractéristique des succulentes, mais l'image des roses correspond totalement aussi.

« C'est un très beau prénom ! » commenté-je depuis mon emplacement. Tout de même, bavarder avec une telle distance entre nous n'a rien de pratique. « Tu es plutôt bien renseignée ! » m'exclamé-je joyeusement en retenant le pour une enfant qui a failli suivre. « Les sansevièresoet les manguiers doivent effectivement avoir quelques pays en commun dans leur répartition, parce qu'ils affectionnent les mêmes climats il me semble. » J'ai de bonnes connaissances en botanique -surtout grâce aux nombreux livres que je dévore, mais pas suffisamment pour connaître exactement les pays d'origine de chaque plante et les endroits où on les trouve. Néanmoins pour la sansevière, j'ai tout de même effectué quelques recherches après l'avoir adoptée.

« Viens t'asseoir ici, ça sera plus simple pour discuter, » l'invité-je en tapotant le sol à côté de moi. Il est rare que je sois d'humeur bavarde, mais je tends à être plus à l'aise avec les personnes plus jeunes que moi -et la fillette quelque fois aperçue dans la salle commune ne m'a jamais fait mauvaise impression. Elle doit déjà être une bonne personne si elle aime les plantes !

Chavande

En l'entendant me féliciter pour le choix du p'tit nom de ma plante, je recommence à rougir, à moitié par gêne, à moitié par fierté d'avoir un tel complément de la part de ce garçon, enfin, devrais-je dire jeune homme.

Je rougis encore sous son deuxième compliment, à propos de mes connaissances. De la part d'une élève de première année, cela doit l'intriguer...

- Ces deux plantes vivent dans des pays tropicaux..., osais-je compléter suite aux propos du blond.

« Viens t'asseoir ici, ça sera plus simple pour discuter »

*Il est vraiment sérieux ?!?* pensais-je avec étonnement. Je n'avais pas l'occasion de discuter avec des élèves plus âgés, la plupart de mes connaissances étaient de mon âge, des rencontres faites en classe, ou occasionnellement à la bibliothèque.
Prenant mon courage à deux mains, je récupère mon petit sac qui me quitte rarement et le passe en bandoulière afin de ne pas être gênée. Puis j'attrape le pot de Rosalia à deux mains.
Je porte mon regard sur le Serdaigle, pour essayer de voir si il est toujours d'accord...
Enfin, je me rapproche. Arrivée à destination, je me baisse pour poser ma plante sur le sol de la serre. Une fois fait, je m'installe en face du blond, jugeant cette configuration plus pratique pour discuter.

- Si j'connais pas mal de choses sur les plantes, c'est à cause du travail de mes parents... J'suis entourée de plantes depuis que j'suis toute p'tite..., dis-je presque d'un trait. J'm'appelle Erin. Et voici Rosalia, finis-je la désignant.

J'adresse un sourire bienveillant à la jeune fille qui prend place à côté de moi, espérant ne pas la mettre trop mal à l'aise par mon invitation. J'oublie parfois qu'étant plus âgé, je peux paraître impressionnant pour les plus jeunes. Mais c'est aussi ce qui me permet d'aborder ces interactions avec davantage de confiance sans prendre peur, après avoir longtemps craint les enfants et adolescents de mon âge. Amelia m'a aussi habitué à relationner avec les autres, et partager des liens amicaux avec des personnes un peu plus jeunes que moi.

« Bonjour Erin, bonjour Rosalia. » lui dis-je en réponse. Apprendre que ses parents travaillent dans le milieu de la botanique ne me surprend pas, ceci expliquant plutôt bien l'intérêt de la fillette pour les plantes et ses connaissances sur le sujet. J'aurais bien aimé qu'il en soit de même pour mes parents, même si je n'ai pas à me plaindre avec une mère médicomage qui m'a appris beaucoup de choses et a pris soin de ma santé fragile depuis toujours.

« Tes parents font quoi exactement ? Ils sont botanistes ? Est-ce qu'ils voyagent beaucoup avec leur travail ? » C'est beaucoup de questions mais à une période où je commence à songer à l'avenir et au métier que je pourrais exercer, elles sont importantes pour m'aider à prendre une décision future. Maintenant que j'y pense, peut-être que je pourrais tenter de me rapprocher de professionnels pour faire des stages ?

« Au fait, pourquoi est-ce que tu laisses Rosalia en pot ? » demandé-je intrigué. « Tu ne veux pas la planter ? » Cette option me semble tout de même bien plus pratique -la question me trottant dans la tête depuis ma rencontre avec Rosalia, quelques semaines auparavant.

J'étais quand même un peu impressionnée de discuter avec un grand. Je ne sais pas en quelle année il est, mais surement plusieurs de plus que moi. En fait, je sais pas grand chose sur lui. Seulement qu'il est à Serdaigle et qu'il aime les plantes. Et ceux qui aiment les plantes sont rarement méchants. Enfin, je pense...

- Mes parents ont une boutique d'ingrédients de potions, enfin, y'a surtout des ingrédients issus des plantes, parce qu'on a aussi des serres près du Lock Ness. Papa s'occupe surtout des serres. Maman, elle s'occupe de la boutique et fait quelques potions. Mes frères ainés étudient à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques. Y'a Lewis en Potions et Logan en Botanique. Ils reprendront la suite de l'affaire familiale après leur étude. Parfois, j'aide un peu à la boutique... enfin, rien de trop compliqué. Mais des fois, j'fais les bouquets pour faire sécher la menthe ou les orties. J'préfère la menthe, ça sent bon et ça pique pas. euh... j'ai dit qu'la boutique est à Inverness ? J'sais plus... J'parle trop... Désolée. finis-je en baissant les yeux sur ma plante.

Je m'occupe un peu de Rosalia. C'est encore une jeune plante. Elle a de la place dans son pot. Le rempotage peut attendre encore quelque temps. Peut-être après les vacances d'été.
Jetant un coup d'œil au blond, je remarque alors que sa plante est directement en terre.
- Oh... euh... Ben, elle a encore d'la place dans l'pot actuel... Quand elle se sera développée un peu plus, et qu'elle aura besoin d'être rempoter, pourquoi pas... J'ai encore un peu d'temps pour y penser...

- Au fait, c'est quoi ton nom ? Et celui de ta plante ?

Je me noie un peu sous le flot des paroles de la fillette, mais écoute tout de même avec attention ce qu'elle me dit. Je note mentalement certaines informations -la boutique et sa localisation, les deux m'étant familiers.

Erin porte ensuite son attention sur Rosalia, tout en me parlant de sa plante. Ça me fait drôlement plaisir de voir une petite compagnie végétale à côté d'Alfred. Prenant un peu de recul pour mieux les observer toutes les deux, je me dis qu'elles forment un joli binôme. J'aurais bien aimé que ma sansevière ait des petites plantes à côté d'elle, mais la serre reste généralement peu peuplée. L'anniversaire de Sybil est en septembre, peut-être lui offrirai-je une plante pour qu'elle puisse rejoindre la mienne. Un cadeau intéressé, mais un beau cadeau tout de même.

« J'ai déjà accompagné ma mère à une boutique de ce genre, justement à Inverness. C'était probablement celle de ta famille du coup, » la communauté sorcière n'étant pas si grande, c'est effectivement plutôt certain. « Ma mère est médicomage libérale. Elle a une serre et fait ses propres potions, mais elle n'a évidemment pas le temps de cultiver elle-même toutes les plantes dont elle a besoin donc elle se fournit régulièrement ailleurs. » Inverness est une bien jolie ville, je crois qu'il me plairait de m'y rendre à nouveau un jour.

« Ma sansevière s'appelle Alfred. » J'oublie presque la première question, mais elle me revient finalement en tête. « Lest Noestlinger, l'humain. Mais les plantes, c'est plus intéressant que les humains, tu ne trouves pas ? »

Je sais que j'ai beaucoup parlé... J'espère que ce flot de paroles n'a pas trop ennuyé le Serdaigle. En plus, je n'ai pas trop l'habitude de discuter avec les garçons...
Ni de discuter de plantes. Je n'ai peut-être pas eu la chance de tomber sur un Serdaigle amoureux de la nature... *P'être chez les Poufsouffle ?* Et, j'ai pas osé embêter le professeur de botanique cette année... Alors, échanger au sujet des végétaux m'a rendu assez bavarde... Il n'a peut-être pas envie d'écouter une première année blablater pendant des heures...

Tiens, il parle d'une visite dans une boutique à Inverness...
- Hmm... oui, c'est possible que ça soit la notre... J'pense pas qu'y'a une autre boutique sorcière..., essayant de parler moins vite. Inverness est une ville surtout moldue...

Puis, le blond présente sa plante "Alfred" et donne enfin son nom. Se qualifier de "humain" me surprend un peu. *quel garçon étrange...* Noetinger ? Noesliger ? *qu'est-ce que c'est dure à prononcer...*

- Salut Alfred. Bonjour Noe... euh... Lest, osant utiliser son prénom de peur de ne pas réussir à dire correctement son nom de famille.

Mais les plantes, c'est plus intéressant que les humains, tu ne trouves pas ?
- Euh... Certaines plantes sont assez originales, commençais-je, ne sachant pas trop ce dont le blond veut parler. Mais les plantes sont plus faciles à comprendre... quand on sait c'qu'elles ont besoin...

Retirant mon sac qui me gêne, je le pose à côté de moi. Et une idée commence à germer dans ma tête. L'ouvrant, j'en sors mon carnet et un crayon.
- Euh... J'peux faire un dessin d'Alfred ?

A la nouvelle mention de la boutique des parents de la sorcière, je me promets mentalement de retourner y faire un tour la prochaine fois que ma mère manifestera le besoin de s'y rendre, si je suis dans les parages. Ce type de déplacement constitue aussi de bonnes opportunités pour moi d'apprendre : que je me dirige vers la médicomagie ou l'art des potions, j'aurai certainement besoin de fournisseurs aussi, et savoir comment les trouver et effectuer des transactions est important.

Erin a l'air toute intimidée. J'ignore totalement comment la mettre à l'aise, alors je lui adresse simplement quelques timides sourires, veillant à ne pas paraître trop insistant ni intrusif dans l'échange.

Mais quand même. Rosalia et Alfred vont bien ensemble, il serait dommage de passer à côté de cette opportunité.

« Bien sûr que tu peux la dessiner » consens-je avec un regard curieux vers le petit carnet. Je ne regarderai que si j'y suis invité, mais je dois avouer qu'aimant moi aussi le dessin, j'ai tendance à être plutôt intrigué par les œuvres des autres.

« Dis-moi Erin, » commencé-je en songeant l'idée qui me trotte dans la tête depuis un moment, « puisque Rosalia est en pot et qu'il est donc facile de la déplacer, que diras-tu de la laisser ici à côté d'Alfred, au moins jusqu'aux vacances ? Elles auraient toutes deux de la compagnie comme ça. »

Le blond m'a donné son accord pour que je puisse dessiner sa plante, enfin, Alfred.
Alors, j'ouvre mon carnet, et tourne les pages jusqu'à en trouver une vierge.
Il commence à être bien remplit depuis le temps que je l'ai commencé.
On peut y voir quelques tentatives de dessins d'oiseaux -pas tous complets- , un chat entrain de dormir et un chien assis, comme si il montait la garde. Il y a aussi des dessins de feuilles d'arbres, et quelques fleurs. Certains dessins sont entièrement au crayon et d'autres ont quelques couleurs.
Sur la page de gauche, on peut observer le dessin d'une plante ressemblant à de la menthe poivrée -étudié en cours cette année.

Avant de commencer à dessiner, j'observe avec attention Alfred. Comme elle est en terre, je ne peux pas choisir son "meilleur profil", mais c'est pas grave, c'est une très belle plante, dont on a pris grand soin.
Puis, je commence à esquisser les contours des feuilles, puis, je fonce un peu pour les contrastes...
Finalement, c'est plutôt rapide, la plante n'étant composée que de longues feuilles pour le moment.


Alors que j'allais lui demander si il veut voir mon dessin, Lest prend la parole et me demande si je veux mettre Rosalia à côté d'Alfred
- Oh, étonnée par sa proposition. Oui, pourquoi pas. Je te laisse installer Rosalia.

Puis, une fois le "nouveau couple" en place, je lui propose :
- Tu veux regarder ?, en lui tendant le carnet ouvert sur le dessin que je viens de finir.