Remontant mes genoux le long de ma poitrine, j'encercle mes jambes avec mes bras et me balance doucement, presque au rythme des coups de crayon de l'enfant sur son carnet. J'ai envie de dessiner, moi aussi. Peut-être que je tenterai un portrait de la jeune fille quand je serai au calme, dans mon dortoir.

« Tu vois, Alfred, on te dessine parce que tu es belle » dis-je tendrement à la sansevière.

La jeune fille ayant accepté d'offrir à Alfred la compagnie prolongée de Rosalia, je me mets aussitôt au travail. Il n'y a pas grand chose à faire pour la petite plante en pot ; je choisis juste le lieu qui me semble idéal, ni trop proche ni trop loin de sa voisine, et tasse son récipient dans la terre pour la stabiliser. Il n'y a pas de vent dans la serre, elle ne risque rien mais un accident est vite arrivé. Une fois installée, je la pivote légèrement pour qu'elle offre son meilleur profil dans la même direction que la sansevière. Voilà, elles sont parfaites toutes les deux.

Désormais libre de mes deux mains et yeux, je saisis délicatement le carnet de la jeune fille suite à son invitation.

« Oh » fais-je doucement avec surprise. « Tu l'as sublimée avec ton coup de crayon. J'aime beaucoup. » Le dessin est de qualité -l'enfant est une petite artiste en devenir. « Une autre fois, je dessinerai Rosalia aussi -ou les deux ensemble. Je te montrerai, évidemment. »

Je regarde le jeune homme blond installer Rosalia à côté de sa plante Alfred.
Je me demande si ce prénom a une signification particulière pour lui...

Le voir s'appliquer à installer ma plante, me rappelle le temps où mon père s'expliquait comment prendre soin des plantes dans la serre. Au départ, je m'occupais d'arroser les plantes moldues et d'enlever les quelques mauvaises herbes qui s'installaient... Avec le temps, c'est ajouter le rempotage.
Le voir travailler me fait pousser un petit soupire de nostalgie. J'ai hâte de rentrer à la maison, même si j'adore être à Poudlard.

- Tu fais ça bien ! Elles vont être bien comme ça. Bravo !

Alors que Lest commente le dessin que j'ai fait d'Alfred, je me sens un peu rougir sous son compliment. En fait, je n'ai pas trop de point de comparaison... Maman dit que je dessine bien, mais je suis sa fille, donc... Mais comme mes parents ne m'ont jamais empêchée de dessiner, c'est que je dois quand même me débrouiller. Je pense que tant que mes notes restent correctes, ils me laissent faire un peu ce que je veux. Ils savent que je ne suis pas du genre à faire des bêtises...

- Oh, tu dessines aussi ? Tu peux p'être me dire... ce que tu penses... de mes dessins... , osais-je demander, en l'invitant à regarder l'ensemble du carnet.

Puis, après quelques instants, je reprends :
- Au fait, pourquoi tu l'as appelée Alfred ? Et tu es en quelle année ? , décidée à faire plus connaissance avec ce garçon.

« Bien sûr » acquiescé-je doucement en tournant les pages du carnet pour observer ses autres dessins. Ceux-ci comportent essentiellement des représentations diverses d'oiseaux et d'animaux -aussi quelques plantes, souvent dans le détail d'une feuille en particulier ou d'une fleur. J'observe chaque trait avec attention, appréciant la découverte d'un art qui n'est pas le mien et la comparaison de sa technique à la mienne. Du moins, à mes tentatives parce que je suis loin d'être toujours satisfait de ce que je fais -de plus manquant de temps entre les cours, les révisions et la lecture, je ne peux pas m'entraîner très souvent.

« Ce que j'aime dans tes dessins, c'est que ça reflète parfaitement tes centres d'intérêt. On y voit que tu aimes beaucoup la nature, et que tu apprécies de consacrer du temps à l'observer et la représenter. »

Je referme doucement le carnet et le rends à sa propriétaire.

« Merci pour le partage. » Je rends l'entièreté de mon regard à Alfred, qui me paraît plus belle encore après avoir été soustraite à ma vue quelques instants. J'apprécie de la voir en bonne compagnie. « Je ne l'ai pas appelée Alfred » expliqué-je, « Elle s'appelle Alfred, c'est différent. Ma petite-sœur me l'a offerte pour mon anniversaire, en mars. Elle me l'a présentée sous ce prénom, c'est tout. Je n'ai pas choisi, et je ne sais pas non plus d'où ça vient. Mais ça lui va bien, tu ne trouves pas ? » C'est peut-être parce que je l'ai toujours connue ainsi, mais je n'imagine pas Alfred se nommer autrement.

La question sur mon année d'étude me fait sourire. Il est évident que la jeune fille est un peu intimidée, elle-même est certainement en première année. Pourtant, je ne pense pas avoir quoi que ce soit d'intimidant -et je suis moi-même plutôt discret et solitaire.
« Je suis en sixième année. J'ai dix-sept ans. »

Pendant que le Serdaigle regardait mon carnet, je me mordais le coin de la lèvre, signe d'anxiété par rapport à l'avis qu'il allait donner sur mes dessins. Je n'avais jamais pris de cours, mais le livre offert par mes frères m'avaient donné de précieux conseils, notamment sur les ombrages ou la perspective.
Mais ce n'est pas toujours facile à appliquer lorsque ça concerne des animaux, surtout des animaux sauvages. Ils ne vont pas rester en place le temps nécessaire pour qu'on finisse le tracé... C'est pour cela qu'il y avait plusieurs dessins inachevés... Par moment, je me dis que si j'avais un appareil photo magique, ça serait plus simple. Il faudrait que j'en discute avec mes parents...
Par contre, les plantes, c'était bien plus facile à dessiner : elles ne bougent pas... enfin, en général.
Je sais qu'il y a d'autres serres, mais je n'ai pas pris le temps d'y faire un tour. J'irais les découvrir l'année prochaine, maintenant que j'avais mes repères dans le château, je pourrais prendre le temps d'explorer les serres. Je me demande si c'est possible de voir le coin réservé aux soins aux créatures magiques sans suivre les cours.

La voix de Lest me sort de mes rêveries.
Sous ses compliments, je rougis légèrement. Ca me fait plaisir de savoir que mes dessins sont "corrects". En général, je ne les montre qu'à ma famille.

Récupérant mon carnet, je le range dans mon petit sac, ainsi que le matériel que j'ai utilisé lors de la réalisation du dessin. Le blond explique alors que sa plante lui a été offerte par sa petite sœur et que c'est elle qui a baptisé Alfred.
- Si c'est le nom que lui a donné ta petite sœur, alors, il lui convient parfaitement.

Puis repensant à la proposition de dessiner nos deux plantes ensemble, je lui propose :
- Pour ta dernière année, j'installerais Rosalia à côté d'Alfred, quand je devrais changer son pot. Et on pourra alors les dessiner ensemble. J'ai hâte de voir ton dessin.

Enfin, me redressant sur mes jambes -légèrement engourdies par la position assise- je poursuis :
- Je n'ai pas vu le temps passé et je commence à avoir un petit creux. Je dois encore avoir quelques sucreries et peut-être quelques gâteaux dans mon dortoir, ça te dit de remonter à la salle commune et de grignoter quelques choses ?, proposais-je, voulant profiter encore un peu de la compagnie du 6e année...

Si j'apprécie de voir les deux petites plantes ensemble, je ne pensais pas que la jeune fille accepterait de les laisser côte à côte de manière prolongée. La proposition me touche. J'y réponds avec un petit sourire et un hochement de tête, avant de caresser distraitement une petite feuille de ma plante.

Sentant un mouvement à côté de moi, je tourne la tête vers la fillette qui se redresse. Elle a faim -ça ne m'étonne pas, j'aurais jurer entendre son ventre gronder, et m'indique remonter dans la salle commune. Elle propose que je me joigne à elle, ce qui me fait étrangement plaisir considérant le fait que je ne la connais pas du tout et que l'on a simplement partagé une courte discussion tous les deux.

La proposition est agréable -elle me touche presque autant que cette volonté de laisser Rosalia et Alfred vivre ensemble. Mais il n'est pas dans mes plans de quitter la serre tout de suite -et je prévois encore moins de rejoindre aussitôt l'antre des Serdaigle. Puis, achevant l'once d'hésitation restante, la promesse d'un mets sucré me laisse totalement de marbre, n'ayant pas pour habitude de grignoter entre les repas.

« Merci, enfant, mais je vais rester ici avec Alfred et Rosalia. J'ai encore des choses à dire à ma sansevière. » La devinant peut-être curieuse -pour une Serdaigle ce ne serait guère étonnant, j'ajoute avec tout mon sérieux et une pincée de mystère : « ... des choses de grandes personnes ! »

Une fois la fillette partie, je me penche vers la petite sansevière et lui glisse : « Alfred, tu es belle. » Un peu plus tard, je quitte la serre après avoir adressé de grands mouvements de bras aux plantes et rejoins la bibliothèque -des livres de Botanique m'y attendent.

Fin du RP