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01 sept. 2022, 15:36
Un dernier train pour Poudlard  PV 
1er septembre 2047
avec @Aelle Bristyle


Ma dernière rentrée à Poudlard. J'ai toujours pensé que je vivrais la chose comme un événement, et qu'il en résulterait une bouffée de nostalgie et un pincement au cœur pour ce voyage symbole des dernières fois à l'école de magie, mais il n'en est rien. Je n'éprouve qu'une profonde lassitude, et une fatigue qui m'a poursuivie tout l'été sans jamais s'apaiser. Ce n'est de toute façon même pas ma dernière fois dans le Poudlard Express : il est prévu que je rentre pour les vacances de Noël, et il faudra bien que je retourne chez moi une fois mon diplôme obtenu.

Je pensais aussi qu'il me serait difficile de prendre ce train après l'attaque survenue au retour des vacances de Pâques, mais comme tout le reste j'ai enfoui l'événement au fond de ma mémoire en y détachant toute émotion pouvant s'y raccrocher, préférant le confort de l'oubli à l'angoisse du souvenir.

C'est donc dans l'indifférence et avec des yeux déjà bien cernés pour un mois de septembre que j'arpente les couloirs du Poudlard Express. Amelia ayant tenu à ce que je l'accompagne dans le train jusqu'à dénicher le compartiment de ses copines, j'ai un peu de retard pour me trouver moi-même une place mais ne m'en inquiète pas. J'en ai déjà profité pour reprendre le bouquin commencé la veille -une histoire passionnante à propos d'un navigateur à la recherche d'un continent perdu. Mes voyages récents m'ayant appris à lire même dans les conditions les plus médiocres, la foule me dérange moins qu'à l'accoutumée -de toute façon, mon cache-oreilles me protège de tout bruit, et me contente de grommeler indistinctement quand je me fais bousculer et perturber dans ma lecture.

Les compartiments sont ouverts sans prêter réelle attention à leurs occupants, à la recherche d'une place libre que j'emprunterai certainement sans demander tant qu'il reste la place d'accueillir plusieurs personnes. Je suis de toute façon bien trop absorbée par mon bouquin pour procéder autrement.

Tirant la lourde porte d'un quatrième compartiment, j'aperçois enfin du coin de l'œil toute une banquette libre. Nez plongé dans mon roman, je m'empare de la place et adresse juste un bref « Salut » aux pieds que j'aperçois sous la table -un ou une humaine doit bien y être raccroché.e quelque part. Je n'en dis pas plus -et je ne relève même pas le regard vers l'élève. Son identité m'importe peu ; les seules personnes avec qui j'aurais aimé effectuer ce trajet sont actuellement dans le wagon des préfets et je ne peux les rejoindre. Mon navigateur et ses histoires sont bien plus passionnants.

♦ Étudiant.e à l'IMSM - #b45f06
Appelez-moi Ada ou Lest ! ♦

02 sept. 2022, 18:34
Un dernier train pour Poudlard  PV 
1er septembre 2047
Poudlard Express
7ème année



Quelle étrange procession nous formons. Il y a mes frères qui se chahutent ; tous sont présents, pas un manque à l'appel malgré leurs occupations. Puis viennent mes parents qui discutent allègrement avec Lounis et la jeune Krissel. Je ferme la marche en tirant ma valise, un Zikomo sur l'épaule, caché par la capuche de ma cape, et un Nyakane dans son talisman le temps que je rejoigne la sécurité du train. Nous seuls pouvons deviner ce qui se cache derrière les sourires et les mines réjouit. Je remarque les coups d'œil fréquents que m'envoient mes frères, les soupirs que retient maman et même le froncement de sourcil de papa qui, plus que tout le reste, m'effraie par sa rareté. L'atmosphère est fragile, elle l'est depuis mon retour à la maison. Il ne suffirait que d'un mot, que ce soit de mon côté ou du leur, pour qu'éclatent les cris et les reproches. Alors nous nous retenons tous dans l'espoir que cela finisse par s'apaiser. Même papa ne dit rien. Papa qui a toujours prôné l'importance de la communication. Son silence m'effraie.

Nous avançons sur le quai, recouverts de nos capes d'hypocrisie. Le Poudlard Express expulse de gros nuages de fumée, le départ est proche. Je reconnais des dizaine de visages qui ne font pas attention à moi. Personne n'est mon ami ici, même si j'ai l'espoir, un espoir incompréhensible, d'au moins apercevoir Gabryel. Je mets un point d'honneur à ne pas me mettre en quête d'une certaine rousse exubérante.

L'ombre ne veut pas quitter mon cœur.
Je ne parviens pas oublier que ce soir je dormirai dans un château dans lequel elle ne vit plus.
Je ne parviens pas à me défaire de l'espoir de la trouver bien installée sur le siège directorial lorsque je pénètrerai dans la Grande Salle. Et si elle était revenue sur sa décision ?

Notre groupe s'arrête non loin d'une porte menant à l'intérieur du train. Des familles se disent au-revoir de tous les côtés. Mal à l'aise, je triture la poignée de ma valise. Je suis persuadée que personne ici ne souhaite réellement me retenir : tous sont heureux que je m'en aille. Je n'ose pas croiser le regard de qui que ce soit. Heureusement, Krissel met fin aux échanges de regards gênant lorsqu'elle salue à grand renfort de bruit et d'embrassades ma famille et son père avant de détaler à la recherche de ses amis. Comme les langues se sont déliées pour la saluer, il me semble désormais plus aisé de faire mes adieux.

Ils se présentent un à un. Frère, mère, père. Il y a des sourires et des regards francs, des mains qui me serrent l'épaule, des recommandations (« Prends soin de toi, d'accord ? », « Profite, c'est ta dernière année à Poudlard ! ») et même quelques paroles acides :

« J'espère que tu es contente des vacances que tu as passées, me dit Zakary, parce que tu as gâché les nôtres. Utilise les mois que tu as devant toi pour réfléchir à la femme que tu veux être parce que celle que j'ai devant moi est loin d'attirer la sympathie.
Zak, ne sois pas méchant ! » lui reproche Narym en le foudroyant du regard.

Il s'avance comme s'il voulait me protéger mais il n'a jamais pu s'imposer face à son frère, Narym. L'équilibre branlant que nous nous sommes créé en partant de la maison est de plus en plus instable : Aodren et Natanaël grimacent et détournent la tête, papa crispe les mâchoires. Et moi, au milieu, je soutiens le regard effrayant et blessé de Zakary sans comprendre pourquoi il se sent blessé par mon comportement alors que je voulais seulement qu'on me laisse tranquille. Mais ça, personne ne le comprend ! Je garde cependant bouche close parce que je n'ai rien à dire et rien envie de dire. Zak se détourne ; je sais combien il a envie de me rudoyer et je sais également que notre guerre passera par les mots lors de nos échanges épistolaires — je suis déjà prête à en découdre.

Narym se penche sur moi, ses longues mèches caressent mon front.

« Ça va aller ? me demande-t-il à voix basse, yeux dans les yeux.
Oui.
Tu peux m'écrire si tu veux parler de... Tout ça, d'accord ? continue-t-il parce qu'il ne me croit pas, à raison.
Ouais... »

Je hausse les épaules. J'ai une boule dans la gorge. Il se détourne en comprenant que je ne rajouterai rien de plus, ce qui me soulage : son regard était difficile à soutenir.

Papa finit par s'approcher. Les autres se décalent pour nous laisser notre intimité et je comprends que la leçon de morale arrive. Je me tends mais ne baisse pas les yeux ; il est à peine plus grand que moi désormais et je peux le regarder franchement, mes yeux sombres plongés dans les siens si semblables.

« Passe une bonne année, Aelle. »

Je lui lance un regard méfiant. C'est tout ? J'attends qu'il rajoute autre chose mais malgré son envie évidente de le faire, il choisit plutôt de se taire. J'en suis étrangement déçue même si je ne saurais expliquer pourquoi. C'est donc tout ce qu'il a à me dire, pas de leçon de morale, pas de reproche ?

« ... Merci ?
Je t'... Je te souhaite un bon voyage, » bafouille-t-il et il faudrait que je sois complètement abrutie pour ne pas faire attention à l'émotion qui l'étreint soudainement.

C'est quoi son souci ?
Personne ne me donne la réponse et bientôt toute ma famille agite leur main dans ma direction, des sourires plus ou moins grands et surtout plus ou moins sincères sur le visage. Je me raccroche à Narym et ses yeux brillants qui semble le plus honnête d'entre tous et dont le regard inquiet me suis jusqu'à ce que je disparaisse à l'intérieur du train.

Je me faufile sans un mot entre les nombreux élèves, à la recherche d'un compartiment vide. J'ai des émotions plein le corps qui m'empêchent de respirer comme je le souhaiterais et je commence cette nouvelle année avec une bonne dose de frustration. M'est avis que j'aurais dû partir à la gare toute seule, moi, pour ne pas m'encombrer du sentimentalisme des miens. J'essaie de me séparer de la douleur teintée de culpabilité qui sourde en moi dans les couloirs étroits du train mais rien n'y fait, ça me suit jusqu'à ce que je trouve un compartiment vide et que je m'y installe.

Je hisse sans magie ma valise dans les filets au-dessus des sièges et me laisse tomber sur une banquette. J'ouvre un livre sans attendre, bien décidée à noyer mon dégoût de moi-même et des êtres vivants en général dans le savoir et la lecture. Zikomo n'a rien dit et ne dira rien, je le connais. Il s'installe sur la table et regarde l'extérieur, plongé dans ses pensées. Je libère Nyakane de son talisman ; le Messager des rêves file se rouler en boule en compagnie de ma valise pour terminer sa sieste.

Comme si Merlin lui-même savait que j'avais besoin d'une distraction pour échapper à la lourdeur de mes pensées, la porte du compartiment s'ouvre pour laisser entrer une grande personne dont les boucles blondes attirent instantanément mon regard. Sa passion évidente pour la lecture aurait pu me plaire si je ne connaissais pas son identité. Le garçon s'installe sans même me jeter un regard. J'en conclus qu'il ne m'a pas reconnu, sinon il aurait certainement tourné les talons.

« Coelestin Noestlinger, le salué-je ironiquement puisque je sais qu'il a pour habitude de prononcer le prénom et le nom des gens tout en entier. Je savais pas que tu voulais voyager avec moi. »

Tel que je le connais, il ne captera même pas le ton moqueur de mes paroles et ne comprendra même pas que je suis bien trop envahie de pensées sombres pour m'amuser à une joute verbale avec lui. Le voir ici me déplait au plus haut point.

Je crispe les mâchoires et détourne le regard vers la fenêtre.

Premier post un peu long parce que je pose le contexte, la suite sera plus courte (sauf si Lest fait péter un boulon à Aelle, évidemment) !

02 sept. 2022, 20:14
Un dernier train pour Poudlard  PV 
« Coelestin Noestlinger... » La voix me fait sursauter. Depuis quand les pieds parlent-ils ? Je relève à regret le nez de mon bouquin, et détaille avec une moue chagrine la silhouette devant moi. « Aelle Bristyle. » dis-je en réponse à sa salutation -parce que pour moi énoncer prénom et nom à voix haute en est une. De toutes les personnes sur lesquelles j'aurais pu tomber, elle est peut-être la pire. Je n'ai évidemment aucune envie d'effectuer le voyage en sa compagnie, mais c'est de ma faute pour m'être assise dans le premier compartiment disponible sans prêter attention à son occupante. Je ne peux que m'en prendre à moi-même, et Bristyle n'est en rien responsable de cette situation gênante. « Non. Question de malchance, c'est tout. » Le ton est calme et posé. Je ne lui détaille pas toutes mes pensées, comme le fait qu'actuellement je ne vois aucune personne saine d'esprit qui aurait envie de voyager avec elle, à part sa petite-amie peut-être. Qui ne rentre même pas dans la définition de saine d'esprit. Que je suis contrariée de la voir, mais que maintenant que ma valise est déjà glissée au-dessus de mon siège et que j'ai trouvé place confortable, je n'ai pas le cœur non plus à bouger. Alors je me contente de la fixer une seconde de plus, juste à la recherche d'une expression sur son visage qui m'en dirait plus, mais elle regarde déjà ailleurs.

Il y a de toute façon plus intéressant dans ce compartiment -comme la petite créature entre nous deux que j'identifie comme étant un Mngwi. Un petit mouvement de plume attire mon attention au-dessus de Bristyle -un volatile inconnu se repose près d'une valise. « Bonjour aux autres occupants de ce compartiment, » glissé-je avec curiosité aux deux créatures, d'une voix toute douce pour ne pas réveiller l'un ni perturber l'autre dans sa contemplation des paysages. Malgré toute mon aversion pour Bristyle, il m'est rassurant de constater que même une personne aussi antipathique qu'elle sait s'entourer de compagnons aussi qualitatifs. J'aimerais moi aussi, avoir un jour des amis qui m'accompagnent partout. Alfred apprécie le confort de la terre des serres du professeur Featherstone, et Grimro se trouve bien occupé par les innombrables missives que lui confie Amelia -je n'ai que peu passé de temps avec mon hibou cet été. Il n'est par ailleurs même pas en ma compagnie aujourd'hui, ma petite-sœur ayant tenu à bénéficier de sa présence jusqu'à dans son compartiment pour le présenter à ses copines. C'est un bien curieux voyage qui s'annonce.

Me souvenant de quelques règles de politesse que je n'ai jamais comprises -mais qu'il convient d'appliquer même avec les personnes que l'on n'affectionne pas particulièrement, j'adresse encore une fois la parole à l'adolescente. « Je suis désolé de m'être installé ici sans demander. » Et ce sont des excuses sincères : ni elle ni moi n'avons envie de partager ce voyage ensemble. Bristyle, souhaites-tu que je quitte ce compartiment ou puis-je rester ? » Inutile de lui demander si je la dérange : la réponse en est plutôt évidente, en plus de ne pas m'intéresser particulièrement. Si le hasard nous a mis dans le même compartiment, il est bon de se rappeler que celui-ci n'a jamais joué en notre faveur -notre relation n'étant qu'une succession de rencontres hasardeuses et inopportunes tournant au désastre. Non pas que je sois pessimiste, mais il est encore temps de mettre fin à ce tête-à-tête indésiré avant que la situation ne dégénère.


__________
Si Aelle veut virer Lest, c'est possible que je la fasse se balader un peu dans le Poudlard Epxress et considérer qu'au grand malheur, entre deux il n'y a plus du tout de place, l'obligeant à revenir...

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03 sept. 2022, 17:15
Un dernier train pour Poudlard  PV 
Du coin de l’œil j’aperçois Zikomo bouger. Il se détourne du paysage pour rendre à notre indésirable visiteur un regard que j’imagine aussi doux que sincère. Il salue Noestlinger d’une voix polie bien que peu guillerette ; je le devine perturbé par la façon dont nous avons quitté ma famille. Tant mieux, nous sommes donc deux à l’être. Je garde le visage tourné en direction de la fenêtre, peu désireuse que le garçon aperçoive mon air préoccupé et les traits soucieux qui se dessinent sur mon front. Je n’ai de toute façon pas envie de le voir, déjà que l’écouter est un effort… Il énonce quelques évidences trop sincères, comme d’habitude et comme d’habitude j’hésite à me sentir insulter par sa politesse excessive. Puisque nous nous aimons pas, lui et moi, et que c’est acté depuis quelques mois désormais, il ne devrait pas se montrer aussi respectueux avec moi. Je n’aime pas les faux semblants, je préférerait que l’on s’écharpe une bonne fois pour toute.

Mais pas aujourd’hui.

Aujourd’hui je n’en ai pas grand chose à faire de lui. La cape sombre qui recouvre mes pensées m’empêche d’être véritablement agacée par sa présence et sa façon d’être. La plus grosse partie de mon esprit est focalisée sur la manière dont papa m’a dit au revoir et sur les mots qu’il a tus, lui qui parle pourtant si bien. N’aurait-il pas dû insister et me faire une leçon de morale comme il me l’a toujours fait ? Si, il aurait dû, mais il ne l’a pas fait et je ne parviens pas à comprendre pourquoi.

Noestlinger s’excuse et insiste. Qu’il quitte donc ce compartiment au lieu de me demander la permission ! S’il savait le peu d’importance que j’accorde à ses petites affaires...

« C’est bon, Noestlinger, finis-je par dire en lui lançant une œillade fatiguée pour le faire taire. On s’en tape. »

D’un regard je l’embrasse tout entier, de la broussaille blonde qu’il a sur la tête, à sa tenue en passant par les expressions illisibles de son visage. Bien qu’il ait changé durant les deux mois d’été, il est toujours celui que j’ai connu. Un Coelestin Noestlinger un peu malaisant que je n’ai jamais réussi à saisir.

« Reste ou reste pas, ça m’intéresse pas, » dis-je en haussant les épaules et en me détournant de nouveau.

Je fais mine de repartir à ma lecture mais je ne parviens pas plus à me concentrer que tout à l’heure. Mon regard se perd rapidement au milieu des mots jusqu’à glisser hors de la page pour se déposer sur le poil soyeux et bleu de Zikomo. Le Mngwi ressemble à une statut. Immobile face à la fenêtre, les moustaches frémissantes. Seuls ses yeux bougent. Je me demande s’il est la recherche de ma famille. À mon tour, je regarde à travers la fenêtre derrière laquelle le quai se dessine avec ses familles éplorées ou soulagées de voir leur rejeton s’en aller. Je fouille la foule alors que le train se met en branle. Je me secoue tout à coup, désireuse de les apercevoir une dernière fois.

« Là, » dit Zik en me désignant le bout du quai du bout du museau en me voyant m’agiter.

Oui, .
Ils apparaissent soudainement, pas bien différent de tous les autres, excepté qu’ils me paraissent plus grands, plus brillants, plus intéressants. Aucun ne me regarde, ce qui est logique : ils ne savent pas dans quel compartiment je me suis installée. Zakary a le visage tout froissé de colère, ses bras croisés sur sa poitrine sont édifiants. Aodren et maman me tournent le dos, tandis que Natanaël discute avec Narym en fouillant le train des yeux sans que jamais ceux-ci ne s’arrêtent sur moi. Et papa. Papa se tient à quelques pas d’eux, la mine soucieuse, les sourcils dressés d’une étrange manière sur son front. Son regard accroche le train et il l’accroche si bien que j’ai l’impression qu’il pourrait le retenir à quai.

Mais non, nous prenons de la vitesse et une seconde plus tard les murs de pierre remplacent la vue du quai. Je me renfonce dans mon fauteuil, une boule dans la gorge, et observe silencieusement Londres défiler devant mes yeux.

« Merci, » murmuré-je à Zikomo.

Ce dernier me lance un regard doré où s'entremêlent plusieurs sentiments que je ne comprends pas. Il ne se détourne à aucun moment, pas même lorsque moi je le fais pour faire semblant de lire ce livre qui ne m’intéresse pas.

Étonnant événement que voilà ! J'étais persuadée qu'elle allait sortir un bon « ok dégage » à Lest. Comme quoi, tout peut arriver.

04 sept. 2022, 16:33
Un dernier train pour Poudlard  PV 
« Compris. » C'est la seule réponse que je fournis à Bristyle : il n'y a de toute façon rien de plus à dire. Je suis soulagée que ma présence soit tolérée, même si la perspective d'effectuer ce voyage avec l'adolescente ne m'enchante pas non plus. Me lever et bouger mes affaires pour partir à la recherche d'une autre place aurait aussi été source de malaise.

La conversation étant close, je me glisse près de la fenêtre et pars moi aussi à la recherche d'un visage familier. Maman n'est pas loin, et je la repère plutôt facilement : elle est de celles qui agitent grandement les bras en criant à quai le nom de ses enfants en dernier au revoir, aussi exubérante dans ses déclarations d'amour qu'elle l'est au quotidien. Je l'aperçois souffler un baiser puis former un cœur avec ses mains vers ce qui doit être le compartiment d'Amelia. Pour sa seconde rentrée, les séparations ont été moins compliquées pour ma cadette qui n'a pas montré l'ombre d'une larme. Au contraire, ma presqu'adolescente de petite-sœur a trépigné d'impatience tout l'été, n'attendant qu'avec une hâte grandissante le moment où elle pourrait retrouver ses copines -qui pourtant ont toutes pu être invitées successivement à la maison. Papa est en retrait derrière maman. Son attitude est plus sobre, il se tient debout comme un piquet avec un visage que je devine dénué de toute expression. Peut-être qu'il me cherche, je le vois tourner la tête. Alors que le train se met en mouvement, j'adresse un timide mouvement de la main à mes parents. Ce n'est pas eux qui vont me manquer, mais le confort de ma chambre et mes habitudes à la maison. Je ne me suis pas assez reposée cet été, et ne me sens certainement pas prête à affronter les examens qui m'attendent à la fin de l'année.

La première heure se déroule sans accroc, et étonnamment Bristyle et moi ne nous entretuons pas. Le massacre aurait été de toute façon à sens unique, et peut-être que la Poufsouffle ne souhaite pas avoir un meurtre sur le dos dès la rentrée. Le silence y est pour quelque chose, et pas même un regard n'est échangé entre nous. J'alterne entre la lecture de mon livre et quand la fatigue se fait ressentir, une observation passive des paysages tantôt verdoyants, tantôt asséchés par les épisodes de canicule d'un été chaud. L'étrange volatile s'est réveillé et converse désormais avec le Mngwi, un regard souvent tourné vers l'extérieur. Par politesse, je veille à ne pas écouter les conversations entre les deux compagnons de Bristyle, ces dernières ne me concernant pas. Il m'est toutefois difficile de m'y soustraire totalement et je ne tarde pas à trouver un certain intérêt aux quelques bribes qui me parviennent.

La sorcière ne participe pas à leurs conversations. En fait, elle n'a pas dit un mot depuis presque une heure déjà et même si je tâche de ne pas y prêter attention, il règne dans ce compartiment une tension qui ne tarde pas à m'accabler moi-aussi. Ne tenant plus et ayant du mal à me concentrer sur mon ouvrage tant la morosité de Bristyle dévore tout sur son passage, je finis par demander d'une voix timide, toujours un peu inquiet pour le petit chiot agité de Serdaigle : « Et sinon, comment va Elowen Livingstone ? »

♦ Étudiant.e à l'IMSM - #b45f06
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05 sept. 2022, 11:20
Un dernier train pour Poudlard  PV 
Un unique mot s'échappe de la bouche de mon camarade avant que le silence ne retombe dans l'habitacle. Il me faut plusieurs minutes pour me détendre suffisamment et pour reprendre ma lecture. Je suis aidée dans cette affaire par l'ignorance bienvenue de Noestlinger. Je pensais qu'il allait m'agacer plus longtemps mais non, il reste silencieux, il s'occupe, il lit son bouquin qui m'a tout l'air d'être du genre que j'exècre : un roman. Alors je lis le mien également (Programme avancé de Sortilèges) sans faire attention à lui, sans même le regarder. J'alterne parfois ma lecture avec une observation pensive du paysage. Le paysage urbain a été remplacé par une triste campagne qui défile devant mes yeux sans s'attirer la moindre admiration de ma part. La campagne file et moi j'avance inexorablement vers un château qui me paraît si changé que je ne suis même pas certaine de vouloir y retourner.

Nyakane s'étire au-dessus de moi et finit par descendre sur la banquette. Lui et Zikomo entament une discussion, comme souvent. Je les observe faire puis retourne rapidement à mes affaires, n'ayant aucune envie de discuter ou d'écouter ce qu'ils ont à se dire. Mais j'entends quelques bribes et reconnais des prénoms, des noms de lieu et même des souvenirs : ils parlent de leur vie en Afrique, une vie dans laquelle je n'existe pas et n'existerai jamais. Encore une fois, je me demande s'ils aimeraient y retourner plutôt que de supporter le quotidien studieux d'une étudiante.

Sa voix bousille le semblant de tranquillité qui s'était installé. Je bats des paupières dans la direction de Noestlinger. Je ne comprends pas instantanément que c'est lui qui a parlé ; j'avais oublié qu'il en était capable, à vrai dire, tant son silence me convenait. Il me faut quelques secondes pour capter ses mots et leur donner une signification. La réaction est immédiate : mon coeur s'envole lorsque j'entends le prénom et le nom de la Serdaigle. C'est d'abord une grande peine qui s'ouvre dans mon corps avant qu'elle ne soit remplacée par un vide profond. Passe devant mes yeux le souvenir de Gaëlle Livingstone et de sa colère ; de ses yeux plissés qui m'observaient comme s'ils voulaient me perforer. Puis je me souviens de ce que je faisais le mercredi qui a suivi ma visite à Delnabo. Le mercredi 14 août à l'heure du thé je n'étais pas là où j'aurais dû être et je me demande encore aujourd'hui, plus de deux semaines après, si j'ai pris la bonne décision.

Je balaye mon trouble d'un froncement de sourcils. Évidemment que j'ai pris la bonne décision ! Que disait-elle, déjà, Celle-qui-m'a-abandonnée ? « Il faut mieux avoir quelqu'un à aimer ». Ouais, bah elle a tort, elle a tort, et qu'elle aille bien se faire—

« Pardon, Noestlinger ? »

Ma voix perfore mon brouillard de peine.
Je referme mon livre, un doigt entre les pages pour ne pas perdre le fil de ma lecture, et me redresse pour mieux le regarder. À côté de moi, Zikomo et Nyakane se sont tus et nous observe silencieusement. Ils savent très bien la tempête que vient de soulever le Serdaigle à la seule force de ses mots.

C'est quoi son problème ? De tous les sujets qu'il aurait pu aborder, il choisi celui-ci ? C'est une blague, une moquerie ? Il sait des choses et il joue avec moi ? Non, décidé-je en l'observant de mon regard tout sombre, il ne sait rien du tout et il essaie plutôt de... Et de faire quoi ? Je ne comprends même pas pourquoi il fait la discussion alors qu'on ne peut pas se sentir, lui et moi.

« Tu fous quoi, là ? dis-je sur un ton un peu trop colérique parce que je me souviens d'Elowen et d'autres choses, et que j'ai mal au coeur, mal à mes sentiments. T'essaies de faire la discussion ? Abstiens-toi, merci. »

Je me rencogne dans mon fauteuil et noie mon surplus d'émotions dans la campagne anglaise qui défile encore plus vite que les sentiments dans mon corps.

« On a dépassé le stade des discussions futiles enrobées d'hypocrisie, continué-je malgré tout en lui jetant un regard acide. Alors garde ta politesse pour toi. »

Il s'en sort plutôt bien. Il ne sait même pas ce qu'il vient de frôler en évoquant ce nom-là. Un peu plus et je lui balançais mon livre à la figure. Il s'en faudrait de peu pour que tout se mélange dans ma tête et que ma peine se transforme en colère, pour que je le désigne coupable de tous mes tourments alors qu'il ne fait qu'évoquer l'une des seules personnes qu'il peut rattacher à moi.

Que de douceur chez cette jeune personne.

06 sept. 2022, 21:12
Un dernier train pour Poudlard  PV 
Livingstone est aux dernières nouvelles la petite-amie de Bristyle. Pour ma question que j'ai tout de même réfléchi avant de poser, j'imagine deux types de réponse possibles : « C'est pas tes affaires, Noestlinger. T'as qu'à lui demander toi-même, pourquoi tu t'emmerdes à passer par moi ? » ou « Bien. Mais t'as pas besoin de faire la conversation, fiche-moi la paix. » avec chacune une probabilité d'environ cinquante pourcents : en somme, je m'attends à me faire envoyer balader en finalité mais possiblement avec une réponse entre deux. D'où le silence brisé après une heure de mutisme entre elle et moi -je ne sais pas ce qui la met de mauvaise humeur, mais s'il y a une chance d'adoucir l'atmosphère en imposant à elle l'image de sa petite-amie, ma stratégie n'est pas si mauvaise.

Évidemment, rien ne se passe comme prévu -comme d'habitude avec Bristyle, je ne sais même pas pourquoi je m'embête encore à anticiper la conversation. Elle se montre plus agressive que je l'avais imaginé : pourtant, j'avais déjà un dragon en tête dès le démarrage du train. Même ses deux compagnons sont soudainement silencieux. La tension a augmenté d'un cran -non, elle a tout simplement explosé. Bristyle semble véritablement en colère. Je m'enfonce un peu plus sur ma banquette, comme si celle-ci pouvait m'avaler et me cacher du courroux de l'adolescente. Hélas la fuite n'est pas possible. Je soutiens son regard comme je peux, regrettant déjà ma prise de parole.

Elle paraît en colère, mais n'explose pas. En revanche, elle me prête des intentions qui ne sont pas les miennes : non Bristyle, je n'ai pas envie non plus de converser avec toi sur ce trajet. Mais ce n'est pas la politesse qui me fait te parler -et encore moins l'hypocrisie, j'en suis de toute façon incapable. J'ai juste l'impression de me noyer dans ton humeur massacrante qui déborde de tout ton être. C'était une tentative de nous sortir tous les deux de là, de rendre le voyage un peu plus agréable. J'apprécie Livingstone : avant elle me laissait indifférent mais la culpabilité de l'avoir faite pleurer dans le passé sans jamais avoir eu l'opportunité de me rattraper a laissé place à une sorte d'inquiétude mêlée à une affection qui n'a rien à faire là.

Je ne réponds pas immédiatement. Il me faut un peu de temps pour remettre de l'ordre dans mes pensées, comprendre Bristyle qui est un mystère que je ne résoudrais peut-être jamais. Bien sûr, je ne trouve aucune logique dans sa réaction. Soit, nous voyagerons en silence si tel est ton souhait. Je dois cependant corriger quelques détails.

« Tu te méprends. Je me soucie réellement de... » Le sujet a l'air plus sensible qu'habituellement. « réellement d'elle. Et à raison, pour la gamine complètement perchée et traumatisée qu'elle est. Mais j'irai discuter avec elle directement à la rentrée. » Aussi désagréable que fut la fin de notre dernière rencontre, la conversation sera toujours plus simple qu'avec son impitoyable petite-amie.

Je n'ajoute rien de plus. J'aimerais dire qu'on clôt la conversation ici, mais je sais que je n'ai pas ce pouvoir : de nous deux, Bristyle est celle qui pose les règles. Je reprends l'observation des paysages, espérant qu'elle y comprenne mon désintérêt pour la poursuite de la discussion.

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Cette andouille de Lest ne voit pas qu'Aelle est triste, ça ne nous aide pas.
Dernière modification par Ada Noestlinger le 13 sept. 2022, 17:25, modifié 1 fois.

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11 sept. 2022, 12:43
Un dernier train pour Poudlard  PV 
Je lui lance un regard acide. Perchée et traumatisée. Quelque chose en moi remue à ces mots-là. « Elo est brisée », chuchote un souvenir dans le creux de ma conscience. L’accompagnent des mots sauvages, « croissance inversée », « trop dans sa bulle », « tu lui voles beaucoup de joie ». Le monstre s’ébroue dans mon corps et j’ai bien envie de le laisser sauter sur Noestlinger : une envie soudaine de protéger celle qui ne fait plus partie de ma vie. Arracher les mots méchants que le jeune homme a utilisés pour parler d’Elowen et les lui renvoyer au visage avec plus de force. Pourtant, je ne fais rien. Il n’y a aucun mensonge dans ses paroles, il ne fait que dire la vérité. C’est cela aussi qui m’arrache mon souffle, ainsi que sa détermination à aller la voir à la rentrée alors que moi je n’ai pas le droit de le faire. Et s’il me remplaçait ? Lui, ce garçon qui semble si bien la connaître pour la qualifier de perchée et de traumatisée. Et s’il se mettait à la fréquenter avec bien plus d'assiduité que moi, si c’est lui qu’elle allait désormais retrouver durant les pauses, avec lui qu’elle parlait des déboires de Chaussette, à lui qu’elle racontait toutes ses petites péripéties inintéressantes ? Et si Coelestin Noestlinger devenait le futur moi ? Il est un peu tordu, lui aussi, un peu bizarre, mais pas comme moi. Lui, il est rattaché au monde et est au moins capable de politesse. Et sa bizarrerie trouvera certainement résonance avec celle d’Elowen. Et si désormais, c’est vers lui qu’elle sautille, un grand sourire aux lèvres, ses cheveux roux qui voltigent autour de sa tête ; à son cou qu’elle saute ? Et si c'est sa bouche qui se pose sur la sienne et qui—

Non. Non non non. À mon tour de m’ébrouer : je secoue la tête et arrache mon regard du Serdaigle pour me plonger dans le paysage qui défile. Non, ça ne peut pas arriver, c’est impossible. Mais la peur est désormais ancrée en moi et de nouvelles tête apparaissent dans mon esprit : d’abord celle d’Eaven avec lequel elle traîne tout le temps ; leurs visages qui se rapprochent et les lèvres qui s’embrassent, mon coeur chute de quelques mètres. Puis Sildnir, évidemment, Sildnir avec sa jolie chevelure blonde, son visage de poupée, ses yeux profonds. Elles dorment peut-être déjà ensemble, il ne suffirait que de se pencher pour embrasser Elowen et... ; mon coeur dégringole à nouveau, violemment, il se prend toutes les parois de mon corps. Les autres visages suivent, ceux avec qui elle traîne. Des jeunes filles et des jeunes hommes, toutes maisons confondues et à chaque fois qu’un visage apparaît sous mes paupières pour remplacer le mien à ses côtés, mon coeur se fait un peu plus la malle.

Je sors de mon angoisse comme les tentacules du Calmar crèvent parfois la surface du lac : avec violence, en prenant une grande inspiration bruyante. À l’intérieur de mon corps, c’est la folie, ça remue dans tous les sens, avec mon ventre qui me fait mal et mes poumons compressés. La colère s’immisce dans mes veines, non pas brûlante mais froide comme un loch d’Écosse. Elle remplace le sang dans mes veines. Elle n’est même pas dirigée vers Noestlinger vers lequel je me tourne une nouvelle fois. Le garçon observe l’extérieur du train avec une grande attention et en attendant de trouver les mots que je vais lui asséner, j’observe son profil et ses belles boucles blondes. Je le trouve joli garçon et je le déteste encore plus pour cela, d’autant plus qu’il va discuter « directement avec elle à la rentrée ».

« T’as pas à t’inquiéter pour elle, dis-je d’une voix aussi froide que les pierres de Poudlard, le regard braqué sur la belle forme de ses mâchoires. Elowen peut très bien se débrouiller sans toi. »

Sans toi.
J’entends sans moi.
Elle peut très bien se débrouiller sans moi.

Mon coeur se serre. Heureusement, juste à côté de moi ça bouge. Zikomo se rapproche et sa queue touffue fouette à intervalle régulier ma jambe. Je tombe dans son regard tout fait d’or et cela apaise un peu ma douleur. Les griffes qui enfermaient coeur se desserrent légèrement.

Malgré moi, mes souvenirs en appellent à Gaëlle Livingstone et c’est comme si j’y étais encore, à Delnabo, face à cette mère qui m’assène des vérités comme elle me frapperait. Ça me fait souffrir.

13 sept. 2022, 21:57
Un dernier train pour Poudlard  PV 
Bien sûr, Bristyle ne comprend pas mon envie de silence. Je ne peux rien y redire, c'est moi qui ai engagé la conversation. Je serais de mauvaise foi si je râlais intérieurement sur sa mécompréhension des signaux que je lui renvoie. Sentir son regard sur ma silhouette est désagréable, presque dérangeant et me fait frissonner. J'ai l'impression d'avoir une paire d'yeux retraçant chaque trait de mon visage. Abandonnant la vue des paysages qui n'est plus si agréable, je lui renvoie son regard avec la même insistance, observant tantôt ses yeux noirs tantôt ses lèvres, de la même façon que ma mère le fait avec mon père pour le déstabiliser.

« Évidemment qu'elle peut se débrouiller sans moi. » dis-je calmement, les sourcils légèrement froncés par l'incompréhension. Je ne connais d'Elowen que ce que je vois et entends dans notre salle commune, et nos interactions ces cinq dernières années se comptent sur les doigts d'une main. Imaginer une seconde que je suis indispensable pour l'adolescente est étrange, même venant de Bristyle qui utilise rarement son intelligence à bon escient. Peut-être s'agit-il d'une sorte de possessivité de sa part -je l'imagine bien vouloir garder jalousement la Serdaigle toute pour elle, allant jusqu'à se méfier des simples connaissances. Heureusement, la sorcière m'a toujours semblé bien entourée -je n'ai à ma connaissance pas à me soucier d'un éventuel isolement social découlant d'une relation toxique. Pourquoi est-ce que je veux protéger Livingstone, je n'en sais fichtrement rien mais j'ai toujours une lourde peine sur mon cœur depuis que je l'ai faite pleurer. Un jour, je me rattraperai et saurai lui tendre la main.

Mais d'abord, le cas Bristyle. Elle non plus je ne la comprends pas, mais je n'ai pas envie de l'aider. Si elle m'intriguait il y a quelques années, je vois désormais en elle une cause perdue -un animal sauvage prêt à mordre n'importe quelle personne amicale et moi je tiens à mes doigts. Ironiquement, c'est aussi avec elle que j'effectue mon dernier voyage en direction de Poudlard, et c'est quelque chose avec lequel on doit apparemment composer.

« Tu sais Bristyle, il n'y a pas besoin d'occuper une place spécifique dans la vie de quelqu'un pour avoir le droit de s'inquiéter pour la personne. » Je sens déjà venir le « Mêle-toi de tes affaires, personne te demande de t'occuper de la vie des autres » qui menace de me tomber dessus, mais continue tout de même : « Savoir qu'une personne va mal, ça peut être suffisant pour lui tendre la main ou vouloir s'enquérir de son état. »

♦ Étudiant.e à l'IMSM - #b45f06
Appelez-moi Ada ou Lest ! ♦

18 sept. 2022, 12:26
Un dernier train pour Poudlard  PV 
TW : violence (imaginaire mais violence tout de même)


L’espoir qu’il ait compris et qu’il ne s’approche pas d’Elowen ne dure pas. Oui, elle peut se débrouiller sans toi, tu n’as pas besoin d’aller la voir, de lui parler, pas besoin de t’inquiéter pour elle, de penser à elle ni même de la regarder. Surtout pas. Ne parle pas d’elle. N’évoque pas son souvenir. Je ne vais pas le supporter. Alors arrête. Et je pensais réellement qu’il allait le faire, qu’il avait compris.

Ses paroles tombent comme des couperets.

Pas besoin d’occuper une place spécifique dans la vie de quelqu’un pour avoir le droit de s’inquiéter pour cette personne
Est-ce que cela signifie que je peux m’inquiéter pour elle même si elle et moi ne sommes plus rien ? J’ai le droit de penser à elle de vouloir la protéger, c’est ça que tu es en train de dire ? Je me sens coupable et très honteuse de prendre cette phrase comme un assentiment : oui Aelle, oui tu as le droit de la protéger. Le problème c’est que ces mots viennent de Coelestin Noestlinger et que Coelestin Noestlinger est un chieur insupportable.

Savoir qu’une personne va mal c’est suffisant pour lui tendre la main
L’inquiétude, encore : il pense qu’elle a besoin de réconfort, il va aller la voir, c’est certain, la rassurer, la remettre sur pied, il va me remplacer, il va l’aimer. Elle l’aimera. Et moi alors ? Qu’est-ce que je deviendrais ?

Mais de toute façon, je m’en fous, n’est-ce pas ? Je cherche la réponse dans le paysage qui défile sous mes yeux écarquillés d’émotions. Je m’en contrefous de sa vie et de ses relations, n’est-ce pas ? J’ai pris une décision, j’en ai conscience alors maintenant je dois agir en conséquence.

Il y a tout un océan dans mon corps. Un océan dont les vagues frappent contre les parois de mon être. C’est d’une violence inouïe, chaque mouvement de l’eau me fragilise et aggrave la tempête qui sévit déjà. J'essaie de me concentrer sur le paysage pour tenter de calmer l’océan tumultueux. Mais à l’orée de mon regard préexiste encore ce garçon aux jolies boucles et au regard qui dérange. Résonnent encore ses paroles dans mon crâne, comme si elles étaient destinées à me frapper encore et encore à chaque fois que je me les remémore, jusqu’à ce que je me fracasse par terre pour ne plus me relever.

Mes yeux grands ouverts, mon souffle qui trébuche, mes poing serré à m’en faire éclater les phalanges qui repose sur la table. Je me réfugie dans ma tête, dans ce monde où tout existe sans réellement exister. Je me vois me tourner de moitié vers la fenêtre, serrer mon poing encore plus fort, le fracasser contre la vitre. Une fois, deux fois, trois fois, toujours plus fort, la douleur qui remonte dans le bras et qui apaise la houle de mes émotions. L’odeur du sang, la fatigue dans les muscles, l’air épouvanté de Noestlinger et le calme qui m’envahit peu à peu. Je me raccroche de toutes mes forces à cette vision jusqu’à être capable de me tourner vers ledit garçon. Pendant une fraction de seconde, sa tête remplace la vitre et je sais de source sûre que mes tourments s’apaiseraient si je mettais à exécution mes petits scénarios imaginaires.

Une inspiration, deux inspirations, les yeux plantés dans les siens. Ou du moins plantés sur son visage. Les émotions débordent totalement de moi, ce n’est ni de la colère ni de la peine, c’est juste un trop plein de tout, de ce train, de ce putain de château qui approche, de la directrice qui est trop jeune, trop Poufsouffle, trop Elina Montmort pour son propre bien, et c’est également le creux qui perfore mon coeur, juste là, un trou minuscule qui parait faire des kilomètres de long et qui avale absolument tout. J’ai un trou noir dans le coeur, en fait, et je crois que je fais finir par disparaître à l’intérieur, ce qui me plairait plus qu’être ici.

« Elle ne va pas mal, » dis-je lentement, laborieusement, mais d’une voix si dure que rien ne transparaît.

Évidemment qu’elle va mal. Je le sais parce que sa mère me l’a dit. Je le sais mais je sais aussi que c’est Elowen, qu’elle est entourée et trop immature pour s’arrêter à cette douleur. Elle va vire, rire, monter des projets sans logique et sans utilité, elle avancera mieux que moi dans sa petite vie violette et pleine de paillettes. Elle m’oubliera parce que je n’ai jamais compté.

« Au contraire, même. »

Puisque je ne fais plus partie de sa vie.
Puisque je ferai tout pour que Noestlinger n’en fasse pas partie non plus.

« Alors garde ta main pour toi, elle te sera bien plus utile à toi qu’à elle. »

Mon regard ne se détourne pas. Deux yeux luisant de trop d’émotions qui s'agrippent à sa petite tête blonde que je rêve de fracasser pour apaiser mes tourments. Je pensais n’en avoir rien à faire de lui, je le considérais comme un Autre un peu agaçant, le genre qui pourrait être intéressant si seulement il était capable de la fermer. Un Autre qui ne sait pas réfléchir et qui vole les affaires des autres quand ça l’arrange. Un autre gâché, finalement. Mais aujourd’hui, j’ai bien peur de le détester, tout simplement parce qu’il me sort de grandes vérités et qu’il me fait me sentir pitoyable.