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05 sept. 2022, 21:19
 PV  L'algue alpague
Jeudi 5 septembre 2047,
Grande Salle, 8h05
Avec @Aelle Bristyle


Il est tôt, je traîne encore dans mon lit, attendant le dernier moment pour sortir de mes draps. Je n'ai pas cours ce matin-là mais il faut tout de même que je me lève sinon je risque de rater le petit-déjeuner. Sildnir a dormi avec moi cette nuit. Depuis mon retour de Poudlard, elle ne me quitte plus. Nous nous sommes écrit tout l'été, et puis nous nous sommes même vues quelques fois. Grâce à la générosité de Miss MontagneMorte1, à qui j'ai envoyé une lettre chargée d'émotion pour la supplier de me laisser voir ma petite sœur de cœur, nous avons passé quelques après-midi à Pré-Au-Lard, chaperonnées. Malgré ça, les vacances ont été longues pour mon amie, qui a passé le plus clair de son temps seule, à tenter de s'occuper à la bibliothèque, à sympathiser avec les elfes de maison, à essayer de retrouver ses souvenirs, à perfectionner son anglais. Elle sait qu'il lui reste encore les vacances de l'été prochain, durant lesquelles elle devra subir le même sort. Alors, toute la nuit, elle m'a supplié de lui ramener un animal lors de ma prochaine expédition au Chemin de Traverse. J'ai fini par céder, et nous nous sommes endormies ainsi, dans les bras l'une de l'autre.

A l'instant même où j'écarquille les pupilles, environ cinq étages plus bas, Maïwenn, la petite chouette familiale, fait irruption dans la Grande Salle. Elle tient entre ses serres une missive entourée d'un ruban jaune et noir. La créature ailée plane au-dessus de la table des Poufsouffle, à la recherche de la destinataire de son courrier. Son nom : Aelle Bristyle.

Du haut de ma tour, j'affiche un sourire satisfait en contemplant le paysage avant de reporter mon attention sur mon chat affamé.

Bonjour ? :eyes: Euh... Surprise ? C'est à dire que... J'ai pas résisté !
Et le titre n'a rien à voir mais on va dire qu'il est bien trouvé, ok ? Cinq chocogrenouilles :chocogrenouille: que t'arrives pas à le dire 5 fois très vite !

1. Elina Montmort

Mentionnée dans le RP : @Elina Montmort

7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME

05 sept. 2022, 22:09
 PV  L'algue alpague
5 septembre 2047
Grande Salle — Poudlard
7ème année



Coude posé sur la table, poing qui soutient ma tête, joue écrasée contre mes phalanges. Je passe la Grande Salle au peigne fin, je scrute, j'observe. Quoi ? Pas grand chose. Je regarde les visages, je réapprends à reconnaître mes camarades. Je grimace en tombant sur la face d'erkling de ce poltron de Dimitri Jones et me surprends à vouloir qu'Aodren soit encore là pour lui dévisser la tête.

Je connais bon nombre des têtes qui m'entourent même si je suis incapable de décliner leur identité. Il y a ceux qui me suivent depuis des années, que je vois tous les jours en classe, et ceux que je ne croise que dans les couloirs, qui font partie du paysage au même titre que les pierres. Puis il y a les plus connus, ceux que je n'aime pas, ceux qui me lancent des regards un peu sombres quand ils croisent le mien, qui ne font pas plus attention à moi que je fais attention à eux. Plus rares sont les visages sur lesquels je m'arrête. Des personnes avec lesquelles j'ai déjà parlé et qui me rappellent de mauvais souvenirs ou des meilleurs, parfois. Rarement. J'ai cru apercevoir Gabryel à la table des Rouges et je m'en suis voulu de ne pas avoir le courage de le rejoindre.

Je ne sais pas pourquoi je perds mon temps à regarder ces simulacres de camarade. Ils sont bien présents, physiques, palpables mais ils ne m'inspirent rien d'autre que du vide ; quand je les vois, j'ai envie de crier. Mais les voir me permet de ne pas me concentrer sur autre chose, sur des fauteuils qui n'accueillent pas les bonnes fesses par exemple.

Elle arrive en même temps que tous les autres. Petite chouette au beau pelage. Mon coeur s'effondre dans mon assiette quand je la reconnais. *Non non non non*, grincent mes pensées. Mais qu'importe leur litanie ? Maïwenn fait ce qu'elle a à faire et je me retrouve en possession d'un courrier qui pèse une tonne dans mes mains, presqu'aussi lourd que la boule qui ne quitte plus ma gorge. Tous mes sens se mélangent, j'ai la tête qui tourne. Ce n'est pas la fatigue, c'est à cause de l'afflux d'émotions. J'ai envie que tout s'arrête maintenant. Pourtant, j'enlève le ruban et déroule le parchemin.

J'ai un unique prénom en tête : Gaëlle. Gaëlle, parce que l'appeler Livingstone me ferait trop bizarre, parce que j'ai besoin de la différencier de sa fille. J'ai rêvé de Gaëlle, cet été. J'ai rêvé d'elle comme d'une chimère malfaisante. Son souvenir m'effraie.

@Elowen Livingstone : j'attends mes chocogrenouilles, je les exige, même.

06 sept. 2022, 09:13
 PV  L'algue alpague
Maïwenn se pose sur la table, chose peu commune pour une chouette, elle semble attendre quelque chose. Quelque chose qui ne vient pas. Alors, la petite chouette pas très bien dressée plonge le bec dans l'assiette d'Aelle.

La lettre qu'elle portait est assez courte. Rédigé sur un parchemin brun clair, le texte est dans une orthographe impeccable. Petite, je me surprenais à essayer de recopier cette écriture et j'ai vite abandonné quand j'ai découvert qu'écrire de la sorte incluait forcément de ne plus faire de fautes. Je préfère avoir ma calligraphie bien à moi pour pouvoir me permettre quelques rares erreurs.

Aelle,

Bonjour. Comment vas-tu ? Comment vis-tu ce retour à Poudlard, pour ta dernière année ? Est-ce que tu as hâte de commencer tes études ensuite ?

Tu n'es jamais venue prendre le thé à la maison. Je suppose que tu avais tes raisons, il n'y a aucun problème. C'est ta décision, et je respecte ta décision. Puis-je seulement te demander ce qui t'a fait faire ce choix, le pourquoi ?

Parce que je suppose - peut-être à tort, mais vois-tu, au moins je ne dis pas "parce que je sais", car je ne sais rien - que tu n'as pas eu de nouvelles d'Elo et que cela te fait bizarre, sache qu'elle va bien. Elle a été triste une bonne partie de l'été, elle espérait une lettre ou une visite incluant des excuses, mais elle a fini par s'en remettre. Nous avons reçu son bulletin, elle a passé ses BUSE, elle est entrée en sixième année. Je sais que tu y es pour quelque chose, alors merci.

Maintenant, dis-moi.... Quelles responsabilités vas-tu prendre en main et assumer cette année ? Te couper du monde pour te protéger et être seule, ou faire des efforts avec les autres - parce que c'est donnant donnant - et avoir un ou des proches qui pourront compter sur toi, et sur qui tu pourras compter ? As-tu prévu de sortir un peu ? Elo m'a parlé des fêtes de la SSP je crois ? Dans la Salle sur Demande. Je ne suis pas sûre que ce soit ton genre, mais sait-on jamais ?

Aelle, tu l'interprètes comme tu veux, tu en fais ce que tu veux, mais sache que je te tends la main.

Passe une bonne rentrée, sois studieuse, sois fière de toi, et surtout, profite. Car tu ne reviendras jamais dans ce château. Crées-y des souvenirs merveilleux. Les miens m'apportent toujours beaucoup de félicité quand j'y repense.

Amicalement,

Gaëlle Living.

Tout en haut de la tour Ouest, j'enfile mon uniforme, clipe mon badge de préfète Ventoulpe au niveau de la poitrine, et puis je file sous la douche. J'enlève mes vêtements, me savonne, puis les enfile à nouveau. Ca me fatigue de toujours faire les choses dans le désordre !

Rien, Hada, tu n'auras rien de moi, tu as raté je ne veux rien entendre.

7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME

06 sept. 2022, 16:12
 PV  L'algue alpague
J'ai l'impression de ne plus rien contrôler. Je n'ai pas choisi de recevoir ce courrier, pas choisi de l'ouvrir ; ça s'est fait, c'est tout. J'ai agi, forcée par l’incongruité de la situation. J'étouffe dans mon propre corps mais le parchemin est insensible à mes tourments, il me délivre son message.

Mes yeux dégringolent sur la signature et mon cœur se serre. C’est elle, bien sûr. Une mère qui se prend pour la mienne. J’apprends dans la foulée que son nom de famille n’est pas celui que je pensais — tant mieux, voilà une nouvelle manière de la nommer. Gaëlle sonnait un peu trop intime pour moi.

Je parcoure une première fois le contenu du courrier, puis une deuxième fois plus lentement. J’ai du mal à comprendre l’intérêt de ces mots, les raisons qui se cachent derrière. À quel moment cette femme a songé à m’envoyer un courrier à moi qui ne suis ni sa fille ni rien d’autre, qui a mal traité son enfant, qui a cassé la porte de sa maison ? Cette femme qui déjà, par une fois, m’a protégée alors que rien ne l’y forçait. Je ne comprends pas ce qu’elle me veut.

Je vais le lui dire. Lui dire de me lâcher, qu’elle n’est pas ma mère, qu’elle n’a rien à me dire, surtout pas à me faire la leçon comme elle l’a fait en face et comme elle le refait dans son courrier. Elle n'a pas le droit de me dire des choses sur ce ton-là, parler comme papa pourrait le faire.

Et papa, où est sa lettre, hein ? Pourquoi c’est cette femme qui me demande comment je vais, qui me parle de mes projets d’avenir ? Pourquoi c’est cette inconnue alors que je n’ai rien de maman, rien de papa, rien de ma directrice, putain. Pourquoi se soucie-t-elle de moi ? C’est une farce, c’est obligé. Ou alors elle s’emmerde dans sa petite vie bien rangée et elle a décidé de porter secours à cette gamine qui a aimé sa fille et qu’elle pense devoir sauver. Ouais, bah moi on a déjà essayé de me sauver, on m’a déjà clairement utilisé pour aller mieux, pour avancer, pour se pardonner, alors je n’ai pas envie que ça recommence. En plus, la Living, elle a plein de gosses, elle ne manque pas de jeunes âmes en besoin d’elle, n’est-ce pas ? Elle peut les accompagner, les soutenir, les aider, alors pourquoi aurait-elle besoin de s’occuper de moi aussi ?

Toutes ces pensées se mélangent dans ma tête, elles s'entortillent si bien que je ne sais plus où donner de la tête. Alors je relis la lettre et je remarque que mon coeur sursaute dès que le prénom d'Elowen est évoqué. Je reçois vivement les nouvelles que l'on me donne d'elle, les intègre goulument, comme une affamée. Elle a fini par s'en remettre, est-il écrit. Je souffre de voir ces mots, je souffre de l'imaginer bien plus légère maintenant que je ne suis plus dans sa vie. Après tout, Living n'a-t-elle pas dit que je ne la rendais pas heureuse ? Et mon tour, quand arrivera-t-il, quand m'en remettrais-je ? Mes pensées me mettent une claque : j'ai déjà réussi, moi, je ne souffre pas !

J’éprouve la vie avec une trop grande force ces derniers temps. Jours, mois, années ; depuis quand ? La souffrance n'a plus tellement de date. Si bien que parfois j’ai l’impression de ne pas pouvoir retrouver le chemin de la surface. Je vais finir par me noyer, c’est certain.

En attendant, j’ai ce parchemin sous les yeux. Que faire ? Le brûler ou répondre ? À moins que je ne l'abandonne dans un coin en me persuadant que jamais il n'a existé.

Mauvaise joueuse.

18 sept. 2022, 11:31
 PV  L'algue alpague
Sildnir est déjà en bas, dans la Grande Salle, à m'attendre en comptant les bougies au plafond. Elle m'a dit qu'elle a redécouvert un de ses souvenirs, à propos d'un pouvoir ou quelque chose comme ça, et elle aimerait que je l'aide à s'en rappeler mieux, en lui posant des questions, en faisant sa secrétaire et notant tout ce qu'elle me dira pour ne surtout pas l'oublier. On garde tous ses souvenirs dans un joli carnet bleu qu'elle relit plusieurs fois par semaine, pour les réintégrer à son histoire, pour se donner l'impression qu'elle a vraiment vécu ça, qu'il s'agit de son histoire à elle.

Quand je suis prête, je sors de la salle commune et tire la langue à la porte d'entrée. La veille, je n'ai pas réussi à résoudre l'énigme et n'ai donc pas pu rentrer dans ma maison pendant de longues minutes. Je sais que ce geste va me coûter, et que j'aurai encore moins de chance d'entrer la prochaine fois, mais tant pis, je trouverai quelqu'un pour m'ouvrir la porte et puis voilà.

Je grimpe sur la rampe d'escalier et descends de cette façon, sur mon tobogan personnel. Malheureusement, les escaliers se jouent de moi, je leur demande de descendre et ils me laissent, coincée, au palier du troisième étage. Fichue école qui bouge et qui pense... J'arrive enfin dans la salle du petit-déjeuner, et je la balaie du regard. Je croise des gens de la Bande, des camarades de classe, mes copines de dortoir, je distingue Aelle, mon cœur se serre, et je pars en direction d'une chevelure blanche que j'ai aperçue sur l'estrade. Mince, mais que fait ma sœur de cœur à la table des professeurs ? Je m'approche, curieuse, avant de découvrir que la personne vers qui je marche n'est autre que Miss Montagne-Morte. Décidément, c'est la deuxième fois que je pense à elle ce matin-là ! Abusé ! Un nouveau tour de l'endroit et cette fois-ci je vois Sildnir, hilare, qui a totalement compris la situation. Je vais dans sa direction, ravie de la voir éclater de rire, et la salue.

« Miss Directrice, auriez-vous un instant à m'accorder ? »

Potentielle fin de la partie 1 de mon côté ? Comme tu veux ! Si on fait une partie 2, on peut l'écrire à la suite je pense. Bisou ! :P

7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME

18 sept. 2022, 12:48
 PV  L'algue alpague
Dimanche 8 septembre 2047
Quelque part, sans doute son dortoir



J'ai réussi à me persuader que ce parchemin n'avait jamais existé durant quelques jours seulement. Puis le souvenir m'est violemment revenu, accompagné de la nécessité de rédiger une réponse pour dégueuler toutes les réponses que j'ai déjà en tête.

J'aurais sans doute pu bien prendre certaines parties de son courrier... J'aurais pu si seulement il n'y avait pas eu ce ton condescendant. Celui qui me fait crisper les mâchoires lorsque j'y pense, celui qui n'a pas lieu d'être : je te tends la main, profite, Quelles responsabilités vas-tu prendre en main ? Elle se permet des questions qu'elle n'a pas le droit de poser. Qui est-elle, cette femme ? Ce n'est qu'une mère, même pas la mienne, qui se croit le devoir de me poser toutes ces questions juste parce qu'elle a besoin de se sentir importante. Une femme qui ose s'immiscer dans ma vie avec ses grandes paroles et sa grande mission mais je n'ai pas besoin d'elle, je ne veux pas d'elle ! Je me fiche de ses jolies phrases, je me fiche que certaines questions aient réchauffé mon coeur, je me fiche avoir apprécié, l'espace d'une seconde, l'idée qu'une personne sur cette putain de terre s'inquiète pour moi. Je m'en fiche, d'accord ? Je ne veux pas d'une nouvelle personne à qui rendre des comptes. Il n'y a rien qui va, dans cette affaire, rien du tout !

Je ne lui dois rien.
C'est l'idée qui me hante alors que je déroule un parchemin vierge pour lui répondre. Je ne lui dois rien, je n'ai pas à répondre à ses questions ni même à son hibou d'ailleurs. Elle n'a pas à savoir ce qui se passe dans ma tête, pas à savoir ce que j'ai prévu pour la suite. La seule chose que j'apprécie dans son courrier, ce sont les nouvelles de sa filles qu'elle me donne. Comme si elle savait que j'avais besoin de savoir ces choses-là.

Gaëlle Living s'attire ma colère parce qu'elle pose toujours son doigt là où il ne faut pas, elle gratte la crasse exactement là où elle doit le faire, sans même le savoir. Ou alors elle le sait et elle prend plaisir à me torturer ?
Madame,

Je ne sais pas pourquoi vous pensez avoir le devoir de m'écrire après ce qu'il s'est passé cet été. Attendez-vous des excuses ? Des remerciements pour la protection que vous avez cru bon m'offrir dans le courrier que vous avez adressé à mes parents ? Je n'ai pas à vous la donner puisque vous avez fait ce geste gratuitement, sans ne rien à attendre en retour. Aussi, je n'ai aucune idée de ce à quoi vous jouez mais je vous l'assure : je n'ai ni besoin de votre aide ni besoin de votre inquiétude, si tant est qu'elle soit sincère.

Je suis une sorcière majeure en pleine possession de ses moyens. Si j'ai envie d'expliquer à quelqu'un comment je vis ma dernière année et mon retour au château, j'écrirai à ma famille. Je n'en manque pas, soyez rassurée : quatre frères, deux parents. Vous voyez, j'ai de quoi faire.
Mensonge.
Mensonge.
Il n'y a que Narym qui m'a écrit cette année. Tous les autres ont gardé le silence, sans doute trop rancuniers pour écrire à cette fille (leur sœur ! leur fille !) qui a passé l'été à les maltraiter.
Quant à la décision que j'ai prise cet été, ne pouvez-vous pas seulement vous réjouir ? Je ne fais plus partie de la vie de votre fille, je ne lui vole plus sa joie. Réjouissez-vous.

Je ne sais pas pourquoi vous croyez nécessaire de me venir en aide, peut-être que vous êtes persuadée que mes choix et mes actions sont un appel à l'aide : dans ce cas, vous avez tort. Ma vie m'apporte tout le bonheur dont j'ai besoin alors ne perdez plus votre temps à rédiger des courriers qui ne vous apporteront pas grand chose.

Aelle Bristyle
Je signe un peu trop rageusement le courrier, le coeur lourd des mensonges que je viens de proférer mais fière d'avoir dit à cette femme ce qu'elle méritait d'entendre. J'en ai assez que l'on se croit obligé de m'aider, de me sauver ou je ne sais quoi d'autre. Je ne sais pas ce dont j'ai besoin pour me départir du trou que j'ai dans le coeur et de la boule qui m'obstrue la gorge depuis des semaines, mais certainement pas d'une fausse relation épistolaire motivée par le seul besoin de se sentir utile.

En envoyant le courrier soigneusement scellé grâce à une chouette de l'école, une idée persistante s'impose à moi : si les paroles de cette femme comportent une once de sincérité, elle ne s'arrêtera pas aux venins de mes mots et continuera d'insister, peu importe combien de fois je la repousse. Mais de toute façon, à quoi cela sert-il d'espérer ? J'ai déjà été utilisée par des femmes de son âge. Je sais que les grandes paroles ne sont jamais sincères.

28 sept. 2022, 18:57
 PV  L'algue alpague
28 septembre 2047,


Je connais ma mère. Si j'étais au courant de la situation, je pourrais aisément décrire sa réaction, quand elle a reçu la lettre de réponse. Elle a souri, elle l'a repliée soigneusement et a l'a rangée dans sa commode, précisément dans le tiroir le plus bas - c'est là qu'elle stocke ses petites culottes. Et puis, elle est allée arroser ses plantes, pour réfléchir. Ce faisant, elle a pris la décision de ne pas répondre de suite, parce que ça n'aurait servi à rien, Aelle n'est toujours pas apaisée, elle ne comprend pas, il faut lui laisser le temps de digérer les choses.

Et puis, par un beau matin de pluie, je supposerais qu'elle est retournée arroser ses plantes, qu'elle est allée vérifier si Ethan dormait profondément, et qu'elle a fini par se poser, à son bureau, qu'elle s'est installée de sorte à se tenir aussi droite qu'une Moldue, et elle a sorti un stylo quatre couleurs. Elle sent bien cet instant, l'heure est venue de répondre à l'impertinente.

Aelle,

T'ai-je réclamé des excuses ? L'as-tu lu quelque part ? J'aimerais s'il-te-plaît que tu aies l'amabilité de me penser assez franche pour te dire les choses, si tant est que j'attende quelque chose de toi. J'ai beaucoup de défauts, j'en conviens - tout comme toi tu as beaucoup de défauts -, mais fort heureusement pour nous tous le fait de taire les choses n'en fait pas partie. Les questions que je t'ai posées sont les suivantes : comment vas-tu, que penses-tu de Poudlard, qu'envisages-tu pour la suite, pourquoi n'est-tu pas venue prendre le thé, et enfin comptes-tu participer aux soirées de la SPP. Pour le reste, je ne demande rien de plus. Tu as choisi de ne pas y répondre, soit.

A Delnabo, tout se passe bien. Je poursuis mon travail de journaliste chez L'Ere des Anciens, un magazine d'histoire sorcière qui retrace le parcours de grandes personnes, qui ont changé les choses pour notre communauté - en bien ou en mal - venus des quatre coins du monde. Ce mois-ci nous mettons à l'honneur une femme impressionnante, Mme d'Arc, une française qui a su bouleverser les codes en guidant, à l'aide de techniques divinatoires et de son apprentissage très poussé des sortilèges de protection et de dissimulation, une armée entière vers la victoire. Vêtue comme un homme, elle a su se faire un nom et être écoutée, à une époque où les femmes n'étaient que des lavandières. Son histoire me fascine. Je te joins l'article en avant-première, merci de ne pas le divulguer. Tu me diras ce que tu auras pensé de sa vie ? Ça n'a rien à voir avec ton histoire, ni même avec notre conversation, je te joins juste une information passionnante.

Aelle, tu n'appelles pas à l'aide, tu fonces droit dans un mur, permets-moi d'être honnête avec toi. Et je ne suis pas là pour t'en empêcher, vis ta vie, tu verras par toi-même. Après tout, tu dois faire tes expériences, apprendre seule, te planter, je sais très bien que tu ne suivras aucun conseil que quiconque pourra te donner. Je n'essaie pas de te soutenir, ou je ne sais quoi d'autre. Je te parle, c'est tout. Et tu sais que, si un jour tu as besoin de conseils, je suis là.

Le monde est vaste. Croire qu'on peut le maîtriser est la plus grosse erreur que l'on puisse faire. D'autres s'y sont risqués, notre chère Ursula Parkinson par exemple, et tous ont échoué. Parce qu'il n'est pas possible d'imposer un avis général, des gens seront toujours là pour aller contre toi. Quoi que tu fasses, quel que soit le nombre de soutiens que tu auras, on te mettra des bâtons dans les roues, et plus tu essaieras de contraindre l'opposition, plus elle se dressera. Plus tu essaieras de créer un terrain d'entente, plus tu seras respectée et tu seras vue comme une femme forte. Ursula Parkinson n'était pas forte : c'était une dictatrice. Son idéologie, sans doute bien fondée selon elle, et sa façon d'imposer les choses, l'ont conduite à sa perte. Donc, tu ne peux pas contrôler le monde. Parce que tu as plus à y perdre qu'à y gagner. Parce que chaque culture vient avec son lot d'exigences, et que loger tout le monde à la même enseigne est tout bonnement infaisable. Et parce que tout le monde a assez de problèmes à gérer, personne n'a envie de commencer une guerre contre toi, franchement, épargne-nous.

Tu connais le mythe de Dédale et Icare ? Lis-le s'il te plaît. Tu peux voir ça comme un travail que je te donne. Je préfère dire que j'alimente ta culture, que je te donne de la matière à étudier pour satisfaire ta soif d'apprendre.

Donc, comment vas-tu, Aelle ? Tu sais, j'ai neuf enfants, il n'empêche que j'aime te parler, et que j'ai le droit de le faire. Tu n'es pas ma famille, tu n'es pas ma fille comme je te l'ai déjà dit, et je n'envisage pas cette relation avec toi. Tu as des nouvelles de ta famille : c'est une excellente chose. Maintenant tu auras aussi des nouvelles de moi.

Bon début d'année jeune sorcière, l'avenir te réserve de belles choses. N'oublie pas de t'entourer, au final, ce sont nos proches qui nous permettent d'accomplir notre destinée. Et, sur ton lit de mort, ce seront tes proches desquels tu te souviendras. Ce que tu auras accompli n'aura plus aucune importance, ni pour toi, ni pour le reste du monde, et encore moins pour tes proches. Seuls les souvenirs communs demeurent.

Magiquement, amicalement,

Gaëlle

7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME

22 oct. 2022, 11:26
 PV  L'algue alpague
Je ne l'attendais pas.
Non, rectification : je ne l'attendais plus.

Après une semaine d'attente... Il m'a fallut ce temps-là pour nommer cela de l'attente et cesser de croire que j'avais tiré un trait définitif sur mes échanges avec Gaëlle Living. Après une semaine d'attente, donc, j'ai commencé à devenir impatiente : n'allait-elle donc jamais me répondre ? Etait-elle comme toutes ces personnes ennuyantes et insupportables qui sont incapables d'entendre une vérité sans se vexer ? Une petite voix pourtant ne cessait de me rappeler que j'étais à l'origine de sa non-réponse ; n'était-ce pas ce que je souhaitais, être tranquille, ne plus recevoir de réprimandes de la part d'une femme avec laquelle je ne partage aucun gène, la mère de mon ex-copine, qui plus est ? N'est-ce pas exactement pour cela que j'ai été si vindicative dans la dernière lettre que je lui ai écrite ? Je n'en attendais pas moins son hibou chaque matin, à la fois persuadée qu'elle n'allait pas lâcher l'affaire et certaine que mon espoir n'était que le résultat de ma profonde bêtise.

Le matin de l'arrivée du hibou, un samedi presque comme les autres pour lequel j'avais prévu un programme de révision chargé ainsi qu'une promenade avec Zikomo dans le parc, le sentiment d'étonnement étouffant et de joie qui m'a envahi lorsque l'animal s'est posé devant moi m'a fait tellement honte que j'ai pris la décision de ne pas lire le courrier de Living puisque j'étais déjà fort occupée. J'ai travaillé et j'ai hanté la bibliothèque jusque si tard que j'en ai oublié Zikomo ; il ne m'en a pas voulu mais a souhaité passer un morceau de soirée avec moi. Nous avons erré dans les couloirs afin de nous imprégner de l'ambiance si particulière qui règne à Poudlard tout en discutant des choses et autres de la vie.

Ce n'est que tard dans la nuit que le souvenir du courrier revient me hanter. J'ai beau me tourner et me retourner dans mes draps, impossible de trouver le sommeil. Je m'extirpe silencieusement du lit sans réveiller les Messagers des rêves endormis. J'attrape la lettre fourrée plus tôt dans la poche de ma cape et rejoins silencieusement le petit salon en quête de tranquillité. Je m'affale dans un canapé. Les crépitements discrets des flammes et la danse des ombres rougeoyantes sur les murs me bercent et apaisent l'angoisse qui sourde dans mon ventre.

Quel étrange moment que celui-ci ! Lire les mots d'une inconnue qui s'adressent à moi, spécifiquement à moi. Je ne comprends toujours pas son intérêt, qu'est-ce qu'elle gagne à faire ça ? Un malaise m'envahit dès les premières lignes. Le genre qui donne chaud et qui touille mes émotions, si bien que je ne sais plus si je ressens de la colère, de la tristesse ou de la honte. Je me sens mieux dès lors qu'elle ne parle plus de moi et qu'elle enchaîne sur sa propre vie qu'elle me raconte avec une aisance étonnante — comme si elle était absolument persuadée que cela allait m'intéresser. Cela ne me passionne pas mais intéressée je le suis bien malgré moi. J'en apprends plus sur la mère d'Elowen qu'en plus d'un an de relation avec sa fille. Journaliste, je savais qu'elle l'était et je n'ignorais pas non plus le genre d'articles qu'elle écrivait mais jamais je n'ai pris la peine de me renseigner davantage. Pourquoi l'aurais-je fait ? Pourtant, L’Ère des Anciens est typiquement le genre de magazine que je peux lire (et que j'ai lu) — les rares fois où je m'autorise une lecture moins sérieuse que celle de mes gros et anciens grimoires.

Sans trop d'espoir, je feuillette les différentes pages qui composent le courrier, peinant à croire qu'elle m'a réellement partagé son œuvre avant publication. La surprise m'achève lorsque je me rends compte qu'elle l'a réellement fait. L'article est là, dans mes mains. Je le parcoure avant même d'en avoir terminé avec la lettre et je m'étonne de trouver dans celui-ci des propos rondement bien écrits et surtout des faits intéressants dont je n'avais aucune idée avant ça. Pour la première fois depuis que je la connais, je dissocie la mère de la femme. Et lorsque je reprends la lecture de sa lettre, j'entends dans ma tête la fois de la journaliste et non celle de la mère de ma copine qui me parle.

Malheureusement, elle gâche tout.
Morale.
Grandes phrases clichées.
Conseils déplacés. « N'oublie pas de t'entourer » m'a-t-elle dit. Je me demande si je devrais lui dire qu'une femme sombre m'a un jour donné un conseil semblable et que j'ai pris soin de ne pas le respecter.
Tout y est. Elle joue encore à la maman. Sauf qu'une mère, j'en ai déjà une et que même celle-ci ne s'est jamais permis de me dire toutes ces choses. À mon âge, je n'ai pas besoin que l'on me fasse la morale. Qu'est-ce qu'elle en sait, cette femme, que je fonce dans un mur ? Parce que je choisi un chemin qu'elle désapprouve, que tous désapprouvent, même celle qui emprunte le même, cela signifie que je me trompe, que je fais une erreur et qu'en plus je vais me ramasser ? A-t-elle seulement conscience de la bêtise de ses propos ? Au moins a-t-elle conscience que je n'écouterai pas ses conseils et c'est en lisant cette phrase : « je sais très bien que tu ne suivras aucun conseil que quiconque pourra te donne » et celle qui suit que je ravale ma bouffée de colère. La suite de son discours ne m'atteint que peu tant il ne semble pas me concerner : je n'ai aucune envie d'avoir le monde à mes pieds, aucune envie non plus de déclarer la guerre à tout ceux qui se dressent contre moi ; pour tout dire, je me fiche du monde, je me fiche des autres. Je veux seulement vivre ma vie et que l'on me laisse en paix, voilà tout.

Je replis son courrier en soupirant, fatiguée de sans cesse parler avec des gens incapables de m'écouter. Cette lecture me laisse dubitative. Un mélange de colère fatiguée et d'une joie enrobée de fierté à l'idée qu'elle m'ait envoyé son article et que mes conseils l'intéressent. Je prends la décision de ne plus penser à tout cela ce soir. Je retourne me coucher, traversant silencieusement les couloirs jusqu'à mon dortoir.

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5 octobre 2047


Je plie soigneusement l'article de Gaëlle Living et y joins le parchemin sur lequel j'ai rédigé une critique détaillée de son article. J'y décortique autant le fond que la forme et n'hésite pas à donner mon avis crûment sur certaines choses qui me déplaisent mais également sur ce qui m'a plu : je ne suis pas plus du genre à cacher mes observations négatives que mes compliments, ainsi ma critique contient-elle les deux dans une rédaction organisée en plusieurs parties et sous-parties. J'ai passé bien plus de temps pour ça et pour les recherches à propos du mythe de Dédale et Icare que pour la rédaction de la lettre en elle-même.

J'utilise une enveloppe pour l'article et ma critique, et une autre pour ma courte lettre.

Madame,

Ci-joint, une critique de votre article que j'ai trouvé intéressant à découvrir. Je vous renvoie également votre article dont je n'ai pas fait de copie, ainsi vous serez rassurée sur le fait que je ne compte pas le divulguer.
Si j'étais capable d'introspection, sans doute aurais-je su en écrivant ce passage-là que ses doutes concernant mon intégrité m'ont vivement blessée.
Je connaissais le magazine pour lequel vous travaillez pour avoir trouvé dans certains numéros des portraits qui ont attiré mon attention. Apprendre du parcours de certaines personnes est aussi important qu'apprendre dans les livres. Jeanne d'Arc est une femme qui ne s'est pas laissée arrêter par les barrières que le monde dressait pourtant entre elle et ses objectifs. Je n'ai pas autant d'admiration pour elle que vous mais je reconnais qu'elle a eu une vie impressionnante et que sa maîtrise des sortilèges prouve son intelligence.
Quel sera le sujet de votre prochain article ?

J'ai trouvé vos comparaisons étonnantes dans la suite de votre courrier. Ursula Parkinson puis Icare ? C'est comme ça que vous me voyez ?

Pourquoi vouloir contrôler le monde quand on peut déjà se contrôler soi-même ? Je n'ai pas la prétention de vouloir changer le monde, madame, ni même de vouloir qu'il me ressemble davantage. Je me contente de ce qu'il est et de ce que je peux lui prendre.

Vous me comparez à Dédale, pensant que mon ingéniosité pourra me sortir de n'importe quelle situation ou vous pensez que, comme Icare, mon ambition frôle la bêtise et que je finirai par me brûler les ailes ? Je connais le mythe de Dédale et Icare. Malgré son origine moldue c'est encore une histoire qu'on raconte aux enfants pour les dissuader de désobéir à leurs parents ou tout simplement pour les prévenir qu'à vouloir aller trop loin, on finit par se perdre. Mais je ne me perdrai pas et je n'ai pas l'intention non plus de poser des limites à mes ambitions.

Vous ne me connaissez pas, vous ne savez pas si je fonce dans un mur ou non. Je n'ai pas besoin d'entendre ces choses. Mais on ne peut pas dire que vous n'êtes pas acharnée, donc : non, je ne compte pas participer aux soirées de la SPP et me mélanger à ces pantins éméchés immatures qui se moquent de tout, mes projets pour l'an prochain consistent à intégrer l'AESM, l'école est fidèle à elle-même et enfin, je ne suis pas venue prendre le thé car j'en avais aucune envie.
Qu'ajouter de plus ? Je suis lourde d'une colère sourde qui n'est que le résultat de ma fierté blessée : je déteste que l'on me dise quoi faire ou que l'on me donne des conseils déplacés. Peut-être aussi que cela me déplait autant car elle n'est pas la première à me les donner et que je n'ai pas du tout envie de penser à celle qui l'a fait avant elle. Malgré tout, j'éprouve une certaine réticence à terminer ce courrier ainsi, sachant d'avance que je vais attendre et encore attendre sa réponse tout en me désespérant de le faire. Je devrais certainement brûler cette lettre et toutes les siennes et oublier son existence. Elle m'oublierai aussi de toute manière. Il suffit que je cesse de répondre pour qu'elle cesse de m'écrire, je le sais, j'en suis persuadée. Pour le prochain courrier, c'est ce que je ferai.

Oui, c'est ce que je ferai. En attendant :
Aelle Bristyle
En attendant, je me contente d'une simple signature. Après avoir envoyé un hibou de l'école direction de Delnabo, j'entreprends de noyer toutes ces choses que je pense et que je n'ai pas dites et de faire comme si elles n'avaient jamais existé. Je n'ai pas envie de dire à Gaëlle Living comment je me sens, pas envie non plus de me confier à propos de mes quelques soucis.

Je n'en ai pas envie et surtout pas besoin.

04 mars 2023, 23:39
 PV  L'algue alpague
Aux alentours du 10 novembre 2047,


Ma mère a été assez occupée au début du mois d'octobre. Elle a toujours quarante projets qu'elle mène à la fois, des idées qui fourmillent dans sa tête, comme d'habitude, mais cette fois, c'est encore pire. Un de ses collègues a démissionné et elle a eu beaucoup d'articles à reprendre pour pouvoir sortir le numéro suivant de son magazine dans les temps. A la maison, elle a beaucoup de travail aussi, Ethan est en pleine crise d'adolescence alors avec P'pa je crois qu'ils se disputent souvent quant à la façon de l'élever... en même temps, ils n'ont jamais eu à éduquer un gamin de plus de 11 ans, au quotidien, alors ils ont beau avoir eu de nombreux enfants avant lui, mes parents sont démunis et se fâchent beaucoup.

M'man m'écrit moins. Elle me dit les choses honnêtement, et puis on en a discuté avec Gwen aussi, actuellement en dernière année à Poudlard, on sait ce qui se passe à la maison. Elle a toujours été très franche avec nous, préférant dire les choses plutôt que de voir éclater violemment des non-dits quelques années plus tard, devant l'incompréhension générale. Et là, elle nous a clairement expliqué qu'elle était fatiguée, et nous a demandé de ne pas lui tenir rigueur de ses retards de réponse à nos hiboux. Je ne lui ai pas encore dit qu'il va m'être impossible de rentrer au château pour les vacances de Noël, ça me déchire un peu le cœur, mais je n'ai pas le choix. Je trouve ça assez cruel, on voit déjà tellement peu nos familles, pourquoi faire venir nos correspondants AMICO pile à cette période de l'année ?

Aussi, si M'man a moins de temps pour nous écrire, elle n'en a clairement plus pour Aelle. Alors la réponse à sa lettre tarde pas mal avant d'arriver.


Aelle,

Tu pardonneras mon retard je te prie, j'ai une vie... lessivante, oui on peut dire ça. Merci pour ta critique, je l'ai évidemment lue avec attention et, si tu lis l'article final, tu remarqueras que certaines de tes remarques ont été prises en compte. Le prochain article porte sur un homme, je pense que par principe cela t'intéressera moins. Mais si tu veux, je pourrai te l'envoyer quand même.

Oh, non, Aelle, je te compare simplement à Icare. Je te mets néanmoins en garde, car si tu te brûles trop les ailes, tu peux facilement t'orienter vers une voie dangereuse. D'où l'évocation d'Ursula Parkinson. Dédale, Icare, au fond, tu es un peu des deux... Le bon, comme le mauvais. Dédale s'en est sorti grâce à son ingéniosité, mais seul, brisé. Icare a eu une vie remplie de tout ce qu'il désirait, a suivi sa propre route sans considérer les autres, et son chemin s'est arrêté rapidement.

Est-ce que tu ne te sens jamais seule, voire incomprise ? Si tu ne fais que prendre au monde, ne vas-tu pas un jour le trouver fade et sans saveur ? Il n'aura plus rien à te donner de nouveau, tu auras déjà consommé toute la maigre partie qui t'intéresse à son propos. En lui laissant sa chance, tu verrais les milliers de choses merveilleuses qu'il cache. En le considérant déjà avec autant de dédain, tu ne feras que t'en lasser. Parce que tu n'auras fait que te servir, sans chercher à le comprendre, à y apporter ton grain de sel, et alors le monde ne t'appartiendra pas, il ne sera qu'aux autres, et les autres ne sont pas toi, alors tu te sentiras perdue et agacée, comme si tout était fait contre toi. Ainsi, à tes yeux, les autres seront des problèmes, des étrangers incompréhensibles et inintéressants. Et tu seras la seule personne raisonnable de ce bas monde.
Mais, si tu n'appartiens pas au monde, alors tu risques de voir beaucoup de problèmes autour de toi, quand le problème sera possiblement toi. Non pas que tu sois un problème en soit, ne me fais pas dire ce que je n'ai pas pensé. Simplement, tes attentes vis à vis du monde seront problématiques. Tu sais, j'ai peur qu'à trop vouloir t'isoler tu finisses par te lasser, et souffrir de solitude, en remplissant ton coeur de haine et de mépris. Que cette colère des autres te bouffe. Tu devrais essayer de te confronter aux autres, d'apprendre d'eux, et alors tu cesseras de vouloir te contrôler toi-même et tu commenceras à profiter avec plaisir des choses et des gens qui t'entourent. Tu sais, ce n'est pas grave de relâcher la pression de temps à autres. On y prend goût, au fond.

Effectivement, je suis acharnée, c'est une de mes nombreuses qualités de Gryffondor, on peut dire que nous partageons cela toi et moi, Aelle. Si le thé de Poudlard manque de saveur, un jour, dis-le moi, je te reproposerai de venir, nous discuterons seules. Tu es intéressantes, nous aurions à apprendre l'une de l'autre je crois.

Effrontée que tu es, je te mets en garde : ne me réponds pas pour me dire que tu refuses ma proposition. Si un jour l'envie te prend, tu sais où m'écrire. Tu me vois peut-être comme une femme étrange, une mère poule, une pipelette, une sorcière de basse catégorie, mais je ne suis pas que cela. J'aime la littérature, l'histoire, les gens, les créatures, les balades en balai, la couture, et surtout, j'aime les sortilèges. Nous pourrons parler de ces choses également. Pas uniquement de morale et de bien-pensance.

Magiquement, amicalement,
Magicalement,

Gaëlle

7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME

15 mars 2023, 11:17
 PV  L'algue alpague
Évidemment que je me suis procurée le dernier exemplaire de L'ère des anciens. Pour cela, je n'ai pas perdu de temps à traîner dans les couloirs ou la Salle commune en attendant qu'un élève abandonne son exemplaire du magazine. Non, j'ai envoyé un hibou, ajouté quelques noises à ma commande, et j'ai demandé que l'on m'envoie le numéro en question. Je voulais lire la version finale de l'article de Living. Quelle surprise lorsque j'y ai aperçu les changements que je lui ai proposé de faire ! Je ne pensais pas qu'elle prendrait en compte mes remarques. Je croyais qu'elle lirait mon retour et qu'elle se dirait : « Mh, oui, de toute façon ce n'est pas une gamine imbue d'elle même et qui fonce dans un mur qui va m'apprendre à faire mon métier ». Mais non, elle m'a écoutée, elle a pris en compte mes propositions. Et ceci, plus que le souvenir désagréable des mots dont elle m'accable avec ses courriers, a quelque peu apaisé la colère que je ressens pour elle depuis qu'elle m'a dit la première fois, dans son salon à Delnabo, tout ce qu'elle pensait de moi et de mon comportement.

J'ai attendu sa lettre avec une drôle d'impatience teintée d'appréhension. Je savais qu'elle finirait par me répondre mais j'espérais quelque part qu'elle ne le fasse pas pour que je puisse dire : enfin, elle abandonne, elle me prouve que sa détermination ne vaut rien. Et je n'ai pas eu à attendre longtemps avant que tous mes ressentiments pour Gaëlle Living me reviennent en pleine face. Ma rencontre avec Elowen et Noestlinger dans la tour d'Astronomie m'a fait haïr la Serdaigle et par extension, sa mère. Il n'était plus question de lettres ou d'articles. Une seule chose tournait en boucle dans mon esprit : elle m'a frappée, elle m'a frappée, elle m'a frappée. Par deux fois. Lorsque j'y pense, ma colère prend des proportions énormes. Je la hais ! Je la hais comme j'ai rarement haï dans ma vie. Avec une froide colère et une violence qui me fait perdre la tête.

Alors la mère, je ne voulais plus en entendre parler.

Il y a eu les entraînements avec Nerrah et Macbeth, la visite de l'ISDM, les cours, les devoirs, les recherches toujours aussi prenantes, ma vie dans laquelle je me suis plongée avec une ardeur toute nouvelle. J'ai fait semblant d'oublier que Living devait m'écrire, fait semblant de ne pas voir Elowen quand je la croisais dans les couloirs, j'ai fait comme si sa vision ne me donnait pas envie de lui arracher le moindre sourire que je voyais sur ses lèvres.

Aujourd'hui encore je fais semblant. Je travaille pour ne pas penser. Je fronce les sourcils pour ne pas pleurer. Et je fais comme si ce début d'année n'était pas absolument catastrophique. J'essaie de garder le cap, de ne pas penser au siège directorial qui accueille un corps qui n'est pas le sien, de ne pas songer au fait que Sarah Priddy m'ait dit : « Vous connaissez le chemin qui mène à mon bureau, vous y serez la bienvenue ». Et pour lui dire quoi ? Pour lui raconter Elowen, la directrice, mon travail, la pression sur mes épaules ? Pour lui raconter mes cauchemars, les réveils matinaux de plus en plus difficiles, l'épuisement suite à mes entraînements magiques ? Non, hors de question. Je la fuis autant que possible, tout comme je fuis Elowen, comme je fuis le souvenir des courriers échangés avec Gaëlle Living, persuadée que jamais plus elle ne me répondra.

Pourtant, la lettre finit bel et bien par arriver un froid matin de novembre. Le petit déjeuner est aussi sérieux que d'habitude : je songe au déroulé millimétré de ma journée. Boucler mes devoirs pour la nouvelle semaine, m'entraîner dans le parc avec Zikomo et Nyakane, aller à la bibliothèque pour étudier certains livres que j'ai repérés, mettre de l'ordre dans mes affaires au dortoir. Lire une lettre ne faisait absolument pas partie de mes projets, pourtant elle est arrivée, toujours déposée par le même hibou.

C'est un drôle de sentiment qui m'envahit lorsque Maïwenn se pose devant moi, entre le pichet de jus de citrouille et mon assiette d'oeufs brouillés. Je pose doucement ma fourchette, mon coeur tambourine, ma respiration s'entrecoupe. La douleur que je ressens est familière. Elle m'étouffe et me noue la gorge. Elle est liée à Elowen et au souvenir de ce que nous avons vécu il y a plus d'un mois. Je déglutis péniblement sans pouvoir m'empêcher de me demander : pourquoi ? Pourquoi me répond-elle, pourquoi continue-t-elle de m'écrire ? Pour se plaindre de moi, parce qu'Elowen lui a tout raconté ? Oui, certainement. Elle va encore me faire la morale, et cette fois-ci je vais lui dire de me lâcher la grappe. J'en ai soupé des Livingstone.

Je décachette la lettre, j'ouvre le parchemin. Je lis d'une traite. D'un bout à l'autre. Les doigts crispés sur le papier, le souffle coupé et l'injustice hurlant dans ma tête.

Les mots de Gaëlle Living ont deux effets drôlement différents sur moi : il y a certaines phrases qui m'envoient des uppercut dans le coeur tandis que d'autre me laissent tellement de marbre que j'en viens à croire qu'elles ne m'intéressent pas. C'est l'effet que me fait son courrier. J'ai envie de lui cracher au visage sans répondre et en même temps de lui expliquer en détail tout ce que je pense d'elle — et ce ne sera pas agréable. Rien dans sa lettre me donne envie de m'attarder à cette lecture et la morale qu'elle me fait m'étouffe encore plus que les autres fois. Ses grands mots sur la colère, la solitude, le monde, les autres... Elle ne sait rien, elle ne comprend rien. Elle pense me connaître et avoir deviné comment je pense et je vis mais la vérité c'est qu'elle persiste dans son acharnement idiot sans ne rien savoir de moi.

J'enfonce brusquement parchemin et enveloppe tout au fond de mon sac et m'accroche à ma fourchette pour ne pas laisser mes émotions m'envahir. Ce jour-là, impossible de me dérider ou de me concentrer : la colère prend toute la place, celle qui rend insupportable la moindre tentative que font les autres pour s'immiscer dans ma vie privée.

Les semaines passent, longues et monotones. Je n'oublie pas la lettre mais je m'efforce de ne pas y songer. Elle reste au fond de mon sac, je ne la lis pas, ne l'ouvre pas, je n'y touche même pas. Les semaines passent et mes grandes émotions s'apaisent. L'arrivée d'Araya est imminente, mon quotidien reprend le dessus. La lettre perd de son importance et son emprise sur moi diminue donc légèrement. Néanmoins, il me faut un bon mois avant d'oser l'ouvrir de nouveau et me pencher sur la lecture.

Pour dire la vérité, certaines parties de ce courrier me plaisent. J'apprécie qu'elle parle de sa vie lessivante sans pour autant détailler son quotidien de mère pour lequel je n'éprouve aucun intérêt. J'apprécie également qu'elle mentionne son travail, son futur article — qui portera sur un homme donc ; et pourquoi donc cela m'intéresserait-il moins que s'il s'agissait d'une femme ? Je ne sais pas pourquoi elle est partie de ce principe.

Je relis les paragraphes du milieu sans éprouver autre chose qu'une gêne qui s'apparente énormément à de la colère. Un mois est peut-être passé mais le souvenir de cette leçon qu'elle essaie de me faire me crispe et me brusque. Je ne supporte pas qu'elle se permette de me dire de telles choses. C'est une chose que Sarah Priddy me partage des éléments personnels de sa vie pour me faire passer un message, une chose qu'elle m'offre un vieil exemplaire d'un conte que je connais déjà pour me forcer à croire comme elle, une chose encore qu'elle me propose de venir dans son bureau — elle est ma professeure après tout et je me sens malgré tout plus proche d'elle que je côtoie toutes les semaines que de Living qui est la mère de mon ex-petite-copine. C'est une chose également que l'ancienne directrice m'ait eu fait la morale, avec ses grandes paroles, ses grandes recommandations : je ne peux peux lui enlever le fait qu'elle n'a jamais cherché à m'imposer sa façon de voir les choses — elle m'a juste refusé un apprentissage et un au-revoir dans les formes car elle était sans doute trop déçue de moi.

Mais que l'on me dise tout ce que Living me dit... « Que cette colère des autres te bouffe », « Tu devrais essayer de te confronter aux autres, d'apprendre d'eux », « ce n'est pas grave de relâcher la pression de temps à autre », ça me donne envie de lui répondre en lettres capitales : « LAISSEZ-MOI TRANQUILLE ». En espaçant bien les lettres : T R A N Q U I L L E. Pour qu'elle comprenne bien. Pour qu'elle se l'enfonce dans le crâne : elle n'a rien à me dire, rien à me faire comprendre, rien à m'apprendre. Je ne suis plus une gamine à laquelle les adultes, peu importe leur origine, peuvent faire la leçon tout simplement parce qu'ils ont un pouvoir sur elle. Je suis une adulte, moi-aussi, l'an prochain je me tire de cette école et je vivrai ma vie. Peu importe que ses mots résonnent en moi, tout comme ceux de Priddy ou de ma directrice, peu importe le fait que je sois au courant de la vérité qu'ils portent en eux.

Je veux que l'on me laisse en paix, bordel. À quoi cela sert-il de faire de grandes leçons de moral si c'est pour m'abandonner après, hein ? À quoi cela sert-il de m'inviter boire le thé si c'est pour que je trouve porte clause lorsque j'aurais vraiment besoin de venir ? Que l'on me propose de venir dans son bureau si lorsque je veux m'y rendre sans un grand problème à soumettre à son occupante, on me repousse sans état d'âme ? Hein, ça sert à quoi, tout ça ? Des putains de mots en l'air, sans aucune consistance, des mensonges qu'elles se disent à elles-même. Les trois, là, ce sont les mêmes. Elles me mentent comme elles se mentent et le pire c'est qu'elles n'en ont même pas conscience. Elles se persuadent qu'elles sont sincères et je les trouve pitoyables parce que moi, une gamine de dix-huit, j'ai plus conscience qu'elles de la merde qu'elles me racontent.

Malheureusement, l'arrivée du courrier de Living a coïncidé avec celui que j'ai reçu de Sarah Priddy. Ce n'est qu'une conscience, et ce n'est qu'en relisant le courrier de la première au début du mois de décembre que je fais le lien avec celui de la seconde et que je fais le rapprochement entre leur deux mains tendues vers moi qui se ressemblent étrangement : la première m'invite à boire le thé dès que je le souhaite tout en me faisant la morale alors que la seconde me propose son bureau... Tout en me faisant la morale. La seule différence, c'est que la seconde a vu mes larmes et que la première a eu droit à ma colère. Le résultat reste le même : devant elle, j'ai ressenti un besoin très fort d'exploser quelque chose. Pour moi, c'est suffisant : je préfère rester loin d'elles.

Je ne réponds pas au courrier de Gaëlle Living.
J'ai une vie à vivre, moi, madame. Le mois de décembre file à toute allure et après mon anniversaire, après la mascarade du Noël des Poufsouffle, après ma rencontre avec ce foutu petit Brando, il y a l'arrivée de ma correspondante et cela me fait oublier absolument tout le reste.

— Fin —


La patience est une denrée rare, ma chère. Espérons que Gaëlle en soit dotée.